Contenu du sommaire : Ethnographier les gangs.
Revue | Cultures & conflits |
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Numéro | no 110-111, été-automne 2018 |
Titre du numéro | Ethnographier les gangs. |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
- Maras, pandillas et autres outsiders. Pour une ethnographie des gangs latino-américains - Maya Collombon p. 7-37
- La tradition ethnographique dans la recherche sur les gangs. Un état de l'art - Scott H. Decker p. 39-58 Cet article examine l'évolution des approches ethnographiques dans l'étude des gangs. Il divise l'histoire de ce sous-champ en quatre époques distinctes : classique, interstitielle, contemporaine et la « révolution Rodgers ». La plus récente, la « révolution Rodgers », se concentre principalement sur l'Amérique latine et s'inspire des travaux de Dennis Rodgers ainsi que de ses étudiants. Ce travail fournit des détails considérables sur les influences culturelles, historiques et politiques qui ont produit des gangs dans cette région du monde. L'article souligne également les différentes approches ethnographiques mobilisées dans l'étude des gangs ainsi que leurs rôles dans la société contemporaine.This chapter examines the evolution of ethnographic approaches to studying gangs. It divides the history of the study of gangs with ethnographic methods into four distinct eras: Classic, Interstitial, Contemporary, and the “Rodgers Revolution”. The most recent era, the “Rodgers Revolution” focuses primarily on Latin America, and is inspired by the work of Dennis Rodgers and his students. This work provides considerable details regarding the cultural, historical and political influences that produced gangs in the region. The chapter also highlights different ethnographic approaches in the study of gangs and their role in contemporary society.
- Pour une « ethnographie délinquante » : vingt ans avec les gangs au Nicaragua - Dennis Rodgers p. 59-76 Les gangs font partie d'un nombre restreint de phénomènes quasi-universels, présents au fil de l'histoire dans la plupart des sociétés à travers le monde. Il existe une longue tradition de recherches ethnographiques sur les gangs qui comptent les études les plus approfondies et les plus révélatrices du phénomène. Ceci est en partie dû au fait que l'ethnographie est une approche méthodologique qui appelle au développement d'une certaine intimité avec les gangs, afin de bien comprendre leur logiques et dynamiques de l'intérieur. De par sa nature particulière, l'ethnographie n'est pas une méthode nécessairement évidente à mettre en œuvre afin d'étudier les gangs. Elle soulève de nombreux dilemmes inhérents, tant pratiques qu'éthiques. Cet article se propose de les explorer en se basant sur des recherches ethnographiques sur les dynamiques de gangs au Nicaragua, entamées en 1996 et toujours en cours, afin de plaider pour une « ethnographie délinquante ».Gangs are among a small number of quasi-universal phenomena, present across time and space in most societies across the world. Providing the most profound and insightful studies of this phenomenon, there is a long tradition of ethnographic research on gangs. This is partly due to the fact that ethnography, as a methodological approach, involves the development of a certain intimacy with gangs that then permits an inside understanding of their logics and dynamics. Yet, the particular nature of ethnography means that it is not an obvious methodology to implement in order to study gangs. It raises a number of inchoate practical and ethical dilemmas, which this article will explore. Drawing from ongoing longitudinal ethnographic research on gang dynamics in Nicaragua, which first began in 1996, I will conclude by pointing to the need for a “delinquent ethnography.”
- Deux périphéries, trois jeunes, un imaginaire partagé : Note comparative sur la violence et l'adolescence entre un barrio de Guatemala-ville et un quartier d'habitat populaire de Milan - Paolo Grassi p. 77-97 Cet article, fondé sur deux recherches ethnographiques, la première effectuée entre 2011 et 2013 dans un barrio de Guatemala-ville, la capitale de l'un des pays les plus inégalitaires de l'Amérique Latine et la deuxième, en cours, conduite dans un quartier d'habitat populaire de Milan, la ville la plus riche d'Italie, développera une comparaison qualitative, ni objectiviste ni généralisante, des « carrières déviantes » de trois adolescents (deux Guatémaltèques et un Italien de deuxième génération). Tous ont eu des contacts plus ou moins explicites avec des gangs. Bien qu'il s'agisse de contextes structurellement différents, les trois jeunes ont structuré leurs représentations en puisant dans un imaginaire transnational partiellement partagé. De fait, le « refus criminel » a, dans certaines phases de leur existence, constitué une stratégie d'action commune déclinée, par ailleurs, en parcours très différenciés.This paper is based on two ethnographic studies. The first was carried out between 2011 and 2013 in a barrio of Guatemala City, the capital of one of Latin America's most unequal countries. Still ongoing, the second is being carried out in a working-class neighborhood of Milan, Italy's richest city. The paper will illustrate a qualitative, non-objectivist, and non-generalizable comparison of the “deviant careers” of three adolescents (two Guatemalan and one “second generation” Italian) who have each been in contact with local youth gangs. Though living in two structurally-dissimilar contexts, the three youngsters drew from a partially-shared global imaginary to structure their representations. “Refusing delinquency” constituted a common action strategy at some point in their lives, but subsequently led to very different trajectories.
- Trois études du pouvoir criminel : Actes d'autorité et écriture dans le gang Los Ñetas - Martin Lamotte p. 99-120 Présent aux États-Unis, en Amérique Latine et en Europe, le gang Los Ñetas est structuré de manière pyramidale, avec à sa tête un chef suprême incarcéré dans les prisons de Porto Rico. Pourtant, l'échelle globale de La Asociación pose des questions quant à la capacité de la gouverner. Trois questions organisent la réflexion : Comment diriger un monde criminel depuis une prison à Porto Rico ? Comment ordonnancer le quotidien dans un réseau étendu ? Et finalement, comment penser et agir sur l'avenir et le devenir criminel ? Pour répondre à ces questions, je reviens sur trois logiques d'action qui définissent trois fonctions clefs dans la structure associative des Ñetas : diriger, pour le chef suprême ; ordonnancer, pour le secrétaire ; et prévoir, pour le président des sections locales. Je m'intéresse à la façon dont le pouvoir s'exerce au sein de La Asociación en décrivant trois logiques d'action dans des situations particulières et la façon dont celles-ci reconfigurent, ou non, les relations de pouvoir dans le Monde Ñetas à un moment précis. En ce sens, je ne propose pas une théorie du gouvernement criminel, mais j'essaie d'examiner, dans une situation donnée, les logiques d'action, les outils et la façon dont les individus agissent pour gouverner.Present in the United States, Latin America and Europe, the Los Ñetas gang is structured in a pyramidal fashion, headed by a supreme leader incarcerated in a Puerto Rican prison. Yet, the global scale of La Asociación raises questions about its propensity to be governed. Three questions organize my reflection: How can a criminal world be led from a prison in Puerto Rico? How is the everyday of a vast network organized? And finally, how is the future and process of becoming a criminal thought about and acted upon? To answer these questions, I analyze three logics of action that define three key functions in the associative structure of the Ñetas gang: to lead, for the supreme leader; to organize, for the secretary; and to predict, for the president of the locals. I describe the ways in which power is exercised within La Asociación by describing how these logics operate in particular situations and the ways in which they reconfigure, or not, power relations. In this sense, I do not propose a theory of criminal government. Rather, I try to examine logic of action, tools, and the way individuals act to govern in a given situation.
- Du code du barrio à l'idéologie d'une entreprise : l'extorsion et l'économie morale de la violence des gangs au Guatemala - Katherine Saunders-Hastings p. 121-140 Apparues dans les années 1990, les maras centraméricaines ont depuis connu des changements profonds dans leurs cultures de groupe et leurs économies criminelles, changements qui ont infléchi l'expérience de l'insécurité dans les communautés urbaines pauvres où elles sont implantées. S'appuyant sur une étude de terrain ethnographique menée sur un territoire de gang à Guatemala-ville, cet article suit l'évolution dans le temps de l'économie morale du crime et de la violence, en mettant en avant un virage prédateur vers l'extorsion entamé par ces maras. L'article soutient que l'évolution de la violence des gangs et ses effets dans ce territoire s'explique en particulier par des changements survenus dans les rapports entre les gangs et les barrios, et par la divergence des imaginaires sociaux. L'expansion de l'extorsion a coïncidé avec le déplacement du commandement et de l'organisation de ces maras des rues vers les prisons, ce qui a contribué à détacher les cliques du contexte social et éthique des barrios. Cette séparation a transformé le paysage moral de la violence et de la réciprocité dans les « zones rouges » de la ville.Since their appearance in the 1990s, Central America's maras have undergone profound changes in their group cultures and criminal economies, changes that have reshaped the experience of insecurity in the marginal urban communities where they operate. Drawing on ethnographic fieldwork in a Guatemala City gang territory, I trace how the moral economy of crime and violence has changed over time, focusing on a predatory turn to extortion made by a local mara. I propose that the rise of mara violence and its impact is best understood in relation to shifting relationships between gang and barrio and the divergence of social imaginaries. Namely, extortion has expanded as the leadership and organization of these maras is increasingly done from within prisons, as opposed to on the streets. In turn, gang cliques have become increasingly severed from the social and ethical worlds of their barrios, a separation that has resultantly transformed the moral landscape of violence and reciprocity in the “red zones” of the city.
- La transformation des maras salvadoriennes. Construire le pouvoir depuis ses marges - Juan José Martínez d'Aubuisson p. 141-156 L'article s'intéresse à un moment charnière de l'histoire des maras salvadoriennes. Depuis leur fondation à Los Angeles, puis en Amérique centrale où elles ont été déportées, les deux pandillas hégémoniques du Salvador, la Mara Salvatrucha 13 et Barrio 18, ont développé un système d'agressions réciproques autour duquel s'est défini leur identité. Ce système leur a permis de mettre en place une série de valeurs et une idée de statut et de prestige, aussi bien à l'intérieur qu'à l'extérieur du groupe. Néanmoins, à partir de 2012, avec l'arrivée du premier gouvernement de gauche de l'histoire du Salvador, l'État a mis en place une stratégie de négociation avec les maras dont l'enjeu était de réduire le nombre d'assassinats dans le pays. Ce processus a duré environ deux ans et marque l'entrée des pandillas dans le champ politique salvadorien.This article focuses on a turning point in the history of Salvadorian maras. Since their foundation in Los Angeles and their subsequent forced relocation to Central America, two of El Salvador's most powerful pandillas — the Mara Salvatrucha 13 and the Barrio 18 — developed a system of reciprocal violence that has strongly shaped their identities. This system allowed each group to establish a value system as well as notions of status and prestige, both internally and externally. As of 2012, however, with the arrival of the first leftist government in the history of El Salvador, the state began negotiating with maras, partly to reduce gang-related homicides. This process lasted roughly two years and marked the entry of gangs into the Salvadorian political field.
Hors thème
- Sentiment d'injustice et engagement. Les expressions militantes de chocs moraux en contexte coercitif ou autoritaire - Pénélope Larzillière p. 157-177 Sentiment d'injustice et engagement militant sont souvent associés, parfois sur le registre de l'évidence, l'un générant l'autre dans une sorte de continuum. Les liens ainsi relevés entre sentiments moraux — qui ont leur spécificité parmi les émotions politiques — et engagement sont interrogés ici à partir d'un déplacement et d'un décentrement, des contextes démocratiques occidentaux actuels vers des contextes coercitifs et autoritaires, sur la base d'enquêtes menées au Proche-Orient. La nécessité de prendre en compte l'intensification émotionnelle liée à des expériences politiques violentes apparaît ici, pour autant elle n'établit pas — à elle seule — une évidente continuité entre choc induit par certaines expériences, sentiment d'injustice et engagement. Les énonciations militantes du sentiment d'injustice renvoient en effet à un triple registre : expression d'un ressenti nourri d'expériences vécues ou transmises, référence à des cadrages idéologiques qui tout à la fois légitiment les formes prises par leur engagement et contribuent à mettre en sens leur situation et inscription dans une argumentation morale générale.Feelings of injustice and activist engagement are often associated, at times in a taken-for-granted fashion as one leads to the other in a sort of continuum. This article examines the links that surface between moral sentiments – a specific form of political emotion – and engagement. Using field research from the Middle East, it starts with a shift away from and decentering of current Western democratic contexts, towards coercive or authoritarian ones. Clearly, it is necessary to take into account the link between emotional intensification and political experience. However, this emotional intensification does not in and of itself establish an obvious continuity between the shock of certain experiences, a sense of injustice, and engagement. Activist expressions of a sense of injustice are in fact three-layered, acting as: the expression of a feeling fed by lived or transmitted experiences; a reference to ideological frameworks that legitimize forms of engagement while equally giving them meaning; and an inscription within a general moral argument.
- Sentiment d'injustice et engagement. Les expressions militantes de chocs moraux en contexte coercitif ou autoritaire - Pénélope Larzillière p. 157-177
Regards sur l'entre-deux
- Faire face à la souffrance. La crise des réfugiés en photos : Entretien avec Louisa Gouliamaki, photojournaliste, réalisé par Anastassia Tsoukala - Louisa Gouliamaki, Anastassia Tsoukala p. 181-199 Cet entretien avec Louisa Gouliamaki, photojournaliste grecque, aborde la crise des réfugiés à travers les yeux et les mots d'une photographe qui l'a couverte depuis l'été 2015. Il vise à mettre en lumière ce qu'engage au quotidien le fait d'être un professionnel confronté à la souffrance d'autrui. Souffrance ineffable, ici mise en images.This interview with Greek photojournalist Louisa Gouliamaki addresses the refugee crisis through the eyes and the words of a photographer who has covered the issue since summer 2015. It aims to highlight the everyday experiences of a professional facing the suffering of others. This ineffable suffering is translated here into images.
- Faire face à la souffrance. La crise des réfugiés en photos : Entretien avec Louisa Gouliamaki, photojournaliste, réalisé par Anastassia Tsoukala - Louisa Gouliamaki, Anastassia Tsoukala p. 181-199