Contenu du sommaire : Rituels, initiation et thérapie
Revue | Psychotropes : Revue internationale des toxicomanies et des addictions |
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Numéro | vol. 10, 2004/3 |
Titre du numéro | Rituels, initiation et thérapie |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
Éditorial
- Rituels, initiation et thérapie - Michel Hautefeuille p. 5-7
Dossier thématique
- Que faire avec les drogues des guérisseurs ? - Patrick Deshayes p. 9-13
- De l'amer à la mère : quiproquos linguistiques autour de l'ayahuasca - Patrick Deshayes p. 15-29 L'usage de l'ayahuasca (psychotrope amazonien), actuellement en vogue comme processus thérapeutique parmi les Occidentaux, n'est pas sans poser problèmes. Cette pratique trouve son origine dans un manque thérapeutique de notre société. Malheureusement, elle se fourvoie dans un certain nombre de malentendus qui minimisent la force et le danger de la consommation de cette substance. Cet article pointe particulièrement les dangers ignorés par méconnaissance et confusion linguistiques.
- Dépendance nourricière et domination culturelle : Une approche anthropologique des addictions - Marika Moïsseeff p. 31-50 La dépendance à une substance, de même que les troubles des conduites alimentaires, peut être vue comme un moyen d'assouvir seul ses besoins les plus intimes. La dépendance apparaît alors, paradoxalement, comme la conséquence d'une recherche effrénée d'indépendance vis-à-vis des autres: la substance est un substitut avec lequel l'individu cherche à se sevrer sur le plan relationnel. Au lieu de chercher à s'autonomiser du contexte familial qui subvenait à ses besoins initiaux en développant d'autres types de relations intimes, il s'enferre dans une logique «nourricière »: l'addiction correspond à un refus opiniâtre d'être « nourri» par d'autres que lui-même. Cette problématique est renforcée lorsque les parents sont eux-mêmes dépendants des services sociaux du fait d'un contexte historique de domination culturelle. Le cas des Aborigènes australiens en est un exemple parmi d'autres.
- Approche thérapeutique de la prise d'iboga dans l'initiation au Bwiti vécue par les Occidentaux - Marion Laval-Jeantet p. 51-69 De plus en plus de voyageurs vont vers les thérapies traditionnelles africaines lorsqu'ils considèrent que la thérapie psychologique ou psychanalytique occidentale s'est avérée insuffisante à régler leur mal-être. Dans le cas du Gabon, la rencontre a lieu dans un processus initiatique au sein de la religion du Bwiti dont les conséquences sont complexes. D'autant plus complexes que «l'outil» thérapeutique utilisé par les guérisseurs est une plante médiatrice, l'iboga, dont les effets psychotropes et physiologiques s'étalent dans le temps. Quel est l'usage rituel de l'iboga? Qu'est-ce qui est en jeu dans ce croisement entre patients occidentaux et thérapie gabonaise ? Comment des patients toxicomanes choisissent ce processus initiatique comme cure de désaddiction? Quels «soins » leurs sont effectivement apportés dans ce système thérapeutique?
- Toxicomanies et toxicopraxis : l'initiation et son manque - Henri Paumelle p. 71-89 Par l'initiation, le sujet se trouve inscrit dans un axe de filiation structurant qui le ramène à l'origine et l'intégre au sein d'une chaîne transgénérationnelle de désir et de transmission. Les plantes utilisées sont des substances onirogènes et médiatrices entre le conscient et l‘inconscient, l'individuel et le culturel. Le cadre chamanique forme un «écran contenant du rêve», enveloppe structurante où le chaman fait office de garant de la Loi et de médiateur pare-angoisse. Il s'agit de procédures de passages vers l'état adulte, ritualisées, de déliaisons-reliaisons psychiques et pulsionnelles, de restructuration et d'agrégation à un groupe socioculturel d'appartenance en rapport avec l'axe du mythe. Les visions sont des expressions de l'inconscient accessibles à l'interprétation. Les procédures initiatiques mettent en acte, sous une forme culturellement maîtrisée, ce qui se montre en pathologie dans le monde occidental. Les pathologies adolescentes sont des appels à l'initiation. Le «retour du chamanisme » et des substances initiatiques exprime le retour du refoulé de la culture occidentale, en défaut d'initiation vis-à-vis de ses membres, notamment à la période pubertaire. Des recherches-actions sont possibles en contact avec les savoirs exotiques.
- Le rituel initiatique et sa double fonction : symbolisation et socialisation - Henri Paumelle p. 91-96 Les processus initiatiques et de guérison traditionnels ne relèvent pas du rituel obsessionnel mais d'une mise en œuvre d'un processus symbolique, dans une séquence évolutive, de résolution de l'angoisse dans une perspective de socialisation. La symbolique de la naissance réactive également les symboliques associées du meurtre, de la violence et de l'inceste sous une forme originaire, archaïque. De l'isolement et de l'isolation ou de la somatisation, l'initié, ou le patient, passe à la réintégration du mouvement pulsionnel et de ses représentations associées dans le corps social. C'est également un travail de transformation de l'image de soi, sous le regard de la loi (et de son ou ses dieux, référents mythiques) dans sa soumission à l'acte rituel. Sa répétition au regard du groupe, loin d'être un acte «magique » infantile ou pathologique, en sera désormais la marque extériorisée. Le nom et la marque sacrificiels sont liés au passage de la maladie à la santé ou de l'enfance à l'état adulte et signes de reconnaissance par le groupe par l'assujettissement à un dieu et à son mythe, en position de sujet face au manque jamais comblé.
- L'ayahuasca, liane des dieux, liane de la mort : Psychothérapie et chamanisme - Jean-Marie Delacroix p. 97-114 Ils participent, la nuit, dans l'obscurité, à d'étranges cérémonies, en absorbant une plante d'une amertume effrayante qui leur ouvre la porte des mondes invisibles. Ils sont accompagnés par quelques chamans qui, toute la nuit, vont chanter des invocations et pratiquer d'étranges rituels avec de la fumée et des parfums. Le jour, ils continuent le traitement chamanique et travaillent. Pendant un mois, ils vont participer deux ou trois fois par semaine à un autre type de rituel: une psychothérapie de groupe selon les conceptions post-freudiennes auxquelles on se réfère en Europe et en Amérique du Nord. Cela se passe en Amazonie péruvienne, à Takiwasi, centre de réhabilitation pour toxicomanes qui a la particularité d'utiliser les traitements chamaniques locaux et traditionnels, basés sur l'utilisation de «plantes sacrées», et notamment d'une plante psycho-trope: l'ayahuasca. L'auteur a participé à cette expérience comme patient la nuit et comme psychothérapeute le jour. Dans cet article, il se pose plusieurs questions: peut-on concilier deux types de traitement aussi différents que le chamanisme et la psychothérapie de groupe à l'occidentale et ce, avec des toxicomanes? Est-il possible ou souhaitable de mettre des patients en contact, dans le même temps, avec deux types de traitement qui s'appuient sur une logique, une culture et un paradigme si différents, voire opposés? Et quel est le résultat? Cet article présente un début de réflexion sur ces thèmes à partir d'une expérience vécue en 1998.
- Le toxicomane a-t-il perdu la dimension du sacré ? - Érick Jean-Daniel Singaïny p. 115-129 Dans notre société moderne, le malade toxicomane est souvent écartelé par la dualité obsessionnelle de notre système de pensée et de soins (dualité psychosomatique) qui prétend lui confisquer la jouissance de la «déraison ». Face à ce discours, les sociétés traditionnelles proposent une autre conception plus holistique ou globalisante du sujet-souffrant. Corps, esprit et spiritualité ne font qu'un. À travers la présentation sommaire d'un dispositif original de traitement de la toxicomanie basé sur une alliance entre la médecine moderne et la médecine traditionnelle des guérisseurs amérindiens de la région Altiplano péruvienne, l'auteur s'interroge sur le caractère «sacré » ou transcendant de la conduite toxicomaniaque et tente d'esquisser les contours d'une pratique institutionnelle et clinique que soulève cette dimension.
Articles
- La Commission nationale des stupéfiants et des psychotropes : Historique et actualité - Jean Dugarin, Chantal Gatignol p. 131-152 La Commission nationale des stupéfiants et des psychotropes prend son origine, dans sa première forme, en 1930. Sa création est la conséquence des premières lois françaises, votées à partir de 1916. Dans un premier temps, elle n'exerce son activité qu'en ce qui concerne les substances définies à l'époque comme stupéfiants. Ses compositions et missions successives vont au fil du temps refléter les changements de conception que la société en général et le monde médical en particulier auront des risques inhérents à la manipulation de ces molécules et du contrôle qui doit être exercé en retour. Durant les années 1970, l'importante extension des usages de «drogues » illégales et la mise à disposition rapidement croissante de psychotropes légaux amèneront l'élargissement de ses missions qui s'étendront à tous les psychotropes à l'exclusion de l'alcool et du tabac. Elle s'est dotée, à partir de 1990, d'un réseau de centres d'évaluation et d'information sur la pharmacodépendance (CEIP) organisé à l'échelon national par des pharmacologues compétents. Ce réseau, en éveil permanent, constitue à travers le développement de divers outils originaux, un observatoire de premier plan en ce qui concerne les abus de drogues et les pharmacodépendances.
- Femmes et drogues : Survol des lois et des conflits mères/État aux États-Unis et au Canad - Susan Boyd p. 153-172 Avant les années 1980, peu d'information qualitative sur les femmes et leur usage de drogues était disponible. Lorsque les femmes étaient prises en compte dans des recherches, elles étaient représentées comme étant de mœurs plus faciles, plus immorales, plus pathologiques et plus criminelles que les hommes. En Amérique du Nord, depuis les années 1980, la guerre contre les drogues et celle contre l'avortement et les droits des femmes en matière de reproduction se sont rejointes. Après un bref historique sur la façon dont les femmes usagères de drogues étaient traitées dans le passé, cet article propose un état des lieux des lois et règlementations les concernant dans le contexte actuel de la guerre aux drogues.
- La Commission nationale des stupéfiants et des psychotropes : Historique et actualité - Jean Dugarin, Chantal Gatignol p. 131-152
Témoignages
- De la récidive à la répétition ou le travail clinique et l'obligation de soins - Thérèse Ferragut p. 173-185 Comment soigner un toxicomane sous obligation de soins, mesure judiciaire qui, à la différence de l'injonction thérapeutique, n'est pas une alternative à la poursuite, mais accompagne la sanction parce que le délit commis est en relation avec une toxicomanie ? Comment concilier deux domaines en apparence antagonistes, celui, public, de la justice et celui, privé, du soin? Car si la logique judiciaire cherche à éviter la récidive, la logique du soin cherche aussi à éviter la répétition mais comme symptôme. La pratique de la justice, comme celle de la clinique, a longtemps consisté à faire comme si le soin pouvait se substituer au judiciaire, faisant ainsi oublier l'obligation et sa contrainte, ce qui rencontre aussi le désir du patient. Pour qu'une élaboration soit possible, il faut que le patient puisse clarifier ce qu'il fait pour lui et ce qu'il fait pour la justice, ce qui nécessite que le clinicien passe d'une représentation duelle du soin à une relation triangulaire. Encore faut-il définir une culture commune entre les intervenants pour dissiper les malentendus, définir les attentes et ce que l'on peut soigner, fixer les limites éthiques des territoires de chacun.
- Un psychologue en prison : entre logique psychiatrique et logique judiciaire - Pascal Golovine p. 187-197 L'idéologie totalitaire est à la base de l'institution carcérale et la violence qu'elle autorise est redoublée par chaque intervenant suivant son mode de gestion du pouvoir. De ce fait, l'activité des psychologues est influencée par les relations individuelles et institutionnelles. Pour certains toxicomanes, la prison va favoriser la rencontre avec un thérapeute: à ce dernier de proposer un projet thérapeutique adapté au cadre et au patient. Notre démarche est que nos consultants prennent plaisir à s'interroger et qu'ils considèrent l'approche psychologique non plus comme un espace de pensée dont ils sont exclus, mais comme une découverte originale d'eux-mêmes. Accueil, étayage, psychothérapie, prévention des suicides, préparation à la sortie, aide aux mourants, etc., la richesse du terrain amène les psychologues à réinventer sans cesse leurs interventions, ce qui les conduit à repenser régulièrement leur positionnement tant d'un point de vue idéologique, éthique que pratique.
- De la récidive à la répétition ou le travail clinique et l'obligation de soins - Thérèse Ferragut p. 173-185
A suivre
- Le tour du monde en 500 sites de prévention : Premier épisode : le monde sans l'Europe - Anne Singer p. 199-230 Résumé En cette époque de croissance exponentielle sur le net de toutes sortes d'informations sur les substances psychoactives et les addictions, informations souvent partielles, parfois de parti pris, pas toujours validées, il devient de plus en plus difficile de trouver rapidement une information pertinente et de qualité. La construction de portails Internet est devenue une nécessité. S'ils foisonnent dans le domaine commercial, ils commencent à exister dans notre domaine, même si les moyens pour les construire sont moins importants et ne prévoient guère leur maintien à jour. Plusieurs portails sur les drogues m'ont aidée à faire ce tour du monde, non exhaustif, des principaux sites Internet relatifs à la prévention. Il s'agit d'un voyage virtuel, à un moment donné de l'espace-temps: certains sites mentionnés peuvent disparaître, ou changer de contenu, comme d'autres apparaître... Ce premier épisode fait le tour du monde sans l'Europe. Les épisodes suivants traiteront successivement de l'Europe puis de la France.At a time when online information on psychoactive drugs and addictions is growing constantly – an information that can be often incomplete, sometimes biased, and not always validated – finding relevant and reliable information quickly is becoming increasingly difficult. Building Internet portals has become a necessity. While commercial portals abound, a few have appeared in the drugs field, although the means to built them are much poorer and rarely contemplate the cost of updates. Several portals have helped me to embark on this non-exhaustive world tour of websites on drug prevention. It is a virtual journey at a particular moment in space and time: some sites mentioned here may disappear, or change their contents, while new ones may surface. This paper is in several parts: Part One is published here and reviews sites from all over the world. The following parts will successively review the European and the French scenes.
- Le tour du monde en 500 sites de prévention : Premier épisode : le monde sans l'Europe - Anne Singer p. 199-230
Divers
- Notes de lecture - p. 231-233