Contenu du sommaire : Les marqueurs du discours : approches contrastives
Revue | Langages |
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Numéro | no 184, décembre 2011 |
Titre du numéro | Les marqueurs du discours : approches contrastives |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
- Présentation : Les marqueurs du discours – approches contrastives - Amalia Rodríguez Somolinos p. 3-12
- L'introduction du pronom neutre dans les marqueurs médiatifs à verbe de dire de type Comme dit le proverbe / Como dice el refrán : étude sémantique contrastive d'une contrainte polyphonique - Jean-Claude Anscombre p. 13-34 Cette étude se propose de comparer les structures du type Comme dit le proverbe / Como dice el refrán du français et de l'espagnol pour ce qui est de l'introduction du pronom neutre objet. Selon la vulgate, cette introduction serait libre en français (Comme le dit le proverbe) et impossible en espagnol (*Como lo dice el refrán). L'examen de nombreux cas montre qu'en fait cette insertion peut être obligatoire en français (Comme (l'+ *ø) autorise la loi) et possible en espagnol (Margarita vendrá mañana, como te (ø + lo) prometieron sus padres). On montrera que cette introduction pronominale est en fait contrainte dans chaque langue par des règles liées à la structure polyphonique.The introduction of the neutral pronoun in evidential markers with verbs of saying like ‘Comme dit le proverbe' / ‘Como dice el refrán': a contrastive semantic study of a polyphonic constraint This study aims at comparing the structures from French and Spanish respectively Comme dit le proverbe / Como dice el refrán as far as the insertion of the neutral object pronoun le / lo is concerned. According to a common view, such an insertion would be totally free in French (Comme le dit le proverbe) and completely impossible in Spanish (*Como lo dice el refrán). A more careful examination shows that in fact the insertion can happen to be obligatory in French (Comme (l + *ø) autorise la loi) and perfectly feasible in Spanish (Margarita vendrá mañana, como te (ø + lo) prometieron sus padres). It will be shown that this pronominal insertion is in fact constrained in both languages by specific rules governing the polyphonic/evidential structure.
- Deux marqueurs en cause : puisque et puesto que - Camino Álvarez Castro, María Luisa Donaire p. 35-49 Nous abordons ici l'étude de puisque en français et puesto que en espagnol de façon contrastive à partir de l'étude d'un corpus étendu, littéraire et journalistique. Nous nous situons dans une perspective sémantique non référentialiste qui considère les connecteurs comme des marqueurs de stratégies énonciatives. Nous nous donnons un triple objectif : a) préciser la définition sémantique de puisque et puesto que à l'aide des notions de polyphonie et de stéréotype ; b) étudier leur comportement formel et mettre en lumière leurs propriétés sémantico-pragmatiques ; c) déterminer l'éventuelle existence d'une correspondance entre un certain comportement formel et certaines propriétés linguistiques. Nous serons ainsi amenées à postuler l'existence de trois entités sémantiques sous l'entité lexicale puisque et de deux entités sémantiques sous puesto que.“Puisque” and “puesto que”: two markers reconsidered This paper is based on an extensive literary and journalistic corpus, both in French and Spanish, and deals with the study of puisque and puesto que. We start from a non-referential semantic perspective that considers connectors as markers of enunciative strategies. The purpose of the study is three-fold: a) to improve on the semantic definition of puisque and puesto que by using the notions of polyphony and stereotype; b) to study their formal behaviour and shed some light on their semantic-pragmatic features; c) to explore the existence of a correspondence between their formal behaviour and their semantic-pragmatic features. This leads us to claim the existence of three semantic entities under the lexical entity puisque and two semantic entities under puesto que.
- L'italien ecco et les français voici, voilà. Regards croisés sur leurs emplois dans les textes écrits - Anna-Maria De Cesare p. 51-67 La présente étude aimerait combler une lacune dans la bibliographie en proposant une analyse des emplois de l'italien ecco et des français voici et voilà au sein de textes écrits non littéraires, en particulier de la presse quotidienne contemporaine. Une telle analyse est cruciale non seulement parce qu'elle éclaire le fait que ces items ont un comportement tout à fait différent à l'écrit et à l'oral, mais aussi parce qu'elle contribue à approfondir notre connaissance générale des formes qui ont un emploi déictique central.Italian “ecco” and French “voici”, “voilà”. A comparative perspective on their functions in written texts The aim of the present study is to fill a gap in the linguistic literature by providing an analysis of the functions of Italian ecco and French voici and voilà in non-literary written texts, in particular in contemporary journalistic prose. Such a study is crucial because it demonstrates that these items function differently in written and in oral communication while simultaneously deepening our knowledge of forms that have a central deictic use.
- Décidément et decididamente : une évolution à deux vitesses ? - Sonia Gómez-Jordana Ferary p. 69-90 Les adverbes français acquièrent une valeur pragmatico-énonciative plus tôt que leurs analogues espagnols, ce qui apparaît dans leur sens, plus subjectif, ainsi que dans leur position syntaxique. Nous défendrons ici pour l'adverbe français décidément l'existence de trois valeurs qui se succèdent dans le temps : un adverbe de constituant (juger si décidément et si cruellement), un adverbe de phrase gardant des traces de l'adjectif décidé (Non, non, décidément, je veux que tu t'en ailles), équivalant à ‘c'est décidé, je veux que tu t'en ailles'. Puis, un adverbe pragmatique, pouvant apparaître en position absolue, qui serait celui décrit, par exemple dans Ducrot et al. (1980), Décidément, ce n'est pas mon jour. Quant à l'espagnol, il présente uniquement deux valeurs. D'une part, l'adverbe de constituant, où decididamente est un adverbe de manière que l'on aurait pu accompagner d'un marqueur de gradualité : debemos seguir (muy) decididamente las causas de las viudas. Puis, un adverbe de phrase équivalant à definitivamente : ¿Conque decididamente vamos a Vitoria ?Décidément and decididamente: a two-speed evolution? Adverbs in French acquire a pragmatic-evaluative level earlier than they do in Spanish, as can be seen in their more subjective meaning and in their syntactic position. We establish, in this paper, three functions for the French adverb décidément, following one another in time. A clause element adverb (juger si décidément et si cruellement), a sentence modifier, akin to the French adjective décidé (Non, non, décidément, je veux que tu t'en ailles), an equivalent of ‘c'est décidé, je veux que tu t'en ailles'. And a pragmatic adverbial, which can be placed in initial position, as it is the case in Ducrot et al. (1980) Décidément, ce n'est pas mon jour. Regarding Spanish, the adverb presents only two functions. First, a clause element adverb, where decididamente is a phrase modifier. It can be preceded by an intensifier: debemos seguir (muy) decididamente las causas de las viudas. Second, a disjunct adverb, equivalent to definitivamente: ¿Conque decididamente vamos a Vitoria?
- Assertion de la vérité et engagement du locuteur : l'évolution de voirement et de vraiment en français (XIIe-XVIIe siècle) - Amalia Rodríguez Somolinos p. 91-110 L'article étudie l'évolution en français des adverbes modaux voirement et vraiment, depuis l'ancien français jusqu'au XVIIe siècle. Tant voirement que vraiment marquent le degré de vérité que le locuteur accorde à l'énoncé. Ils portent sur un énoncé p dont ils renforcent le degré de vérité et de certitude. Voirement est confirmatif, il reprend littéralement ou reformule des propos antérieurs. Il a également un emploi dialogal polyphonique : il renvoie à un point de vue que, réflexion faite, il vient confirmer. Malgré une parenté évidente, vraiment n'a jamais eu de valeur polyphonique ou confirmative. À la différence de voirement, il peut entrer dans des contextes réfutatifs. Plus fortement assertif que voirement, vraiment n'est pas réactif. Dans vraiment p, le locuteur asserte de façon emphatique la vérité d'un énoncé p à partir de sa conviction personnelle.Assertion of Truth and Speaker's Commitment: The Evolution of ‘Voirement' and ‘Vraiment' in French (12th-17th century) This paper studies the evolution in French of the modal adverbs voirement and vraiment, from Old French to the 17th century. Both adverbs make a comment on the degree of truth of the utterance as perceived by the speaker. They take an utterance p into their scope and reinforce its degree of truth and certitude. Voirement marks agreement, it points backwards and repeats literally or reformulates what has been previously said. In dialogue it may be polyphonic: it refers to a point of view which, on reflection, is confirmed. In spite of an evident link between them, vraiment has never had a polyphonic or confirmative function. Unlike voirement, it can appear in a context of disagreement. More strongly assertive than voirement, vraiment is not retroactive. In vraiment p, the speaker asserts emphatically the truth of an utterance p on the basis of his personal conviction.
- À la fin, in fine, au final : qu'est-ce qui fait la différence, finalement ? - Catherine Schnedecker p. 111-127 Cet article décrit les deux expressions in fine et au final – en contrepoint avec à la fin – et essaie de montrer en quoi la première, très ancienne, et la seconde, beaucoup plus récente, se rapprochent et se distinguent au plan morphosémantique (question du figement), syntaxiques (emplois en tant qu'adverbiaux verbaux vs d'énoncé) et discursif (genres d'occurrence et distribution) pour faire des hypothèses sur leurs valeurs sémantiques. In fine semble ainsi spécialisé, selon ses fonctions syntaxiques, dans l'expression d'une temporalité virtuelle « trouée » ou dans le contraste alors qu'au final marque une temporalité sériée et, au niveau du discours, signale que le locuteur dresse un bilan quantitatif ou qualitatif.À la fin, in fine, au final: what makes the difference, finally? This article describes the two expressions in fine and au final in counterpoint with à la fin and tries to show in what the first, very old, and the second, much more recent, are share properties at the morphosemantic (question of frozen process), syntactic and discursive (kinds of discursive genres of occurrence and distribution) levels. We hypothesize then that in fine seems thus specialized, according to its syntactic functions, in the expression of a virtual temporality or of contrast whereas au final marks a serial temporality and announces that the speaker proceeds to a quantitative or qualitative assessment.
- Sinon vs. Autrement : si proches, si loin... - Danièle Flament-Boistrancourt p. 129-146 Sinon et autrement sont capables d'exprimer au moins trois valeurs apparemment identiques : l'intensité, l'alternative et le changement de topique. Tous deux ne disent cependant pas ces trois valeurs de la même façon. Autrement s'inscrit toujours à l'intérieur d'un cadre où il dit un comportement hors-norme, d'où son rapport non pas à une gradabilité, mais à l'homogénéité et à des polarités positives. Si autrement appuie toujours une suite q sur un antécédent p textuellement restituable, il n'en va pas de même pour sinon qui, parce qu'il introduit une nouvelle évaluation faisant table rase de p, autorise toutes les ruptures : de l'énoncé à l'énonciation, de la langue à la métalangue, d'une orientation argumentative à l'orientation contraire. Des deux, sinon est le seul à pouvoir dire les vraies alternatives et oppositions : c'est un mâle (sinon/*autrement) une femelle.‘Sinon' vs ‘Autrement': Near-synonyms? So near and yet so far Sinon and autrement are apparently identical in being able to express three meanings: gradability, logical alternatives and topic change. It is shown that these two connectives do not express the three meanings in the same way, however. Autrement always implies a discourse frame within which the connective indicates an exception, which explains why autrement has more to do with homogeneity than with gradability and shows affinity with positive polarity. Sinon establishes a new assessment of a previous utterance, and in so doing marks a sharp discontinuity from it. As it is not lexically linked to that utterance, sinon can be semantically ambiguous, introducing elaborative or antithetical sequences, often non-predictive and moving easily from language to metalanguage. Of the two connectives, sinon is the only truly alternative one: c'est un mâle (sinon/*autrement) une femelle.