Contenu du sommaire : Poétisation des réseaux sociaux
Revue | Communication & Langages |
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Numéro | no 203, mars 2020 |
Titre du numéro | Poétisation des réseaux sociaux |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
Éditorial
- « Revues en lutte » - Emmanuël Souchier, Gustavo Gomez-Mejia p. 3-4
Pratiques d'évaluation
- Structurer, encadrer et lisser l'évaluation : les écrits de l'AERES/HCERES - Christine Barats, Émilie Née p. 5-25 Les écrits produits par l'Agence d'évaluation de la recherche et de l'enseignement supérieur (AERES), devenue en 2013 le Haut Conseil de l'évaluation de la recherche et de l'enseignement supérieur (HCERES), occupent une place centrale à la fois comme cadre d'une pratique évaluative et comme produit de cette pratique. Combinant une analyse sémiologique et discursive, nous avons examiné les enjeux et les effets de sens de ces écrits évaluatifs, que ce soit au regard de leur identité, de leur complexité énonciative ou de leur « raison graphique ». L'incarnation visuelle et graphique de cette nouvelle instance rend ainsi compte de la dimension agonistique et axiologique de l'évaluation. L'analyse des écrits produits (référentiels, rapports…) montre leur dimension formulaire et met au jour la prégnance d'un outil d'analyse emprunté à la stratégie d'entreprise, la matrice SWOT, appréhendée comme une technologie intellectuelle au sens de J. Goody.Documents produced by AERES/HCERES, the French academic research evaluation agency are central: as a frame for assessment practice as well as its result. We examined research entities assessments from a semiotic point of view, through agency identity, focusing on the complex enunciation built during the evaluation process or “graphic reason” of reports. The agency's visual and graphic incarnation shows the agonistic and axiological dimension of assessment. By analyzing the writings produced by the agency (guidelines, reports…), we can demonstrate the importance of their form as well as the SWOT matrix, an analytical tool taken from business strategy, and considered by us as an intellectual technology (Goody).
- Structurer, encadrer et lisser l'évaluation : les écrits de l'AERES/HCERES - Christine Barats, Émilie Née p. 5-25
Poétisation des réseaux sociaux
- Peut-on habiter en poète les dispositifs médiatiques ? - Oriane Deseilligny, Adeline Wrona p. 27-43
- « Je suis le tribun-poète » : Jean-Luc Mélenchon ou la politique comme esthétique - Florence Thérond p. 45-61 L'investissement des réseaux sociaux par Jean-Luc Mélenchon, est particulièrement massif et diversifié (blog L'ère du peuple, chaîne YouTube comportant une « Revue de la semaine », comptes Twitter, Facebook, Instagram quotidiennement alimentés). Passionné de la langue et de la littérature française, traversé par « l'onde longue de l'Histoire », en particulier celle de la Révolution, le leader de la France insoumise s'inscrit dans la tradition, proprement française, de l'Homme politique homme de lettres. Il s'agit de poursuivre ici la réflexion sur les rapports entre la politique et la littérature dans le contexte du Web 2.0. Je montrerai comment Jean-Luc Mélenchon et ses conseillers en communication s'approprient les réseaux sociaux pour en faire un espace singulier de création politique et poétique.Jean-Luc Mélenchon developed a political communication based on social networks (the Blog L'ère du peuple, the YouTube channel with a “weekly review”, the Twitter, Instagram and Facebook accounts he uses daily). Passionate about History and French Literature, the leader of “La France insoumise” is part of the French tradition of the politician as a man of letters. The purpose here is to continue the reflection on the relationship between politics and literature in the context of Web 2.0. I will show how Jean-Luc Mélenchon and his communications advisors are appropriating social networks to create a space for political and poetic creation.
- Le #Bookporn sur Instagram : poétique d'une littérature ornementale ? - Marine Siguier p. 63-80 Cet article propose une analyse du phénomène « bookporn » sur Instagram, qui correspond à la mise en scène du livre selon un certain nombre de normes visuelles implicites, structurées à la fois par les usages des internautes et le cadrage éditorial de la plateforme. Il s'agira de montrer que loin d'être l'incarnation d'un ethos littéraire à rebours du flux médiatique, les effets « poétisants » de ces iconographies épousent les normes édictées par le dispositif, plus qu'ils ne les renversent. À cet égard, la présence du livre sur Instagram ne relève pas d'un processus de subversion des logiques du réseau social, mais constitue plutôt la déclinaison d'une potentialité de thématisation offerte par Instagram. À travers les pratiques du « bookporn » se pose donc la question de ce que la littérature fait aux réseaux sociaux, mais également de ce que les réseaux sociaux font à la mise en représentation du littéraire.This article proposes an analysis of the “bookporn” phenomenon on Instagram, which consists of a book display according to a certain number of implicit visual criteria, structured both by the practices of the Internet users and the editorial framing of the platform. The aim will be to show that the “poetic” effects of these iconographies fit closely with the norms set by the apparatus, more than they reverse them. In this respect, the presence of the book on Instagram does not come under a subversive process of the social network logics, but appears to be a specific declination among the diversity of potential theming offered by Instagram. Through the practices of “bookporn”, the question arises of what literature does to social networks, but also of what social networks do to the representation of the literary.
- Se construire une identité de poète sur Twitter : polarisation et dynamiques - Adrien Cassina p. 81-98 À l'instar de la littérature, la poésie est largement présente sur le Web, comme en témoignent les nombreux blogs, revues ou anthologies en ligne. Twitter a ainsi pleinement été investi par des poètes qui, à travers une pratique d'écriture et de diffusion de poésie, développent tant une activité artistique qu'une sociabilité numérique. Comment ces femmes et ces hommes utilisent-ils les ressources de la plateforme Twitter pour construire leur identité de poète ? L'analyse se concentrera sur les références visuelles, textuelles et procédurales utilisées par ces poètes qui, en puisant dans l'imaginaire littéraire et les représentations liées au Web, mettent en scène des présentations d'eux-mêmes et construisent, en se saisissant des possibilités offertes par la plateforme, leur identité numérique de poète.Twitter has been fully invested by poets who, through a practice of writing and diffusion of their poetry, develop both an artistic activity and a digital sociability. How do these women and men use the resources of the Twitter platform to build their poetical identity? The analysis will focus on the visual, textual and procedural references used by these poets who, drawing on the literary imagination and the representations related to the Web, stage presentations of themselves and construct their digital identity as a poet.
- De l'architexte au computexte Poétiques du texte numérique, face à l'évolution des dispositifs - Alexandra Saemmer p. 99-114 Les « architextes » encodés dans les logiciels et plateformes industriels ont engagé une mainmise sur la forme du texte. À l'heure actuelle, les grandes entreprises interviennent de plus en plus dans l'écriture des contenus textuels – nouvelle mainmise qui se matérialise dans les processus d'auto-complétion et d'écriture prédictive du « computexte ». Certaines tactiques élaborées par la littérature numérique d'avant-garde ont anticipé cette mainmise sous une forme dystopique : elles ont culminé dans des textes que seules les machines peuvent lire. Des expérimentations récentes sur les réseaux sociaux inversent les paradigmes des avant-gardes historiques. Émergent des crypto-langages qui déjouent de l'intérieur les processus d'exploitation de la langue par la machine tout en rétablissant la communication avec le sujet humain.The “architexts” encoded in software and industrial platforms aimed at controlling the form of the text. Presently, the big digital companies increasingly intervene in the writing of textual content – a new stranglehold materialized in the processes of self-completion and predictive writing calculated by the “computext”. The avant-garde movements in digital elaborated dystopian anticipations of this stranglehold: anticipations that culminated in texts that only machines can read. Recent experimentations on social networks reverse these paradigms of the historical avant-gardes. Crypto-languages thwart the process of language exploitation by the machine while restoring communication with the human subject.
- Poïèse et Poèse : faire avec et faire contre les outils d'écriture - Étienne Candel p. 115-134 Dans cet article, Étienne Candel interroge, de façon réflexive, la réception des textes qu'il a produits, notamment sur Twitter, Mastodon et Instagram, sous le nom d'ironèmes et de trashtexts. Ces deux formats d'écriture inventés par lui sont des usages des dispositifs d'écriture en ligne et participent à ce titre de ce qu'il appelle la « poïèse » ; mais ils sont aussi des objets reçus socialement comme des formes littéraires, poétiques ou artistiques, et c'est ce phénomène d'artistisation qu'il décrit sous le nom de « poèse ». L'enjeu de l'article est d'envisager une articulation plus générale entre le « faire » de l'usage et les modalités qualifiantes des processus de réception.In this paper, Étienne Candel uses the words “poiesis” and “poesis” to distinguish between two aspects of creative writing, the first being the actual practices and uses of digital apparatuses, the second being the social reception of texts and their acknowledgement as literature, poetry, art, or whatever. These categories allow him to analyze his own writing practices – namely his “ironèmes” (mainly on Twitter) and his “trashtexts” (on Instagram) – by questioning on which bases these texts are composed and the frames of their social reception. Thus he tries to articulate the internal and external approaches to texts in a global pragmatic vision of literary phenomena.
- S'approprier Twitter en artiste : une pratique littéraire en question - Allan Deneuville p. 135-149 À travers l'étude de deux œuvres littéraires s'appropriant des tweets, I wish I could be exactly what you are looking for de Jean-Baptiste Michel et Working on my Novel de Cory Arcangel, le présent article questionne les enjeux des pratiques appropriationistes en art et en littérature à l'ère du numérique. Les œuvres sont également vues comme des portes d'entrée pour questionner les rapports de pouvoir présents dans la structuration de l'expression des utilisateurs des réseaux sociaux et que la décontextualisation des tweets nous donne la possibilité d'étudier. Elles permettent également de réfléchir sur ce que nous appelons « l'oligopole à franges attentionnel » des réseaux sociaux, structure désirant rendre compte de la distribution du capital attentionnel des internautes.This article deals with two literary artworks which appropriate tweets: I wish I could be exactly what you are looking for by Jean-Baptiste Michel and Working on my Novel by Cory Arcangel. This article questions the issues of appropriationist practices in art and literature in the digital age. The artworks are also seen as entry points to question the relation of power present in the structuration of the expression of users of social network and that the decontextualization of tweets gives us the opportunity to study. They also allow us to reflect on what we call the “attentional fringe oligopoly” of social networks, a structure that wishes to reflect the distribution of the attentional capital of Internet users.
- Une poésie machinique ? Génération automatisée, intelligence artificielle et création littéraire - Tom Lebrun, René Audet p. 151-173 Cet article porte sur la présence de poésie produite par des machines (générateurs, intelligence artificielle) sur les réseaux sociaux. Nous y interrogeons le deuxième degré de distance que les algorithmes parviennent à atteindre dans leur émulation du langage humain ; particulièrement, nous examinons comment l'informatique se mesure à une « communication » littéraire. Alors que des bots arrivent assez bien à générer ce que l'on reconnaît comme poésie, grâce à certaines stratégies d'authentification du discours, les algorithmes d'apprentissage machine exemplifient, par leur fonctionnement, la lecture mise en réseau et l'idée même de la mobilisation d'une culture partagée dans l'écriture littéraire.This article focuses on the presence of generated poetry (through generators and artificial intelligence) on social networks. It considers the second degree of distance that algorithms manage to achieve in their emulation of human language; in particular, it examines how computing copes with literary “communication”. While bots succeed to generate texts that can be perceived as poetry –thanks to a speech authentication strategy –, some machine learning algorithms exemplify very well how reading can be considered as a network, and more broadly the actual reticulation of a shared culture in literary writing.
Écritures du patrimoine
- Les écritures médiatiques partagées de la mémoire – patrimonialisation et paradigme de l'immatériel - Nolwenn Pianezza p. 175-195 À travers l'analyse de deux dispositifs d'inventaire du patrimoine, conduits de manière partagée entre un groupe social et un relais scientifique sur un territoire donné, nous nous intéressons aux processus de collecte mémorielle de témoignages, de construction documentaire et de mise en média, déployés pour élaborer les savoirs sur le patrimoine en devenir. Nous interrogeons les modalités de la co-écriture médiatique adossées à ces processus de patrimonialisation, en prêtant particulièrement attention aux transformations épistémologiques, symboliques et techniques qu'une telle écriture partagée conditionne au sein du groupe social partenaire en termes de circulation des savoirs.This paper looks at the forms and procedures of the shared processes of documenting, writing and mediatizing memory in collaboration between scientific and local communities, in the context of local heritage inventory programs. Drawing on interviews and document analysis, this paper sheds light on the process of collecting local testimonies, constructing knowledge about heritage-in-making and producing documentary media. The paper questions the subsequent epistemological, symbolic and technical shifts here at stake in terms of knowledge circulation within the social group involved.
- Les écritures médiatiques partagées de la mémoire – patrimonialisation et paradigme de l'immatériel - Nolwenn Pianezza p. 175-195
Lectures
- Les arts et la télévision, discours et pratiques. Priska MORRISSEY et Éric THOUVENEL (dir.), Rennes, Presses Universitaires de Rennes, 2019, 390 p. - Céline Loriou p. 197-205
- La bande dessinée, une intelligence subversive. Pascal ROBERT, Villeurbanne, Presses de l'Enssib, 2018, 311 p. - Elsa Tadier p. 199-201
- Fact-checking vs fake news. Vérifier pour mieux informer. Laurent BIGOT, Paris, INA Éditions, 2019, 159 p. - Jean-Sebastien Barbeau p. 201-202
- Les séries télévisées des chaînes historiques américaines de 2004 à 2014 : lignes éditoriales et stratégies de programmation à l'ère post-network. Thèse réalisée par Jérôme DAVID, sous la direction de Nathalie Sonnac, laboratoire CARISM, Université Paris 2 Panthéon-Assas. Soutenue le 13 septembre 2019. - Jérôme David p. 202-205