Contenu du sommaire : Les plantations dans le Pacifique Sud

Revue Journal de la Société des Océanistes Mir@bel
Numéro Tome 42, no 82-83, 1986
Titre du numéro Les plantations dans le Pacifique Sud
Texte intégral en ligne Accessible sur l'internet
  • Articles

    • Introduction. La Plantation : unité de production et creuset culturel - Michel Panoff p. 3-6 accès libre
    • La conquête et le déclin : les plantations, cadre des relations sociales et économiques au Vanuatu (ex Nouvelles-Hébrides). - Jean Guiart p. 7-40 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Commencée par des agents de sociétés commerciales australiennes, poursuivie par des colons français dépendant étroitement de la Compagnie Calédonienne des Nouvelles-Hébrides, puis de la Société Française des Nouvelles-Hébrides, Société d'économie mixte où l'État était majoritaire, ou des Comptoirs Français des Nouvelles-Hébrides, c'est-à-dire de la Maison Ballande de Bordeaux, ou de la Maison de Béchade, qu'ils entraîneront dans la ruine en 1929, la colonisation française n'a jamais réussi à s'implanter de façon définitive, ni à mordre sur autre chose que des zones côtières frappées par une dépopulation intense. Se faisant ouvrir constamment des crédits au-delà de la valeur même de la part de leurs domaines réellement exploitée, extrêmement instables parce que vivant de la spéculation sur des emprises en grande partie fictives, transférant régulièrement la plus grande partie de leurs gains en Australie par l'intermédiaire de la Maison Burns Philp, à laquelle ils vendaient les récoltes engagées par ailleurs auprès des sociétés commerciales françaises, les planteurs ont fini par devenir en fait pour la plupart les agents infidèles, mais non rémunérés, de ces dernières sociétés, elles-mêmes incapables de gérer les domaines qu'elles avaient ainsi acquis imprudemment, sans le vouloir. Le nombre de planteurs proprement dits n'a cessé de diminuer à partir de 1929, la colonisation française passant majoritairement aux activités de service et à la fonction publique, laissant la production mélanésienne devenir progressivement, d'abord majoritaire, puis enfin la seule force productive du pays. Dans l'intervalle, les relations entre planteurs et Mélanésiens ont relevé d'autre chose que d'une opposition sans nuances. Si la stratégie générale était claire — reprendre ce qui avait été perdu — les tactiques employées ont été diverses, et la période de co-existence pleine d'enseignements quant à la recherche constante d'adaptation des sociétés mélanésiennes, aussi quant à leurs capacités d'analyse de la situation et de manipulation des Européens les uns contre les autres, missionnaires contre planteurs en particulier.
      Colonization in Vanuatu started with Australian trading firms establishing outposts on Efate. Their managers were later superseded by French settlers closely linked first with the Compagnie Calédonienne des Nouvelles-Hébrides, then with the Société Française des Nouvelles-Hébrides, in which the French State held a majority of shares, or with trading firms such as Maison Ballande, from Bordeaux or Maison de Béchade. These firms will be involved in the crash brought about in 1929 by the planters' accumulated debt. French colonization never managed to take root permanently, nor to do otherwise than to cling to certain coastal areas having suffered from a severe depopulation process. The planters lived on very extensive credit lines opened with the French commercial firms, much beyond the potential sale value of the planted part of their land holdings. This produced great instability of tenure, as they lived in fact partly from land speculation on a fictitious domain, transfering regularly the greater part of their earnings to Australia, through selling their crops to Burns Philp although being heavily in debt to Ballande or de Béchade. After the 1929 crash, planters were left with little choice than being unpaid managers for the commercial firms which held the real title to their lands, while the same firms were devoid of the means, in manpower and capital, to operate plantations dispersed all over the group. The number of planters has in fact never ceased to diminish after 1929. French settlers slowly leaving the group or going over to tertiary activities and official employment, letting Melanesian production to become paramount. In between, the relations between planters and Melanesians have not been without some notable variations, tensions and opposition not being an inflexible rule. The strategy never faltered. Melanesians wanted to get back all they had lost. But tactics could vary, in a period of coexistence, characterised by a constant search for what adaptation was the best, for a more lucid analysis of each situation, for a way of manipulating Europeans and pitting them one against the other, in particular missionaries versus planters.
    • Indentured labour and the development of plantations in Vanuatu : 1867-1922. - Ron Adams p. 41-63 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Le sujet traité est le développement des plantations au Vanuatu pendant la période caractérisée par l'emploi d'ouvriers ni-Vanuatu sous contrat. Cette phase dura de 1867 à 1922, après quoi les planteurs recoururent aux Vietnamiens de manière croissante pour satisfaire leurs besoins de main-d'œuvre. Pendant la période considérée les Français s'assurèrent la domination de l'économie de plantation qui avait d'abord appartenu aux Britanniques, mais, comme ces derniers, ils furent toujours incapables de combler leur déficit de main-d'œuvre. De là suit que ni les planteurs britanniques ni les planteurs français ne réussirent jamais à établir la sorte d'hégémonie économique à laquelle ils aspiraient. Il y a plus, loin qu'elle crée une classe prospère de planteurs expatriés, l'histoire réservait à de nombreux planteurs un destin de pure subsistance sinon d'échec total, cependant que le rôle économique était joué de plus en plus par les ni-Vanuatu eux-mêmes.
      This paper examines the phase of plantation development in Vanuatu based on the employment of indentured ni-Vanuatu labourers, a phase which lasted from 1867 to 1922, after which planters turned increasingly to Vietnam to meet their labour requirements. During this period the French reversed the initial British domination of the plantation economy but, like the British, they were never able to close the gap between their labour needs and the labour supply. The result was that neither British nor French planters were ever able to establish the sort of economic hegemony to which they aspired. Indeed, far from the development of a prosperous expatriate planter class, what emerged for many planters was a pattern of mere subsistence survival if not total failure, with the key economic role in the group being increasingly assumed by the ni-Vanuatu themselves.
    • Passions et misères d'une société coloniale : les plantations au Vanuatu entre 1920 et 1980 - Joël Bonnemaison p. 65-84 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Dans son rêve de promouvoir aux Nouvelles- Hébrides une « colonie de peuplement » qui fut le pendant naturel de la Nouvelle-Calédonie voisine, la Résidence de France s'orienta pendant longtemps vers une politique de soutien à la petite et moyenne colonisation. Le Condominium franco-britannique ratifié au début des années 1920 ne semblait pas représenter un obstacle véritable : l'immatriculation des terres aliénées et l'importation à grande échelle d'une main-d'œuvre vietnamienne liée par des contrats de 5 ans devaient donner les moyens de cette politique. La crise économique de 1930 brisa ce rêve : le tableau que l'on peut faire à partir des rapports de l'époque révèle une société coloniale endettée, au bord de la faillite, dont le dynamisme est éteint et qui s'oriente vers une occupation du sol de plus en plus extensive. La plantation cesse alors d'apparaître comme le moyen d'affirmer la présence française dans l'archipel. La population mélanésienne eut de son côté des rapports variables avec cette colonisation. Les Mélanésiens s'ils étaient politiquement dominés n'étaient pas économiquement aliénés, de telle sorte qu'ils ne devinrent jamais complètement des prolétaires. Ils conservèrent de facto une certaine marge de manœuvre, dans le conflit comme dans l'alliance, avec l'univers blanc des plantations coloniales.
      For a long time some members in the French Residency in Port Vila dreamed of promoting in the New Hebrides a "settlement colony" that would be a sort of extension of nearby New Caledonia. To this end they supported small and medium-size European plantations. The Anglo-French Condominium which was ratified in the early 1920's was not seen as an obstacle: the registration of alienated land and the introduction of indentured Vietnamese labour on a great scale would provide the means of implementing this policy. The great depression of 1929-1930 put an end to this dream. The picture we can draw at this period shows a colonial society in great indebtness, often close to bankruptcy, whose dynamism had been weakened and which turned to a much more extensive use of land. Plantations, then, ceased to appear to be a means of furthering the French presence in the archipelago. Melanesian society on the other hand had various relations with these settlers. Melanesians were politically dominated but were not economically alienated, so they never became truly proletarians. They kept their leeway in conflicts as much as in alliances with the white world of colonial plantations.
    • Des créoles sucriers en Nouvelle-Calédonie ou l'échec d'une économie de plantation (1859-1880). - Alain Saussol p. 85-94 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      La seule véritable tentative de création de grandes plantations en Nouvelle-Calédonie correspond à la phase d'immigration Bourbonnaise, entre 1860 et 1880. Il s'agissait d'implanter des «habitations» sucrières et des moulins en vue d'exporter du sucre vers l'Australie. Entre 1865 et 1875, pendant dix ans, la canne s'étend et les sucreries se multiplient dans le sud-ouest de la Grande Terre. De grandes exploitations se constituent avec une main-d'œuvre indienne importée de La Réunion. Mais les aléas climatiques et pédologiques, l'insuffisance de main-d'œuvre et de capitaux, la concurrence de l'élevage, contrarient l'essor de cette spéculation, à laquelle l'insurrection de 1878 porte un coup fatal. Désormais, jusqu'à la fin du siècle, la canne ne sera plus qu'une des cultures des concessionnaires pénaux et sa production entrera dans l'autarcie du Bagne calédonien.
      The only real attempt to establish large plantations in New Caledonia is linked with the period of immigration from Réunion between 1860 and 1880. Sugar-growing centres and mills were set up with the aim of exporting sugar to Australia. Over the decade 1865-1875 cane-growing expanded and sugar mills sprang up in the south-west part of New Caledonia. Large plantations were established with Indian labour imported from Réunion. But the unknown factors of climate and soil, shortages of labour and capital, and competition from cattle-grazing worked against the success of this Venture, while the 1878 insurrection dealt it its death-blow. From then on to the end of the century sugar-cane growing was confined to the farms of convict concessionaires. The production of sugar became part of the closed economy of the Caledonian penal establishment.
    • Les planteurs gagnaient-ils beaucoup d'argent ? Le cas de la Nouvelle-Bretagne de 1890 à 1914. - Michel Panoff p. 95-107 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      tats étaient plutôt déficitaires dans la généralité des cas et, au mieux, se comparaient défavorablement à ceux d'autres entreprises. Comment s'est-il donc trouvé des hommes pour devenir planteurs malgré tout? Les uns ignoraient la comptabilité la plus élémentaire, les autres passaient outre obstinément, mais tous méconnaissaient également la logique économique. Comme les Sudistes américains d'avant la guerre civile qui se cramponnaient à l'esclavage malgré sa faible rentabilité, les planteurs de Nouvelle-Bretagne obéissaient, pour la plupart, à des motifs sociaux et symboliques. Paradoxalement, c'est dans la modicité des profits qu'une critique rigoureuse du système des plantations trouvera ses arguments les plus sévères. Quelques exemples sont empruntés à la situation des planteurs aux Nouvelles-Hébrides pour des besoins comparatifs.
      Time-honored protests by missionaries and modern ideological attitudes have induced many people to believe that planters used to make big money at the turn of the century. Through examining their business papers and through calculating average costs of production per ton of copra and per hectare of plantation land one has to realize the assumption was wrong. If those very large plantations that belonged to the most powerful companies are not considered, plantation businesses usually tended to lose money. Other entrepreneurs were more successful. How could it happen that quite a few settlers nevertheless embarked on such ventures? The answer is inescapable: either they were not able to do any basic cost-and-benefit analysis of their own businesses, or they consistently managed to ignore it. In both cases economic rationality was irrelevant. Not unlike so many Americans in the antebellum South who stuck to slavery in spite of economic failure, New Britain planters were looking for prestige and social assets rather than money. This philosophy of life was bound to make the plantation system harsher to both Melanesian land-owners and Melanesian labourers. For comparative purposes a few examples are taken from the New Hebrides too.
    • German New Guinea: a reluctant plantation colony ? - Peter Sack p. 109-127 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      La thèse de l'auteur est la suivante : l'introduction, la persistance et la prépondérance des plantations en Nouvelle-Guinée allemande dépendirent moins de considérations économiques que de facteurs idéologiques, politiques et sociaux. La Nouvelle-Guinée allemande devint une colonie de plantation non parce que les plantations formaient l'instrument le plus profitable de l'exploitation économique, mais parce que des plantations organisées comme des garnisons offraient aux colons européens un style de vie enviable et leur permettaient d'obtenir et de garder une main-d'œuvre mélanésienne rétive. Le darwinisme social adopté comme idéologie colonialiste qui favorisait les plantations, permit aux colons de choisir une certaine agriculture commerciale qui leur convenait. Que n'aient été atteints ni le maximum de bénéfices économiques ni le minimum de coûts humains, voilà qui n'entrait pas dans les principales visées des planteurs.
      This paper argues that the arrival, survival and dominance of plantations in German New Guinea were not so much the result of economic as of ideological, political and social factors. German New Guinea did not become a plantation colony because plantations were the most profitable tools of economic exploitation, but a garrison-type of plantation evolved because it offered European settlers a desirable life style and because it enabled them to obtain and maintain an unwilling Melanesian labour force. A social Darwinist ideology of colonialism, which favoured plantations, permitted European settlers to adopt a certain form of commercial agriculture because it suited them, although it neither maximised the economic benefits nor minimised the human costs of 'development'.
    • Plantations, politics and policy-making in Papua New Guinea 1965-1986 - Mark M. Turner p. 129-138 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      A l'approche de l'indépendance en 1975 l'avenir des plantations, leur propriété notamment, devint un problème politique majeur. Pour désamorcer les pressions politiques populaires le gouvernement lança un projet de redistribution des plantations au profit des propriétaires fonciers coutumiers. Bien que ce projet fût un succès sur le plan politique, il fut suspendu en 1979 car il échouait sur le plan économique. Une politique nouvelle pour les plantations ne réussit pas à se concrétiser, mais la question de la propriété foncière fut retirée de l'échéancier politique. Les gouvernements qui se sont succédé ont néanmoins favorisé l'extension des plantations soit directement en encourageant le modèle de « domaine nodal » soit fortuitement par le système de lease-back sur des blocs de 20 hectares. Quand la politique du gouvernement autour de 1984-85 remit à l'honneur la croissance, il apparut que les plantations et les capitaux étrangers retrouveraient un rôle important selon les déclarations officielles. Il est intéressant de noter qu'en 1986 certains politiciens provinciaux se sont opposés énergiquement au recrutement de main-d'œuvre pour les plantations, en même temps qu'au niveau local la revendication d'un retour de la terre au régime coutumier est souvent prête à surgir dans les régions de plantations.
      With the approach of independence in 1975 the future of plantations, especially their ownership, became a leading political issue. In order to defuse popular political pressure the government introduced a scheme to redistribute plantations to the customary landowners. Although this scheme was a political success it was suspended in 1979 due to economic failure. A new policy on plantations failed to materialize but the question of ownership was removed from the political agenda. Successive governments have neverthless promoted plantation expansion either directly through the promotion of the nucleus estate model or accidentally through the 20 hectare/lease-leaseback scheme. With development policy in the mid-1980s returning to an emphasis on economic growth the government appears to have reaffirmed the important role of plantations and foreign capital in that growth. Interestingly in 1986 strong opposition to plantation labour recruitment has emerged from some provincial politicians while at the local level the demand for the return of customary land is seldom far below the surface in some plantation areas.
    • Plantations sans planteurs : les cultures spéculatives dans les Établissements Français de l'Océanie. - Pierre-Yves Toullelan p. 139-151 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Au cours de la seconde moitié du XIXe siècle, le royaume des Pomare, devenu protectorat, puis colonie française, se transforme en un centre d'exportation de produits agricoles (coton, vanille, coprah). Malgré de nombreuses crises et des échecs retentissants, l'essor est spectaculaire. Il est lié dans un premier temps à la création d'une grande plantation de plus de 1 000 hectares, à Tahiti. Mais cette société fait faillite et aucune autre ne prend le relais, l'accès à la propriété foncière s'avérant trop aléatoire en dépit d'une politique coloniale qui entend battre en brèche la propriété coutumière. L'échec de l'immigration explique aussi l'insuccès des plantations européennes : moins de trois cents « planteurs » mettent en valeur la terre en Polynésie, encore n'est-ce le plus souvent qu'une activité secondaire, à court terme, dans un but purement spéculatif, si l'on excepte le groupe des usiniers. Les producteurs sont donc les Polynésiens. A défaut du travail salarié, jamais admis, ils développent de petites plantations qui vont cependant disparaître au début de ce siècle, devant les grandes cocoteraies que met en place la grande bourgeoisie demie.
      During the second half of the 19th century the Pomare kingdom which became a French protectorate and then a French colony, turned into a centre for the export of cotton, vanilla and copra. In spite of numerous crises and conspicuous failures the development was spectacular. In the first period it was linked with the establishment of a large plantation of more than 1,000 hectares in Tahiti. But this firm went bankrupt and it was not taken over by any other, since access to land ownership proved too uncertain in spite of a policy aimed at demolishing customary tenure. The failure of immigration also contributed to the lack of success of the European plantations: less than 300 "planters" developed the land in French Polynesian, and for most of them as a secondary short-term activity for speculative purposes, except for the mill owners. The producers, then, were Polynesians. Instead of working for wages, which they never accepted, they developed small plantations which were, however, to disappear at the beginning of this century in favour of large coconut plantations established by upper middle-class «demis».
    • The development of ethnic identity and ethnic stereotypes on Papua New Guinea plantations. - Ann Chowning p. 153-162 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      La partie du monde qui comprend la Papouasie-Nouvelle-Guinée est réputée pour sa diversité linguistique. On peut supposer que la période précédant la pénétration européenne a connu une diversité culturelle au même degré. Celle-ci a été grandement réduite pendant les dernières décennies par une politique délibérée des missionnaires et des administrations éliminant des coutumes jugées choquantes, ainsi que par l'adoption volontaire d'objets et de pratiques d'origine étrangère que l'on plaça au-dessus de sa propre tradition. En même temps, pourtant, des sociétés voisines se sont amalgamées en groupements qui sont perçus comme partageant des traits qui distinguent leurs membres des gens appartenant à d'autres «entités ethniques». Cette unification résulta pour partie de l'établissement de frontières souvent artificielles par l'Administration coloniale et par les missions qui poussa les gens vivant à l'intérieur à se reconnaître une certaine identité en commun. Mais il semble qu'un facteur plus puissant en fut l'expérience de la plantation. Les recruteurs de main-d'œuvre et les gérants de plantations contribuèrent largement à ces regroupements inédits. Ils eurent tendance à élaborer des stéréotypes sur les gens de régions déterminées et leur décision de les recruter ou de les refuser en fut affectée. Les régions en question furent baptisées de noms qui s'étaient peut-être appliqués initialement à un lieu beaucoup plus petit. La pratique générale de faire cohabiter les hommes d'une même région et de les affecter à des tâches similaires renforça cette identité collective. Les oppositions traditionnelles entre villages disparurent souvent lorsque les recrues furent confrontées à des gens qui étaient très différents d'elles sur le plan culturel ou physique. L'équivalent du mot pidgin wantok (dérivé de « même langue »), désignant d'abord ceux qui avaient langue et culture en commun, fut étendu à tous ceux qui se ressemblaient davantage que les autres que ces situations nouvelles obligeaient à côtoyer. Les similitudes culturelles furent mises en relief et parfois supposées exister quand bien même elles étaient sans fondement. De même que les travailleurs en vinrent à éprouver un sens nouveau d'unité avec leurs anciens ennemis, de même ils reconnurent l'unité des groupes différant d'eux-mêmes et se trouvant sur la même plantation ou dans son voisinage. Les stéréotypes sur tels ou tels gens comprenaient non seulement des idées sur leurs pratiques culturelles mais aussi sur leur nature (salaces, agressifs ou impitoyables). Tous n'étaient pas négatifs, mais les plus usités l'étaient, et ils jouèrent ultérieurement un rôle dans l'histoire des relations inter-ethniques. Bien que l'expérience de la plantation fût la source d'amitiés durables par-dessus les barrières ethniques et contribuât à répandre idées et coutumes d'une culture à l'autre, l'apparition et le renforcement de barrières entre nouveaux regroupements de sociétés voisines furent des conséquences également importantes.
      The region that includes Papua New Guinea is famous for linguistic diversity. For the period preceding European influence, it is probably safe to assume that this linguistic diversity was accompanied by an equal degree of cultural diversity. Much of this latter has been reduced in recent decades, both because of policies on the part of missionaries and government officials eliminating customs they found offensive, and because of the voluntary adoption of foreign items and customs considered superior to traditional ones. At the same time, however, neighboring societies have amalgamated themselves into groupings that are viewed as sharing features that distinguish their members from people belonging to other "ethnic units" within Papua New Guinea. Some of this amalgamation resulted from the often artificial boundaries employed by the colonial administration and by missions, which led those within their compass to accept a measure of common identity. It seems, however, that a more powerful factor was the plantation experience. Labor recruiters and plantation managers were responsible for a considerable part of the new groupings. They tended to develop stereotypes about people from particular regions, and these influenced decisions to seek them out or avoid recruiting them. The regions were labelled with terms, which might originally have applied to a small area. The common practice of housing together men from the same region and of assigning them to similar tasks led to further consolidation of a joint identification. Traditional antaganisms between villages often vanished when the recruits were confronted with people who were culturally, or physically, very different. The equivalent of the Pidgin term wantok (from "one talk"), originally designating those who shared a language and culture, was extended to those who were more similar than others encountered in the new surroundings. Cultural resemblances were stressed, and sometimes assumed to exist when they did not. Just as the workers developed a new sense of unity with their former enemies, they also accepted the essential unity of other groups working on the same plantation or living near it. Stereotypes about such and such people included not only ideas about their cultural practices but about their natures — as aggressive, oversexed, callous. The stereotypes were not all negative, but those most often mentioned were, and they played a part in the subsequent history of relations between ethnic groups. Although the plantation experience also produced lasting friendships across ethnic barriers, and although it was a factor in the spread of ideas and customs between cultures, the raising and firming of barriers between new groupings of neighboring societies has been an equally important consequence.
    • Plantation networks, plantation culture: the hidden side of colonial Melanesia. - Roger M. Keesing p. 163-170 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Les plantations où les jeunes Mélanésiens sont allés pendant un siècle et qui assemblèrent diverses langues et traditions culturelles, ont peu intéressé les anthropologues jusqu'ici. Pourtant, selon la thèse de l'auteur, une culture de plantation, certes partielle mais remarquablement stable, s'est développée dans cet univers particulier, et des idées y ont été transmises et mises en commun, qui ont ensuite pris racine dans les diverses sociétés dont les travailleurs étaient originaires.
      The plantations to which young Melanesian men have been going for a century, which have brought together diverse languages and cultural traditions, have received little anthropological attention. Yet in the plantation world, it is argued, a plantation culture, partial but remarkably stable, has developed; and in this world ideas have been transmitted and shared, which then have taken root in the diverse societies from which workers came.
  • Miscellanées

  • Nécrologie

  • Comptes rendus

  • Livres reçus - p. 219 accès libre