Contenu du sommaire : Le « rêve chinois » et ses doubles
Revue | Monde Chinois |
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Numéro | no 51-52, 2017/3-4 |
Titre du numéro | Le « rêve chinois » et ses doubles |
Texte intégral en ligne | Accès réservé |
- Chine et Science-Fiction : de la Nouvelle Chine à la nouvelle vague - Emmanuel Dubois de Prisque, Jean-Yves Heurtebise p. 5
Dossier : Le « rêve chinois » et ses doubles
- Histoire et enjeux de la science-fiction sinophone - Gwennaël Gaffric p. 6-16 Cet article introductif introduit brièvement l'histoire mouvementée de la science-fiction dans le monde sinophone (Chine, Hong Kong et Taïwan) en insistant sur sa dimension transculturelle et sur le rôle joué par la traduction. Je reviens aussi sur le renouveau de la science-fiction chinoise dans la Chine d'aujourd'hui et la valeur en termes de soft power que lui accorde l'état chinois aujourd'hui. J'évoque aussi les nouveaux espaces de création et de lecture pour la science-fiction en Chine et je termine en soulignant la pertinence des contributions de ce numéro tant pour comprendre l'histoire des sociétés dans lesquelles ces œuvres ont vu le jour que pour une étude globale de la science-fiction.This introductory article briefly introduces the turbulent history of science fiction in the Sinophone world (China, Hong Kong and Taiwan), emphasizing its transcultural dimension and the role played by translation. I also give some insights into the revival of Chinese science fiction in today's China and its value in terms of soft power granted to it by the Chinese state. I also mention the new spaces of creation and reading for science-fiction in China and I conclude by highlighting the relevance of the contributions of this issue both to understand the history of the societies in which these works have been produced and for a global study of science fiction.
- Discourses of Science-Fictional Futuribility in Late Qing Fiction - Lorenzo Andolfatto p. 17-27 L'objectif de cet article est de souligner, en se référant aux mots de Georg Lukács, le « rapport intime » entre la catégorie littéraire de la science-fiction et le contexte historique de la fin-de-siècle chinois. En appuyant sur la notion de « novum » de Suvin comme trope permettant de définir le roman de la science-fiction, ainsi que sur sa reformulation par Csicsery-Ronay Jr. comme un « signum novi » qui offre des discours de futurabilité j'essaie de revenir sur l'émergence du genre kexue xiaoshuo 科學 小說 à la fin des Qing en tant que novum en soi, c'est-à-dire une nouvelle forme d'écriture dont l'appel révolutionnaire était fondé sur sa capacité à engendrer des discours de futurabilité fonctionnels pour l'émancipation de la Chine semi-coloniale du joug impérial occidental. Cet argument repose sur la lecture du roman scientifique Le Nouvel âge (Xin jiyuan 新紀元) de Bihe Guan Zhuren 碧荷管主人 (1908), dont la genèse textuelle et la construction narrative en font l'un des premiers exemples de l'écriture de la science-fiction en chinois.The scope of this paper is to highlight, referring to the words of Georg Lukács, the “intimate connection” between the literary category of science fiction and the historical context of late imperial China. Building upon Suvin's notion of “novum” as the defining trope of SF, as well as upon Csicsery-Ronay's reframing of this trope as a “signum novi” that enables discourses of futuribility, I try to frame the emergence of the kexue xiaoshuo 科學小說 genre during the late Qing as a novum in itself, that is to say a new form of writing whose revolutionary appeal was predicated upon its capacity to engender discourses of futuribility that were functional to semi-colonial China's emancipation from the Western imperial yoke. This argument relies on the close reading of the proto-SF novel The New Era (Xin jiyuan 新紀元) by Bihe Guan Zhuren's 碧荷管主人 (1908), whose textual genesis and narrative construction qualify it as one of the first prominent examples of SF-like writing in Chinese.
- Science as Institutional Formation in The New Era and Journey to Utopia - Nathaniel Isaacson p. 28-37 L'émergence de la science-fiction en Chine a été conditionnée par une reconnaissance de la complicité potentielle du genre avec l'imagination impériale, et un désir de l'employer comme moyen de créer des contre-narratifs. Les lecteurs de la fin de la dynastie Qing y cherchaient du réconfort alors que leur nation se transformait de grand pays hégémonique au trou paumé en train de s'effondrer. Les intellectuels de la même époque se tracassaient de comment réconcilier l'occidentalisation, la modernisation et les technologies étrangères et le cadre épistémologique chinois. Bien avant que les critiques de l'Orientalisme se soient établis comme pierre angulaire des études postcoloniales, The New Era (1908) de Biheguan Zhuren et Journey to Utopia (1906) de Xiaoran Yusheng ont exprimé une compréhension implicite qu'il avait profondément conditionné la géopolitique du début du vingtième siècle. Cet article souligne un phénomène particulier à la science-fiction de ce moment historique : dans la mesure où la science-fiction a abordé le sens de « la science », il était souvent le cas que les intellectuels l'ont dépeinte comme le produit de certaines institutions modernes. C'est-à-dire, The New Era et Journey to Utopia présentent des descriptions merveilleuses de technologies imaginaires, mais les deux romans font aussi très attention aux institutions abstraites et concrètes dédiées à la production et à la diffusion des connaissances ainsi que les modes d'organisation social – surtout le temps. De plus, ces institutions et structures figuraient en bonne place dans la science-fiction de la fin de la dynastie Qing et constituaient un axe crucial dans une lutte socio-Darwinienne pour la survie nationale.The emergence of science fiction in China was conditioned by an awareness of the potential complicity of the genre with the imperial imagination, and a desire to use the genre as a means of creating counter narratives. Late Qing audiences sought mediation as their nation was transformed from hegemon into a crumbling backwater. Late Qing intellectuals agonized over how to reconcile westernization, modernization, and the adoption of foreign technologies with a Chinese epistemological framework. Long before critiques of Orientalism had gained traction as a cornerstone of postcolonial studies, Biheguan Zhuren's The New Era (1908), and Xiaoran Yusheng's Journey to Utopia (1906), expressed an implicit understanding that Orientalism profoundly conditioned early 20th century geopolitics. In this paper, highlight a particular phenomenon in late Qing science fiction: insofar as SF addressed the significance of “science,” it was often the case that late Qing intellectuals depicted science as the product of specific modern institutional formations. That is to say, The New Era and Journey to Utopia feature wondrous descriptions of imaginary technologies, but both novels also pay close attention to the abstract and concrete institutions dedicated to the production and dissemination of knowledge, and modes of social organization, especially time. These institutions and social structures featured prominently in late Qing SF as crucial axes in a social Darwinian contest for national survival.
- Histoire de la traduction de 1984 de George Orwell dans le monde sinophone - Gwennaël Gaffric p. 38-49 Il existerait aujourd'hui en langue chinoise plus de vingt traductions différentes du célèbre 1984 de George Orwell et plus d'une cinquantaine d'éditions différentes. Pour la première fois traduit en chinois en 1950 à Taïwan, il n'est introduit officiellement en Chine que près de trente ans plus tard. Chacune des versions aujourd'hui accessibles possède son histoire et son contexte spécifiques.Dans cette contribution, nous proposerons d'analyser l'histoire tumultueuse des traductions et de la réception du roman 1984 en Chine et à Taïwan. Afin de saisir au mieux le contexte à la fois politique, intellectuel et littéraire de ces traductions, l'angle d'approche privilégié sera principalement l'étude du paratexte des différentes versions de 1984 en langue chinoise. L'interprétation de 1984 et notamment de la figure de Big Brother s'avère ainsi extrêmement différente d'un contexte socio-historique à l'autre et donne lieu à des appropriations radicalement distinctes, entretenant du même coup toute la force de l'ambiguïté métaphorique de l'œuvre originale.Cette contribution s'attachera ainsi à explorer les représentations et les fantasmes sinophones de cette œuvre majeure du XXe siècle et sa portée sur les cercles littéraires chinois et taïwanais durant ces six dernières décennies.There are today more than twenty Chinese translations of famous George Orwell's novel Nineteen Eighty-Four, and more than fifty different editions. Even if the novel was translated for the first time into Chinese in 1950 in Taiwan, it was introduced officially in China only nearly thirty years later. Each of the translations available today has its own specific historical context.In this paper, we propose to analyze the tumultuous history of translations and receptions of Nineteen Eighty-Four in both China and Taiwan. In order to better understand the political, intellectual and literary contexts of these translations, our angle of approach will be that of the study of the “paratext” of various Chinese-language versions of Nineteen Eighty-Four. The interpretation of Nineteen Eighty-Four and particularly of the figure of Big Brother could be extremely different regarding the socio-historical context and leads to radically different appropriations, maintaining by the way the strength of the metaphorical ambiguity of the original novel.This contribution will thus seek to explore the Sinophone representations and fantasies of this major twentieth-century's masterpiece and its impacts on Chinese and Taiwanese literary circles during the past six decades.
- An Ideal Chinese Society? Future China From the Perspective of Female Science Fiction Writer Hao Jingfang - Frederike Schneider-Vielsäcker p. 50-62 Cette contribution propose un examen de la critique sociale et politique à l'œuvre dans la littérature féminine contemporaine chinoise de science-fiction. Je défends l'idée que ces écrits posent un défi aux visions du futur de la société chinoise, de même qu'ils offrent des pistes de suggestion pour une société plus juste. À travers l'analyse détaillée de la novelette « Pékin plié » (2014) et de la nouvelle « Planètes invisibles » (2010) de Hao Jingfang, cet article examine les divergences entre l'image officielle d'une « société harmonieuse » et du « rêve chinois » et les perceptions de l'auteur.This paper examines social and political commentary in contemporary Chinese science fiction literature written by women. I argue that these writings pose challenging views of a future Chinese society as well as provide suggestions for a more equal society. Through a close reading of Hao Jingfang's novelette “Folding Beijing” (2014) and her short story “Invisible Planets” (2010), this paper analyzes the discrepancies between the official image and her perceptions of the “Harmonious Society” and the “China Dream”.
- Entretien avec Hao Jingfang - Gwennaël Gaffric p. 63-68 Cet entretien réalisé en novembre 2017 avec l'auteure chinoise contemporaine Hao Jingfang (1984) revient sur ses trajectoires d'écriture, depuis son intérêt pour le genre science-fictionnel jusqu'à la diversification des thématiques qui parcourent ses œuvres. À la lumière des expériences et des ressentis de Hao Jingfang, il est possible d'avoir un aperçu le contexte sociopolitique dans lequel écrivent les jeunes auteurs chinois de science-fiction nés dans les années 1980. L'entretien revient aussi sur les différentes interprétations de la nouvelle « Pékin plié » ayant reçu le prix Hugo pour la meilleure novelette en 2015 dans sa traduction anglaise, ainsi que sur les projets futurs de Hao Jingfang.This interview conducted in November 2017 with contemporary Chinese author Hao Jingfang (1984) centers on Hao's writing trajectories, from her early interest in the science-fiction genre to the diversification of the themes that run through her works. In the light of Hao Jingfang's experiences and feelings, it is possible to get a glimpse into the sociopolitical context of young Chinese science fiction writers born in the 1980s. The interview also covers the various interpretations of her “Folded Beijing” which has won the Hugo Award for Best Novelette in 2015 in its English translation, as well as Hao's future projects.
- Contrôle de sécurité - Han Song, Loïc Aloisio p. 69-76 Cette nouvelle (Anjian 安检, Contrôle de sécurité) a paru pour la première fois en 2014 dans le journal Nanfang Renwu Zhoukan 南方人物周刊 et fut inspirée par le renforcement des contrôles de sécurité dans le métro de Pékin.This short story (Anjian 安检, Security check) was published for the first time in 2014 in the magazine Nanfang Renwu Zhoukan 南方人物周刊 and was inspired by the tightening of subway security measures in Beijing.
- Han Song : pour un retour sur Terre de la science-fiction - Loïc Aloisio p. 77-88 Han Song 韩松 (1965-) est un auteur important de la nouvelle vague d'auteurs de science-fiction qui est apparue à la fin des années 1980 en Chine continentale. Il est notamment connu pour ses œuvres plus sociales, engagées, sombres, et parfois même obscures et difficilement déchiffrables pour le lecteur lambda. Il est également de plus en plus traduit en Occident (trois traductions en français et neuf traductions en anglais). Le présent article se propose donc d'étudier les diverses thématiques de prédilection et le style si singulier de cet auteur atypique, à travers l'analyse de plusieurs de ses nouvelles, romans et essais théoriques sur la science-fiction ; présentant ainsi l'un des auteurs phares de cette science-fiction, qui fascine autant qu'il déconcerte parmi les lecteurs chinois.Han Song 韩松 (1965-) is one of the most influential authors of the new wave of the Chinese science fiction which appeared at the end of the 1980s in Continental China. He is famous for his more social, engaged, gloomy or even obscure and enigmatic writings. He is also more and more translated in Western languages (three times in French and nine times in English). This article aims to analyze his favorite themes and his particular writing style through the study of many of his short stories, novels and theoretical works on science fiction.
- Les romans de science-fiction de Liu Cixin - Song Mingwei, Gwennaël Gaffric p. 89-98 Cet article propose une introduction aux romans et aux nouvelles de science-fiction de Liu Cixin, un auteur chinois ayant joué un rôle majeur dans la revitalisation de ce genre dans la Chine du XXIe siècle. Cette contribution examine l'œuvre de Liu Cixin dans le contexte de l'histoire du genre en Chine. Liu et d'autres écrivains de la même génération ont été à l'origine du lancement d'une nouvelle vague de SF à un moment où le genre connaît une popularité sans précédent ces dernières années. La majeure partie de cet article analyse le style de cette nouvelle vague, à travers l'exemple de Liu Cixin, son meilleur représentant. Il présente aussi quelques œuvres majeures de Liu Cixin et théorise, à travers les romans de Liu, l'esthétique et la politique de la nouvelle vague. La trilogie du Problème à trois corps, les plus célèbres romans de Liu Cixin, sont discutés ici avec une attention particulière à sa description sublime de l'univers. Cette contribution explore la poétique de la nouvelle vague, en concluant qu'elle est une continuation de l'esprit culturel d'avant-garde ayant émergé dans les années 1980. Le roman Chine 2185 de Liu Cixin, encore jamais publié, est reconnu comme étant à l'origine de la nouvelle vague et son analyse montre l'importance des caractéristiques de la nouvelle vague qui seront plus tard à la base de l'écriture d'un roman aussi populaire que le Problème à trois corps.This paper introduces the science fiction novels and stories of Liu Cixin, a Chinese writer who has played a major role in reviving the genre in twenty-first-century China. The paper discusses Liu's work in the context of the genre's history in China. Liu and other writers belonging to the same generation have created a new wave when the genre has gained unprecedented popularity in China during the recent years. The main part of the paper analyzes the style of this new wave, with Liu Cixin as its finest representative author. The paper also presents an analysis of several major works by Liu, and theorizes the aesthetics and politics of the new wave as Liu's stories and novels represent. The Three-Body Problem, Liu's most famous novel, is discussed with special attention paid to its sublime depiction of the universe. The paper explores the poetics of the new wave, concluding that it continues the avant-garde cultural spirit that emerged in the 1980s. Liu Cixin's unpublished 1989 novel China 2185 is recognized as the origin of the new wave, and the analysis of this novel shows the important characteristics of the new wave that later becomes the foundation for such a popular novel as The Three-Body Problem.
- Extrait de La Forêt sombre, Liu Cixin - Gwennaël Gaffric p. 99-110 L'extrait ci-dessous est la traduction en français du premier chapitre du roman de Liu Cixin La Forêt sombre (Hei'an senlin 黑暗森林), publiée en chinois en 2008.The excerpt below is the French translation of the first chapter of Liu Cixin's novel The Dark Forest (Hei'an senlin 黑暗 森林), published in Chinese in 2008.
- Aux frontières de l'identité : pronoms, classificateurs et focalisation narrative dans Membrane de Chi Ta-wei - Coraline Jortay p. 111-122 Dans un genre comme la science-fiction encore largement dominé par la production anglophone, quels peuvent être les apports narratifs et stylistiques de langues telles que le chinois ? Quel en est l'impact sur le traitement des thématiques et des représentations littéraires au regard des conventions du genre ? Prenant pour point de départ les spécificités du système des classificateurs et du système pronominal en langue chinoise, et leur mobilisation dans le court roman taïwanais Membrane (Mo 膜), de l'écrivain, traducteur et théoricien du ku'er (酷兒) Chi Ta-wei (紀大偉), notre contribution s'attachera à montrer comment ces catégories participent de la thématisation du queer dans Membrane. En effet, si l'univers d'androïdes du roman émerge à la croisée d'un imaginaire mondialisé et de l'évolution des réalités socio-politiques à Taïwan dès la fin des années quatre-vingt, la réflexion que Membrane propose sur l'hybridité et la versatilité des identités sexuelles et biologiques semble pris dans des contradictions qu'une analyse poussée des mécanismes linguistiques mis en jeu dans le roman permet d'éclairer. Mis en regard d'une double chronologie de la littérature ku'er et de science-fiction à Taïwan et d'un aperçu exploratoire des procédés de ce type en science-fiction anglophone, ce roman permet alors de nourrir une réflexion plus globale sur l'apport des littératures de langues tierces au genre science-fictionnel.As science-fiction as a genre remains largely dominated by English-language works, what narrative and stylistic contributions can languages such as Chinese bring? How do they impact themes and literary representations considered against the genre as a whole? Taking as a starting point the classifier and pronominal systems of Chinese and their use in the Taiwanese novella The Membranes (Mo 膜) by writer, translator and ku'er (酷兒) theorist Chi Ta-wei (紀大偉), this paper aims to show how those linguistic categories take part in thematising queer in the novella. Indeed, while The Membranes' androids and narrative universe emerge at the crossroads of a globalized imagination and the evolution of socio-political realities in Taiwan from the late eighties onwards, its take on hybridity and the fluidity of sexual and biological identities seems to be grappling with surface contradictions that can only be unravelled through a deeper analysis of the linguistic mechanisms at stake in the novella. Contextualised against a double chronology of ku'er and science-ficton literature in Taiwan, as well as an overview of similar linguistic strategies in Anglophone science-fiction, The Membrane then allows us to widen our perspectives on the contribution of non-anglophone literary production to the wider science-fiction genre.
- La Science-Fiction en Chine : une évidence politique ? - Jean-Yves Heurtebise p. 123-132 L'émergence dans la Chine moderne (fin du XIXe et début du XXe siècle) puis le renouvellement dans la Chine contemporaine (fin du XXe siècle et début du XXIe siècle) de la littérature de science-fiction de langue chinoise en Chine continentale pourrait sembler plus encore qu'un fait littéraire remarquable, une évidence politique singulière. Notre but sera de montrer l'existence d'une analogie structurelle entre, d'un côté, la pratique oraculaire du politique en Chine et, de l'autre, l'exercice littéraire d'anticipation du futur. Le discours de pouvoir suppose une forme de performativité rituelle où l'avenir, comme puissance indéterminée de changement, devient l'objet à sacrifier. D'où l'évidence politique du roman de science-fiction qui peut mettre en scène le rêve d'une renaissance chinoise au sein d'un récit où le futur est déjà deviné et déterminé ; d'où aussi la nécessité pour le régime d'en contrôler la production ; d'où enfin la difficulté pour les écrivains d'échapper à cet horizon d'attente « nationaliste » et leur mérite singulier quand ils y parviennent.The emergence in modern China (late nineteenth century and early twentieth century) then the renewal in contemporary China (late twentieth century and early twenty-first century) of Chinese-language science fiction literature in mainland China might seem more than a remarkable literary fact: a singular political evidence. Our aim will be to demonstrate that there exists a structural analogy between, on the one hand, the oracular practice of politics in China and, on the other, the literary exercise of anticipating the future in Chinese SF novels. The discourse of power presupposes a form of ritual performativity where the future, as an indeterminate power of change, becomes the object to be sacrificed. Hence the political evidence of the science-fiction novel that can display the dream of a Chinese renaissance within a narrative where the future is already guessed and determined; hence also the need for the regime to control it; hence the difficulty for writers to escape this horizon of nationalist expectation and their merit when they succeed in doing so.
- De Solaris à Gaïa et retour - Paul-Antoine Miquel p. 133-144 L'objectif de ce travail est d'étudier la relation entre un texte de science-fiction célèbre de Stanislas Lem et une hypothèse scientifique énoncée dans un style très inhabituel et en un sens pourtant propre à notre époque : l'hypothèse Gaïa de James Lovelock (1979). Nous voudrions faire apparaitre l'idée que la science-fiction est une sorte de cas-limite, un réactif qui renouvelle la fonction esthétique. Et nous voudrions montrer pourquoi ce qui rapproche Gaïa de Solaris engage la recherche scientifique dans des directions qui sont nouvelles, au niveau heuristique, méthodologique et même ontologique.This work is focused on the relation between a novel of Stanislas Lem, Solaris, and the work of the geochemist James Lovelock. Behind the strong differences between a fiction based on the rule of suspension of disbelief, and a scientific assumption that tries to be compatible with the rule of truth, we will show Gaia and Solaris are based on two common philosophical statements: life must be understood, not simply at the level of the organism, but also at the level of the biosphere; and life is some kind of primitive mind without any intentional purpose, and then without consciousness. Gaia knows how to proceed in order to regulate geochemical conditions that permit its own existence, even if it cannot know that it has this ability and this skill.
- Histoire et enjeux de la science-fiction sinophone - Gwennaël Gaffric p. 6-16
Varia
- Le futur de la Chine et son avenir - Emmanuel Dubois de Prisque p. 145-150 Le Parti communiste prend son « rêve chinois » pour la réalité future, mais l'avenir de la Chine reste ouvert.The Communist Party takes its “Chinese dream” for future reality, but China's avenir remains open.
- Le futur de la Chine et son avenir - Emmanuel Dubois de Prisque p. 145-150