Contenu du sommaire : Migrants et accès à la ville
Revue | Espaces et Sociétés |
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Numéro | no 172-173, 2018/1 |
Titre du numéro | Migrants et accès à la ville |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
I. Migrants et accès à la ville
- Accueillir, insérer, intégrer les migrants à la ville - Fatiha Belmessous, Elise Roche p. 7-18
- Le coût d'une existence sans droits. La trajectoire résidentielle d'une femme sans-papiers - Joanne Le Bars p. 19-33 Cet article se propose d'interroger l'accès à la ville des migrant-e-s à partir d'un cas, celui de Djénéba Touré, une femme sans papiers originaire d'une ville moyenne du Mali, arrivée dans l'agglomération parisienne en 2011. La focalisation sur une trajectoire résidentielle vise à rendre compte de l'expérience citadine de précarisation d'une femme sans droits, seule, issue des classes populaires non diplômées. Malgré une expérience migratoire genrée et postcoloniale en partie commune, ces migrantes sans papiers n'ont en effet pas le même accès à la ville. En prenant un cas extrême de mon terrain, on se rend compte combien leurs ressources sociales différenciées restent déterminantes dans cette histoire. Ici, la moins dotée socialement de mes interlocutrices, à la trajectoire résidentielle toujours plus précaire, finira par décéder dans la rue. Prise en charge par les institutions de l'urgence sociale, Djénéba est confrontée à la mobilité contrainte et à la relégation spatiale.This article attempts to investigate migrants' access to the city on the basis of one case, that of Djénéba Touré, an undocumented woman from a medium-sized town in Mali who arrived in the Paris metropolitan area in 2011. The focus on a single residential trajectory is intended to describe the growing urban precariousness experienced by an isolated woman without rights who comes from an uneducated working-class family. Notwithstanding certain shared features of their gendered, post-colonial migratory experiences, undocumented women migrants do not all have the same access to the city. This focus on an extreme case from my fieldwork permits us to understand the degree to which differences in their social resources remain determinant. In this instance, the interviewee with the fewest social resources and an increasingly precarious residential trajectory was to die in the street. For Djénéba, assistance from the city's social emergency structures meant limited mobility and spatial relegation.
- Les réfugiés de guerre syriens au Liban (2011-2016). Quel accès à la ville pour des citadins indésirables ? - Dima El Khouri-Tannous, Nicolas Bautès, Pierre Bergel p. 35-54 Confrontée à un flux massif de réfugiés syriens depuis le début du conflit syrien, la société libanaise et les autorités doivent faire face à une transformation sans équivalent dans l'histoire récente du pays, d'autant plus brutale que les Syriens se concentrent dans les villes. De ce fait, la migration syrienne au Liban se démarque des représentations usuelles, qui associent les populations réfugiées aux installations temporaires ou aux camps de toile. L'augmentation rapide des populations urbaines (de l'ordre de 25 % en quatre ans) met à mal les infrastructures et accentue les tensions entre Libanais et nouveaux arrivants syriens. Les pouvoirs publics libanais ont pourtant tardé à réagir. Depuis 2011, le gouvernement a par exemple refusé d'accorder aux Syriens le statut de réfugié. Il leur a progressivement imposé de lourdes restrictions, les soumettant à partir de janvier 2015 au système de la kafala (parrainage) qui place tous les travailleurs migrants sous l'autorité personnelle d'un mandataire libanais. De ce fait, les réfugiés sont contraints à recourir à des stratégies d'invisibilisation dans la ville et se retrouvent souvent en situation illégale. L'article analyse les changements survenus dans les politiques migratoires opérées par le gouvernement entre 2011 et 2015, leurs effets négatifs sur la capacité des Syriens à accéder à la ville, ainsi que les transformations opérées sur l'ensemble de la vie citadine, tant pour les Syriens que pour les Libanais.Faced with a massive flow of Syrian refugees since the beginning of the conflict in Syria, Lebanese society and government alike have been confronted with a transformation without equivalent in the country's recent history. The situation has been aggravated by the fact that the refugees are concentrated in the cities. In this respect, the Syrian migration to Lebanon stands out from typical representations, which associate refugee populations with temporary facilities or tent camps. The rapid increase in urban populations (roughly 25% in four years) has caused severe damage to the infrastructures and intensified tensions between the Lebanese and new arrivals from Syria. The Lebanese authorities have nevertheless reacted slowly. Since 2011, the government has, for example, refused to grant refugee status to the Syrians and imposed increasingly heavy restrictions on them. As of January 2015, Syrian migrant workers are placed under the authority of an individual Lebanese ‘sponsor' (the kafala sponsorship system), which condemns them to an invisible existence in the city and often places them in an illegal situation. The article analyses the changes in the Lebanese government's migratory policies between 2011 and 2015, their negative effects on the Syrians' ability to gain access to the city and the transformations in the whole of urban life, for Syrians and Lebanese alike.
- Les lieux de l'insertion et de l'intégration sociale des réfugiés. Le cas de Dessau, ville en décroissance - Marguerite Brault, Hélène Daccord, Julie Lenouvel p. 55-72 L'arrivée massive de réfugiés en Allemagne est autant perçue comme un défi que comme une chance par les décideurs publics à toutes les échelles. Il en est ainsi à l'échelle locale de Dessau-Rosslau, ville en décroissance de Saxe-Anhalt, où, dans le cadre d'une politique d'insertion par le logement, un certain nombre de logements vacants ont été mis à disposition des demandeurs d'asile. Cet article propose d'analyser, dans ce contexte local, les interactions entre les nouveaux arrivants et la société d'accueil à travers les lieux qui marquent leur itinéraire, en questionnant les deux concepts d'insertion et d'intégration. Comment ces phénomènes sociaux peuvent-ils se traduire et se mesurer dans l'espace ? Peut-on identifier des lieux qui seraient révélateurs d'un processus d'intégration pour les réfugiés ? L'étude des lieux semble finalement remettre profondément en cause le projet politique et social d'intégration socioculturelle.The massive arrival of refugees in Germany is considered as both a challenge and an opportunity by public actors at every level. This is precisely the case in Dessau-Roßlau, a shrinking city in Saxony-Anhalt where asylum seekers have been given unoccupied dwellings on the basis of a policy of insertion through housing. By examining the places that matter for the newcomers, this article offers an analysis of the interactions between them and the host society and examines the two concepts of insertion and integration. How can these phenomena be observed and measured in space? Is it possible to identify places that help to reveal an integration process? In the end, the study of these places appears to call into question the very project of socio-cultural integration.
- La ville (in)hospitalière : parcours scolaire et résidentiel d'une famille syrienne à Marseille - Assaf Dahdah, Gwenaëlle Audren, Florence Bouillon p. 73-91 Depuis 2015, l'arrivée de milliers de migrants en France a mis en exergue les dysfonctionnements d'un système d'asile déjà saturé. Couplée à des restrictions budgétaires, cette situation a contraint les administrations responsables de l'accueil à hiérarchiser les publics. Dans ce contexte, comment se traduisent localement les enjeux de leur installation dans la ville ? Le parcours d'une famille syrienne récemment arrivée à Marseille nous a permis d'appréhender les modalités d'accès à la ville à travers deux axes : l'hébergement et la scolarisation. Fondé sur une enquête ethnographique, cet article témoigne des multiples obstacles à l'installation engendrés par le système administratif français. Mais l'expérience de cette famille atteste également de l'existence d'une pluralité d'acteurs qui se mobilisent en faveur des migrants et révèle la dimension hospitalière du centre-ville de Marseille.Since 2015, the arrival of thousands of migrants in France has brought out the dysfunctions of an asylum system already at the saturation point. This situation, combined with budget cuts, has forced the state administrations responsible for the reception of migrants to prioritise the new populations. In such a context, how are the challenges related to their settlement in the city reflected locally? The experience of one recently arrived Syrian family in Marseilles has allowed us to explore the forms of access to the city in two areas: housing and schooling. Based on an ethnographic study, this article brings out the multiple obstacles created by the French administrative system. But the family's experience also demonstrates the existence of many actors coming to the assistance of migrants and brings out the hospitable side of centre-city Marseilles.
- Du national au municipal ? Perspectives locales sur les politiques d'intégration en Israël - Amandine Desille p. 93-108 Cet article analyse les tensions entre la politique nationale d'intégration des immigrés (juifs) en Israël, et l'interprétation locale de cette politique dans le cadre municipal. Si les autorités locales reproduisent des logiques d'État, l'analyse des politiques d'immigration et d'intégration de trois villes moyennes israéliennes entre 2013 et 2016 nous amène à constater deux ruptures par rapport à la politique nationale. La première est l'adoption d'une orientation multiculturelle, où les immigrés jouissent d'une plus grande liberté pour maintenir leurs pratiques socioculturelles. Résultat de tendances plus globales, de réformes de l'État israélien entamées dans les années 1980, de pressions politiques, et de la plus grande diversité démographique et culturelle du pays, cette nouvelle dimension de l'intégration rompt ainsi avec la dimension assimilationniste de la politique d'intégration israélienne telle qu'elle a été formulée lors des premières grandes vagues d'immigration. Les institutions locales sont donc plus ouvertes au multiculturalisme que l'idéologie nationale. La deuxième rupture est liée à l'injonction de développement économique qui pèse de plus en plus sur les autorités locales. Dans ce contexte, les acteurs de la ville mettent en place une politique locale afin de mieux contrôler les immigrés qu'ils accueillent. La municipalité s'émancipe en partie de l'obligation morale de l'accueil des immigrés juifs, et met en avant une politique d'immigration choisie.This article analyses the tensions between Israel's national policy for the integration of (Jewish) immigrants and the local interpretation of this policy within the municipal context. Although local authorities reproduce the state's logics, the analysis of immigration and integration policies in three medium-sized Israeli cities between 2013 and 2016 brings out two breaks with national policy. The first consists of the adoption of a multicultural orientation that gives immigrants greater freedom to preserve their sociocultural practices. Driven by more general trends, the state reforms carried out in the 1980s, political pressures and greater democratic and cultural diversity within the country, this broader conception of integration thus breaks with the assimilationist dimension of Israeli integration policy as formulated during the first massive waves of immigration. Local institutions are therefore more open to multiculturalism than the national ideology. The second break is related to the imperatives of economic development that place increasing pressure on local authorities. In such a context, urban actors introduce a local policy that gives them better control over the immigrants they receive. The municipality, partly freed from the moral obligation to welcome Jewish immigrants, now promotes a policy of selective immigration.
- Lieux, logements et accès à la ville des Roms à Valence (Espagne) - Francisco Torres Pérez, Miguel Monsell Liern p. 109-125 Cet article présente l'accès à la ville des Roms roumains à Valence selon deux variables, le logement et leur lieu d'habitation, effectué à partir d'une analyse de terrain qui montre deux types d'accès. Le premier se caractérise par la localisation dans des logements insalubres, ou en bidonvilles, situés aux marges de l'espace urbain. En plus des mauvaises conditions de vie, ces espaces sont configurés comme des lieux d'exclusion pour la majorité des Roms. L'autre type d'accès concerne un habitat précaire ou « normalisé » situé dans un quartier ouvrier ; des paramètres qui facilitent l'insertion urbaine bien que précaire. Au-delà de l'appartenance ethnique des Roms, notre analyse met en évidence l'importance des facteurs structurels et institutionnels dans leurs formes d'accès à la ville de Valence.This article presents the urban access of Romanian Roma in Valencia on the basis of two variables, housing and place of residence. Our field analysis identifies two types of access. One is characterised by living in substandard housing, isolated or in shantytowns, located on the fringes of the urban space. In addition to the poor living conditions they offer, these spaces are set up as places of exclusion for a majority of Roma. The other type of access consists of inhabiting a precarious or ‘normalized'dwelling located in a working-class neighbourhood, two circumstances that can facilitate better urban insertion, notwithstanding the factors of residential and social precariousness. Beyond the Roma's ethnic identity, our analysis highlights the importance of structural and institutional factors in their forms of access to the city of Valencia.
- Se faire un platz dans la ville : décrire les pratiques d'appropriation de familles roumaines vivant en bidonville - Céline Véniat p. 127-142 À partir d'une enquête ethnographique menée dans différents bidonvilles en région parisienne, cet article vise à montrer les pratiques d'appropriation de la ville et les expériences de l'habiter des familles roumaines vivant en bidonville. Les habitants mettent à profit la disponibilité de terrains en attente d'un usage formalisé ou d'espaces inutilisables en marge de la ville bâtie en adoptant une stratégie de repérage et d'installation discrète en lien avec une circularité et un ancrage pratique local. Pour construire leurs baraques, les habitants utilisent principalement des matériaux récupérés sur les trottoirs détournant ainsi le sort des objets délaissés par les citadins. La baraque constitue un espace habité dans lequel chaque famille s'aménage un chez-soi pratique et esthétique et se ménage un lieu protégé de l'extérieur dans lequel prend place un enchaînement d'activités et de discussions typiques de la sociabilité familiale ordinaire.Drawing on an ethnographic study carried out in different shantytowns in the greater Paris area, this article is intended to demonstrate the ways Romanian families living in these shantytowns appropriate the city and live in it. The inhabitants make the most of the availability of plots awaiting formal uses or wastelands on the fringes of the city by adopting a strategy of localisation and unobtrusive occupation determined by the need for circularity and a practical local base. By mainly constructing their shacks with materials salvaged on the pavements, the residents give a new twist to the fate reserved for objects abandoned by other city-dwellers. The shack constitutes a living space in which each family organises a practical, attractive place of its own. Protected from the outside world, this space permits a succession of activities and discussions typical of ordinary family sociability.
II. Varia
- Commerçants indépendants à Paris : l'atout de la proximité ? - Rachid Bouchareb p. 143-159 Rester commerçant indépendant dans une grande ville comme Paris s'avère toujours plus difficile quand la proximité urbaine et la sociabilité s'atténuent du fait de pratiques de consommation tenant plus à la renommée marchande du lieu et à la façade des boutiques. Plus nombreux dans le sud de la capitale qu'au sein des beaux quartiers, les petits commerçants et artisans préservent péniblement des métiers tant leur savoir-faire perd de son prestige urbain. Alors qu'une logique associative vise à fédérer les commerçants autour de la proximité comme enjeu du service rendu au client, c'est cependant une logique individuelle qui prévaut tant les situations commerçantes varient selon leurs stratégies et les espaces commerçants. La proximité peut tout à la fois représenter un atout et une contrainte lorsque le commerçant en dépend fortement.To remain small shopkeeper in a big city as Paris proves increasingly more difficult when the urban proximity and sociability attenuate because of practices of consumption holding more with the trade fame of the place and the shops organization. More numerous in the South of the capital than within beautiful areas the small shopkeepers and the craftsmen protect with difficulty occupations much their know-how loses of its urban prestige. While an associative logic aims at federating the shopkeepers around the proximity as the stake in the service provided to the customer, it is however an individual logic which prevails so much the trading situations vary according to their strategies and the shopping space. The proximity can represent quite at the same time an asset that a constraint when the shopkeeper depends on it strongly.
- Commerçants indépendants à Paris : l'atout de la proximité ? - Rachid Bouchareb p. 143-159
Notes de lecture
- Recension d'ouvrages - p. 161-177