Contenu du sommaire : Écrire en dialoguant
Revue | A contrario |
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Numéro | no 27, 2018/2 |
Titre du numéro | Écrire en dialoguant |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
Éditorial
- Écritures contemporaines et processus dialogiques - Marie Caffari, Johanne Mohs p. 3-20
Articles
- Publier en dialoguant. Sur les formations en « création littéraire » - Lionel Ruffel p. 21-32 Envisager l'écriture comme dialogue, c'est implicitement reconnaître une disruption par rapport à une précédente conception de l'écriture comme soliloque. Or, c'est tout l'enjeu de la transformation des pratiques littéraires contemporaines qui s'inscrivent moins dans un imaginaire de « La Littérature » que dans un imaginaire de la publication. Les formations en création littéraire sont à la fois un symptôme et une cause de ces transformations qui par ailleurs les dépasse. Dans son article, Lionel Ruffel distingue un imaginaire du soliloque propre à la culture littéraire qui s'est incarnée dans « La Littérature », et un imaginaire du dialogue propre à la culture littéraire qui se déploie à l'ère de la publication. Cette transformation s'accompagne aussi d'une mise au premier plan de l'écriture et non de la littérature.To envision writing as a dialogue is to implicitly recognize a disruption with respect to a previous conception of writing as a soliloquy. Even so, the entire challenge of transforming contemporary literary practices is settled less within the concept of “Literature” than it is within the concept of publication. Creative writing programs are both a symptom and a cause of these transformations, which nevertheless go beyond them. In his article, Lionel Ruffel distinguishes between a concept of the soliloquy, which belongs to the literary culture embodied in “Literature”, and a concept of the dialogue which belongs to the literary culture unfolding in the era of publication. This transformation comes with a foregrounding of writing and not of literature.
- En lisant en dialoguant. À propos du cours « Suivi de projet » dans le Master de création littéraire de Paris 8 - Sylvain Pattieu p. 33-43 Le texte de Sylvain Pattieu propose une immersion dans la pratique singulière du travail des auteur·e·s chargé·e·s de cours et de l'accompagnement individuel des étudiant·e·s dans les formations en création littéraire. Son article met en évidence la polyphonie complexe des discussions sur les textes des étudiant·e·s dans les cours dits de « suivi de projet » du Master de création littéraire, à l'Université Paris 8. Ces cours sont autant de chambres d'échos des textes, des doutes et des réflexions des auteur·e·s en présence dans le Master. Au cours de ces échanges entre des positions et des personnalités extrêmement diverses, l'empathie du regard de chacun·e sur le travail des autres apparaît comme une qualité centrale du suivi de projet.Sylvain Pattieu's text invites the readers to immerse themselves in the practice of authors supervising students in the framework of the courses and individual tutorials of creative writing programmes. His article highlights the complex polyphony characterising the discussion of students' texts in the “work in progress” workshop of the Master in Creative Writing at Université Paris 8. He states that in the Master these courses often serve as echo chambers for texts as well as for the authors' doubts and reflections. In the exchange between extremely different positions and personalities the empathetic look at each other's work has proven one of the pivotal qualities of this creative writing workshop.
- Écrire librement. Accompagnement et exigence – un aller-retour de l'autre à soi ? - Claire Genoux p. 45-54 Claire Genoux explore la manière dont les auteur·e·s peuvent être accompagné·e·s par un·e autre – mentor ou enseignant·e – attentif, bienveillant et critique, dans l'initiation de leur écriture. L'auteure se souvient qu'elle a été encouragée lors de ses premières tentatives littéraires. Aujourd'hui, cet accompagnement d'alors résonne dans son travail avec les étudiant·e·s du Bachelor en écriture littéraire de l'Institut littéraire suisse. Guider sans prescrire, questionner tout en laissant l'autre décider, être consciente des enjeux personnels présents dans toute lecture, sont autant de principes formant une sorte d'éthique du mentorat tel que l'enseignante le pratique avec de jeunes écrivain·e·s.Claire Genoux explores the ways in which authors can be supervised by an observant, benevolent and critical other–mentor or teacher–in the initiation phase of their writing. She remembers how her first literary attempts were encouraged and realises that this experience of having once been accompanied resonates in her work with the Bachelor students in creative writing at the Swiss Literature Institute today. Guiding without prescribing, questioning while letting the student decide, being aware of the personal issues influencing the reading of a text are among the principles constituting Genoux's work ethos as a mentor for young writers.
- Écrire au temps présent. Les réécritures d'Ostwald, de l'Institut littéraire suisse aux Éditions de l'Olivier - Thomas Flahaut p. 55-66 En août 2017 est sorti aux Éditions de l'Olivier Ostwald, le premier roman de Thomas Flahaut. Dans son article, Flahaut utilise ses savoirs pratiques de romancier pour écrire une histoire sensible des réécritures de Ostwald. Il replace la conception de la forme romanesque dans son contexte de création qui a été largement marqué par des pratiques de l'écriture collectives ou dialogiques : le mentorat et le travail avec l'éditeur. Écrire l'histoire de son roman, que l'auteur considère avoir été écrit en relation avec d'autres auteurs et lecteurs, lui permet d'explorer les différences entre le travail en mentorat et avec l'éditeur, ainsi que de penser l'importance de l'idée de collectif et de dialogue dans sa pratique de l'écriture.In August 2017, Thomas Flahaut's first novel Ostwald was published by the parisian editor les Éditions de l'Olivier. Using his practical knowledge as a novelist, he writes a sensitive history of the rewritings of Ostwald and replaces the design of the novelistic form in its context of creation, marked here by two collective writing practices: the mentorship and the collaboration with the publisher. Writing the history of his novel, which he considers to have been written in connection with other authors and readers, allows him to explore the differences between working in mentorship and with the publisher, as well as to articulate the importance of the idea of collective and dialogue in his writing practice.
- L'écrivain qui cache la forêt. Quinze ans d'écriture avec Le Quartanier - Alain Farah p. 67-77 En quinze fragments, Alain Farah raconte l'aventure éditoriale et auctoriale qui le lie à son éditeur et mentor, Éric de Larochellière. Le dialogue engagé autour de l'écriture des romans de Farah se nourrit de discussions, de lectures et d'un échange dépassant l'œuvre individuelle pour s'inscrire dans un projet éditorial qui est aussi celui de la maison Le Quartanier. S'appuyant sur des exemples concrets du dialogue à la fois intime et distant avec son éditeur, Farah relève que l'écoute y est fondamentale. Quant au travail sur le texte, il s'élabore à travers un nous commun à l'auteur et à son éditeur qui œuvrent ensemble pour le livre à venir.In fifteen fragments Alain Farah recounts the literary adventures that connect him with his editor and mentor Éric de Larochellière. Their profound dialogue on the writing of Farah's novels is fed by discussions, reading and an exchange that–well beyond the individual book–has become part of an editorial project that coincides with the publishing house Le Quartanier. Based on concrete examples of this dialogue both intimate and distant with his editor, Farah emphasises the fundamental nature of listening. As for the work on the text, it develops by way of a we consisting of the author and his editor, who are both committed to the forthcoming book.
- De la relation auteur-éditeur. Entre dialogue et rapport de force - Olivier Bessard-Banquy p. 79-96 L'article d'Olivier Bessard-Banquy problématise le déséquilibre inhérent à la relation entre auteur·e et éditeur/trice. Leurs métiers sont certes liés, mais leurs intérêts – littéraires et personnels d'une part, commerciaux d'autre part – peuvent être distincts. Le dialogue entre ces deux protagonistes de la production littéraire relève ainsi dans de nombreux cas d'un rapport de force laissant les auteur·e·s insatisfait·e·s du traitement réservé à leurs textes par des maisons d'éditions soucieuses de rendement plutôt que de qualité littéraire. Sans exclure complètement la possibilité d'une rencontre entre un·e écrivain·e·s d'exception et un·e éditeur/trice de grand talent, Bessard-Banquy observe que le travail éditorial vise une standardisation du texte, répondant avant tout à des exigences de marketing.Olivier Bessard-Banquy's article expounds the problems of the imbalance inherent in the relationship between author and editor. While their professions are linked, their interests–literary and personal on the one hand, commercial on the other–differ. In many cases the dialogue between these two protagonists of literary production may thus amount to power relations, which leave the authors dissatisfied with the way their publishers value financial returns over literary quality. Without entirely ruling out the possibility of an encounter between an extraordinary writer and a very talented editor, Bessard-Banquy claims that the editor, responding to marketing requirements above all, generally seeks to standardise the text.
- L'éditeur et son auteur - Caroline Coutau p. 97-104 Dans son article, Caroline Coutau éclaire le dialogue entre auteur·e·s et éditeurs/trices et les différents modes de discussion et d'intervention sur les textes. Discrètes et délicates, les propositions éditoriales ont un impact sur le texte publié, ainsi que le montrent plusieurs exemples issus de sa pratique d'éditrice. L'échange entre ces deux protagonistes de la production littéraire s'élabore au fil d'un dialogue portant sur les qualités et les problèmes d'un texte et dans une collaboration qui tient compte à la fois du texte et de la personnalité de l'auteur. Avant tout littéraire, le travail éditorial s'inscrit dans une relation de confiance et porte sur les potentialités du texte.In her article Caroline Coutau sheds light on the dialogue between authors and editors and the different ways in which texts can be discussed and worked on. Citing several examples of her experience as an editor, she shows how editorial suggestions, discreet and considerate, have an impact on the published text. She shows how the exchange between these two protagonists of literary production develops in the course of a dialogue on the qualities and problems of the text as well as in the course of a collaboration that takes into account both the text and the author's personality. The editor's work, primarily literary, is based on mutual trust and focuses on the potential of any given text.
- « Non pas savoir mieux, mais savoir autrement. » Expériences et pratiques d'un éditeur - Jo Lendle, Johanne Mohs, Leïla Pellet p. 105-115 Dans un entretien avec Johanne Mohs, Jo Lendle parle de son travail d'éditeur et du savoir qui s'acquiert au fil du travail avec les auteur·e·s. La pratique éditoriale relève ainsi non de règles générales, mais de perspectives variant en fonction des textes, des auteur·e·s et de leurs questionnements individuels. Elle s'engage au service du texte, dont elle prend le parti, auquel elle croit et apporte une perspective extérieure nécessaire. La finalité de ce dialogue – qui porte tantôt sur des questions esthétiques, tantôt sur des points fondamentaux des processus d'écriture – est la visibilité de l'œuvre et de l'auteur·e. Dans cet échange, l'auteur·e tranche, car c'est lui/elle qui écrit le texte.In an interview with Johanne Mohs, Jo Lendle talks about his work as an editor and about the knowledge acquired by collaborating closely with authors. In his view editing practice is not dependent on general rules but on perspectives that vary according to different texts, authors and their individual enquiries. Editing practice always serves the text which it advocates. It is the purpose of this dialogue–which considers aesthetic questions as much as fundamental aspects of the writing process–to make work and author visible. In this exchange the author decides since s/he is writing the text.
- Publier en dialoguant. Sur les formations en « création littéraire » - Lionel Ruffel p. 21-32
Varia
- Trois jours avec…, ou la littérature au quotidien. Écrivains et écriture au prisme de l'entretien-reportage télévisé (1973-1976) - Selina Follonier p. 117-135 Apparue dans la grille des programmes au milieu du xxe siècle, l'émission littéraire télévisée se présente comme un objet culturel hybride qui, à travers une diversité de configurations, s'emploie à associer support textuel et dispositif audiovisuel, parole et mise en scène, culture et divertissement. En s'intéressant à la série de portraits d'auteurs Trois jours avec…, diffusée entre 1973 et 1976 par la Télévision suisse romande, cet article s'attache à analyser une formule qui ouvre de multiples perspectives en matière de saisie télévisuelle du littéraire, à déterminer le rapport qu'entretient ce type de document à l'œuvre des auteurs ainsi qu'à interroger sa portée à l'horizon d'une histoire audiovisuelle de la littérature.Having appeared on the program schedules by the middle of the 20th century, the literary television show presents itself as a hybrid cultural object which, through a diversity of configurations, seeks to conjoin textual and audiovisual support, discourse and staging, culture and entertainment. Focusing on the series of authors' portraits Trois jours avec…, broadcasted between 1973 and 1976 by the Swiss French Television, this article aims to analyze a formula that opens up multiple perspectives in terms of televisual capture of the literary, to determine its relation to the authors' works, as well as to question its significance in view of an audiovisual history of literature.
- Éprouver la frontière. Oscillations de la littérature « post-postmoderne » entre référentialité et fictionnalité - Marie Fleury Wullschleger p. 137-155 Depuis le début du xxie siècle, les frontières entre réalité et fiction se font, dans la littérature française, (de nouveau) saisissables. À l'écriture postmoderne, qui effaçait les différences entre les deux pôles, succèdent toutes sortes de procédés narratifs qui travaillent à rendre palpable l'hétérogénéité des éléments réels au cœur de la fiction. Ainsi la littérature « post-postmoderne » se distingue-t-elle tant du réalisme historique que de la littérature postmoderne des années 1980-1990. Partant du postulat de l'existence d'une césure entre la fin du xxe et le début du xxie siècle, constatée par la recherche germanophone, mais aussi italienne et nord-américaine, cet article explore, à l'aide d'exemples concrets, la nouvelle manière dont la littérature française appréhende la réalité extratextuelle.Since the beginning of the 21st century, the boundaries between reality and fiction in French literature have become more visible (again). Postmodern writing, which erased the differences between these two poles, is now succeeded by all kinds of narrative techniques which aim to make the heterogeneity of real elements in fiction tangible. In so doing, “post-postmodern” literature distances itself both from historical realism and from the postmodern literature of the 1980s and 1990s. Drawing on research from Germany, Italy and North America, that has identified a turning point between the end of the 20th and the beginning of the 21st century, this article explores, using concrete examples, the new approaches that French literature uses to apprehend extra-textual reality.
- Trois jours avec…, ou la littérature au quotidien. Écrivains et écriture au prisme de l'entretien-reportage télévisé (1973-1976) - Selina Follonier p. 117-135