Contenu du sommaire : I. Travaux
Revue | Travaux de linguistique |
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Numéro | no 58, 2009 |
Titre du numéro | I. Travaux |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
- Présentation : Panorama des emplois de comment en français contemporain - Estelle Moline p. 7-17 The introduction of this special issue provides a state of the art of the studies of the French manner WH word comment ‘how' and presents a survey of the large variety of uses of this polyfunctional item. Its uses in questions concern not only manner, quality and means, but also degree, quantity, results, ways of saying or the possibility of an event. Comment is also used in constructions typical for WH words (concessive, relative and exclamative uses). The notion of WH word is however insufficient to account for all uses of the item, so further investigation is needed.
- Comme / comment du latin au français : perspectives diachronique, comparatiste et typologique - Cyril Aslanov p. 19-38 La comparaison entre les langues romanes révèle une intéressante dissymétrie entre les langues qui utilisent le même mot pour l'expression du subordonnant « comme » et de l'adverbe interrogatif « comment » et le français qui prend soin de distinguer les deux fonctions à travers l'emploi de comment, clairement distinct de celui de comme. Cette dissymétrie vient s'ajouter à la liste des divergences entre le français et les langues de la Romania continua, et mérite d'être examinée dans une perspective diachronique, afin de tenter de dégager les implications structurelles de la spécificité française sur ce point précis de la non-correspondance entre l'expression de « comment » et de « comme ». Pour ce faire, l'auteur combine les axes diachronique (du latin archaïque au français moderne), comparatiste (latin par rapport aux autres langues indo-européennes ; latin tardif à travers ses diverses spécifications ; ancien français par rapport aux autres langues romanes attestées au Moyen Age ; français moderne par rapport aux autres langues romanes modernes) et typologique (certaines langues, par exemple l'arménien, exprime « comment » par la combinaison de « comme » et de « quoi ? »).The comparison between various Romance languages reveals an interesting dissymmetry between the languages that use the same word for the subordinating word ‘like' and the interrogative adverb ‘how?' and French, which makes a distinction between the two functions using a special word (comment) to express the modal question ‘how?' This dissymmetry, which is only one of the numerous divergences between French and the languages of the Romania continua, is worth to be investigated in a diachronic perspective. This paper aims to analyze the relationship between French comment and comme taking into consideration several states of language from Archaic Latin to Modern French, in order to describe the structural implications of the distinction between comme and comment in French. The approach combines a diachronic survey and a comparative approach, taking into consideration the interface between Latin and other Indo-European languages ; the various ramifications of common Romance; Old French as compared to other medieval Romance languages and Modern French vs. other Modern Romance languages. This survey of genetically related languages leads to typological considerations on the relationship between ‘how?' and ‘like'. In several languages, as in Armenian, for instance, the articulation between ‘what?' and ‘like' in the word ‘how?' is particularly obvious.
- Comment, manières d'être et manières de faire - Danièle Van de Velde p. 39-61 Cet article aborde deux problèmes concernant l'adverbe interrogatif comment. Le premier est celui de son ambiguïté entre une interprétation de manière (commune à son emploi comme substitut d'adjectif et d'adverbe de manière) et son interprétation de moyen. Le second est celui que pose l'impossibilité de remplacer par comment certains adverbes signifiant pourtant la manière. Les faits examinés conduisent à la conclusion que comment constitue un modifieur restrictif, permettant de passer d'un concept de genre (porté par un constituant N, V ou v) à un concept d'espèce de ce genre. Les cas où il est exclu alors qu'un adverbe de manière est possible sont des cas où, l'adverbe modifiant non pas un concept générique, mais déjà individualisé, il n'a pas de valeur restrictive.In this article I try to answer two related questions concerning the French adverb comment. First, comment has a manner interpretation as well as a mean / instrument one, a fact suggesting that there must be something common to both meanings. Second, in certain contexts some manner adverbs cannot be replaced by comment. Distributional and semantic data strongly suggest that comment is, in its two readings, a restrictive modifier, which applies to a generic concept (corresponding to a category N, V or v) to produce a specific one. This may explain why comment cannot fill the place of certain manner adverbs, namely those modifying an entire VP, where the concept corresponding to V is already restricted.
- Catégorisation de comment subordonnant - Florence Lefeuvre p. 63-88 Nous défendons ici l'hypothèse que comment subordonnant, issu d'emplois variés qui recoupaient largement ceux de comme en ancien français, connaît toujours une diversification catégorielle, oscillant entre des emplois de percontatif interrogatif, de percontatif exclamatif, d'intégratif (relatif sans antécédent), voire de complétif. Nous nous appuyons sur le corpus Frantext de 1998 à 2007, regroupant 401 exemples de comment subordonnant. Dans une grande majorité (87,75 %), les énoncés comportant comment relèvent d'un emploi percontatif interrogatif. Mais la possibilité pour comment d'apparaître dans des emplois intégratifs perturbe l'efficacité du test en comment et comme chargé d'aider à différencier les percontatives interrogatives des intégratives, notamment avec les verbes voir (voici / voilà), regarder ou raconter.The subordinating word comment is stemming from varied uses similar to those of comme in old french. We claim that its uses are still varied nowadays, as it can occur in interrogative clauses, exclamatory clauses, integrative clauses (relative clauses without antecedent), or even in completive clauses (substantival clauses). Our research is based on the literary corpus of Frantext (from 1998 to 2007) which gathers together 401 examples of the subordinating comment. The interrogative uses are widely the most frequent (87, 75 %), but the possibility for comment of being used in integrative clauses influences the efficiency of the test used to distinguish the interrogative clauses from integrative clauses, in particular with the verbs voir (voici / voilà), regarder or raconter.
- Comment narratif - Bart Defrancq p. 89-106 Cette contribution se concentre sur un emploi particulier de comment que l'on trouve derrière un nombre restreint de verbes, tels que raconter, expliquer, voir ou dans des titres d'ouvrages ou d'articles. Cet emploi est appelé « narratif », dans la mesure où comment y dénote une série de procès résumés par la proposition à laquelle il appartient. La recherche exposée vise à déterminer la nature de la proposition qui accompagne comment narratif. Il apparaîtra qu'elle est à rapprocher des interrogatives enchâssées telles que définies dans Defrancq (2005), même si certains emplois ne sont pas enchâssés. La recherche, essentiellement basée sur corpus, permettra également de passer en revue les différentes propriétés syntaxiques et sémantiques qui font de comment narratif un cas spécial parmi ces interrogatives enchâssées.This article focuses on a particular use of French interrogative comment in the context of verbs such as raconter, expliquer, voir or in titles of books or articles. This use is called “narrative” because comment denotes in these cases a series of processes summarized by the clause which it is part of. The research presented here is an attempt to determine the nature of the clause to which comment pertains. It is shown that the clause is a special kind of embedded interrogative as defined by Defrancq (2005), even though a considerable number of examples is not embedded. The main semantic and syntactic properties of the clause are studied on the basis of corpus examples which reveal its special nature.
- « Comment n'y ai-je pas songé plus tôt ? », questions rhétoriques en comment - Marianne Desmets, Antoine Gautier p. 107-125 Dans cet article nous proposons une analyse constructionnelle des phrases interrogatives en comment dotée d'une lecture rhétorique (IRC). Au plan syntaxique, la structure interrogative présente des restrictions inhabituelles dans ses propriétés d'extraction. Au plan sémantique, l'IRC est une question partielle portant sur les conditions d'accessibilité à un monde où le noyau propositionnel de l'interrogative (p) est vrai, et non sur la manière d'un prédicat de p. La présence d'indices contrefactuels contraint le champ des réponses possibles et déclenche une lecture rhétorique qui véhicule l'assertion non (modalité)p. La conjonction de propositions contradictoires (p et non (modalité)p)) provoque un conflit entre le monde des attentes du locuteur et celui dans lequel p est envisagée comme vraie ; conflit qui est le support d'attitudes émotives telles que la surprise ou l'indignation. Au plan pragmatique, les IRC sont des actes de langage complexes qui associent un commitment questionnant du locuteur à une demande adressée à l'interlocuteur de se commettre au déni de p.In this paper, we analyze rhetorical interrogatives clauses with comment (‘how' - henceforth IRC - as Constructions (in the sense of CG). Syntactically, IRC interrogative clauses display unexpected restrictions on long distance extraction. Semantically, IRCs are non polar questions, the wh- variable is not interpreted as a manner of V/SV but as ‘conditions' on modality, that is conditions that allow to access to a world in which the proposition p (a presupposition conveyed by the interrogative clause) is true. In the same time, the rhetorical interpretation involves the assertion of the negation of modality(p). The conjunction of contradictory propositions triggers a clash between the speaker's world of expectations and the world in which p is seen as true. This conflict is the locus of various emotive attitudes (surprise, indignation). On pragmatic grounds, IRC are complex speech acts that associate a questioning commitment of the speaker and an assertive call on the addressee. The latter being a demand (to commit) to deny (in the sense of Geurts, 1998) the proposition p.
- Comment et les expressions indéfinies en n'importe et que ce soit - Michel Pierrard p. 127-148 Le français a produit deux séries d'« expressions indéfinies » : les formes « négativement indéfinies », où la proforme indéfinie est reprise par une forme en que ce soit (je n'ai pas vu qui que ce soit) et les formes « positivement indéfinies » en n'importe (n'importe qui doit respecter la loi). Contrairement à ce qui s'est passé dans d'autres langues (cf. angl. whenever / however et ndl. wanneer ook / hoe ook) et à ce qui était encore possible en ancien ou en moyen français,(1) a) Quant que ce soit, ou tost ou tart. (Barb.; T.L., 2 : 27)b) Si suis-je trompé si guere d'autres donnent plus à prendre en la matiere : et comment que ce soit, mal ou bien, si nul escrivain l'a semée, ny guere plus ... (Montaigne, Essais, livre 1, chap. 39)le français moderne a restreint les expressions en quand et en comme / comment à la deuxième série. L'étude montre la spécificité de comment par rapport à qui, quoi, etc., et explique pourquoi comment n'entre pas dans l'expression indéfinie ... que ce soit, mais uniquement dans n'importe ... Elle décrit ensuite le fonctionnement sémantique de n'importe comment.French uses two types of indefinite constructions: the « negative indefinites », in which the indefinite proform qu- is completed by the hypothetical concessive clause que ce soit (e.g. je n'ai pas vu qui que ce soit) and the « positive indefinites », introduced by the verbal element n'importe (e.g. n'importe qui doit respecter la loi). In contrast to similar constructions in other languages (cf. English whenever / however and Dutch wanneer ook / hoe ook) and in Old and Middle French(1) a) Quant que ce soit, ou tost ou tart. (Barb.; T.L., 2 : 27)b) Si suis-je trompé si guere d'autres donnent plus à prendre en la matiere : et comment que ce soit, mal ou bien, si nul escrivain l'a semée, ny guere plus ... (Montaigne, Essais, livre 1, chap. 39)Modern French has restricted the use of quand and comme / comment to the second construction type. The present study investigates the specific properties of comment in comparison with qui, quoi, etc. and throws light on the reasons why comment does not fit into the negative indefinite construction que ce soit but only matches with the positive indefinite construction n'importe. Finally the paper discusses the semantic functioning of n'importe comment.
- Et comment !, entre exclamation et assertion - Estelle Moline p. 149-168 Et comment ! peut occuper une position finale détachée (Je m'assieds comme toi sur les traditions, et comment !, Abellio) ou, en dialogue, constituer une réplique assertive autonome (C'était faux ? / Et comment !, Malraux). Il peut également être suivi d'une conjonctive en que, laquelle reprend, le cas échéant, le contenu propositionnel de l'énoncé ayant provoqué son énonciation (Va donc gueuler à la cuisine / Et comment que j'vais gueuler !, Fallet). De ce fait, Et comment ! s'apparente aux adverbes assertifs (Effectivement, Evidemment, etc) et évaluatifs (Heureusement, Malheureusement, etc.), qui présentent des propriétés analogues. A la différence de ces adverbes cependant, Et comment ! possède une valeur exclamative, dans la mesure où il est en quelque sorte « arraché » à l'énonciateur par la prédication antérieure (emploi relatif), ou par l'acte de langage, en l'occurrence une demande d'assentiment, accompli par l'interlocuteur. Cet emploi assertif de et comment ! est corrélé à l'emploi prototypique de l'adverbe interrogatif comment, dont il est issu par un processus de grammaticalisation.The French expression Et comment ! « and how! » can be found after an utterance of the speaker or as an autonomous intervention following somebody else's utterance. It can be followed by a conjunctive subordinate. In this, it is comparable to assertive adverbs such as Of course, Obviously, and evaluatives like Hopefully, Unfortunately. Unlike these adverbs, the expression under consideration is exclamative, its use being forced by the agreement of the speaker with the proposition in its relative use, or by the confirmation request speech act in the assertive use. The assertive use of the expression results from a grammaticalisation process of the prototypical interrogative use of comment « how ».