Contenu du sommaire : Le cinéma fait-il son cinéma ?

La généralisation rapide de l'usage des technologies numériques pour la réalisation du cinéma comme le passage très rapide à la diffusion numérique en salle laissent croire que la transition numérique du cinéma est derrière. Ce constat ne rend néanmoins pas compte de bouleversements plus profonds de la filière et plus exactement de la mutation que connaissent l'écosystème et son épine dorsale en termes d'exploitation des œuvres et de régulation que constitue la chronologie des médias. Ce n'est pas l'un et l'autre qui sont affectés par la transition numérique, mais tous ensemble qu'ils le sont, notamment parce qu'ils sont au cœur du financement du cinéma à travers chaque fenêtre d'exploitation des films du cinéma. Pareille transition s'effectue dans un contexte où chaque mode d'exploitation est l'objet de tendances profondes : le nécessaire renouvellement de l'expérience en salle, l'extinction de la vidéo physique, la crise de l'audiovisuel face aux nouveaux médias, le changement d'échelle provoqué par le numérique et l'inflation des droits cinémas où sportifs. L'article cherche à démêler ces tendances de fond et à identifier les points de rupture qui s'opèrent dans le cadre français. Il dessine au-delà d'une transition numérique apaisée les ferments d'une mutation plus significative.

Le développement du numérique s'est accompagné, dans les industries culturelles, comme dans tous les autres secteurs, de transformations profondes. Le plus souvent, cette révolution est présentée comme celle des modes de consommation (dé-linéarisation et dématérialisation), des formes de monétisation (gratuité, abonnement) et des chaînes de valeur. Mais il s'agit aussi d'une révolution de l'organisation du secteur où les vecteurs des transformations ne se réduisent pas aux nouvelles plateformes de l'internet mais sont aussi des nouveaux intermédiaires techniques qui s'insèrent à tous les niveaux de la chaîne de valeur grâce à des investissements, des équipements et des compétences inédites dans le monde du cinéma qui s'opèrent aussi bien au niveau de la production, de la post-production ou de la distribution. L'article s'appuie sur plusieurs cas emblématiques au plan mondial (Weta Digital, DreamWorks, Ymagis, Bollywood et UFO Moviez) qui montrent comment les nouvelles formes d'intervention portées par la technologie remettent concrètement en cause les modes de fonctionnement profonds des filières culturelles tout autant que leurs contours.

Le passage à la projection numérique dans les salles de cinéma ne se résume pas à un simple changement de support de projection filmique. Les mutations que ce nouveau paradigme technologique engendre, invisibles pour les spectateurs, ont des effets bien tangibles sur le devenir des métiers et sur l'organisation du secteur cinématographique. Cet article cherche à rendre compte des principales mutations structurelles et organisationnelles du secteur de la diffusion cinématographique – distribution et exploitation – causées par cette innovation technologique. Il s'agit plus spécifiquement de montrer que l'arrivée du numérique en France dans ce secteur bouleverse l'organisation des métiers traditionnels de la diffusion, redéfinit une partie de leur rôle et fait apparaître de nouveaux enjeux ayant des répercussions sur les stratégies et le devenir des acteurs.

Cette étude analyse les stratégies d'évaluation des films par les médias de critique professionnelle à partir de données extraites de la plateforme Allociné. L'objectif est de proposer une grille d'analyse permettant de distinguer les critiques selon leur niveau d'indépendance par rapport à leur environnement économique. Les principales variables explicatives sont relatives au marché du cinéma (la distribution des films en salle, la taille des distributeurs et les évaluations des spectateurs sur Allociné), au milieu professionnel (labellisations, nominations et récompenses) et au monde des critiques (la manière dont les autres critiques évaluent les films). La méthode utilisée consiste à expliquer, selon un modèle économétrique à deux étapes suivant une procédure de Heckman, le choix des films et leur notation par chaque média publiant des critiques. Les résultats permettent de faire ressortir finement différents profils de médias selon leur degré d'indépendance à travers les déterminants communs ou divergents des choix opérés à l'égard des films. Cette étude souligne finalement qu'il faut dépasser la simple dichotomie entre critique indépendante et critique promotionnelle et propose d'introduire une distinction plus fine entre médias dépendants, neutres et alternatifs.

À partir de l'analyse des interfaces d'un échantillon de plateformes de vidéo à la demande francophones et d'entretiens avec des professionnels de la diffusion, cet article examine l'influence de la transition numérique sur la médiation générique des contenus cinématographiques. La première partie permet d'identifier les acteurs socio-économiques du marché français de la vidéo à la demande et d'en souligner l'hétérogénéité. La deuxième est consacrée à l'analyse de la présentation de l'offre de films sur les plateformes, grâce à une grille de codage des menus d'accès aux catalogues. La troisième se concentre sur deux zones de tension d'un marché qui apparaît polarisé : le recours aux métadonnées descriptives et la gestion algorithmique de la recommandation.

Cet article propose l'étude d'un dispositif initié en 2013 par la Région Rhône-Alpes, qui vise à aider les salles de cinéma indépendantes du territoire à séduire un public jeune non captif.À travers l'analyse des objectifs du dispositif et des moyens d'action choisis en fonction du public ciblé, il s'agit d'interroger les ressorts sociologiques de l'action culturelle contemporaine en matière de cinéma. Nous verrons ainsi que derrière des catégories indigènes qui se veulent souvent horizontales, neutres ou universelles (« qualité », « diversité », « curiosité »…), on retrouve le partage de croyances en l'existence de hiérarchies verticales du cinéma (des œuvres, des modes de diffusion, etc.) comme des rapports au cinéma (des manières de voir ou évaluer les films, par exemple), qui sont socialement situés. L'article entend cependant monter en généralité. Le dispositif étudié est en effet un exemple, parmi d'autres, du fait que l'éclectisme éclairé est la déclinaison contemporaine du modèle cultivé à diffuser aux catégories de la population que l'on considère comme les plus exposées aux tentatives hégémoniques des acteurs du champ de production élargi, dotés du pouvoir économique. La transformation des pratiques cinématographiques juvéniles est au croisement de ces enjeux de politique culturelle et de luttes internes au champ cinématographique.