Contenu du sommaire : Dossier thématique - Fixer le prix des médicaments : enjeux, outils, défis et prospective
Revue | Revue française des Affaires sociales |
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Numéro | no 3, juillet-septembre 2018 |
Titre du numéro | Dossier thématique - Fixer le prix des médicaments : enjeux, outils, défis et prospective |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
- Avant-propos - Renaud Legal, Maurice-Pierre Planel p. 5-14
- Existe-t-il un « juste prix » du médicament ? - Claude Le Pen p. 15-25 Le thème du « juste prix » du médicament revient fréquemment dans le débat public sur les prix du médicament sans que cette notion ne soit clairement définie. Selon une opinion répandue elle relèverait de conceptions morales, philosophiques, politiques, étrangères au corpus théorique de la science économique, exclusivement vouée à la détermination des prix « efficients ». Toutefois cette conception apparaît restrictive. Les questions éthiques et morales ont toujours été présentes dans la pensée des économistes qui se sont prononcés – directement ou indirectement – sur ce pourrait être un « juste prix » d'un point de vue économique. C'est ce que nous rappelons dans cet article. En fait, l'analyse historique révèle non pas une mais trois conceptions différentes du « juste prix » que nous qualifierons respectivement de déontologique, essentialiste et contractualiste. La première définit le juste prix comme un prix de marché sans fraude ; la seconde comme un prix exprimant une valeur intrinsèque dissimulée dans les biens ; la troisième comme un prix résultant d'une procédure de détermination « équitable ». Si cette multiplicité des définitions ne peut conduire à qualifier cette notion de « scientifique », elle met en valeur des dimensions permettant de rendre les prix plus « justes » comme l'approfondissement de la définition et de la mesure de la valeur thérapeutique et l'amélioration de l'efficacité des procédures institutionnelles de négociation des prix.The question of a “fair price” for medicine has been frequently raised in the public debate on drug prices without this concept being clearly defined. According to a widespread opinion, such a “fair price” would be based on moral, philosophical, and political concepts that are foreign to the theoretical corpus of economic science, exclusively devoted to the determination of “efficient” prices. However, this concept appears restrictive. Ethical and moral questions have always been present in the thinking of economists who have spoken out — directly or indirectly — on what a “fair price” might be from an economic point of view. This is what we review in this article. In fact, the historical analysis reveals not one but three different conceptions of a “fair price” which we will qualify respectively as deontological, essentialist, and contractualist. The first defines fair price as a market price without fraud, the second as a price expressing an intrinsic value hidden in goods, and the third as a price resulting from a “fair” determination procedure. While this multiplicity of definitions cannot lead to describing this notion as “scientific”, it highlights dimensions that make prices more “fair”, such as reinforcing the definition and measurement of its therapeutic value and improving the effectiveness of institutional procedures for negotiating prices.
- Associations de patients et innovations thérapeutiques : de la mobilisation pour l'accès précoce à la mise en question des prix. L'exemple des associations de lutte contre le VIH et les hépatites - Caroline Izambert, Adeline Toullier, Charlotte Glémarec, Marc Dixneuf p. 27-45 Depuis la perspective d'une association de patients, cet article analyse l'histoire des mobilisations des associations de lutte contre le VIH pour l'accès aux innovations thérapeutiques en France. L'article propose une étude critique et chronologique de l'évolution de cet activisme et des relations entre associations et industrie pharmaceutique. Des années 1980 aux années 2000, l'impératif de l'accès précoce à des traitements de qualité l'emporte sur la préoccupation du prix. Celle-ci se pose alors avant tout au Sud où les prix constituent une barrière à l'accès aux traitements. En 2014, l'arrivée d'un nouveau traitement contre l'hépatite C propulse la question des prix des médicaments au Nord. Les associations se mobilisent à partir de l'expertise développée au Sud en matière de propriété intellectuelle. Ce combat contre les prix comme barrière à l'accès transforme les mobilisations des associations, les incite à investir de nouveaux champs d'expertise et à revendiquer une meilleure représentation au sein de certaines instances.This article, written from the perspective of a patients' association, analyses the history of mobilisations by anti-HIV associations for access to therapeutic innovations in France. The article proposes a critical and chronological study of the evolution of this activist engagement and the relations between associations and the pharmaceutical industry. From the 1980s to the 2000s, the imperative of early access to quality treatment took precedence over price concerns. The latter question arose above all in the South where prices are a barrier to access to treatment. In 2014, the arrival of a new treatment for hepatitis C raised the issue of drug prices in the North. Associations mobilized on the basis of the expertise developed in the South in the field of intellectual property. This fight against prices as a barrier to access transformed the mobilisations of associations, encouraging them to take up new fields of expertise and to demand better representation within certain bodies.
- Le prix des médicaments en France : présentation synthétique des évolutions récentes du système français de fixation des prix - Laurie Rachet Jacquet, Léa Toulemon, Véronique Raimond, Albane Degrassat-Théas, Lise Rochaix, Pascal Paubel p. 47-67 Cet article présente les différents aspects de la détermination du prix des médicaments remboursables en France. Nous abordons la manière dont les prix des médicaments sont fixés selon le statut du médicament, en ville (princeps et génériques) et à l'hôpital (liste de rétrocession et liste en sus). Les enjeux de la fixation du prix et les évolutions récentes sont abordés, ainsi que le rôle des institutions concernées telles que le Comité économique des produits de santé (CEPS) et la Haute Autorité de santé (HAS).This article presents the different aspects of determining the price of reimbursable medicines in France. We discuss how drug prices are set according to drug status : in commercial distribution (brand-name and generic drugs) and in hospital distribution (liste de retrocession [retrocession list] and liste en sus [supplementary list]). Pricing issues and other recent developments are discussed, as well as the role of relevant institutions such as the Healthcare Products Pricing Committee (CEPS) and the French National Authority for Health (HAS).
- Early Access Schemes and Pricing Strategies: A Case Study on Temporary Authorization for Use in France from 1994 to 2016 - Setti Raïs Ali, Véronique Raimond, Albane Degrassat-Théas, Laurie Rachet Jacquet, Lise Rochaix, Xiaoyan Lu, Pascal Paubel p. 69-89 Les procédures d'accès précoce à l'innovation rendent possible l'accès aux médicaments qui n'ont pas encore obtenu leur autorisation de mise sur le marché (AMM) à une population prédéfinie de patients. Dans le cadre réglementaire français, sous ce régime appelé « Autorisation Temporaire d'Utilisation » (ATU), les prix ne sont pas réglementés : ils sont librement fixés par le laboratoire pharmaceutique, ce qui contraste avec le système des prix administrés en vigueur pour les médicaments remboursés. Cette étude contribue à la littérature peu abondante sur le sujet en analysant le régime d'ATU depuis sa mise en œuvre en 1994 jusqu'en 2016. Cette longue période permet de documenter et de décrire le régime des ATU et son impact sur les prix. Nous analysons la différence de prix entre le prix librement établi sous ATU et le prix post AMM, après négociation avec le Comité Économique des Produits de Santé (CEPS). Notre principal résultat montre qu'après la réforme réglementaire de 2007 qui a contraint, le cas échéant, les laboratoires pharmaceutiques à rembourser la différence entre le prix ATU et le prix post AMM, les prix post AMM négociés par le CEPS sont plus souvent inférieurs aux prix ATU. Plusieurs interprétations, non exclusives les unes des autres, peuvent être avancées pour expliquer ce résultat. Celui-ci peut signifier que la réforme a renforcé le pouvoir de négociation du CEPS. Il peut aussi signifier que le remboursement du trop-perçu pendant la période d'ATU ne constitue pas une incitation suffisante pour que les laboratoires modèrent véritablement leurs prix ATU. Enfin, il se peut qu'indépendamment de la réforme, les laboratoires surestiment depuis quelques années la valeur thérapeutique de leurs médicaments.Early access schemes for pharmaceuticals have been increasingly implemented worldwide with the objective of satisfying unmet medical needs or facilitating market access for certain innovative drugs. It allows for pharmaceuticals which have not yet obtained their marketing authorization (MA) to be administered and reimbursed to a pre-defined population of patients. Under the French regulatory framework, this scheme consists in a window of unregulated prices, which stands in contrast with the system of administered prices for reimbursed pharmaceuticals. Our study aims at filling a gap in the literature by analyzing the French Temporary Authorization for Use (TAU) scheme since its implementation in 1994 up to 2016. This long time span allows to document and describe the TAU scheme and its impact on prices. In this article, we review the price difference between the freely set price under TAU and the post-MA price, after negotiation with the French Pricing Committee. Our main result shows that the 2007 regulatory change, which compelled pharmaceutical companies to reimburse the difference between the TAU price and the post-MA price, is significantly correlated with decreasing or stable post-MA-to-TAU price ratios.
- De l'administration des prix à la régulation du marché : enjeux et modalités de la fixation des prix des médicaments en France depuis 1948 - Cyril Benoît, Étienne Nouguez p. 91-109 L'article étudie les évolutions de la fixation du prix des médicaments par l'État en France depuis 1948. Si les objectifs de cette politique sont restés les mêmes depuis 70 ans (assurer l'accès des patients à des traitements de qualité, sans grever les comptes de l'Assurance maladie ni compromettre le développement de l'industrie), ses modalités concrètes ont de leur côté fortement évolué, passant d'une administration unilatérale des prix par l'État à une co-régulation du marché des médicaments. Cette transformation a amené les représentants de l'État et de l'Assurance maladie (le Comité économique des produits de santé) à composer avec un nombre croissant d'acteurs (industriels, experts indépendants, professionnels de santé mais aussi politiques pratiquées dans d'autres pays). Pour autant, elle n'a pas conduit à un retrait de l'État : au contraire, la portée de la régulation s'est étendue à l'ensemble des acteurs et des dispositifs déterminant les dépenses de médicaments remboursés.This article studies the evolution of drug pricing by the French State since 1948. While the objectives of this policy have remained the same for 70 years — ensuring patients' access to quality treatment, without over-burdening the budget of the Assurance maladie [health Insurance system] or compromising industrial development — its practical modalities have considerably evolved, moving from a State-based unilateral price-fixing scheme to a co-regulation of the drugs market with pharmaceutical companies. This transformation has led civil servants of the State and of the Assurance Maladie (the Economic Committee for Health Products) to deal with a growing number of players — pharmaceutical companies, independent experts, and health professionals — as well as with policies practiced in other countries. However, this has not led to a reduction in the state's activity: on the contrary, the scope of regulation has extended to all actors and mechanisms determining the expenditure for reimbursed medicines.
- Une (brève) histoire de la Commission de la transparence - Claude Le Pen p. 111-127 La Commission de la transparence (CT), cette instance médico-administrative chargée de se prononcer sur l'opportunité d'une prise en charge des médicaments par l'Assurance maladie, a peu été étudiée en dépit du rôle éminent qu'elle joue dans le fonctionnement du système de santé. Nous proposons d'en écrire l'histoire du point de vue de sa logique interne de fonctionnement, de ses missions et de ses outils d'analyse. Créée en 1980, 35 ans après la Sécurité sociale, elle s'est inscrite dans une continuité doctrinale en matière d'accès au marché des médicaments, inspirée et défendue par l'État. Elle s'efforcera d'y rester fidèle, en dépit des réformes auxquelles elle a été constamment soumise. Cet historique éclaire les débats actuels sur la place de la Commission et sur la pertinence de ses concepts de « service médical rendu » ou « d'amélioration du service médical rendu ». La question se pose, en outre, de savoir si les ajustements empiriques, respectueux des principes fondateurs, auxquels l'État a dû procéder pour adapter la CT à de nouvelles donnes scientifiques, sociales et économiques seront toujours possibles dans l'avenir. Des réformes plus doctrinales ne s'imposeront-elles pas, bousculant des principes fermement établis comme le caractère national des procédures d'accès au marché ou la séparation de l'évaluation médicale et de l'évaluation économique ?The “Transparency Commission” (CT) — the medico-administrative body in charge of deciding on the suitability of pharmaceutical coverage by the health insurance system — has received little study despite the eminent role it plays in the functioning of the health system. We propose to write its history from the point of view of its internal operating logic, of its missions and its analytical tools. Created in 1980, 35 years after founding of Social Security, it is part of a doctrinal continuity in terms of access to the pharmaceutical market, inspired and defended by the state. It has tried to remain faithful to this mission, despite the reforms to which it has been constantly subjected. This history sheds light on the current debates on the place of the Commission and on the relevance of its concepts of “medical service rendered” or “improvement of the medical service rendered”. The question also arises as to what empirical adjustments, respecting the founding principles, the state has had to make in order to adapt the CT to new scientific, social, and economic conditions which will always be possible in the future. Have more doctrinal reforms become necessary, challenging firmly established principles such as the national character of market access procedures or the separation of medical and economic evaluation ?
- Médicaments innovants onéreux : vers le paiement de résultats contractualisés ? - Francis Megerlin p. 129-146 Aucun accord ne peut prétendre déterminer les prix des médicaments innovants onéreux sur une base scientifique exclusive ou dominante. Ces prix relèvent de ce fait de difficiles négociations commerciales, multifactorielles. Dans un contexte international d'inflation continue et de désarroi des décideurs, les accords se diversifient, les prix publics voient leur justification évoluer et perdent leur signification, au prix de délais d'accès insupportables, voire d'une rupture de dialogue entre acheteurs et producteurs. Entre ces derniers, un contrat de partage de risques économiques peut parfois être justifié pour motiver le co-développement d'une technologie et/ou une transformation organisationnelle sur notre territoire national. Mais pour les contrats d'achat-vente qui ne recouvrent pas cet objet, la garantie commerciale de résultats définis par avance à l'échelle individuelle ou populationnelle nous semble une voie raisonnable, et l'approche dite value-based pricing inappropriée.No agreement can claim to determine the prices of expensive innovative drugs on an exclusive nor dominant, scientific basis. Therefore prices are a result of difficult and multifactorial trade negotiations. In a global context of soaring inflation and decision-makers' disarray, trade agreements diversify. Public prices receive new justifications and lose their meaning – inducing unbearable delays, potentially a dialogue rupture between producers and purchasers. Economic risk-sharing agreements between parties can sometimes be justified, to incentivize the co-development of an innovative technology and/or organizational transformations on our national territory. By contrast, we consider that pure ‘purchase-and-sale' agreements for innovative, expensive drugs call a commercial guarantee of contracted individual/populational outcomes, and the so-called ‘value-based pricing' to be inappropriate.
- Le rôle de l'évaluation économique dans la régulation des prix des médicaments innovants protégés par des brevets - Jérôme Wittwer p. 147-159 L'objet de cette contribution est de revenir sur le rôle théorique de l'évaluation économique des médicaments innovants dans le cadre d'une régulation du marché des médicaments fondée sur une protection par brevet des innovations. Après un rappel sur les mécanismes incitatifs d'une régulation d'un marché par brevet, le rôle de l'évaluation économique dans ce cadre de régulation est précisé. Le contexte spécifique de la fixation du prix du médicament en France et la place qu'y trouve l'évaluation économique sont étudiés dans un dernier temps.The purpose of this contribution is to return to the theoretical role of the economic valuation of innovative medicines within the framework of the regulation of the pharmaceutical market based on patent protection for innovations. After a review of the incentive mechanisms of patent market regulation, the role of economic evaluation in this regulatory framework is clarified. The specific context of fixing prices for medicine in France and the role of economic evaluation are studied at the end of the article.
- Des savoirs économiques au prix du médicament. La trajectoire bureaucratique des avis d'efficience en France - Magali Robelet, Daniel Benamouzig, Jérôme Minonzio p. 161-180 Depuis 2012, la négociation sur le prix des médicaments innovants entre l'État et les industriels prend en compte un « avis sur l'efficience » émis par une commission de la Haute Autorité de santé. Cette nouvelle procédure mobilise des savoirs économiques, dont l'introduction n'a rien d'évident dans le contexte institutionnel français, traditionnellement rétif à l'usage de l'économie. À partir d'une enquête sociologique conduite auprès des services et de la Commission d'évaluation économique de la HAS, cet article analyse la façon dont le calcul coûts-résultats a été introduit dans la fixation des prix des médicaments, en insistant sur le travail opéré par les économistes de la HAS sur les méthodes et les procédures d'évaluation économique. Ces dernières se caractérisent par un degré accru de formalisation. Il pointe aussi les effets institutionnels de l'introduction des avis d'efficience, qui rapprochent des acteurs ayant jusqu'alors travaillé de manière largement séparée, sans pour autant ouvrir publiquement les débats relatifs aux prix des médicaments.Since 2012, negotiations between the state and industry on the price of innovative medicine have taken into account an “efficiency notice” issued by a High Health Authority (HAS) commission. This new procedure mobilizes economic knowledge, the introduction of which has been difficult in the French institutional context, traditionally resistant to the use of economics. This article analyses the way in which cost-result calculations have been introduced in fixing drug prices, based on a sociological survey conducted among the services and the economic evaluation commission of the HAS. It emphasizes the work carried out by the HAS economists on economic evaluation methods and procedures. The latter are characterised by an increased degree of formalisation. It also points to the institutional effects of the introduction of efficiency notices, which bring together players who have hitherto worked largely separately, without, however, opening up public debates on drug prices.
- NICE et les interférences pharmaceutiques. La négociation de prix exorbitants - Daniel Benamouzig p. 181-201 En vingt ans, NICE (National Institute for Clinical Excellence) s'est imposé comme une agence de référence internationale en matière d'évaluation médico-économique. Créée en 1999, l'agence a conservé deux spécificités : le caractère central des analyses coûts-résultats dans ses travaux, et une expertise en matière de médicament. NICE a conquis une capacité administrative dans des contextes débattus, sur lesquels les industriels se sont efforcés d'exercer une influence récurrente, comme l'illustre l'analyse sociologique du cas de l'interféron bêta dans le traitement de la sclérose en plaques. L'introduction du médicament à un prix élevé en 1995, dans un contexte de réorganisation du système de soins, accompagne la création d'une agence nationale. Mais des stratégies de contournement mises en œuvre par des industriels donnent à voir des formes d'influence, voire d'interférences avec la décision publique, qui aboutissent à l'invention d'un « schéma de partage de risques » dont la mise en œuvre se déploie jusqu'aujourd'hui. Tout en contournant les avis négatifs de NICE, l'accord garantit durablement un prix élevé à des médicaments controversés.In twenty years, NICE (National Institute for Clinical Excellence) has established itself as an international reference agency in the field of medico-economic evaluation. Created in 1999, the Institute has retained two specific features: the centrality of cost-results analyses in its work, and expertise in the field of medicine. NICE has acquired administrative skills in highly contested contexts, in which industrialists have tried to exert a persistent influence, as illustrated by the sociological analysis of the case of Interferon Beta in the treatment of multiple sclerosis. The 1995 introduction of this medication at a high price, in a context of the reorganization of the health care system, coincided with the creation of a national agency. But circumvention strategies implemented by industrialists demonstrate the forms of influence and even of interference with public decision-making leading to the invention of a “risk-sharing scheme”, the implementation of which is still ongoing. While circumventing the negative opinions of NICE, the agreement guarantees a sustained high price for controversial medicines in a debated context.
- Drug Pricing in the United States: Prospects for Balancing Affordability, Access, and Rewards for Innovation - Anna Kaltenboeck p. 203-225 Aux États-Unis, les produits pharmaceutiques occupent une place à la fois considérable et grandissante dans des dépenses de santé qui représentent elles-mêmes plus de 17 % du produit intérieur brut (PIB). Le niveau élevé et croissant des prix, en particulier de ceux des médicaments brevetés, explique en grande partie cette tendance et remet en cause l'accessibilité financière des médicaments et l'accès des patients aux traitements. Face au mécontentement de la population devant cette situation, des réformes ont été proposées, mais leurs conséquences potentielles sur le financement de l'innovation future suscitent des interrogations. Pour réaliser une évaluation critique de l'impact que pourrait avoir une réforme sur l'équilibre entre accessibilité financière, accès aux traitements et rémunération de l'innovation aux États-Unis, il faut au préalable bien comprendre le fonctionnement du système actuel d'achat et de remboursement des médicaments. Dans cet article, nous analysons les relations et transactions financières qui ont lieu entre les différents maillons de la chaîne d'approvisionnement pharmaceutique et qui exercent une influence sur le marché, certaines d'entre elles pouvant être à l'origine d'une inflation des prix. Nous dressons ensuite un état des lieux de l'innovation dans cet environnement, avant d'examiner les pistes de réforme qui pourraient être suivies pour endiguer la hausse du prix des médicaments brevetés. Il pourrait notamment être envisagé d'engager des réformes du paiement des médicaments axées sur la recherche d'un juste équilibre entre accès des patients aux traitements et rémunération de l'innovation et d'introduire des mécanismes de tarification en fonction de la valeur économique estimée (value-based pricing). Pour que ces réformes atteignent leurs objectifs, il faut cependant lutter contre les pratiques qui empêchent l'instauration d'une véritable concurrence au moment de la perte d'exclusivité due à l'expiration du brevet et remédier aux effets pervers de certains mécanismes d'incitation à l'innovation.Healthcare expenditures comprise over 17 % of the United States Growth Domestic Product, with a considerable and growing share attributable to pharmaceutical products. High and increasing prices, particularly those commanded by branded drugs, are a major driver of this growth and pose challenges to patients' ability to afford or gain access to treatment. Reforms have been set forth in response to public outcry over these concerns; the proposed changes have in turn raised questions about potential implications for future innovation. To critically evaluate the potential effect of a policy change on the balance between affordability, access, and rewards for innovation in the United States requires an understanding of its current system of purchasing and reimbursement for drugs. This article examines the relationships and transactions across the pharmaceutical supply chain that shape the market, a number of which can place inflationary pressure on prices. It goes on to review the state of innovation under these conditions, and considers the potential of payment reform and other policy proposals to address pricing concerns among branded drugs.
- Trial Implementation of Quasi Value-based Pricing for Pharmaceuticals and Medical Devices in Japan: Issues in Dispute - Isao Kamae p. 227-248 Au Japon, le prix des médicaments remboursables est égal à un prix de base majoré d'une « prime » reflétant le caractère plus ou moins innovant du produit. Bien que des considérations économiques interviennent dans ce calcul, la méthode employée laisse une large place à la subjectivité – raison pour laquelle nous parlons de « Quasi Value-Based Pricing ». Confronté à une explosion des dépenses de santé, le ministère de la Santé, du Travail et des Affaires sociales a chargé un comité ad hoc créé au sein du CMC, l'instance compétente en matière de fixation du prix des médicaments, de définir une nouvelle méthode d'évaluation économique des technologies de santé. Une expérimentation a été lancée en avril 2016 pour sept médicaments et six dispositifs médicaux remboursables. L'objectif était de définir une méthode pour recalculer le prix de ces produits, puis de déployer l'expérimentation à plus grande échelle. Initialement prévu pour mars 2018, ce déploiement a été reporté d'une année faute de consensus, la méthode de calcul proposée ayant suscité de vives critiques des scientifiques et de l'industrie pharmaceutique. La proposition consiste à calculer le ratio différentiel coûts-résultats (RDCR) en lui appliquant un taux d'actualisation pour tenir compte de critères éthiques et sociaux, puis à calculer le prix en fonction de formules algorithmiques différentes selon le niveau du RDCR. Outre le fait que la méthode employée pour moduler le RDCR est scientifiquement discutable et que, pour transparente qu'elle soit, l'utilisation de formules algorithmiques associées à un niveau de RDCR donné comporte un risque d'arbitraire et n'offre aucune souplesse, la réforme telle qu'elle est envisagée n'encourage pas l'innovation. Pour remédier à ces faiblesses, nous proposons une démarche en deux phases : une phase d'évaluation scientifique reposant sur une méthode pharmaco-économique valide et une phase de délibération. Nous insistons sur le fait que la mise au point d'une méthode de calcul, quelle qu'elle soit, exige des compétences extrêmement pointues, qui sont rares au Japon, ce qui plaide en faveur de la création d'une autorité publique d'évaluation des technologies de santé. Nous concluons notre article en invitant les autres pays à tirer des enseignements de l'expérience du Japon et des controverses soulevées par la réforme.The reform of pricing rules by the Japanese ministry of Health, Labour and Welfare is in progress since April 2016, as of June 2018. The primary objective is to integrate cost-effectiveness evaluation to the current pricing system, which adds a « premium » on the baseline product price. The government plans to employ an algorithmic method, transparent but mechanical, to adjust the premium price by plugging the estimated cost-effectiveness ratio into an equation (developed by the government) for price adjustment. Whilst a political consensus can easily be reached on this issue, we argue that this approach is neither scientific nor flexible enough for these ongoing discussions. We also argue that those disputed issues in Japan, which deal with wise spending of healthcare resources and the use of pharmacoeconomics, could be employed as an interesting – yet methodologically troubled – case study of High Technology Assessment (HTA) by any public agency elsewhere in the world.
- Prices, Patents and Access to Drugs: Views on Equity and Efficiency in the Global Pharmaceutical Industry - Quentin Cavalan, Maud Hazan, Irène Hu, Roxane Zighed p. 249-268 Dans cet article consacré à la fixation du prix des médicaments sur le marché pharmaceutique mondial, nous nous intéressons à la question de l'accès aux traitements dans les pays en développement. La définition du prix des médicaments dans un contexte international suppose la prise en compte du dilemme entre équité et efficience. D'un côté, les pays en développement veulent pouvoir accéder à des médicaments à prix abordables pour traiter des maladies telles que le sida, le paludisme ou la tuberculose. De l'autre, l'industrie pharmaceutique a besoin de protéger ses droits de propriété intellectuelle pour avoir un intérêt à investir dans l'innovation et le développement de nouveaux médicaments. Nous posons donc la question des politiques qui peuvent être mises en œuvre pour concilier ces deux exigences. Nous présentons d'abord les caractéristiques du marché pharmaceutique mondial et les difficultés d'accès aux traitements qu'elles entraînent pour les pays en développement. Dans un deuxième temps, nous mettons en perspective différentes politiques actuelles relatives à la tarification des médicaments (tarification différenciée et réglementation des prix) et aux brevets pharmaceutiques, en décrivant les principes qui les sous-tendent ainsi que leurs effets et leurs limites. Ces politiques sont conçues pour optimiser à la fois l'offre de médicaments et l'accès aux traitements. Dans un contexte où les interactions économiques entre pays développés et pays en développement sont de plus en plus fortes, toute la difficulté pour les concepteurs de ces mesures réside dans la nécessité de ménager un juste équilibre entre la sauvegarde des incitations à investir dans la recherche et développement d'une part et la prise en compte de la faiblesse relative du pouvoir d'achat dans les pays en développement d'autre part. Nous examinons enfin deux approches innovantes issues de la littérature économique et évaluons dans quelle mesure elles permettent de concilier équité et efficience. La première, qui allie forte protection de la propriété intellectuelle et tarification différenciée, ne permet pas cette conciliation, notamment parce que le commerce parallèle et le référencement externe restent d'actualité. La deuxième, connue sous le nom d'Advance Market Commitment (AMC) ou garantie de marché, repose sur un accord passé entre un pays en développement, un financeur et un laboratoire et encourage la concurrence pour l'innovation. Elle pourrait se révéler plus prometteuse même s'il reste des obstacles à surmonter.In this essay about international drug pricing in the global pharmaceutical market, we focus on the issue of access to medicine in developing countries. Acknowledging the essential trade-off between equity and efficiency that characterizes international drug pricing, we provide a perspective on the panorama of drug pricing and patenting policies. These policies are designed to optimize both supply and access to drugs. We examine their respective rationales, consequences and limitations. In a context of increasingly intense market interactions between developed and developing countries, the common challenge for these regulations is to safeguard incentives for the research and development industry, while accounting for lower purchasing power in developing countries.
- L'importance des remises dans la comparaison internationale des prix du médicament - Athémane Dahmouh, Carine Ferretti, Noémie Vergier p. 269-296 Face aux contraintes budgétaires des systèmes de santé et aux prix élevés demandés par les laboratoires pharmaceutiques lors de la commercialisation de nouveaux médicaments, le mode de régulation du marché des médicaments est un enjeu majeur pour les États. En Europe, un des principaux leviers de régulation porte sur les prix et sur les remises versées à l'assurance maladie.Dans ce contexte, l'objectif de l'étude est d'examiner les véritables écarts de prix fabricants hors taxe des médicaments remboursables protégés par des brevets et délivrés en ville entre la France et les pays qui lui servent de référence dans la fixation des prix (Allemagne, Royaume-Uni, Espagne et Italie). Cet article met en évidence des prix faciaux français inférieurs à ceux de ses comparateurs européens, cet écart pouvant atteindre 38 % avec l'Allemagne. Toutefois, la prise en compte des remises pour la France et l'Allemagne montre, malgré un écart important observé sur les prix faciaux, une différence de prix réels payés par l'Assurance maladie obligatoire aux laboratoires qui serait réduite à 21 %, voire à seulement 6 %, après remises.Confronting both the budgetary constraints of health systems and the high prices charged by pharmaceutical companies when marketing new drugs, governments face major challenges in the way in which the drug market is regulated. In Europe, one of the main regulatory levers concerns prices and discounts paid to health insurance systems.In this context, the objective of the study is to examine the real differences in manufacturers' prices, excluding taxes, between France and the countries that serve as a reference in setting prices (Germany, the United Kingdom, Spain, and Italy), of reimbursable medicines protected by patents and distributed in community pharmacies. This article shows that French face-value prices are lower than those of its European comparators, with a gap of up to 38 % between Germany and France. However, taking into account the discounts for France and Germany shows that, despite a significant difference observed on face-value prices, the difference in real prices paid by compulsory health insurance to laboratories would be reduced to 21 %, or even to only 6 %, after discounts.
- Potentiel et limites d'une évaluation technologique des produits de santé à l'échelle européenne : l'évaluation des technologies de santé (ETS) européenne face à ses contradictions - Blandine Hirtz p. 297-305
- Vers la disparition (un jour) du prix du médicament ? - Éric Baseilhac p. 307-315
- Appel à contribution pluridisciplinaire sur : « Fixer le prix des médicaments : enjeux, outils, défis et prospective » Pour le numéro de juillet-septembre 2018 : Le dossier sera coordonné par Renaud Legal (Direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques — DREES) et Maurice-Pierre Planel (Comité économique des produits de santé — CEPS) - p. 317-326