Contenu du sommaire : Bercy
Revue | Pouvoirs |
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Numéro | no 168, 2019/1 |
Titre du numéro | Bercy |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
- Bercy : empire ou constellation de principautés ? - Philippe Bezes, Florence Descamps, Scott Viallet-Thévenin p. 9-28 Le ministère de l'Économie et des Finances a une image publique de lieu univoque, forteresse concentrant le pouvoir, parfois assiégée, le plus souvent conquérante. Cet article examine les ressorts de cette domination et ses limites. D'un côté, il montre que la puissance du ministère résulte de sa position centrale dans les réorientations de nombreuses politiques publiques majeures mais, de l'autre, il souligne aussi l'importance de sa fragmentation organisationnelle en de multiples grandes directions historiques, autonomes et chargées de politiques souvent concurrentes et contradictoires. À ces logiques centrifuges s'opposent cependant de multiples initiatives d'intégration et de coordination, comme la force des réseaux et de l'ethos du ministère mais aussi le mouvement permanent d'absorption et de fusion d'organisations.The public image of the ministry of Economy and Finance is one of an unequivocal place, a sometimes besieged but most of the time conquering power fortress. The article analyses the mechanisms of this domination and its limits. On the one hand, it shows that the power of the ministry stems from its central role in the reorientation of many major public policies and, on the other, it stresses the importance of its organisational fragmentation between numerous historical directorates which tend to be autonomous and in charge of policies that are often competing and contradictory. However, these centrifugal tendencies are constrained by numerous initiatives pointing to integration and coordination, such as the strength of the networks and the ethos of the ministry, in addition to the permanent movement of absorption and fusion of organisations.
- Les ministres de Bercy, pilotes ou otages de la structure ? - Alain Lambert p. 29-38 « Ministres pilotes ou otages ? » : cette question est régulièrement posée au sujet des ministres de Bercy. L'analyse pragmatique proposée observe que ces derniers disposent de tous les atouts et d'outils pour affirmer leur autorité, à condition qu'ils s'assument comme « responsables politiques » tant à l'endroit de la structure que des autorités qui leur sont supérieures. Et qu'au final le ministre le plus autonome sera celui qui n'aura pas demandé d'être nommé à ce poste.“Are the ministers pilots or hostages?” This question is often asked regarding the Bercy ministers. A pragmatic analysis indicates that they have at their disposal all the assets and tools necessary to assert their authority, provided they accept their role as “political leaders” vis-à-vis both the structure and their superiors. In the end, the minister with the greatest autonomy might be the one who has not asked to be appointed.
- Cycles de vie à Bercy : Vingt-deux mois pour réussir aux commandes des Finances - Alexandre Siné p. 39-50 La longévité des ministres du Budget et de l'Économie et des Finances a tendance à se réduire sous la Ve République, pour se porter à un niveau inférieur à deux ans. Système politique, trajectoires individuelles ou mise en œuvre des politiques publiques et des réformes en sont les causes. Si cette espérance de vie est analogue à celle des autres départements ministériels, elle est toutefois significativement inférieure à celle des ministres allemands et anglais, ce qui minore la continuité de la représentation française au niveau européen et réduit la capacité à incarner avec constance des politiques de long terme. Par ailleurs, le décalage entre le temps des politiques publiques et celui du ministre incite ce dernier au court-termisme. En revanche, Bercy est un tremplin politique qui permet d'accéder aux plus hautes fonctions de la République ou au sein d'institutions internationales.Under the Fifth Republic, the longevity of the ministers of the Economy and Finance has tended to decrease to below two years. The reasons are to be found in the political system, individual trajectories or the implementation of public policies and reforms. While this life cycle is similar to those of ministers in other departments, it is inferior to that of the German and British ministers, which reduces the continuity of the French representation at the European level and limits the capacity to embody long term policies with consistency. Besides, the discrepancy between the time required for the implementation of public policies and the life cycle of the minister leads the latter to focus on the short term. However, Bercy is a springboard offering access to the highest responsibilities in France or within international institutions.
- Le prélèvement à la source, ou la bataille de Bercy - Raphaël Legendre p. 51-58 Appliqué de 1940 à 1948 en France, le prélèvement à la source fait son grand retour dans l'Hexagone. Les trois années de travaux préparatoires qui ont été nécessaires au lancement de ce chantier pharaonique – trente-huit millions de foyers fiscaux sont concernés – ont été le théâtre de tractations et de luttes de pouvoir intenses entre l'administration, le gouvernement et les entreprises, désormais collectrices de l'impôt contre leur gré. Des luttes telles que le président de la République a lui-même failli annuler la réforme quelques mois seulement avant son lancement. Un épisode inédit, qui a levé le voile sur les relations ambiguës qu'entretiennent au sommet de l'État haute administration publique et pouvoir élu.The pay-as-you-earn scheme, which was first implemented between 1940 and 1948, is making a comeback in France. The three years of preparatory work necessary for the launching of such a colossal project—involving thirty-eight million fiscal households—have been the theatre of intense negotiations and political struggles between the fiscal bureaucracy, the government and businesses that are now forced to collect taxes against their will. These struggles were so intense that the President of the Republic nearly decided to cancel the reform a couple of months before its implementation. This is an unprecedented episode that has revealed the ambiguous relationships between the higher civil service and the elected government.
- Bercy, un vrai premier ministère ? : L'arme du budget - Stéphanie Demarey p. 59-71 Le ministère chargé du budget a longtemps été considéré comme une puissance ministérielle opposée aux ministères dépensiers, leurs intérêts divergeant de fait. Derrière ces antagonismes, on retrouve l'histoire d'un ministère qui s'est trouvé obligé de composer avec le politique, l'économique et le juridique. De cette histoire ont résulté de nouveaux rapports (de force ?) qui ont conduit à redéfinir le rôle de ce ministère par rapport à l'administration, au politique et, in fine, à la société.The minister in charge of the budget has often been considered as a ministerial power opposed to the spending ministries, as their interests diverged de facto. Such antagonisms are explained by the history of a ministry obliged to deal with political, economic and legal issues. This history has produced new (power?) relations which have led to the redefinition of the role of this ministry vis-à-vis the civil service, the political sphere and, in fine, society.
- Les personnels de Bercy : Entre excellence, corporatismes et hubris - Marcel Pochard p. 73-90 Les personnels de Bercy sont marqués du sceau de l'excellence, professionnellement et déontologiquement. Si leur régime de rémunération et d'œuvres sociales, avantageux par rapport au reste de la fonction publique, est à la mesure, tel n'est pas le cas de leur gestion, qui pose problème, entravée qu'elle est par des pesanteurs multiples, notamment corporatistes, qui réduisent singulièrement leur efficience, en particulier s'agissant des agents des deux grandes directions à réseau (dgfip et Direction générale des douanes et droits indirects). Une profonde mue de cette gestion a été engagée depuis la fin des années 1990, mais faute d'un « mandat politique clair », comme le dit la Cour des comptes, cette mue est encore loin de la transformation en profondeur qui s'impose.The members of the staff of Bercy have an impeccable background, at both the professional and the ethical levels. While their salaries and benefits—far higher than for the rest of the civil service—are commensurate with their competencies, such is not the case of their management. It is, indeed, hampered by a lot of red tape, which greatly limits the efficiency of the staff. This is true in particular for the agents of the two great directorates (Public Finances, and Customs and Indirect Taxation). Since the late 1990s, a major reform of the staff management has been implemented, but in the absence of “a clear political mandate”— to use the words of the Court of Auditors—the results are far from the thorough transformation that is required.
- Bercy et les lobbies - Michel Sapin p. 91-97 Bercy, grande administration de l'État au service de l'intérêt général, est par nature plongé dans le monde économique et financier, au contact d'intérêts catégoriels et privés. Bercy doit donc d'une part être ouvert aux expressions des acteurs et à leur écoute, et d'autre part se mettre à l'abri des influences ou même du soupçon d'influence. Son administration doit donc être volontaire et exigeante pour lutter contre les conflits d'intérêts et pour mettre en œuvre la transparence sur l'activité des représentants d'intérêts.As a major department in the service of the common good, Bercy is by its very nature immersed in the economic and financial milieu and is in contact with private vested interests. It must pay attention to the opinions of economic actors and listen to them, while at the same time protect itself from their influence and even from any suspicion of influence. Its administration must therefore act voluntarily and forcefully to fight against conflicts of interests and to impose a total transparency on the activity of the representatives of vested interests.
- Savoir, c'est pouvoir : Les députés face à Bercy - Amélie de Montchalin p. 99-104 Visiblement déséquilibrée et technique, la relation entre les députés et Bercy dissimule un enjeu d'influence plus profondément politique : l'information. Alors que certains facteurs institutionnels, politiques et culturels limitent considérablement les moyens à disposition des élus de la nation en matière d'accès aux données d'intérêt public et d'évaluation économique et financière, un consensus transpartisan émerge sur l'opportunité de mettre en place un « office d'évaluation des politiques publiques » rattaché à la présidence de l'Assemblée nationale. Avec ce nouvel outil d'autonomie et de responsabilité, la relation entre les députés et Bercy pourra enfin passer d'un face-à-face inquiet à un authentique dialogue ouvert, éclairé et constructif. À travers ce débat se joue non pas tant un enjeu technique qu'un véritable combat démocratique.At first sight unbalanced and technical, the relationship between members of Parliament and Bercy conceals a deeply political factor of influence, i.e. information. While certain institutional, political and cultural factors greatly limit the means at the disposal of the representatives of the nation as to their access to data of public interest or relating to financial and economic evaluation, a transpartisan consensus is emerging regarding the need to establish an “office for the evaluation of public policies” attached to the presidency of the National Assembly. With such a new tool allowing both autonomy and responsibility, the relationship between members of Parliament and Bercy could at last shift from a concerned confrontation to a really open, enlightened and constructive dialogue. What is at stake in this debate is not so much a technical issue than a real democratic struggle.
- Le ministre des Finances selon Gaston Jèze : États-Unis, Angleterre et Argentine - Renaud Bourget p. 105-124 Invité à l'université de Buenos Aires en 1923 pour y prononcer une série de conférences, Gaston Jèze exposa le sens qui devait être celui des réformes à mener en Argentine, dont le système financier, pensait-il, tranchait, par les caractères obsolètes et surannés qu'il avait hérités de la période coloniale, avec le grand et riche pays qu'elle était devenue. Consacrant sa deuxième conférence aux fonctions du ministre des Finances argentin, Jèze devait décrire d'emblée la faiblesse de sa situation. C'est donc en Angleterre, pays de « l'équilibre budgétaire » et du « ministre des Finances fort », ainsi qu'aux États-Unis, dont le Congrès venait d'adopter une loi créant le Bureau of the Budget, qu'il trouva les exemples opportuns à suivre. Ce faisant, Jèze livra son « modèle » en la matière : le ministre des Finances doit avant tout être un « ministre de l'équilibre budgétaire ».Invited by the University of Buenos Aires in 1923 for a series of conferences, Gaston Gèze explained the meaning of the reform to implement in Argentina whose financial system, with its obsolete and outdated characteristics inherited from the colonial period, contrasted, according to him, with the large and rich country it had become. In his second conference, Jèze discussed the functions of the Argentinian minister of Finance and described from the outset the weakness of his situation. He suggested turning to England, the country of “budgetary balance” and of a “strong minister of Finance” and to the United States, where Congress had just created the Budget Office, to find the appropriate examples to follow. In doing so, he revealed his “model”: the minister of Finance must first and foremost be the “minister of budgetary balance”.
- Repères étrangers : (1er juillet – 30 septembre 2018) - Pierre Astié, Dominique Breillat, Céline Lageot p. 125-148
- Chronique constitutionnelle française : (1er juillet – 30 septembre 2018) - Jean Gicquel, Jean-Éric Gicquel p. 149-183