Contenu du sommaire : Dire l'inceste
Revue | Sociétés & Représentations |
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Numéro | no 42, 2016 |
Titre du numéro | Dire l'inceste |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
Dire l'inceste
- Présentation - Anne-Emmanuelle Demartini p. 9-14
- L'inceste père-fille à la fin du Moyen Âge : un crime, un péché de luxure ou un acte consenti ? - Didier Lett p. 15-30 La bibliographie sur l'inceste à l'époque médiévale, dans un sens anthropologique (c'est-à-dire une alliance interdite par l'Église entre deux personnes liées par un degré de parenté jugé trop proche), est très abondante depuis les années 1980. En revanche, très peu d'études ont été menées sur l'inceste au sens contemporain d'une relation sexuelle, consentie ou imposée, commise au sein de l'atome de parenté, l'inceste intrafamilial.L'article s'intéresse à l'inceste père-fille, d'abord en observant les fondements scripturaires, théologiques, littéraires et hagiographiques, puis en analysant quelques procès issus des registres de justice pénale (libri maleficiorum) de la commune de Bologne au xve siècle. L'inceste père-fille à la fin du Moyen Âge est considéré à la fois comme un péché et un crime sexuel, ce qui invite à poser la question de la reconnaissance ou non du consentement de la victime.The father-daughter incest in the late Middle Ages: a crime, a sin of lust or an act freely consenting?The bibliography on medieval'incest, in an antheropological sense (ie an alliance prohibited by Church between two people bound by a degree of kindship regarded as too close) is very abundant since the 1980s. By contrast, few studies have been conducted on incest in the contemporary sense of the concept, that is to say, a sex relation consented or imposed, committed within the atom of kinship, the intra-familial incest.The article focuses on the father-daughter incest, first observing the biblical and theological foundations, the litterature and the hagiography, then analyzing some trials from the criminal justice registers (libri maleficiorum) of Bologna in the fifteenth century. The father-daughter incest in the late Middle Ages is considered both a sin and a sexual crime, inviting us to put the question of recognition or not of the consent of the victim.
- Le Crime sans nom : Dire l'inceste dans la société française du XIXe siècle (1791-1898) - Fabienne Giuliani p. 31-44 Avec l'inceste, la question du dicible, compris dans un premier temps comme ce que la société autorise à dire puis, dans un deuxième, de ce que la société est capable d'entendre, permet tout particulièrement de comprendre la construction des procédés normatifs à l'œuvre dans la société française du XIXe siècle.Décriminalisé en 1791, l'inceste est objet de débats jusqu'aux années 1830. Si le mot choque parfois, il se scande, il s'utilise et il s'entend dans l'ensemble de la société. Mais autour de la constitution du Code pénal de 1832, les discours et les représentations se transforment. Ce changement est d'abord le fait des élites qui préfèrent désormais suggérer l'inceste, plutôt que de le dire. La création du scandale de l'inceste couplée à la peur de la classe ouvrière naissante entraînent la formation d'une nouvelle morale qui s'impose ensuite à l'ensemble du corps social. Ce dernier, autour des années 1880, n'est plus à même d'accepter d'entendre le crime. Un siècle après sa décriminalisation, les représentations du crime ont donc été profondément retravaillées dans l'ensemble de la société ce qu'une étude croisée des discours publics et de l'écriture privée permet de révéler.Porté par ce processus de mise au silence, le crime d'inceste perd son nom à la fin du xixe siècle, au profit de formules périphrastiques qui deviennent les seuls discours de vérité désormais acceptables. Dès lors, la constitution du tabou sur l'inceste a des conséquences importantes révélées par l'étude des mots prononcés par les individus appelés à témoigner du crime devant les autorités judiciaires. L'interdiction formelle du dire enferme inéluctablement dans un carcan toutes les paroles sur le crime dans le champ de l'indicible ce qui pose par effet-miroir deux problèmes essentiels à la judiciarisation et à la résolution du crime : celui de la parole des enfants, victime d'un crime désormais sans nom et qui ne peuvent espérer de réparation, et celui de la parole des agresseurs, frappés de monstruosité s'ils avouent ce crime devenu impossible.The crime with no name: Incest telling in nineteenth French society (1791-1898)The telling of incest apprehended in this study both as, what society authorizes to tell and as, what society is capable of understanding, allows the historian to understand the standard upgrade process in Nineteenth French society.Decriminalized in 1791, incest has been discussed until the 1830's. If the use of the word could be heard as an offend during that period, it was still used and heard by the entire society. Social imaginary and speeches about incest were eventually transformed with the elaboration of 1832 Penal Code and the new fear of the workink class. The French elite was the source of this transformation which slowly, by the end of the century, spread in the entire society. One century after its decriminalization, incest could not be told anymore : scandal and fear were from this point forward its two companions.In this historical process, the crime of incest lose its name, preferred by periphrastic formulas. This new taboo was particularly strong in the judiciary sphere where victims lose gradually their ability to pronounce the exact word of the crime they endured. This inaudible and untelling new crime of incest contributed to isolate further the victims and their agressors from the French society by the end of the century.
- Dire l'inceste : De la parole de Violette Nozière au discours de l'historien (1933-2015) - Anne-Emmanuelle Demartini p. 45-57 Cet article envisage l'affaire Nozière comme un moment où, dans le cadre d'une procédure judiciaire pour parricide, une parole sur l'inceste a été tenue. Cette parole, que peut en dire l'historien et que lui apprend-t-elle ? Comment peut-il en faire un objet d'histoire ? Comment doit-il l'aborder et quelles questions doit-il se poser ? Reprenant le dossier d'une affaire judiciaire fameuse des années trente, cet article montre d'abord, à travers une étude des représentations de l'inceste, des auteurs ainsi que des victimes des violences sexuelles, la force du tabou qui a frappé la parole sur l'inceste, objet d'une occultation judiciaire et sociale durable. À travers une réflexion épistémologique, méthodologique et déontologique, il discute ensuite la position de l'historien face à la parole sur l'inceste : l'historien doit-il, dans cette affaire, cantonner son étude aux représentations et à la réception de la parole sur l'inceste ou au contraire doit-il envisager l'inceste comme un fait en se demandant si Violette Nozière a dit vrai ? L'article soutient que la réalité ou non de l'inceste est une question historique légitime et que refuser de la poser, c'est risquer de répondre à l'interdit du dire social par l'interdit du dire historique et d'abriter le tabou derrière des positions scientifiques.Speaking about incest: From the words of Violette Nozière to the discourse of the historian (1933-2015)On August 1933, an 18-year-old girl named Violette Nozière poisoned her father. Once she was arrested, she justified her act by declaring she had wanted to take revenge on her father for his incestuous behaviour towards her. This article studies one of the most famous cases during the interwar period concerning the issue of the incest taboo. Violette Nozière spoke about incest. But what can the historian do with her words and what question should he ask? Exploring representations of incest perpetrators and victims of sexual violence, this paper shows how strong was the linguistic incest tabou, in so far as both justice and society have overshadowed incest. Through an epistemological, methodological and ethical reflection, it discusses the position of the historian on the question of words about incest. Does he have to limit his consideration to the representations and the way discourses on incest are received by society or deal with the possibility of incest being true? The article argues that the reality or not of incest is a legitimate historical question that must be asked; if not the scientific taboo may echo the social taboo.
- Briser le tabou : Du secret à la parole médiatique, le tournant des années 1970-1990 - Anne-Claude Ambroise-Rendu p. 59-72 La parole publique sur ce crime sexuel qu'est l'inceste survenu entre un homme majeur et sa parente – fille ou sœur mineure – est un phénomène tout récent. Après deux siècles ou presque de timidités législatives en matière de qualification pénale, de censure imposée à la littérature, de refus de prendre en considération ces « désordres des familles », de silence médiatique, l'inceste est devenu un sujet médiatique et politique, suscitant l'intérêt et l'action des pouvoirs publics.Il s'agit d'une véritable mutation culturelle, dont le parcours et les composantes sont analysées ici – et donc le terme n'est évidemment pas advenu. En prenant en charge les catégories d'analyse des sciences du psychisme et en mettant en lumière la dimension sensible des conséquences de l'inceste, les médias ont joué un rôle central dans la reconfiguration des représentations dominantes de l'inceste. Cette médiatisation a eu des effets contrastés et ambivalents sur la physionomie des victimes autrefois peu considérées, si ce n'est pour leur consentement toujours présupposé, dont la parole est aujourd'hui sollicitée et qui sont appréhendées dans leur souffrance de sujet. Du même coup, c'est l'acte tout entier qui se trouve réévalué. Le fonctionnement du droit et de la réponse pénale s'en trouve évidemment transformé au prix d'une certaine confusion entre réparation judiciaire et réparation psychologique.Pourtant, il n'est pas certain que le dire de l'inceste, la manière – les manières – dont l'inceste est aujourd'hui dit et entendu dans la sphère publique ne demeurent pas frappés d'un interdit majeur, même s'il est moins opaque que par le passé.Breaking a taboo: From secret to public discussion; the watershed of the 1970-1990Public awareness of the sexual crime that is incest– the incestuous relationship between a full grown man and his relative, i.e. daughter or younger sister– is a very recent phenomenon. After two centuries of legislative shyness in regards to the judicial qualification of these acts, of censorship being imposed on literature, of refusing to take into consideration these “family disorders”, of silence in the media, incest has become a topic in media and also in politics, thereby leading to more interest and action from the public authorities.The development and the various components of this true cultural shift are being analyzed in this paper– however it is quite clear that this process of shifting has not yet reached its end. By following the analytical approach of the sciences of the psyche and by exploring the sensible dimensions of the consequences of incest, the media has been essential to the reconfiguration of the dominant representations of incest. This greater media coverage has had contrasted and ambivalent effects on the physiognomy of the victims who up to then had rarely been considered other than consenting, the victims whose words are now sought after and who are assessed through their suffering. At the same time the act itself in its entirety is reevaluated. The workings of the law and the judicial response are obviously subject to a transformation accompanied by a certain confusion of judicial and psychological reparation.However, it is not certain that the ways in which incest is perceived and talked about in the public sphere are no longer affected by a major taboo even if it is a less abstruse one than before.
- Les Théories de l'inceste en anthropologie : Concurrence des représentations et impensés - Dorothée Dussy p. 73-85 Les arguments versés au débat sur l'origine de la prohibition de l'inceste forment le socle d'une matrice thématique où s'est jouée la distinction entre les différentes disciplines et où se sont opposées sciences sociales et psychanalyse depuis la fin du XIX siècle. Dans cet article, on s'intéressera aux représentations de l'interdit de l'inceste construites en parallèle chez les sociologues et les anthropologues. On verra ensuite comment ces discours concurrents ont finalement été évincés au profit de la théorie de Claude Lévi-Strauss et d'une représentation stylisée et ésotérique de l'interdit de l'inceste. Pour finir, on montrera que ces différentes paroles scientifiques sur l'interdit de l'inceste ont fabriqué en un peu plus d'un siècle un véritable angle mort sur la pratique réelle et banale de l'inceste dans les familles occidentales.The theories of incest in anthropology – antagonistic representations and cultural unthought thoughtsThe various arguments put forward in the debate over the origin of the prohibition of incest form a thematic crucible, in which the distinction between several scientific fields has been established, and where social sciences and psychoanalysis have had opposite viewpoints since the end of the XIXth century. In this paper, we shall firts focus on the representations of the prohibition of incest which were built at the same time by sociologists and anthropologists. Then, we shall see how these competing theories were gradually replaced by that of Claude Lévi-Strauss and by a stylised and esoteric representation of the prohibition of incest. Finally, we will show that, in the span of a little more than a century, these diverse scientific theories on the prohibition of incest have led to the creation of a real blind spot considerably reducing the visibility on incest as it is commonly practised within western families.
- « Rosebud » ou écran ? L'inceste et l'œuvre de Niki de Saint Phalle - Camille Morineau p. 87-96 Dans cet entretien, Camille Morineau revient sur la place de l'inceste dans l'œuvre de Nikki de Saint Phalle et sur ses choix en tant que commissaire de l'exposition consacrée à l'artiste, au Grand Palais, en 2014-2015. À partir du cas de Niki de Saint Phalle, elle aborde la question de l'art féminin et du piège biographique qui enferme les artistes femmes. Contre la tendance à relire toute l'œuvre de l'artiste à la lumière de l'inceste, elle défend la position selon laquelle l'inceste est un détail qui fait écran à la lecture de l'œuvre, dont elle souligne la dimension politique.Interview of Camille Morineau, “Rosebud” or screen? Incest and the work of Nikki de Saint Phalle
This interview deals with the place of incest into the work of Niki de Saint Phalle. Camille Morineau explains her choices when she was curator of the exhibition devoted to the artist in the Grand Palais in 2014-2015. She addresses the biographical trap that traps women artists. Rather than considering that incest is like a rosebud that lights up the entire work, she argue that incest is a detail that prevents the reading of the work of which she underlines the political meaning. - Écrire l'inceste en « contre-fiction » et en paradoxes : The Bluest Eye de Toni Morrison - Tina Harpin p. 97-110 Premier roman du Prix Nobel de Littérature Toni Morrison, The Bluest Eye (L'œil le plus bleu) est paru en 1970 aux États-Unis, soit quelques années après la fin de la ségrégation raciale et l'obtention progressive des droits civiques par les Africains américains. Il relate l'histoire de Pecola Breedlove, une fillette noire vulnérable, qui, victime des viols incestueux de son père, sombre dans la folie et croit qu'elle a les yeux bleus dont elle rêvait. Si le titre de ce récit ne réfère pas au drame de l'inceste mais à celui de l'aliénation, c'est que l'inceste, central dans l'œuvre, y apparaît paradoxalement comme voilé. L'écrivaine n'a commenté ce thème ni dans ses entretiens ni dans les paratextes ajoutés aux éditions de 1993 et de 1998. Pourtant, le premier viol subi par Pecola est narré en détail et ce, selon le point de vue du père agresseur. Cet article examine les paradoxes de l'écriture de ce roman et explique son importance historique en termes d'histoire littéraire et d'histoire des représentations. La variation des points de vue et l'inscription d'un double silence – celui du personnage de Pecola et celui de l'auteur sur l'inceste – contribuent à réécrire le thème tabou de l'inceste à travers une « contre-fiction » qui constitue un effort sans précédent pour dévoiler à la fois le drame de l'inceste et celui du racisme.Writing incest through “counter-fiction” and paradoxes: The Bluest Eye by Toni Morrison
Literature Nobel Prize awarded Toni Morrison published her first novel, The Bluest Eye, in 1970; that is to say only a few years after the end of racial segregation and the progressive acquisition of civil rights by African-Americans. It recounts Pecola Breedlove's story: how a young and vulnerable black girl, raped by her incestuous father, sunk into madness and believed that she had finally had the blue eyes she so long dreamt of. If the novel's title doesn't refer to tragic incest but to alienation, it is because incest, at the core of the text, is nonetheless paradoxically veiled. The writer has not commented on this theme in her interviews nor in the paratexts added in the 1993 and 1998 editions. Yet, the first rape suffered by Pecola is narrated in detail from the perpetrator's point of view. This article examines the paradoxes of this novel's writing and explains its historical significance in terms of literary history and the history of representations. The variation of the points of view and the assignment of a binary silence – that of Pecola's character and that of the author regarding incest – contribute to rewriting the incest taboo through a “counter-fiction” which is an unprecedented effort to unveil both the drama of incest and of racism. - Quand l'inceste va sans dire - Léonore Le Caisne p. 111-126 En 2007, une indignation médiatique s'abat sur un petit village d'Île-de-France. Les journalistes reprochent à ses habitants d'avoir, 28 années durant, laissé perpétré un inceste duquel sont nés six enfants, sans jamais signaler les faits à l'institution judiciaire ou aux services sociaux. À partir d'une enquête ethnographique d'une année dans le village où vivait la famille et dans la cité populaire où le père travaillait, l'auteur montre que s'il n'y eut pas de signalement, c'est en fait parce que rien n'y conduisit. Jamais les habitants ne s'étaient représenté le caractère criminel des faits, que disaient et révélaient maintenant les journalistes. Plus, même. Jamais ils n'avaient pensé (à) cet inceste. Cet inceste et les violences du père sur sa fille, d'abord mineure puis majeure, se sont en fait inscrits dans la vie courante du village et de la cité. Tous, membres de la famille incestueuse, voisins et habitants plus lointains, furent pris dans une configuration sociale qui avait intégré cet inceste. En devenant un élément ordinaire de la vie locale, cet inceste perdit sa caractérisation criminelle.When incest goes without saying
Back in 2007, a small Île-de-France village was hit by a media turmoil. The journalists blamed its inhabitants for standing by and allowing an incest to be perpetrated for twenty eight years, of which six children were born, without ever reporting the facts to the judicial system or to social services.On the basis of a one-year ethnographic fieldwork, that took place in the village where the family used to live and in the underprivileged district where the father used to work, the author demonstrates that no alert was issued since nothing induced to it.The residents had never perceived facts as criminal acts, as journalists would say and disclose. They had never thought of this incest. This incest and the abuses committed by the father against his initially minor then adult daughter were actually part of the daily life, within the village and the underprivileged district. All of them, family members, neighbours and more distant residents, were caught in a social configuration that had built this incest. By becoming a regular part of local life, this incest lost his criminal characterization.
Lieux et ressources
- Visite au centre Pompidou-Metz - Évelyne Cohen, Pascale Goetschel p. 129-138
- Centre Pompidou-Metz : les usages pluriels de l'art et de soi - Roland Huesca p. 139-141
Regards croisés
- Le Tour de la France par deux enfants de G. Bruno et ses adaptations cinématographiques et télévisuelles - Aline Garin p. 145-155 Le Tour de la France par deux enfants de G. Bruno est un célèbre manuel de lecture de la Troisième République. Publié pour la première fois en 1877, il a connu un grand succès pendant plusieurs décennies et a suscité quatre adaptations cinématographiques et télévisuelles, de 1924 à 1980, que se propose d'étudier cet article. Quatre adaptations très différentes, tant dans leur forme que dans la manière dont elles choisissent de rendre le manuel de G. Bruno, qu'il s'agisse de ses aspects romanesques ou de son contenu pédagogique. Le Tour de la France est ainsi remanié pour répondre aux projets des adaptateurs.Le Tour de la France par deux enfants, by G. Bruno, is a well-known textbook of the French Third Republic. First published in 1877, it enjoyed a great success for several decades and aroused four film and television adaptations, from 1924 to 1980, which this article intends to study. Four adaptations very different as well in their form as in the way they choose to recreate G. Bruno's textbook, its fiction or its educational content. Le Tour de la France is thus reworked in order to answer to the adapters' projects.
- Le Tour de la France par deux enfants de G. Bruno et ses adaptations cinématographiques et télévisuelles - Aline Garin p. 145-155
Trames
- Le Berceau de Dieu (1926) : trente-sept vedettes pour un cinéma en mal de stars - Myriam Juan p. 159-179 En juin 1926 sort à Paris un film intitulé Le Berceau de Dieu (ou Les Ombres du passé), superproduction promue depuis plusieurs mois comme une « manifestation grandiose de la cinématographie française » animée par « 37 vedettes françaises ». Cet article entreprend d'étudier ce film tombé dans l'oubli, en interrogeant en particulier, jusque dans ses abus, la notion de « vedette » placée au cœur de la campagne de publicité, à une époque où la presse ne cesse pourtant de déplorer le manque d'étoiles françaises et leur peu de rayonnement face aux stars américaines. Pour ce faire est adoptée une approche globale, confrontant le discours promotionnel dont le film a fait l'objet aux réalités de sa production, avant d'analyser son contenu mêlant, sur le modèle des réalisations de Cecil B. DeMille, visées d'édification religieuse et touches d'érotisme, pour enfin examiner l'accueil public et critique qui lui fut réservé en son temps. C'est en empruntant ainsi la voie d'une histoire culturelle du cinéma que ce texte propose de se pencher sur cet étrange objet cinématographique, non pas en vue d'une improbable réhabilitation, mais afin de cerner ce que celui-ci peut nous apprendre des ambitions, des stratégies et des écueils du cinéma français au milieu des années 1920.In June 1926 a film entitled Le Berceau de Dieu [The Cradle of God] (or Les Ombres du passé [The Shadows of the Past]) is released in Paris, promoted for several months as a “gorgeous demonstration of the French cinematography” with “37 French vedettes”. This paper studies this forgotten film, questioning in particular – including in its abusing uses – the notion of “vedette”, the French term for star. This notion was indeed central in the publicity made about the film whereas journalists constantly lamented at that time the deficiency of French vedettes and their lack of prestige comparing to American stars. Following a global approach, the article first exposes the promotion of the film to its production conditions, then it analyses its content which combines religious intentions with a touch of eroticism (as in Cecil B. DeMille's movies), and finally it examines how the audience and the critics received it. Thus, using the ways of the cultural history of cinema, the aim of this study is not to redeem this peculiar production but to understand through it some of the ambitions, strategies and pitfalls of the French cinema in the mid-1920s.
- Le Berceau de Dieu (1926) : trente-sept vedettes pour un cinéma en mal de stars - Myriam Juan p. 159-179
Retours sur...
- La triple logique de la censure : retour sur l'affaire de La Neige de Noël à l'automne 1977 - Erwan Pointeau-Lagadec p. 183-198
Actualités
- Tatouages et tabous - Laurent Martin p. 201-203
Grand entretien
- Adieu à Bronislaw Baczko : Les Lumières, la Révolution et l'utopie sont en berne - Michel Porret, François Rosset p. 207-211
- Les Peurs de la Terreur - Bronislaw Baczko, Michel Porret p. 213-230
Hors cadre
- L'Heure du Crime au 36, quai des Orfèvres... Quand la radio fait voir un lieu mythique - Séverine Equoy Hutin p. 233-250 L'univers policier constitue l'un des arrière-plans préférés des médias et un imaginaire mythique se déploie particulièrement autour du « 36 quai des Orfèvres ». Dans le cadre d'une réflexion sur les relations entre les sphères policière et médiatique, on examine les stratégies de mise en scène de l'institution « police judiciaire » dans le discours radiophonique contemporain. Cette étude prend pour objet l'émission radiophonique « L'heure du crime » (RTL) et plus particulièrement l'émission diffusée en direct, le 8 mars 2012, depuis les locaux du 36, quai des Orfèvres, à l'occasion du centenaire de la Brigade criminelle. L'analyse des dispositifs – techniques et scéniques – et du traitement discursif de cet événement montre que, loin de démythifier ce lieu et l'institution qu'il représente, ceux-ci entretiennent au contraire un imaginaire de fiction autour de la réalité du travail policier.L'heure du Crime in the 36, quai des Orfèvres... When the radio shows a mythical place
The police universe is one of the favorite backgrounds of the media and a mythical imagination spreads particularly around “36 quai des orfèvres”.Within a reflection on the relations between the police and media spheres, we examine the strategies of staging of the institution “Criminal Investigation Department” in the contemporary radio speech.This study takes for object the radio program “L'heure du crime” (RTL) and more particularly the emission spread live, on March 8th, 2012, since the place of 36, quai des orfèvres, for the centenarian of the Crime squad.The analysis of arrangement – technical and scenic – and of the discursive treatment of this event shows that they maintain an imagination of fiction around the reality of the police work.
- L'Heure du Crime au 36, quai des Orfèvres... Quand la radio fait voir un lieu mythique - Séverine Equoy Hutin p. 233-250