Contenu du sommaire : Politiques linguistiques (1/2)

Revue Histoire, Epistémologie, Langage Mir@bel
Numéro vol.24, n°2, 2002
Titre du numéro Politiques linguistiques (1/2)
Texte intégral en ligne Accessible sur l'internet
  • Politiques linguistiques (1/2)

    • Articles
      • Présentation : l'autorité de l'état et l'autorité linguistique - Douglas A. Kibbee p. 5-27 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
        Quels sont les liens entre la formation de l'État, la formation de la norme, et le développement d'une tradition grammaticale de la langue de l'État? En France, la création des institutions de l'État influe non seulement sur l'expansion de la langue de l'État, mais également sur les premières analyses de la langue. Le modèle du processus de grammatisation du français, et le contexte pour promouvoir cette grammatisation est la formation d'une justice nationale, celle des coutumes redigées et ensuite «accordées» dans le siècle qui suit l'Ordonnance de Montil-lès-Tours (1454). L'utilisation de ces textes en français pour l'administration de la justice, ainsi que les changements dans la procédure juridique, rendent nécessaire l'analyse du français et imprègne ces analyses de termes et de concepts empruntés au droit. Fixer la langue dépend de la fondation d'un système juridique basé sur l'écrit et de la bureaucratie royale qui en résulte.
        What links the formation of the state, the formation of linguistic norms, and the development of a grammatical tradition of the state language? In France governmental institutions not only help to spread the state language, but also inspire the first analyses of that language. The model for the grammatisation of French, and the context to promote such a process, is the formation of a national judicial system, through the demand that customary law be written down, and then approved by central authorities. Establishing local texts written in the national language required the analysis of that language, and based that analysis on concepts drawn from legal language. Establishing a fixed national norm depended on the creation of a judicial system founded on writing, and on the royal bureaucracy that resulted from that change.
      • Faire parler le parlement comme le Prince ? - Philippe Caron p. 29-50 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
        En dehors du Dictionnaire qui justifie son existence aux yeux des profanes, l'Académie française a produit sous son nom plusieurs recueils d'observations normatives de 1635 à 1720. Certains ont été publiés, d'autres non. Cet article montre comment, dans les premières décennies, elle cherche le style de son rôle. En effet, chargée par l'alter ego du Prince d'édicter un bien-dire royal, c'est-à-dire d'exercer une sorte de magistère linguistique, elle ne se sent pas vraiment à l'aise dans ce type de fonction. C'est ainsi qu'elle passe graduellement d'un style délibératif et collégial, qui n'exclut nullement l'expression de la pluralité des suffrages, à un ton plus impersonnel, plus régalien, c'est-àdire qui expurge toute trace de débat, tout ce qui rappellerait au lecteur la relativité de l'avis et la provenance empirique de la décision. Ce n'est donc que peu à peu que, des Sentimens sur le Cid (1638) aux Remarques sur le Quinte-Curce et Athalie (1719-1720), en passant par ses annotations sur les Remarques de Vaugelas (1704), elle s'installe dans la chaire que lui avait assignée son protecteur le cardinal de Richelieu. En somme le parlement finit par parler comme le Prince.
        While the Académie Française justified its existence by the production of its Dictionary, it produced at the same time several collections of normative observations, some published, others not. In the first decades of its existence, the Académie was unsure of how to express itself in this role. When Richelieu asked them to establish a single, royally sanctioned norm for language, the Académie felt ill at ease. At first cautious in its pronouncements, and open about differences of opinion within the Company, the Académie gradually grew more confident, and took on an impersonal, royal tone, that excluded any mention of dissent. Little by little, from the Sentimens sur le Cid (1638) to the annotations to the Remarques by Vaugelas (1704), and the Remarques sur le Quinte-Curce et Athalie (1719-1720), the Académie grew more comfortable in its role, and began to speak with the same authority as the Bourbon monarchy.
      • Humanistic spirit or scientism ? : conflicting ideologies in modern chinese language reform - Edward McDonald p. 51-74 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
        Cet article retrace l'histoire de la réforme du langage en Chine au cours du XXe siècle du point de vue de l'école «patriotique» de linguistique culturelle chinoise. Cette école prend, sur beaucoup de questions, des positions qui ne sont pas en sympathie avec les préoccupations traditionnelles en matière de réforme du langage, mais qui reflètent néanmoins des courants idéologiques plus larges présents dans la société chinoise. L'article se concentre sur l'histoire de la réforme de l'écriture et du système grammatical utilisé pour décrire le chinois moderne, et il montre comment «l'influence étrangère» perçue dans ces deux domaines a été critiquée par des générations de linguistes chinois. Il se concentre tout spécialement sur l'une des revendications clefs de ces critiques, que le chinois est «unique», et montre comment ils tombent dans le piège du relativisme réactif. Finalement, il décrit certaines des contributions non officielles récentes au débat sur la réforme du langage, et montre quelles implications elles ont pour l'avenir de la réforme du langage en Chine.
        This paper traces the history of language reform over the last century in China from the point of view of the «patriotic» school of Chinese Cultural Linguistics. On many issues, this school takes stands which are out of keeping with the traditional concerns of language reform, but which nevertheless reflect wider ideological currents in Chinese society. The paper concentrates on the history of reform of the script, and of that of the grammatical system used to describe modern Chinese, and shows how the «foreign influence» perceived in both these areas has been critiqued by generations of Chinese linguists. It concentrates on one of the key claims of these critics, that Chinese is «unique», and shows how they fall into the trap of a kind of reactive relativism. Finally it describes some of the recent non-official contributions to the language reform debate, and shows how these have implications for the future of language reform in China.
    • Varia
      • Systèmes d'écriture, sémiotique et langage chez Roger Bacon - Benoît Grévin p. 75-111 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
        L'originalité de la linguistique et de la sémiotique développées par Roger Bacon est maintenant bien connue; en revanche, sa réflexion sur l'écriture en général, les systèmes d'écriture en particulier, n'a guère été étudiée. L'examen des remarques de Bacon concernant l'écriture permet de comprendre comment il nourrit ses théories sémiotiques et linguistiques d'exemples concrets, issus de l'analyse des divers systèmes d'écriture qu'il étudie (alphabets occidentaux, écritures sémitiques, écritures extrême-orientales). Leur étude permet également d'aborder de manière privilégiée un domaine où le doctor mirabilis tente la synthèse entre ses hypothèses linguistiques et sa conception ésotérique du savoir.
        The originality of the linguistic and semiotic theories created by Roger Bacon is now well-known; but his reflection on writing and writing systems has not yet retained much attention. His remarks concerning writing enable us to understand his way of developing his semiotic and linguistic theories in connection with the concrete study of various writing systems (Latin and Greek alphabets, Semitic and Far-East writing systems). Reconsidering these texts also allows us to highlight, from a particularly adapted point of view, the way the doctor mirabilis attempts the synthesis between his linguistic hypotheses and his conception of knowledge as an esoteric progression.
      • De la signification dans les traditions bouddhistes et françaises - Harjeet Singh Gill p. 113-145 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
        La théorie bouddhiste de la signification, qui met l'accent sur la nature dialectique et dichotomique de l'univers de la signification, trouve des parallèles sur les mêmes thèmes dans le discours d'Abélard. Dans les deux cas, le point de départ est le premier contact avec l'expérience sensible, qui conduit à la formation de constructions conceptuelles dans le domaine de l'imaginaire. Les deux théories considèrent le langage comme une institution conventionnelle, humaine. Et les deux théories se tiennent éloignées du réalisme extrême et du nominalisme de leur époque, et ont été définies comme «conceptualistes» par plusieurs chercheurs.
        The Buddhist theory of Signification, which emphasises the dialectical and dichotomous nature of the universe of signification, is echoed by corresponding reflections on the same theme in the Abelardian discourse. In both cases, the starting point is the first contact with the sensible experience leading to the conceptual constructs in the domain of the imagination. Both theories consider language as a conventional, man-made institution. Both steer clear of the extreme realism and nominalism of their times and both have been defined as «conceptualism» by various scholars.
      • César et l'aphabet : un fragment du De Analogia - Alessandro Garcea p. 147-164 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
        Dans une discussion sur < x> •consonne double', le grammairien latin Pompée (GL 5,108,7-13) insère deux citations, l'une appartenant au De analogia de César, l'autre au De antiquitate litterarum de Varron, sur les lettres de l'alphabet latin primitif. Varron distingue seize caractères anciens entre les vingt-trois employés à l'âge classique; César se borne à onze caractères primitifs. Cette dernière opinion a suscité la perplexité des éditeurs et des interprètes de César, qui pour la plupart corrigent le texte transmis par Pompée. L'examen des paramètres auxquels Varron avait recouru et la comparaison entre le fragment de César et celui de Varron permettent d'envisager une autre possibilité: les deux groupes de signes ne se situent pas sur le même plan et la liste de César semble se référer seulement aux éléments consonantiques du répertoire varronien.
        In a discussion on < x> “double consonant', the Latin grammarian Pompeius (GL 5,108,7-13) inserts two quotations: the first one from the De analogia of Caesar, and the other one from the De antiquitate litterarum of Varro. Each expresses a different opinion about the original Latin alphabet. Varro distinguishes sixteen ancient characters among the twenty-three used in the classical age, whereas Caesar limits himself to eleven original characters. The latter opinion raises doubts among the scholars, who generally try to modify the text conveyed by Pompeius. An examination of the parameters followed by Varro and the comparison between his fragment and that of Caesar allow us to choose another possibility: the two groups of signs are not on the same level and the Caesar's list concerns only the consonant elements of the varronian inventory.
    • Lectures et critiques