Contenu du sommaire : L'actuel et l'imaginaire

Fascinantes pour le grand public mais inquiétantes pour les pouvoirs politiques, les théories du complot sont au cœur de l'imaginaire collectif contemporain. Portées par de nombreux leaders conspirationnistes, aux allures de prophètes, mais aussi par des « chercheurs de vérité », internautes anonymes ou citoyens enquêteurs, les théories du complot foisonnent dans l'espace public et ne cessent de séduire de plus en plus d'adeptes. Faisant écho à une quête de sens collective et à une montée en puissance de la méfiance envers les autorités et les versions officielles, la théorie de la conspiration mondiale s'impose comme un mythe politico-religieux dont les raisons et les degrés d'adhésion, tout comme les profils de ses croyants, sont de plus en plus nombreux et variés.

Cet article se propose de montrer deux ordres de conséquences de la réalité virtuelle : a) les implications esthétiques, afin de déterminer la nature de la temporalité et le type de réactions émotives produites lors de l'utilisation de la réalité virtuelle, ainsi que les différences substantielles que ces temporalités et ces réactions établissent avec le monde moderne du roman, du cinéma ou de la télévision ; b) les implications gnoséologiques, afin de déterminer les outils cognitifs avec lesquels l'utilisateur reconstruit et complète rétrospectivement l'expérience narrative.

La manière dont les subjectivités se dissolvent, se reconfigurent et produisent de la culture dans les réseaux numériques modifie radicalement la vie en société. L'identité disséminée dans les réseaux ne vit pas une simple expérience de désincarnation et d'abstraction du réel au sein duquel elle serait physiquement cantonnée ; à travers une telle déréalisation, la personne immergée dans le paysage numérique découvre ses potentialités et tend à se réincarner dans quelque chose de plus grand et de plus complet que le sujet classique, dans une digital persona, personne numérique animée par la tentation de réunir la passion et la raison, l'organique et l'inorganique, le jour et la nuit, dans une condition où l'autre prévaut sur le moi.

Ce texte vise à réfléchir sur les usages des réseaux sociaux numériques dans le quotidien, particulièrement sur l'altérité configurée par les récits « de soi et de l'autre » en particulier dans l'analyse de Facebook. Notre but est de problématiser comment les usagers s'en servent comme espace de construction des récits que nous nommons « récits cathartiques ». Ceux-ci, selon notre hypothèse, configurent et opèrent une politique d'affects, ce qui met aussi en évidence l'intolérance vis-à-vis de l'autre. En ce sens, notre but est de discuter le rôle des réseaux sociaux dans la dynamique de l'opinion dans l'imaginaire politique actuel.

Cet article analyse le destin et le contenu de la métaphore de la révolution comprise comme la fête des opprimés et des exploités. Formulé par Lénine en 1905 pour célébrer les activités révolutionnaires du prolétariat russe, le concept de la fête souligne bien l'activité créatrice des masses. Bien que Lénine ne soit pas un expert de la quotidienneté, il relève la dichotomie entre le quotidien et le non-quotidien et l'applique aux partis politiques dans la révolution de 1905. Le quotidien est représenté par les opportunistes, alors que le non-quotidien (la festivité) est représenté par les sociaux-démocrates qui insistent sur une lutte révolutionnaire. Quant à la révolution russe de 1917, Lénine n'utilise plus la métaphore de la fête à son égard, mais conserve l'idée de la fête sous une forme implicite.

L'espace virtuel est le principal catalyseur de l'imaginaire sur la santé, encourageant des croyances, des valeurs, mythes, rituels et désirs. La fanpage de la revue « Melhor com saúde » est un symptôme de l'ambiance procurée par la cyberculture, éveillant l'intérêt de plus de 8,5 millions d'internautes sur Facebook. Nous avons utilisé l'approche de la sociologie de l'imaginaire de Maffesoli afin de comprendre comment les signifiés de la santé se reconfigurent dans l'ambiance digitale. Devant le tourbillon d'informations et conseils qu'offre ce média, la santé est un état d'esprit constamment modulé, où les idées et les sentiments, désirs et émotions souvent contradictoires sont ensemble et potentialisent la vie. Au-delà du rationnel, il s'agit d'un ethos esthétique, circonstanciel et sensible aux sentiments, érigé par la communication en réseau.

Cet article s'intéresse à la photographie contemporaine à partir d'un point de vue généalogique. Il propose de considérer le passé de la photographie non seulement comme une réponse pour penser son présent, mais également comme un problème. Pour cela, nous mettons en relation des phénomènes actuels liés à la photographie avec les processus qui l'ont configurée au XIXe siècle. Il est suggéré que les régularités existantes peuvent être vues comme conditions pour penser la construction de quelques caractéristiques principales de la photographie contemporaine, comme la réalisation d'une « relecture » de nos manières de vivre en société et la discussion critique de l'expérience du visible dans notre histoire récente.

L'article montre que les metteur-e-s en scène de théâtre, malgré des trajectoires professionnelles différenciées, partagent une même « communauté de destin », selon l'expression de Ferdinand Tönnies. Ce terme renvoie à l'unité affective qui se crée pendant les formations à la mise en scène, tant entre apprenti-e-s que dans le rapport qui les lie à leurs enseignant-e-s. Il faut noter que le constat de Reine Prat de trajectoires professionnelles inégalitaires entre hommes et femmes s'origine au moment de la sortie des cursus pédagogiques. Les artistes n'entretiennent pas le même rapport subjectif à leur carrière. Après ce temps de désunion, le travail sur le plateau des metteur-e-s en scène montre un autre mécanisme de la « communauté de destin », outre la reconquête du lien matriciel, i.e. la flexibilité interprétative rendue possible par un discours métaphorique ouvrant le spectre de la nature des connexions au collectif.

Il s'instaure dans les capitales urbaines du Brésil des années 1950 une culture visuelle qui s'oriente, peu à peu, vers les idées modernes stimulées en grande partie par le cinéma d'Hollywood : surtout des idées de glamour et de mode. Dans ce contexte et à partir d'une sociologie des formes, nous recherchons les modes d'appropriation de cette culture visuelle par le cinéma brésilien des « chanchadas », généralement critique et contre Hollywood. En établissant une comparaison entre le film américain Samson et Dalila (1950) et la chanchada brésilienne Nem Sansão, nem Dalila (1954), nous démontrons les mécanismes par lesquels les formes visuelles du glamour et de la mode ne sont pas seulement parodiques, mais incorporées et reconfigurées.

Avec le slow travel, cette pratique de voyage en lenteur, nous expérimentons la possibilité de rompre la narrative de nos récits de vie. Nous voulons démembrer ce récit et le reconstituer avec plusieurs morceaux hétérogènes de différentes expériences, venant d'ailleurs. La nostalgie d'ailleurs rend ainsi impossible l'instant présent. Et comment rendre possible cet instant ? En coupant le scénario du quotidien pour le rétablir ailleurs. À ce moment nous devenons une personne composée de différentes facettes changeantes, s'adaptant à chaque nouvel instant d'une vie dorénavant nomade.

Cet essai tente de réfléchir sur les difficultés de méthode imposées au chercheur qui souhaite entreprendre une recherche sur l'imaginaire. On part du postulat que, dans le sillage de Gilbert Durand, les études qui supposent la préséance de l'imaginaire sur d'autres productions humaines, par rapport à la cohérence heuristique, embrassent aussi la définition d'un symbole comme sens vécu, c'est-à-dire le résultat d'une condition d'événement accomplie. Ne constituant pas une propriété empirique stable, le symbolique ne se laisse pas appréhender par les méthodologies centrées sur le travail rationnel sur les données. Il est conclu par la nécessaire soumission initiatique du chercheur au symbolisme comme exigence d'entreprendre des recherches sur l'imaginaire, partant d'une conception de la science qui rompt avec la pensée disjonctive cartésienne et propose un regard plus complexe sur les phénomènes de l'imaginaire.