Contenu du sommaire : Poets of Sensibility

Revue Etudes anglaises Mir@bel
Numéro Vol. 72, no 1, janvier-mars 2019
Titre du numéro Poets of Sensibility
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  • Articles

    • Foreword - Laurent Folliot p. 3-12 accès réservé
    • Ad augusta per angusta : matérialité et spiritualité dans The Pleasures of Imagination de Mark Akenside - Pierre Morère p. 13-28 accès réservé avec résumé avec résumé en anglais
      Les Plaisirs de l'imagination de Mark Akenside fait d'emblée songer aux essais d'Addison dans The Spectator en raison de la similitude apparente du thème choisi, mais s'en distingue cependant par une démarche qui vise à s'extraire du monde matériel pour tendre vers une profonde spiritualité. Le poème d'Akenside, d'inspiration déiste, se fonde sur le principe dualiste de la natura naturans et de la natura naturata. La nature est l'effet visible du divin invisible. Si les sens ont un rôle majeur d'intermédiaires entre mondes intérieur et extérieur, ils ne peuvent pas être une fin en soi s'ils ne sont pas secondés par un vif désir de spiritualité. Dans cette démarche, le poète occupe une place privilégiée, car lui seul parvient à s'extraire de la gangue du matériel. Il est donc une forme d'élu parmi les hommes. La puissance de son imagination, qu'elle soit immédiate (par les sens), ou créatrice (au-delà des sens) lui confère une connaissance supérieure à celle de ses semblables. Akenside proclame l'omnipotence de l'esprit. Son sensualisme devient spiritualiste et la nature, dans une sorte d'inspiration néo-platonicienne, se fait le reflet d'essences invisibles. The Pleasures of Imagination montre la voie du transcendantal.
      The Pleasures of Imagination by Mark Akenside spontaneously calls to mind Addison's essays in The Spectator on account of the apparent similarity of the chosen topic. Akenside's approach is nonetheless distinct from Addison's in so far as it tends to lift the poet up from the material world and is inspired by a deep yearning for spirituality. Akenside's poem is permeated by deist preoccupations and is based on the dualist principle of natura naturans and natura naturata. Nature is the visible effect of the invisible divine. Although the senses play a major role as messengers between the internal and external worlds, they cannot be considered an end as such, but must be nurtured by a keen desire for spiritual elevation. The poet has a privileged position in this respect, for he alone can free himself from the mire and dust of the external world. He is “a chosen one” among his fellow-creatures. The power of his imagination, whether spontaneous (through the senses), or creative (beyond the senses), gives him a form of knowledge superior to that of other men. Akenside vindicates the omnipotence of the mind. His sensualism tends towards spiritualism. Nature, inspired by a neo-platonic approach, is seen as the reflection of invisible essences. The Pleasures of Imagination paves the way to transcendentalism.
    • Thomas Gray's Sensibility and the Sublimity of Reserve - Laurent Folliot p. 29-51 accès réservé avec résumé avec résumé en anglais
      Gray écrivit peu et publia encore moins, si bien qu'on prit l'habitude, à partir du XIXe siècle, de le considérer comme un poète inhibé ; les tendances récentes de la critique n'y ont pas changé grand-chose, qui expliquent la minceur de son œuvre par l'influence tétanisante de Milton, par la conjoncture hostile que représentait la commercialisation du marché littéraire, ou encore par l'homophobie dominante de son temps. Pourtant le prestige de Gray, à la fin du XVIIIe siècle, était énorme, et il n'a jamais été complètement négligé depuis. Le présent article s'efforce de rendre compte de cette situation paradoxale dans l'histoire littéraire, à travers trois aspects de son œuvre : d'abord, l'exacerbation d'une certaine exigence classique chez Gray, qui lui fit rechercher le rare ou le neuf en même temps que le bon goût ; ensuite, l'impact de l'épistémologie empiriste développée par Locke, qui se traduit par le relief accru de la sensation, dans son ambiguïté et son intensité ; enfin, un soupçon de subversion politique qui tenait moins à des prises de position explicites qu'à certaines procédures lyriques, et qui pourrait expliquer pour une bonne part l'aura dont put jouir Gray aux yeux des réformistes et des radicaux des années 1780 et 90.
      Since the Victorians, the thinness of Gray's output has encouraged critics of various persuasions to view him as an inhibited, ultimately abortive poet whose temperament was not up to the challenges and pressures he had to face (Miltonic influence, the commercialisation of culture, the suppression of homosexual desire, etc.). Yet his few published poems did enjoy tremendous fame, at least during the last third of the eighteenth century, and he never was entirely forgotten. The present article attempts to make sense of Gray's paradoxical status in literary history, by focusing on three salient aspects of his work: first, a certain kind of belated Augustan or Neoclassical desire for perfection, which he carried to intransigent extremes, and which may partly explain the sense of novelty many of his poems elicited; secondly, a close engagement with the new empiricist epistemology, which resulted in his foregrounding the intensities and ambiguities of sensation; thirdly, a lurking, elusive political radicalism, which to an extent stemmed from his peculiar lyrical procedures, and contributed powerfully to his aura in the 1780s and 1790s.
    • William Cowper, l'homme-tronc - Sébastien Scarpa p. 52-67 accès réservé avec résumé avec résumé en anglais
      L'image que l'on retient communément de William Cowper est celle d'un homme faible et fragile psychologiquement, voire d'un « poltron » (selon W. Hazlitt) qui « craignait de croire en lui-même ». Pourtant, cette supposée infirmité tend à estomper la vigueur et l'originalité de son œuvre. Cet article vise à réévaluer la poésie de Cowper en traitant principalement de sa passion pour la vie végétale. En tant qu'organismes vivants dont la croissance spontanée les déploie en formes naturelles, arbres centenaires et jeunes pousses, racines, fleurs et feuilles, et même concombres (dont la phallicité est explicite) offrirent à Cowper les métaphores heureuses d'un corps textuel vivifié. Tous témoignent des intuitions créatrices du poète et de sa remarquable capacité à faire évoluer la langue poétique dans sa quête de ravissement intellectuel et de jouissance physique.
      William Cowper is commonly remembered (if at all) as a psychologically weak and vulnerable man, “a coward” even (according to W. Hazlitt) who was “afraid of trusting himself.” Yet this alleged infirmity tends to tone down the vigour and originality of the poet's work. This article aims at reappraising Cowper's poetry by focusing mainly on his passion for vegetable life. As growing organisms that develop spontaneously into natural forms, ancient trees and young shoots, leaves, flowers and roots, and even cucumbers (whose phallicity is explicit) provided Cowper with apt metaphors for an invigorated textual body. They all testify to the poet's creative intuitions and to his remarkable ability to experiment with poetic language on his quest for intellectual rapture and physical pleasure.
    • L'« arse » poetica de Robert Burns - Yann Tholoniat p. 68-82 accès réservé avec résumé avec résumé en anglais
      Robert Burns choque délibérément le bon goût de ses lecteurs en parlant régulièrement des fesses dans ses poèmes et ses chansons. Cet article a pour but de montrer, d'abord, que loin d'être unique en son genre, Burns s'inscrit dans une longue tradition littéraire parfois occultée. Le derrière représente métonymiquement le bas-ventre et plus généralement les fluides corporels. Les références scatologiques dans le corpus burnsien ont pour but de déstabiliser les hiérarchies sociales, et de proposer une critique carnavalesque des sphères aristocratiques, religieuses, scientifiques et littéraires. Par-delà cette remise en question des conventions sociales, ce que Burns cherche à mettre en avant dans son « arse » poetica, c'est de remettre l'humain dans le monde.
      Robert Burns deliberately chooses to provoke his readers' tastes by mentioning the bottom in his poems and songs on a regular basis. This article aims to show, first, that, far from being a maverick, Burns is the inheritor of a long, sometimes forgotten literary tradition. The behind metonymically stands for the lower belly and more generally for bodily fluids. Within the Burns corpus, scatological references unsettle social hierarchies, and offer a carnivalesque critique of the aristocratic, religious, scientific and literary realms. Beyond the undermining of social conventions, Burns's agenda in his “arse” poetica is to put forward the humane dimension of mankind.
    • Shells, Fossils, and the Flesh of Time in Erasmus Darwin's Poetry - Sophie Laniel-Musitelli p. 83-96 accès réservé avec résumé avec résumé en anglais
      Lorsqu'il posait son regard sur des coquillages fossilisés, le poète et naturaliste Erasmus Darwin (1731-1802) lisait à même ces « volumes satinés » la lente transformation des espèces « au fil de millions d'époques ». Dans ses poèmes, les coquilles fossilisées ressemblent à d'étranges artefacts que nul n'aurait fabriqués. L'organisme d'origine sert soit de matrice, soit de matière première au fossile qui en émerge, comme sculpté de l'intérieur par le temps. La genèse des formes de vie semble se faire indépendamment de toute intervention divine, à travers une série de changements infimes : l'imperceptible s'y substitue à l'occulte. Dans ces formes harmonieuses, produites par la mort, le temps crée la forme artistique. Lisible à même les formes fossiles, le travail du temps s'incarne en un récit de création qui porte en lui la trace de la destruction.
      When he looked at fossilised sea-shells, the poet and naturalist Erasmus Darwin (1731-1802) read the gradual transformation of species through “millions of ages” in their “glossy volumes.” In his poetry, fossilised shells look like strange artefacts no one crafted: the original organism acts either as the mould or as the raw material of the fossil emerging out of it, as if sculpted by time from the inside. The genesis of life-forms seems to take place outside divine intervention, through a series of negligible transformations: the imperceptible substitutes itself for the Unseen. In these beautiful forms, carved by death, time generates artistic forms. Destruction writes itself into a narrative of creation, and as the work of time becomes legible in the forms of the fossil, time fleshes itself out.
    • Sympathie élocutoire, transparence du style et langage de la passion : la rhétorique selon Hume et Smith, prélude à la poétique du (pré)romantisme - Catherine Bois p. 97-113 accès réservé avec résumé avec résumé en anglais
      Alors que se théorise une nouvelle rhétorique de communication, le concept de sympathie chez Hume et Smith réarticule l'équivoque entre expérience et pouvoir persuasif de la passion présente au sein du couple èthos-pathos depuis Aristote. La vis rhetorica de la sympathie humienne procède d'une esthétique réfléchissante aux effets moraux immotivés. Construisant un dispositif du moi projection du spectateur impartial, Smith objective sympathie et sentiments moraux. Il accentue le caractère linguistique de la communication et identifie le style dénué de figures à la transparence éthique de la sociabilité. La préface des Lyrical Ballads conjoint pathos et sympathie poétique. La simplicité de figures créatrices jaillit du langage idéal de la passion, à la différence de l'enargeia performative du verbe blakien, parousie du logos où s'auto-réfléchit une sympathie absolue. Dans les odes de Gray et Collins, le poète en quête de sympathie affronte encore la personnification abstraite. Mais le pathème de l'écriture lyrique dans « The Mad Mother » et les deux « Nurse's Song » atteste, outre la labilité de l'èthos locutoire, une indétermination métrique et grammaticale des figures.
      Hume and Smith's notion of sympathy, being coeval with the new rhetoric of communication, restores the ambiguity between experiencing passion and using it as a persuasive tool, which has been pervasive in the èthos-pathos dyad since Aristotle. For Hume the rhetorical power of sympathy partakes of an aesthetic mirroring process inducing non-motivated moral effects. In Smith's scheme of the self as a projection of the impartial spectator, sympathy and moral sentiments are objectified. Communication becomes markedly linguistic: a style devoid of figures is identified with the ethical transparency of sociability. In the Preface to Lyrical Ballads, poetic sympathy and pathos are barely distinguishable. Simple creative figures should overflow from the ideal language of passion—whereas for Blake the performative enargeia of words reveals the Logos and reflects its absolute sympathy. In Gray and Collins's odes, the poet questing for sympathy must confront abstract personifications. But in “The Mad Mother” and both “Nurse's Songs” the speaker's èthos is labile; figures of speech in such pathematic lyrical writing fall prey to metrical and grammatical instability.
  • Comptes rendus