Contenu du sommaire : Les transformations des espaces académiques centre-est-européens depuis 1989
Revue | Revue d'études comparatives Est-Ouest |
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Numéro | vol. 45, no 1, mars 2014 |
Titre du numéro | Les transformations des espaces académiques centre-est-européens depuis 1989 |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
Dossier: Les transformations des espaces académiques centre-est-européens depuis 1989
- Avant-Propos - Ioana Cîrstocea, Dorota Dakowska, Carole Sigman p. 5-19 Cet article introductif au dossier thématique revient sur les transformations de l'enseignement supérieur en Europe centrale et orientale, principalement depuis 1989. Si elles rejoignent dans l'ensemble les dynamiques observées dans d'autres régions, avec la massification des études universitaires notamment, ces évolutions sont marquées par des particularités liées à la recomposition des secteurs public et privé ou à l'articulation entre les transformations post-communistes de l'État et les dynamiques impulsées par les organisations internationales et européennes. Ce numéro propose une perspective sociologique axée sur l'étude des experts et autres « entrepreneurs académiques » qui ont contribué à la reconfiguration des institutions et des disciplines universitaires, perspective souvent délaissée dans les travaux actuels sur les réformes de l'enseignement supérieur.
How did Russia, in a 20-year period, switch from a system of higher education that, exclusively public, was steered by the state during the Soviet era, to a system with an inextricable mixture of private and public rationales? To answer this question, focus is placed on adaptation strategies adopted by academic establishments facing a sharp drop in public funding during the 1990s. These strategies led them toward more autonomy from their leading authorities; and it weakened the public sector's boundaries. Thanks to oil rent, which has been increasing since the mid-2000s, the federal government has intervened in academia and adopted new regulations for the relations between academic institutions and the public authorities that exercise oversight; but it has not tried to reduce the public sector's “porosity”. - Les transformations de l'enseignement supérieur en Russie : Évolution du secteur public et stratégies d'établissements - Carole Sigman p. 21-54 Comment est-on passé en Russie, en l'espace de vingt ans, d'un système d'enseignement supérieur exclusivement public et piloté par l'État à l'époque soviétique à un système où se mêlent inextricablement les logiques du public et du privé ? Pour répondre à cette question, cet article s'intéresse aux stratégies d'adaptation des établissements supérieurs face à la chute des dotations publiques dans les années 1990, stratégies qui ont contribué à la fois à rendre les universités de plus en plus autonomes vis-à-vis de leurs tutelles et, plus généralement, à fragiliser les frontières du secteur public. Fort de la rente pétrolière qui s'est accrue à partir du milieu des années 2000, le gouvernement fédéral réinvestit cette sphère d'activité et instaure de nouvelles règles du jeu entre établissements et tutelles, sans pour autant chercher à réduire la porosité du secteur public.
How did Russia, in a 20-year period, switch from a system of higher education that, exclusively public, was steered by the state during the Soviet era, to a system with an inextricable mixture of private and public rationales To answer this question, focus is placed on adaptation strategies adopted by academic establishments facing a sharp drop in public funding during the 1990s. These strategies led them toward more autonomy from their leading authorities; and it weakened the public sector's boundaries. Thanks to oil rent, which has been increasing since the mid-2000s, the federal government has intervened in academia and adopted new regulations for the relations between academic institutions and the public authorities that exercise oversight; but it has not tried to reduce the public sector's “porosity”. - Les réformes de l'enseignement supérieur en Biélorussie : Entre poids de l'héritage soviétique et influence internationale diffuse - Olga Gille-Belova p. 55-90 Le système d'enseignement supérieur biélorusse n'a pas échappé aux réformes ces vingt dernières années. Contrairement à la rhétorique du Président biélorusse qui se réfère régulièrement au modèle soviétique, le système d'enseignement supérieur de son pays est le fruit d'une hybridation entre l'héritage de l'époque soviétique et des influences extérieures d'inspiration néolibérale. De la période communiste, il conserve une forte tendance à l'instrumentalisation politique et idéologique de l'enseignement à des fins de légitimation et de consolidation du régime politique autoritaire. Cependant, la rupture profonde due au désengagement financier de l'État biélorusse va de pair avec l'adoption partielle, par ses dirigeants, de l'approche néolibérale selon laquelle l'enseignement supérieur représente le secteur économique par excellence capable de contribuer au développement de l'économie biélorusse et de participer à l'économie mondiale en exportant des services éducatifs.
Reforms have not spared the Belarusan system of higher education during the last twenty years. Even though the Belarusan president often refers to the Soviet model as an example to follow, the current system of higher education has come out of a mixture between the model inherited from the Soviet past and external, neoliberal influences. From the Soviet model, it has inherited a strong tendency toward the political and ideological recuperation of higher education in order to legitimate and consolidate the authoritarian political regime. - La Sociologie Universitaire Bulgare En Transformation : Politiques Publiques, Parcours Institutionnels Et Biographies (1990-2006) - Petya Slavova p. 91-124 L'objectif de cet article est de rendre compte des processus et des acteurs qui contribuent à la multiplication des universités et des disciplines académiques après la chute du régime socialiste en Bulgarie. Pour illustrer ce processus de diversification, il s'agit plus concrètement d'étudier le cas des nouveaux départements de sociologie créés dans les universités d'Etat après 1989. L'article s'intéresse à la fois aux réformes majeures mises en place par l'Etat postsocialiste et à la façon dont les différents acteurs les interprètent et entreprennent de créer de nouveaux départements. Il retrace des parcours d'acteurs qui s'engagent dans de telles créations, ainsi que le résultat de celles-ci dans la mesure où elles s'inscrivent dans la réforme institutionnelle de l'université postsocialiste. L'analyse détaillée est menée à plusieurs échelles, biographique et institutionnelle, et montre que la diversification de l'enseignement supérieur, en particulier dans le domaine de la sociologie, dépend avant tout de l'activisme des « entrepreneurs universitaires », d'acteurs qui parviennent à mobiliser des ressources personnelles, académiques et politiques face aux changements législatifs pour créer quelque chose de nouveau.
How to bring light on the processes and persons that have contributed to the growing number of universities and academic disciplines since the collapse of the Communist system in Bulgaria? Three new sociology departments established in state universities after 1989 illustrate this growth in higher education. Our analysis of the post-Communist state's major reforms also examines how the persons involved have interpreted and undertaken these reforms for the purpose of creating new academic departments. The biographic itineraries of these “academic entrepreneurs” are described along with the results of their actions in relation to state-sponsored institutional reforms of higher education. Analysis at both the biographical and institutional scales provides evidence supporting the hypothesis that the growth of higher education, especially in sociology, has depended on the active role played by these entrepreneurs, who have mobilized personal, academic and polical resources in a context of legislative changes in order to construct a new academic order. - Les restructurations de l'enseignement supérieur en Roumanie après 1990 : Apprentissage international de la gestion, professionnalisation de l'expertise et politisation de l'enjeu universitaire - Ioana Cîrstocea p. 125-163 Le système d'enseignement supérieur roumain a, ces deux dernières décennies, fait preuve d'un remarquable dynamisme dont témoignent, d'une part, la multiplication du nombre des étudiants et des établissements et, d'autre part, les transformations du cadre normatif et de la configuration des institutions pilotant le secteur de l'éducation tertiaire. Une vaste production émanant notamment de ses acteurs fait état de la chronologie, des objectifs et des modalités de cette transformation mais les travaux centrés sur eux sont quasi inexistants. Pour combler cette lacune, nous interrogeons ici les conditions sociales de possibilité et les processus de production des réformes, ainsi que la composition des groupes qui les ont portées. Le choix d'un tel angle d'analyse nous permet de jeter un nouveau regard sur un cas national fortement connecté aux dynamiques de la « mondialisation universitaire » impulsées par des institutions telles que la Banque mondiale, l'Unesco, l'Union européenne. Il nous permet aussi de reconsidérer, en intégrant une interrogation sur leur dimension internationale, les logiques des transformations postcommunistes en Roumanie et, plus largement, en Europe de l'Est. Au niveau méthodologique, nous procédons par une restitution historique des étapes du processus de transformation de l'enseignement supérieur et nous reconstituons les réseaux réformateurs à partir des trajectoires professionnelles et des positions institutionnelles des acteurs.
Growing enrolment rates figures, newly established universities, changes of the legal frame and of the institutional configuration illustrate the transformation of the Romanian higher education system since 1990. Although the chronology, the aims and the modalities of these transformations have been described in a wide body of literature belonging mainly to the reformers themselves, the later are a blind spot in the existing scholarship. To make up for this, attention is turned to the social conditions and processes underlying the reforms and to the reformers networks themselves (their professional, institutional, and personal itineraries). Light is thus shed on a national case with strong connections to the “academic globalization” advocated by the World Bank, UNESCO and the EU. By taking into account the international dimension of higher education reform processes, a contribution is made to the existing literature on the transformation of the public sector not only in Romania but in Eastern Europe in general. - L'Université roumaine, une bulle spéculative ? : Ses réformes, de la libéralisation au néolibéralisme - Mihaï Dinu Gheorghiu, Marius Lazăr, Adrian Netedu, Zoltán Rostás p. 165-203 Cet article examine les conditions d'imposition d'une logique marchande dans l'espace universitaire roumain, où se succèdent nombre de réformes visant la libéralisation politique des institutions, leur démocratisation et leur intégration dans les structures européennes. Les changements structurels observés concernent autant les actes législatifs, les frontières mouvantes entre universités publiques et privées, les hiérarchies entre domaines d'études que les rapports entre marchés internes et externes des études supérieures. Les différentes logiques – marchande, managériale et professionnelle – à l'œuvre dans ce champ sont analysées à partir de témoignages des acteurs porteurs des réformes, mais aussi de ceux qui s'y opposent ou qui les subissent. Plus particulièrement, il s'agit d'examiner les contributions des sociologues, voire des social scientists à la mise en œuvre des réformes comme à l'évaluation de leurs effets. Une série de figures statistiques présentés à la fin de l'article complète les données obtenues par entretiens, observation et questionnaires.
The conditions are examined under which market rationale has, since 1989, been imposed on Romanian universities through a series of reforms aimed at liberalizing, democratizing, and Europeanizing institutions. Transformations include not only changes in legislation, but also a shift of boundaries between public and private universities, or of the symbolic hierarchy of disciplines, as well as a new balance between internal and external markets of higher education. We study the commercial, managerial, and professional rationales through accounts provided by advocates of these reforms, their opponents and the persons affected by them. Attention is focused on how social scientists have contributed to implementing reforms and to assessing their impact. Statistic data / Figures complement the data gathered through interviews, observations and questionnaires.
- Avant-Propos - Ioana Cîrstocea, Dorota Dakowska, Carole Sigman p. 5-19
Note de recherche
- From Transformation to Transfer : The Transformation of the East German Academic System 1989/90-1995 - Daniel Hechler, Peer Pasternack p. 206-227 La transformation du système d'éducation supérieure est-allemande suite à l'effondrement inattendu du système communiste à l'automne de 1989 s'est déroulée en trois périodes. Pendant une phase “romantique”, c'est-à-dire la dernière année de la République démocratique allemande, la liberté académique et le libre accès à l'université furent rétablis. Pendant une deuxième période, 1990-1992, des acteurs politiques externes ont pris l'initiative d'un large échange de personnel universitaire. Pendant la troisième période, 1990-1995, un transfert de structures et de personnel eut lieu des universités de l'Ouest vers celles de l'Est. Il en résulte l'intégration des institutions est-allemandes dans le système fédéral mais sans la reprise de la plupart des universitaires. Certains savants est-allemands expulsés de leurs institutions créèrent une structure parallèle, que l'on peut considérer comme la seule innovation institutionnelle pendant le processus de transition. Cela étant, la fin du processus de transfert, en 1995, ne s'est pas soldée par un retour à la vie normale : elle marque le début d'une série de nouvelles réformes avec la Nouvelle Gestion Publique et le Processus de Bologne qui bouleversent le système de l'enseignement supérieur de l'Allemagne unifiée.
The transformation of the East German academic system in the wake of the unexpected collapse of communism in autumn 1989 can be roughly divided into three stages: in a “romantic” phase during the last year of the GDR, academic freedom and free access to university were re-established. In a second phase (1990-1992), external political actors initiated an extensive exchange of academic personnel. Finally, the third phase (1990-1995) consisted in a simultaneous transfer of West German academic structures and personnel to East German universities. The result was the integration of East German higher education institutions into the West German academic system without many of their academics. Excluded from the university, a few middle-aged East German scholars established an active parallel scholarly structure and thereby created what could be considered as the only institutional innovation during the transformation process. But due to the obvious need for reforms of the adopted West German academic system, the end of the transfer process to East Germany in 1995 did not mean a return to routine. The transfer process was only a prelude to further reforms like New Public Management and finally the Bologna Process, but these reforms showed no traces of the vanished communist academic system. This article reconstructs this unique transformation process following its structural, personal and cognitive dimensions.
- From Transformation to Transfer : The Transformation of the East German Academic System 1989/90-1995 - Daniel Hechler, Peer Pasternack p. 206-227
Revue des livres
- Tatiana Kastouéva-Jean, dir., Les universités russes sont-elles compétitives ?, Paris : CNRS Éditions, 2013. - Olga Gille-Belova p. 229-231
- Alena Ledeneva, Can Russia Modernise ? Sistema, Power Networks and Informal Governance, Cambridge : Cambridge University Press, 2013. - Françoise Daucé p. 232-235
- Jiří Suk, Politika jako absurdní drama. Václav Havel v letech 1975- 1989 (La politique comme théâtre de l'absurde dans les années 1975-1989), Praha: Paseka, 2013, 447 p. - Françoise Mayer p. 235-246
- Janos Kornai, À la force de la pensée. Autobiographie irrégulière, Paris : L'Harmattan, coll. « Pays de l'Est », Préface de Bernard Chavance, 2014, 566 pages. - Ilyess El Karouni p. 246-251
- Dorothee Bohle, Béla Greskovits, Capitalist Diversity on Europe's Periphery, Ithaca (NY), Cornell University Press, 2012, 304 p. - Éric Magnin p. 252-257
- Laïla Porras, Inégalités de revenus et pauvreté dans la transformation post-socialiste. Une analyse institutionnelle des cas tchèque, hongrois et russe, L'Harmattan, 2013, collection « Pays de l'Est », 345 p. - Éric Magnin, Julien Vercueil p. 257-266