Contenu du sommaire : Paris « capitale de la charité » à la fin XIXe siècle
Revue | Histoire urbaine |
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Numéro | no 52, août 2018 |
Titre du numéro | Paris « capitale de la charité » à la fin XIXe siècle |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
Dossier - Paris, capitale de la charité à la fin du XIXe siècle
- Paris, capitale de la charité : Introduction - Christian Topalov p. 5-14
- Philanthropie et notabilité urbaine : L'itinéraire parisien d'Augustin Cochin (1823-1872) - Matthieu Brejon de Lavergnée p. 15-32 Augustin Cochin (1823-1872), quoiqu'oublié, offre une porte d'entrée efficace pour penser l'articulation entre philanthropie et notabilité dans une ville comme Paris fortement marquée par la « question sociale ». Bourgeois, parisien de longue date, Cochin jouit d'un capital social et politique familial qu'il enrichit de ses propres engagements confessionnels et philanthropiques. Il présente ainsi un parcours en relative rupture mais qui consonne surtout avec les préoccupations du milieu du XIXe siècle : condition ouvrière, enquête leplaysienne, réforme des prisons, éducation populaire, esclavage. S'il accède à d'intéressantes positions administratives, il échoue cependant à convertir sa ressource philanthropique en gain électoral qui suppose d'autres modes d'agir. Il est bien l'homme d'une France des notables.Augustin Cochin (1823-1872), while somewhat forgotten, offers a relevant entry point for examining the interconnection between philanthropy and notability in a city such as Paris that was significantly affected by the ‘social question'. A long-standing member of the Paris bourgeoisie, Cochin enjoyed a social and political capital, derived from his family ties, which he enriched thanks to his own religious and philanthropic commitments. Thus, he had an itinerary that was somewhat atypical but which echoed mainly with the concerns of the mid-19th century: working class conditions, surveys using Le Play's methods, prison reform, working class education, abolitionism. While he was able to take on important administrative positions, he failed to transform his philanthropic resources into electoral gains, which require other methods of action. He was indeed the representative of a France of notables.
- Le Comité de bienfaisance israélite de Paris : Ses membres dans l'espace philanthropique parisien (1887-1905) - Marie Aboulker p. 33-48 Le Comité de Bienfaisance Israélite de Paris constitue, à la fin du XIXe siècle, le bras armé des institutions juives parisiennes en matière de charité, s'occupant de secourir les pauvres de confession juive de la capitale. L'étude de l'évolution de la composition du conseil d'administration du Comité entre 1887 et 1904 montre comment celui-ci s'ouvre progressivement au-delà des limites strictement confessionnelles : les activités professionnelles des membres se diversifient et ils sont plus dispersés sur le plan géographique, quittant les quartiers juifs parisiens « traditionnels » au profit de nouveaux quartiers de résidence bourgeoise. Alors que nombre de ses membres adhèrent à des œuvres de bienfaisance hors de la sphère religieuse et que ses dirigeants participent au Congrès international d'assistance publique et de bienfaisance privée de 1900, le Comité de bienfaisance voit ses méthodes rationalisées et laïcisées, prenant en charge de nouveaux objets et s'alignant progressivement sur les pratiques encouragées par les organisateurs de la charité parisienne.The Israelite Charity Committee of Paris was, in the late 19th century, the militant branch of Jewish charitable institutions in Paris. It endeavoured to rescue poor members of the Jewish community in the French capital. A study of the changes in the Committee's board between 1887 and 1904 shows how it gradually opened up beyond strictly confessional boundaries. The occupations of its members grew more diverse, and they were more spread out geographically, outside the ‘traditional' Jewish districts of Paris and into new bourgeois residential areas. Whereas many of its members were members of non-religious charitable organisations and its members took part in the International Congress of Public Assistance and Private Charity in 1900, the Israelite Charity Committee's methods were streamlined and secularised, covering new subjects and gradually aligned with the practices supported by charity organisers in Paris.
- Résistances à la laïcisation : Le maintien des congrégations soignantes dans les arrondissements parisiens sous la Troisième République, de 1880 à 1914 - Anne Jusseaume p. 49-67 À partir de la fin des années 1870, le Conseil municipal de Paris et l'Assistance publique lancent la laïcisation des hôpitaux et bureaux de bienfaisance. En parallèle de la laïcisation scolaire, cette politique vise directement les congrégations charitables. La loi de 1901 et la décennie qu'elle ouvre constituent l'acmé de la politique anticléricale de la Troisième République, donnant lieu à de nombreuses fermetures d'établissements congréganistes, de procès et perquisitions. Pourtant, à l'échelle de la ville et plus encore de l'arrondissement, les congrégations soignantes bénéficient de la bienveillance des municipalités et du Préfet de la Seine. Inscrites dans le tissu urbain du quotidien, leur utilité sociale – dévouement féminin et soignant conforme à leur genre – ainsi que leur absence de troubles à l'ordre public et de rôle politique, sont des arguments souvent mobilisés pour justifier leur autorisation. Sans échapper à l'anticléricalisme de certains maires ni à la laïcisation de la plupart des maisons de secours de l'Assistance – qui dans certains endroits se déroule sans heurts, les réseaux laïcs et ecclésiastiques permettant le transfert des sœurs et de leurs œuvres dans des établissements paroissiaux – les congrégations soignantes traversent la politique anticléricale de la République et affirment leur ancrage dans la ville jusqu'en 1914.Beginning in the late 1870s, the Paris City Council and Public Assistance Hospital Administration started to secularise hospitals and charity offices. Along with the secularisation of the school system, this policy directly targeted charitable congregations. The Act of 1901 and the ensuing decade were the peak of the anticlerical policies of the Third Republic, resulting in many congregation-operated institutions being closed, with lawsuits and police searches. However, on a city-wide level and especially by arrondissement, nursing congregations were viewed benevolently by the city officials and the Seine Prefect. Several arguments were often put forward in favour of their authorisation: they were part of the ordinary urban fabric, were useful to society – with women who were devout and dedicated to treating people, in keeping with their gender roles – and did not disturb the peace or play any political role. While not escaping the anticlerical views of certain mayors or the secularisation of most Public Assistance shelters – secularisation that often occurred without conflict as the secular and ecclesiastic networks allowed the nuns and their work to be transferred to parish institutions – the nursing congregations survived the anticlerical policies of the Republic and asserted their anchoring in Paris until 1914.
- Organiser la charité, rendre le secours efficace : Institutions et acteurs de l'assistance par le travail à Paris (1889-1905) - Benjamin Jung p. 69-89 Lors du Congrès international d'assistance de 1889, dirigeants de l'Assistance publique et acteurs de la bienfaisance privée, célèbrent un accord de principe sur la nécessité de n'apporter de secours aux pauvres « valides » qu'en contrepartie d'un « travail d'épreuve ». Il s'en suit plus d'une décennie au cours de laquelle l'assistance par le travail est érigée en modèle de la rationalisation de la bienfaisance et ses promoteurs en organisateurs du monde charitable parisien. Une nouvelle génération de sociétés d'arrondissements voit alors le jour, neuf d'entre elles coordonnant leur action en 1891 au sein d'un « Comité central des œuvres d'assistance par le travail ». À la fois doctrine et technologie charitables, faisceau d'institutions, de discours, d'expériences pratiques et nébuleuse d'acteurs aux appartenances plurielles, l'assistance par le travail se révèle être une clé de décryptage utile des mondes de la réforme sociale.At the 1889 International Congress of Assistance, leaders of Public Assistance and members of private charitable establishments celebrated an agreement on the need to bring relief to the ‘able-bodied' poor only in exchange for a ‘work test'. During the following decade, assistance through work became a model of charity stream-lining, and its promoters were seen as the organisers of Paris' charitable sector. Then, a new generation of charity societies arose, based in the arrondissements of Paris. In 1891, nine of these coordinated their action in a ‘Comité central des œuvres d'assistance par le travail' (Central Committee for Work-Based Charity Programmes). Work-based charity, as both a theory and a technique of modern charity, and an ensemble of institutions, discourses, practical experiences and a network of players with several affiliations, offers a relevant way to decipher the worlds of social reform.
- Les mondes sociaux de la charité parisienne en 1900 - Christian Topalov p. 91-119 On utilise l'analyse de réseaux pour dresser une carte des mondes de la charité parisienne, de façon à en donner une vision d'ensemble sans jamais perdre de vue les individualités qui les composent. Un modèle simplifié est construit en sélectionnant les personnes qui sont recensées dans les répertoires charitables comme jouant un rôle majeur dans au moins deux œuvres différentes. On définit comme un lien entre deux personnes le fait d'être affiliées à une même œuvre, et la chaîne de ces liens dessine une représentation du réseau charitable parisien. Celui-ci est divisé en diverses régions : celles de l'archevêché, des confessions protestante et israélite, de l'establishment réformateur, des œuvres semi-officielles de la haute bourgeoisie titrée des régimes précédents, de la bienfaisance républicaine, enfin. Ces régions sont toutefois interconnectées par une série d'institutions et de personnes qui sont précisément identifiées et dont on propose une typologie. Cette cartographie sociale permet de comprendre pourquoi la charité parisienne constituait une zone de trêve, voire de coopération entre les deux camps dont le conflit avait l'Affaire Dreyfus pour terrain et symbole.Network analysis is used to map the worlds of Paris charities and provide an overview of them that never loses sight of individuals. A simplified model is built by selecting the people who were enumerated by charity directories as playing a leading role in at least two distinct charities. Being affiliated to the same charity is defined as a link between people, and the chain of such links constitutes the Paris charity network. It is divided into various regions: the subnetworks of the Archbishop, of the Protestant and Hebrew minorities, of the secular reformist establishment, of the upper-class semi-official charities of the previous regimes, and, finally, of the republican charities. But those distinct regions were tightly knit together by a series of institutions and individuals. These are carefully identified and a typology is suggested. This social map helps understand why Paris charities were a zone of truce and even cooperation between the two political camps for which the Dreyfus Affair was both a battlefield and an epitome.
Études
- Les espaces vides dans les villes grecques : Ionie et Carie principalement, ive – ier s. a.C. - Gabrièle Larguinat-Turbatte p. 121-136 L'époque hellénistique constitue une période de grandes transformations des centres urbains grecs. Au travers d'exemples pris essentiellement en Asie mineure (Ionie et Carie), cette étude vise à restituer l'importance des espaces non bâtis (rues et places exclues) dans les villes. Une typologie distinguant terrains temporairement vides, quartiers abandonnés et espaces compris à l'intérieur des remparts appelés Geländemauern, met en évidence la variété de ces secteurs. Ceux qui ne reçoivent pas d'activités particulières peuvent être couverts de broussailles ou servir de dépotoirs. D'autres en revanche permettent la pratique de l'agriculture urbaine, élevage ou cultures diverses prenant place au cœur de la ville ou plus en marge dans l'espace fortifié. Beaucoup de zones apparemment vides ont en fait dû recevoir des aménagements en matériaux périssables destinés à abriter des activités économiques ou politiques, ainsi que des habitations.The Hellenistic period was a time of great change in Greek urban centres. Through examples mainly drawn from Asia Minor (Ionia and Caria), this study aims to identify the full importance of empty spaces (except streets and squares) in cities. A typology distinguishes between temporary empty lots, abandoned neighbourhoods and spaces within city walls called Geländemauern. It shows the variety of these areas. Those hosting no specific activities can be covered by bushes or can be used as dumping grounds. But other spaces allowed urban farming, livestock breeding or various cultures taking place in the middle of the city, or in a more marginal position inside the fortified space. Many apparently empty areas must have held buildings made of perishable materials used for economic or political activities, or dwellings.
- « Li ville est mal gouvernee » : Les registres du conseil de la ville de Mons, la crise politique de 1424-1428 et son impact sur l'audition des comptes communaux - Valeria Van Camp, Jelle Haemers p. 137-166 Cette étude s'inscrit dans le plaidoyer des historiens pour écrire « une histoire sociale » des archives. Elle se focalise sur une requête composée par les habitants de la ville de Mons (en Hainaut) en 1424 dans laquelle ils proposent de modifier la gestion de la ville. Une analyse détaillée de cette requête et des registres du conseil montois dans lesquelles ce document remarquable était copié, montre que si les registres sont certes des sources intéressantes pour documenter l'histoire des élites urbaines – ils sont d'ailleurs fréquemment étudiés dans cette optique par les historiens – ils peuvent également l'être pour documenter l'histoire des citadins. Il arrive en effet que ces registres dévoilent des aspects méconnus de l'histoire sociale de la politique médiévale et son rapport avec les documents administratifs : les idées politiques de « li peuple » et l'impact potentiel de la population sur la gestion urbaine. En effet, cette étude explique que la poussée populaire de 1424 n'a pas changé le paysage documentaire de la ville, mais l'installation d'un nouveau conseil autour de l'événement de l'audition des comptes urbains quelques années après montre que le rapport politique avec ces documents était modifié.This study is part of the historians' plea to write a ‘social history' of archives. It focuses on a petition written by the citizens of Mons (Hainaut) in 1424 in which they propose to change the government of the city. A detailed analysis of this petition and the registers of the Council of Mons in which this remarkable document was copied, shows that although the registers are certainly interesting sources for documenting the history of urban elites – they are also frequently studied in this light by historians – they can also be used to document the history of city dwellers. In fact, these registers reveal unknown aspects of the social history of medieval politics and its relation to administrative documents: the political ideas of citizens and the potential impact of the population on the town's administration. Indeed, this study explains that the popular protest of 1424 did not change the documentary landscape of the city, but the installation of a new council around the hearing of the town's accounts a few years later shows that the political significance of these documents had changed.
- Les espaces vides dans les villes grecques : Ionie et Carie principalement, ive – ier s. a.C. - Gabrièle Larguinat-Turbatte p. 121-136
Notes critiques
- Femmes, pouvoirs et contrebandes dans les Alpes au xviiie siècle - Clarisse Coulomb p. 167-170
- À propos du projet « Thalamus », écritures et mémoires du Montpellier médiéval - Judicaël Petrowiste p. 171-174