Contenu du sommaire : Caricatures de présidents 1848-2012
Revue | Sociétés & Représentations |
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Numéro | no 36, 2013 |
Titre du numéro | Caricatures de présidents 1848-2012 |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
Dossier : Caricatures de présidents 1848-2012
- Caricatures de présidents 1848-2012 - Guillaume Doizy, Pascal Dupuy p. 7-16
- Du « chapeau cabossé » de Loubet au « pif » du général de Gaulle, l'identité et la carrière caricaturales des présidents de la République française - Guillaume Doizy p. 17-33 La caricature politique fustige, encense ou commente l'action d'individus par le truchement de la métaphore corporelle. À l'identité publique de tel ou tel, elle oppose une identité caricaturale fantasmée, parasite et concurrente, devant semer le trouble ou accentuer la polarisation chez les destinataires de l'image. Les vingt-quatre présidents de la République française constituent un formidable corpus pour envisager la dynamique qui produit ces identités caricaturales et leur pendant, la carrière caricaturale de ces édiles à la symbolique première et au statut si particulier en République. Au-delà de la fonction qui connaît de grandes périodes de stabilité depuis 1848, au-delà des conditions historiques et culturelles changeantes et des personnalités de chacun des vingt-quatre hôtes de l'Élysée nécessairement très diverses, quelles forces particulières structurent la mécanique caricaturale à l'œuvre quand il s'agit de brocarder nos présidents de la République ?Through the intermediary of the corporeal metaphor, political caricatures castigate, exalt, or comment on the actions of individuals. In contrast to the public identity of such or such, an opposing caricatural identity is made up, blood sucker and rival, before sowing discord or further polarizing those to whom the image is directed. The twenty-four presidents of the French Republic constitute a formidable body for envisaging the dynamic which produces these caricatured identities and for the caricatured career of these prime and original officials. Beyond the duties during those periods of stability after 1848, beyond historical conditions and cultural changes and the very diverse personalities of each of the twenty-four occupants of the Élysée, are there some particular skills that structure the caricatural mechanism at work when the presidents of the Republic are lampooned ?
- De président à empereur : Louis-Napoléon Bonaparte dans Le Journal pour rire - Michela Lo Feudo p. 35-50 Fondé par Charles Philipon comme feuille non politique, Le Journal pour rire se heurte bientôt à la nécessité de commenter les événements de 1848. Si les journées de février ont conservé de faibles traces dans les pages de la revue, c'est lors des élections présidentielles que les dessinateurs aiguisent leurs crayons. Le premier président de la République élu par le peuple, Louis-Napoléon Bonaparte, devient ainsi la tête de turc au sein d'une production, de plus en plus engagée et fortement symbolique qui construit son propre langage visuel entre manipulation de thèmes traditionnels et innovations formelles dues à la créativité de dessinateurs talentueux et provocateurs. En analysant le rapport entre processus historiques et procédés graphiques, il s'agira de montrer les spécificités des dessins sur « le prince-président » et la manière dont les caricaturistes se servent d'un tel personnage pour faire éclater les paradoxes et les incohérences d'un pouvoir politique qui, tout en tirant profit des révoltes républicaines, multiplie les clins d'œil au passé impérial.Founded by Charles Philipon as a non-political paper, Le Journal pour rire soon found itself having to comment on the events of 1848. While the February (1848) Days maintained a small presence in the pages of the review, the cartoonists sharpened their pencils in anticipation of the presidential elections in December 1848. The first president elected by the people, Louis-Napoléon Bonaparte, would become the chief target of satirist production. The creative output of talented and provocative cartoonists, who devised their own visual language, was becoming more and more militant and highly symbolic in manipulating traditional themes and formal innovations. In analyzing the relationship between historical processes and visual methods, this paper will show the singularities of the drawings of “the prince-president” and the manner by which the caricaturists utilized him in order to crack open the paradoxes and the inconsistencies of a political power which, benefitting from republican revolts, multiplied the inferences to an imperial past.
- Jean Casimir-Perier, de la fortune financière à l'infortune caricaturale - Jean-Luc Jarnier p. 51-63 La personne de Jean Casimir-Perier, éphémère président de la République (six mois) en 1894-1895, suscita de nombreuses charges graphiques. Son nom (son grand-père ayant été président du Conseil de Louis-Philippe) et sa fortune d'héritier (il fut le principal actionnaire de la Compagnie des mines d'Anzin) furent principalement à l'origine de l'ire que son accession aux plus hautes responsabilités déclencha. Ceci, à l'heure où la « question sociale » imprégnait fortement le débat public tant à la Chambre des députés que dans la presse d'opposition. Nous proposons, selon l'appartenance politique des journaux auxquels les caricaturistes participaient, de mettre en lumière leurs arguments graphiques. Nous nous attacherons plus particulièrement à examiner ceux venant étriller l'hôte de l'Élysée eu égard à sa fortune financière.Jean Casimir-Perrier, temporary president of the Republic (for six months) between 1894 and 1895 inspired numerous political cartoons. His name (his grandfather had been the head of the government of Louis-Philippe) and his family fortune (he was the main shareholder of the Compagnie des mines d'Anzin) were the principal reasons behind the anger unleashed at his assumption of such high responsibilities. This happened at the time when the “social issue” was a prominent feature of debate in the Chamber of Deputies, as well as in the opposition press. Based on a variety of political positions advanced in newspapers which carried works by caricaturists, we will interpret the visual arguments that were advanced. according to the affiliation of the political newspapers in which cartoonists took part, to bring out their satirical graphic process. Our focus will by primarily directed at those related to the financial fortune of the President.
- Loubet le cabossé sous le crayon frondeur d'Orens Denizard - Bruno de Perthuis p. 65-76 Le 4 juin 1899, le président Loubet se rend à l'hippodrome d'Auteuil pour assister au steeple-chase. Lorsqu'il gagne la tribune présidentielle, le baron Christiani administre plusieurs coups de canne à Loubet dont seul le chapeau est touché. Rapidement, l'image du chapeau cabossé s'impose dans la caricature pour ridiculiser le représentant de la République. Un artiste frondeur, Orens Denizard, abuse de ce cliché dévalorisant en allant même jusqu'à présenter la France comme le pays des chapeaux défoncés, figurés jusqu'à vingt-sept fois dans son œuvre. Son insistance finit par indisposer certains collectionneurs d'images satirique. Soucieux de conserver sa clientèle, Orens imagine alors des astuces graphiques pour faire écraser par d'autres que lui, dans ses dessins, le chapeau présidentiel. Finalement, profitant de l'attentat contre Alphonse XIII à Paris en juin 1905, il utilise la puissance de la bombe explosive pour expulser définitivement de son œuvre le fameux chapeau présidentiel cabossé.On 4 June 1899, President Loubet went to the hippodrome at Auteuil to assist with the steeplechase. When he mounted the presidential rostrum, Baron Christiani struck Loubet several times with his cane, but only managed to hit his hat. Rapidly the image of the dented hat featured in caricatures in order to ridicule the representative of the Republic. A mocking artist, Orens Denizard, took advantage of this deprecating cliché in going so far as to present France as the country of smashed in hats, utilizing it twenty-seven times in his work. His insistence ended by antagonizing certain collectors of satirical images. Worried about maintaining his clientele, Orens next engineered some visual wiles by producing for other artists, in their drawings, the crushed presidential hat. Finally, taking advantage of an attempt against Alphonse XIII at Paris in June 1905, he employed the explosive power of the bomb in order to banish, definitively, from his work, the famous crushed presidential hat.
- Poincaré dans la caricature allemande - Pierre Brouland p. 77-90 Raymond Poincaré compte parmi les dirigeants de la Troisième République les plus caricaturés dans la presse allemande. Cette situation s'explique aisément par le fait qu'il occupe des fonctions de premier plan lors de deux moments particulièrement conflictuels dans les relations franco-allemandes : la Première Guerre mondiale et l'occupation de la Ruhr. Alors que les dessins allemands présentent Poincaré plutôt comme un personnage ridicule et il pitoyable pendant la Grande Guerre, cette image se métamorphose au début des années 1920. Poincaré devient désormais l'incarnation du nationalisme français et est présenté comme l'ennemi implacable du peuple allemand. Même après les accords de Locarno, cette vision négative de l'ancien président de la République perdure.Raymond Poincaré is one of most caricatured leaders of the Third Republic in the German press. This is easily understandable given that he played one of the leading roles during two particularly difficult moments in Franco-German relations : the First World War and the occupation of the Ruhr. While the German drawings presented Poincaré as a ridiculous and pathetic character during the Great War, this image underwent a metamorphosis at the beginning of 1920s. Poincaré became from that point onwards the embodiment of French nationalism and was presented as the merciless enemy of the German people. Even after the agreements of Locarno, this negative visualization of the former president of the Republic continued.
- « On a bien blagué le pyjama de Deschanel » - Agnès Sandras p. 91-107 En 1920, le président Paul Deschanel tombe d'un train en marche. Cette chute, abondamment commentée, suscite des chansons et quelques dessins. Le peu de caricatures s'explique par divers facteurs très révélateurs de la relation des dessinateurs et du public à la caricature de président. L'étude de la presse permet de mieux comprendre les mécanismes en jeu.In 1920, President Paul Deschanel fell from a moving train. This fall, abundantly commented upon, prompted the production of some and drawings. The few caricatures reflect a variety of very revealing elements of the relationship between designers and the public on caricature of a president. The study of the press allows a better understanding of the processes in play.
- De Gaulle et Le Canard enchaîné : je t'admire, moi non plus - Laurent Martin p. 109-123 Cet article a pour projet de décrire la relation très spéciale qui s'instaura entre l'hebdomadaire satirique Le Canard enchaîné et le général de Gaulle entre la Libération et la mort de ce dernier. Le jugement de la rédaction du Canard oscilla constamment entre admiration et détestation, tandis que de Gaulle une fois parvenu au pouvoir, ne dédaignait pas savoir ce que « le volatile » disait de lui. Les dessins publiés dans le journal apparaissent comme des révélateurs de la position prééminente occupée par le fondateur de la Ve République mais aussi comme les éléments de la construction médiatique de ce personnage hors du commun.This article aims to describe the special relationship between the satirical weekly Le Canard enchaîné and General de Gaulle from the Libération to the death of de Gaulle. The judgement of the editorial staff fluctuated constantly between admiration and hate, while de Gaulle, once in power, did not resist learning what “the bird” said about him. The cartoons published in the newspaper reveal the political prominence of the founder of French Fifth Republic, but also the components used by the media in its construction of this extraordinary individual.
- De de Gaulle à Mitterrand : l'assaut de Charlie Hebdo (1969-1982) - Stéphane Mazurier p. 125-141 Journal satirique, pratiquant un humour noir autoproclamé « bête et méchant » dans la lignée de son « grand frère Hara-Kiri », Charlie Hebdo a, durant ses treize années d'existence, exercé sa verve sarcastique et provocatrice à l'endroit des quatre chefs de l'État qui se sont succédé au cours de la période. Publication de gauche, le journal s'est montré le plus féroce envers les trois présidents de droite : de Gaulle est représenté en souverain mégalomane d'un autre temps, Pompidou en tyran débonnaire et Giscard d'Estaing en monarque hautain. À travers la figure présidentielle, ce sont les valeurs de droite qui sont attaquées, moquées et tournées en dérision : la monarchie républicaine qu'est la Ve République fait du chef de l'État la cible privilégiée des polémistes de Charlie Hebdo. En revanche, l'élection de François Mitterrand à la présidence de la République ainsi que les premières mesures du septennat suscitent souvent l'enthousiasme, du moins le soutien, du journal, qui voit ainsi sa position d'organe contestataire du pouvoir être remise en cause.Satirical paper, practitioner of a black humor that it calls itself “absurd and wicked” in the style of its “big brother Hara-Kiri,” Charlie Hebdo has, for its thirteen years of existence, exercised its sarcastic and provocative verve in the place of four heads of state who have served during the course of this period. A publication of the left, the paper has been at its most ferocious towards the three presidents of the right : de Gaulle is represented as a megalomanical sovereign from another era, Pompidou as a debonair tyrant and Giscard d'Estaing as a pretentious monarch. By way of the presidential image, the values of the right are attacked, mocked, and turned to derision : the monarchical republic that is the Fifth Republic made the head of state the favored target of Charlie Hebdo's polemicists. On the other hand, the election of François Mitterand to the presidency of the Republic, as well as the first measures of his term often generated the enthusiasm, if not outright support, of the paper, leading to questions regarding the paper's standing as a thorn in the side of authority.
- La caricature à l'épreuve du « printemps arabe » - Souheil Fakhfah, Rachida Tlili p. 143-165 L'étude que nous proposons porte sur l'analyse de la représentation graphique de Moncef Marzouki, président de la République actuellement en exercice en Tunisie, à partir d'un corpus principalement numérique constitué de dessins de professionnels, mais aussi de dessins d'amateurs qui s'improvisent journalistes/citoyens. À travers cette étude, il s'agit de mesurer l'importance du changement induit par la représentation caricaturale en marge des mutations en cours.This study focuses on an analysis of the graphic representation of Moncef Marzouki the current Tunisian president, through a corpus of images drawn by professionals, but also by amateurs calling themselves journalists or citizens. These satirical images circulated widely on blogs and social networks and formed the foundation of our analysis. Through this study, we measure the evolution of caricature against the political turmoil.
Lieux et ressources
- Visite(s) au Louvre-Lens : le 21 juin 2013 - Évelyne Cohen, Pascale Goetschel p. 167-178
Regards croisés
- La parole judiciaire : entre silences et polyphonie médiatique : Métamorphoses et adaptations de la chronique judiciaire - Émeline Seignobos p. 179-194
Trames
- Gélatines de Gysis - Maria Yanaros p. 195-204
Retours sur…
- Jean d'Arcy et le développement des télévisions : Réflexions et mises en œuvre (1950-1959) - Marie-Françoise Levy p. 205-217
Actualités
Grand entretien
- Entretien avec Robert Milin - Bertrand Tillier p. 237-249
Hors cadre
- Les registres de la grâce - Edwige de Boer p. 251-265 Malgré les avancées récentes de l'histoire de la justice en France, le droit de grâce demeure mal connu pour la période contemporaine et en particulier au xixe siècle. Cette institution atypique a pourtant produit de nombreuses archives, dossiers individuels et registres, mais dont l'exploitation comporte un certain nombre de difficultés et de frustrations. S'il faut, en raison des tris subis, renoncer à former des échantillons représentatifs à partir des dossiers d'instruction, ces derniers permettent toutefois d'aborder la justice pénale sous un angle différent. Le droit de grâce est une procédure à la limite de l'extrajudiciaire, au cours de laquelle les acteurs ne sont plus tenus à un respect scrupuleux de la loi, mais doivent juger selon leur conscience, en équité. Les pièces conservées dans ces dossiers permettent donc d'approcher les représentations et les valeurs sociales présidant à la répression pénale à une époque donnée. Le travail des grâces fait s'affronter deux argumentaires. À travers son recours, le condamné prend une dernière fois la parole en mobilisant des stratégies d'écriture. Il est intéressant de voir les arguments retenus, mais aussi le personnage qu'il choisit d'endosser dans ce qui s'apparente à un jeu de rôles. Ce discours est examiné par les magistrats et relecteurs du ministère, qui en évaluent la plausibilité et la compatibilité avec les grands principes légaux, mais aussi sociaux et moraux qui ont alors cours. Le droit de grâce offre donc un aperçu original sur le fonctionnement de la justice pénale, à travers une procédure écrite et en partie contrainte qui permet un dévoilement des stratégies des acteurs pour concilier l'application de la loi stricte avec les exigences de leur conscience.In spite of the recent developments of the history of justice in France, the right of reprieve stays nearly unknown for the contemporary period, and in particular for the xixth century. This atypical institution produced however numerous archives, individual files and registers, but which use can turn out to be difficult and frustrating. As the files underwent sorting, the researcher has to give up the idea to built representative samples ; but they offer the opportunity to study criminal justice with a renewed approach. The right of reprieve is a procedure close to the extrajudicial domain, during which people involved are no longer bound by the obligation to respect the text of the law, and are rather asked to give a judgment according to their conscience, in equity. The documents conserved in the files make it possible to identify the representations et social values guiding the criminal repression at a certain time. The administrative procedure sees the confrontation between two arguing lines. By his plea for clemency, the convict can for the last time defend himself mobilizing rhetoric strategies, and it reveals interesting to study as well its arguments as the character he chooses to play in what can be considered as a role play between the supplicant and the power. His discourse is examined by magistrates and employees of the ministry of Justice who evaluate its credibility and its compatibility with the moral and social principles then dominant. The right of reprieve offers then an original insight on the criminal justice operating, through a written and partially formal procedure which might nevertheless disclose the strategies adopted by the agents to reconcile the application of the law with the demands of their conscience.
- Les registres de la grâce - Edwige de Boer p. 251-265