Contenu du sommaire : Féminismes
Revue | Le Temps des Médias |
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Numéro | no 29, automne 2017 |
Titre du numéro | Féminismes |
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Dossier : Féminismes
- Présentation : Féminismes et médias: une longue histoire - Claire Blandin, Sandrine Lévêque, Simon Massei, Bibia Pavard p. 5-17
- Louise Michel, féministe : analyse d'une opération de qualification politique aux débuts de la IIIe République - Sidonie Verhaeghe p. 18-32 Cet article montre comment la presse a contribué à construire Louise Michel comme une figure féministe au début de la IIIe République, alors même qu'elle refuse de se définir comme telle. Résultant de l'implication conjointe d'acteurs politiquement opposés, cette mise en visibilité féministe de Louise Michel révèle que la célébrité est un mode d'expression du politique qui construit une personnalité à travers un système de valeurs et d'idées dont elle devient l'incarnation glorieuse ou repoussoir. Se joue donc ici une opération de qualification politique de la figure de Louise Michel, qui dévoile les rivalités dans la façon de définir et de percevoir la question du féminisme.Louise Michel as a feminist : analysis of a process of political qualification at the beginning of the Third Republic. This article focuses on how the press constructed Louise Michel as a feminist figure at the beginning of the Third Republic, even though she refused to define herself as such. This feminist visibility of Louise Michel results from the involvement of politically opposed forces and reveals that celebrity builds a personality as the glorious or hateful incarnation of a system of values and ideas. The political qualification process of Louise Michel shows the rivalries in how feminism is defined and perceived.
- L'hebdomadaire La Française (1906-1940) : le journal du féminisme réformiste - Cécile Formaglio p. 33-47 Journal militant, outil de conversion au féminisme, La Française a contribué au développement du mouvement féministe réformiste dont il est issu et dont il assume les caractéristiques principales : prudence, modération et neutralité. Néanmoins, il a peiné à articuler celles-ci avec ses objectifs d'information, d'éducation et de diffusion auprès du grand public et a longtemps cherché son identité, entre journal féministe et journal féminin.The weekly La Française (1906-1940): the newspaper of reformist feminism
As an activist newspaper, La Française contributed to the development of the reformist feminist movement which shares its main characteristics : wariness, moderation and neutrality. Nevertheless, it encountered difficulties in accommodating these characteristics with the goals of information, education and broad dissemination. It tried to find an identity between a feminist and a feminine newspaper. - Les feuilletons de l'ORTF et la « condition féminine ». Un féminisme populaire ? - Taline Karamanoukian p. 48-64 Alors que les « questions de femmes » émergent dans le débat public et que la télévision entre dans la culture de masse, plusieurs feuilletons de l'ORTF questionnent la « condition féminine ». Celle-ci est traitée à travers trois figures, auxquelles correspondent un certain type de récit : la jeune femme (le récit d'apprentissage et le récit didactique), l'épouse (la chronique conjugale) et la mère (le mélodrame maternel). Cet article étudie comment ces fictions reconfigurent les normes du féminin et dans quelle mesure elles sont un lieu d'expression d'un féminisme populaire.ORTF's soap operas and feminism : a popular feminism ?
As women's issues appear in the public debate and as television becomes a mass media, several TV serials produced by the ORTF question the « feminine condition ». This question is treated through three figures, to which correspond a certain type of narrative : the young woman (the bildungsroman and the didactic narrative), the wife (the marital chronicle), and the mother (the melodrama). This paper analyses how these TV fictions reconfigure the norms of the feminine and to which extent they are an expression of popular feminism. - Elle et Marie Claire dans les années 1968 : une « parenthèse enchantée» ? - Bibia Pavard, Sandrine Lévêque, Claire Blandin p. 65-78 À partir d'une étude comparée de Elle et Marie Claire, l'article interroge l'existence d'une parenthèse féministe dans certains titres de presse féminine des années 1968. Le contexte social, politique et commercial permet à ces journaux de défendre les droits des femmes. S'intéressant à deux formats particuliers : l'Encyclopédie de Elle (1968-1970) et les pages femmes de Marie Claire (1976-1990), l'article dévoile les conditions matérielles de cette conversion politique qui se traduit par une « mise à l'encart » du féminisme.Elle, Marie Claire and Feminism : the enchanted years of Women's magazines (1968-1990) ?
Drawing from a comparative study of Elle and Marie Claire after 1968, the article questions the possible existence of a “feminist parenthesis” in some women's magazine during the second wave of feminism. It argues that the social, political and commercial context unabled the two magazines promote women's rights. Focusing on specific formats : The “Elle Encyclopedia” (1968-1970) and the “Women's pages” in Marie Claire (1976-1990), the article unveils the material conditions of this political conversion which results in an “insertisation” of feminism. - Les critiques féministes des médias et l'émission de télévision Femme d'aujourd'hui (Société Radio-Canada, 1965-1982) - Laurie Laplanche p. 79-92 De 1965 à 1982, Femme d'aujourd'hui, un magazine télévisé quotidien d'une heure, a été présenté l'après-midi sur les ondes du réseau francophone de la Société Radio-Canada (SRC), la télévision publique canadienne. Femme d'aujourd'hui a explicitement cherché à mettre en valeur la multiplicité des expériences de vie et de parole des femmes et les idées féministes. Dans un contexte où les médias féminins généralistes étaient fortement critiqués, notamment pour leur superficialité, cette orientation a été saluée par les téléspectatrices, mais aussi par un nombre important de chroniqueurs et de chroniqueuses dans les journaux ainsi que par des représentantes de différents groupes féministes. Ceux-ci ont demandé que l'émission soit diffusée en soirée pour rejoindre un public plus vaste. Cet article analyse les arguments qui ont été invoqués pour que Femme d'aujourd'hui quitte le créneau d'horaire d'après-midi pour rejoindre celui des heures de grande écoute en soirée. Il s'agit ainsi de réfléchir aux limites et aux possibilités issues de la division binaire et de la hiérarchisation genrée de la production médiatique dans les années 1960-1970 au Québec.Feminist media criticisms of women's daytime television show Femme d'aujourd'hui (Société Radio-Canada, 1965-1982)From 1965 to 1982, Femme d'aujourd'hui, an hour-long daily TV magazine, was aired in the afternoon on the French-language network of the Société Radio-Canada, the Canadian public television. Femme d'aujourd'hui has explicitly sought to highlight the multiplicity of life experiences and speeches of women as well as feminist ideas. In a context where women's medias were heavily criticized, particularly for their shallowness, this approach has been welcomed by viewers, but also by a large number of columnists in newspapers and representatives of various feminist groups. They requested that Femme d'aujourd'hui be broadcast in the evening to reach a wider public. This article analyzes the arguments that have been advanced for Femme d'aujourd'hui to be scheduled in prime time evening hours instead of the afternoon. The aim is to reflect on the limits and possibilities arising from the gendered media production in the years 1960-1970 in Quebec.
- « Le bonheur était dans les pages de ce mensuel » : la naissance de la presse lesbienne et la fabrique d'un espace à soi (1976-1990) - Ilana Eloit p. 93-108 La presse lesbienne au tournant et tout au long des années 1980 n'est pas le reflet d'un mouvement qui lui préexisterait mais bien le lieu où se structure et où s'invente le sens d'une appartenance collective. Cet article examine le rôle de la presse lesbienne dans la construction sociale, politique et culturelle d'un sujet lesbien. Après l'analyse de la position instable des lesbiennes dans le Mouvement des femmes des années 1970, le rôle matriciel de la presse lesbienne dans la fabrique d'une conscience collective sera abordé selon trois axes : la création d'un lien social à travers l'exemple du magazine Lesbia et de ses petites annonces de rencontres, le déploiement du débat politique autour des questions liées au sadomasochisme lesbien et à la mixité homosexuelle, et enfin, l'élaboration d'une écriture de soi, intime, poétique et utopique.“Happiness Was in the Pages of this Monthly” : The Birth of Lesbian Press and The Fabric of A Space of One's Own (1976-1990)The lesbian press at the turn of the 1980s and throughout the decade is not the reflection of a movement predating it but rather the site from which a collective sense of belonging is structured and invented. This article investigates the role of the lesbian press in the social, political and cultural construction of a lesbian subject. Following an analysis of the unsettling position of lesbians in the 1970s Women's movement, the matrix role of the lesbian press in the fabric of a collective consciousness will be examined through the following three directions : the creation of social bonds with the example of the magazine Lesbia and its personal ads, the unfolding of a political debate on the issues of lesbian sadomasochism and alliances between gays and lesbians, and finally, the elaboration of an intimate, poetic and utopian self-writing.
- Image des femmes et dissolution des problèmes publics. La lutte contre le sexisme dans les médias et la publicité papier en France depuis 1983 - Simon Massei p. 109-124 La lutte contre le sexisme dans la publicité et les médias papier constitue depuis les années 1980 une sous-catégorie d'action publique à part entière. Partant de l'échec du projet de loi antisexiste défendu par Yvette Roudy en 1983, cet article identifie trois évolutions majeures dans la politique menée depuis lors : l'autodisciplinarisation des professionnels de la publicité, la reformulation du problème du sexisme dans des termes déconflictualisants, et l'usage de techniques individualisantes.Women's image and the dissolving of public problems. The struggle against sexism in the paper media and advertising in France since 1983Since the 1980's, the struggle against sexism in the paper media and advertising constitutes in France a motive for public intervention. Starting from the dropping of the antisexist bill promoted by French Minister for Women's rights Yvette Roudy in the spring of 1983, this article then identifies three significant developments in the antisexist policy : the self-disciplinarization of advertisers, the rephrasing of the gender bias in neutralizing terms, and the use of an individualizing approach.
- Lutter contre le sexisme dans les médias : des usages stratégiques du droit par les associations féministes françaises - Agnès Granchet p. 125-140 Les associations féministes françaises font un usage contrasté des procédures offertes par le droit et la déontologie contre les messages sexistes diffusés par les médias. Faiblement mobilisées devant les juridictions et l'instance de régulation de l'audiovisuel, elles sont plus actives devant le Jury de déontologie publicitaire. En sensibilisant au sexisme, cette utilisation sélective et ciblée des procédures existantes participe à la légitimation des revendications féministes.Fighting against sexism in the media : strategic uses of law by French feminist associations
French feminist associations make a contrasted use of proceedings provided by law and ethics against sexist messages spread by media. Weakly mobilized before courts and the broadcasting regulatory authority, they are more active before the Advertising Ethics Jury. This selective and targeted use of existing proceedings, by sensitizing to sexism, takes part in the legitimation of feminist demands. - Le féminisme dépolitisé des séries télévisées françaises - Sarah Lécossais p. 141-158 Cet article s'attache aux manifestations des féminismes dans un corpus de séries télévisées françaises et aux effets idéologiques des discours mobilisés. Il montre que ces fictions tendent d'une part à réduire le féminisme à la lutte pour le partage des tâches domestiques, et, de l'autre, à invalider ses revendications. Sont ainsi mis au jour des processus d'invisibilisation de la critique et de ridiculisation des personnages se présentant comme féministes, processus soulignés par des effets de backlash. Est questionnée en parallèle l'intentionnalité de ces discours et la difficulté à saisir de la part des auteur.e.s de séries une volonté critique. Flirtant avec l'hypothèse d'un postféminisme, ces séries laissent entendre que les luttes féministes sont dépassées, déployant l'image d'un bonheur en famille sourd aux appels à l'égalité.The depoliticized feminism of French TV shows
This article studies the representations of feminisms in French TV shows and highlights their ideological effects. On the one hand, these fictions reduce feminism to the share of domestic chores. On the other hand, they strike these struggles down. The feminist critiques are turned to invisibility and the feminist characters are ridiculous. These processes reveal a phenomenon of backlash. Moreover, flirting with the postfeminist hypothesis, these series pretend that feminist claims are out of fashion, not necessary, by spreading the ideology of family happiness. However, we hypothesize that these discourses eventually reveal the consensus between authors at one moment more than their intent to criticize feminism. - The Beyoncé Wars : le Black feminism, Beyoncé et le féminisme hip-hop - Keivan Djavadzadeh p. 159-176 Cet article entend rendre compte des controverses liées au positionnement féministe de Beyoncé depuis 2013. Il s'agira d'abord de retracer l'évolution féministe de Beyoncé, depuis son album éponyme en 2013, dans lequel elle se déclare féministe pour la première fois, jusqu'au plus récent Lemonade (2016). Cela afin de montrer que la politisation récente du féminisme chez la chanteuse, qui apparaît moins « pop » et moins « fun » que par le passé, coïncide avec l'intégration d'un discours antiraciste dans le sillage du mouvement Black Lives Matter. Aussi, il sera question de la réception du discours de la chanteuse, tant dans les médias qu'au sein du féminisme africain-américain, les premiers s'étant notamment fait l'écho des débats internes au Black feminism afin de mettre en doute la légitimité de Beyoncé à se réclamer du féminisme.The Beyoncé Wars : Beyoncé, the media and Hip-Hop Feminism
This essay aims to provide a discussion of the controversies surrounding Beyoncé's self-identification as a feminist since 2013. I trace the evolution of Beyoncé, from her 2013 self-titled record, where she identified herself as a feminist for the first time, to her most recent album, Lemonade, in order to show how Beyoncé's feminism has become more explicitly political in the wake of the Black Lives Matter movement. Also, I will analyze the reception of Beyoncé's claim to feminism, both in the media and within Black feminism, with the former echoing the concerns of some Black feminists to question Beyoncé's legitimacy to identify as a feminist. - Médias féminins, médias féministes : quelles différences énonciatives ? - Aurélie Olivesi p. 177-192 Le tournant des années 2010 a vu l'apparition ou le développement de nouveaux médias féminins (publiés sur papier ou pure players), qui se revendiquent plus ou moins explicitement du féminisme. On peut dès lors observer que leur posture féministe affirmée se traduit dans leur discours – particulièrement face à des médias féminins qui se revendiquent souvent eux-mêmes héritiers du féminisme – à la fois sur le plan des thématiques, mais également sur celui de l'énonciation. À partir d'une analyse du discours des articles commentarisants dans ces médias (éditoriaux et articles « Société ») en 2013, nous examinons successivement comment ces médias définissent leur lectorat, pour établir une différence entre médias pour « filles » et médias pour « femmes », puis nous recensons les termes dénotant le féminisme, pour enfin observer l'énonciation de ces articles, tant à travers le pronom utilisé par la locutrice que dans le ton employé. Se dégage ainsi une tripartition (et un continuum) entre médias pour filles, médias féminins traditionnels et médias explicitement féministes. On peut ainsi mieux percevoir comment le féminisme de la « Troisième vague » se construit dans le discours médiatique : en s'appuyant sur une connivence entre interlocutrices, fondée sur une politisation de l'expérience féminine, avec une tonalité ironique.Discourse Analysis of French Women's magazines : explicit, implicit or non-existent feminism
Around 2010 in France, several new media (paper or pure player magazines) have been published with a more or less explicit feminist perspective. I will show that the feminist perspective, in the discourse of those media, is not only performed through thematic choices, but is also built within discourse itself - through its enunciation. I have thus analyzed the discourse used in editorial pieces published in French women's pure player and paper magazines in 2013, and highlighted several differences between them. First, some magazines refer to their readership as “women” and other as “girls” - with no link with the actual age of their readership. Second, the way they represent feminism and the tone of their discourse delineate a tripartition (and a continuum) between media targeting “girls”, traditional women's magazines, and explicitly feminist magazines. My conclusion is that the media discourse of Third Wave Feminism is characterized both by a univocal definition of feminism and by the use of irony by journalists. This is a way for them to politicize women's experiences, and to build at the same time a privileged relationship with their readership.
Le point sur...
- Ce que soulèvent les chiffres. La place des femmes dans les médias : retour sur enquêtes - Laetitia Biscarrat, Marlène Coulomb-Gully, Cécile Méadel p. 193-207 La contribution porte sur deux enquêtes internationales analysant la place des femmes dans les médias (GMMP – Global Media Monitoring Project et EIGE European Institute for Gender Equality). Il s'agit dans un premier temps de restituer leurs principaux résultats nationaux, lesquels soulignent la persistance des inégalités femmes-hommes dans les médias. L'article s'intéresse dans un second temps aux catégories de pensée et substrats politiques de ces enquêtes en étudiant leurs cadres méthodologique et théorique. La conclusion propose quatre leviers d'action pour davantage d'égalité dans les médias.Figures speak for themselves. Reflections on surveys about women in the media
This paper focuses on two international surveys on women in the media (GMMP – Global Media Monitoring Project and EIGE - European Institute for Gender Equality). First, we present the main results from these studies. Both of them monitor the continued inequalities between men and women in the media. Secondly, we aim at analyzing the methodological and theoretical frameworks of these studies in order to highlight the categories of thought and political bedrock they rely on. To conclude, we review four catalysts we could use to promote gender equality in the media.
- Ce que soulèvent les chiffres. La place des femmes dans les médias : retour sur enquêtes - Laetitia Biscarrat, Marlène Coulomb-Gully, Cécile Méadel p. 193-207
Entretiens
- « Ce que j'aimerais, c'est rendre le féminisme pragmatique » - Marion Séclin, Simon Massei, Sandrine Lévêque p. 209-217
Recherche-actualités
- Positions de thèses - Jamil Dakhlia p. 219-223
- Journée d'étude - p. 224-225
Parutions
- Parutions - Valérie Schafer p. 226-242
Medianet
- Medianet - Françoise Hache-Bissette p. 243-246
Chronique passé-présent
- Ce qu'est le féminisme pour la presse ligueuse de l'entre-deux-guerres - Anne-Claude Ambroise-Rendu p. 247-254