Contenu du sommaire : Déclin et survie des mobilités automobiles
Revue | Flux |
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Numéro | no 119-120, 2020/1-2 |
Titre du numéro | Déclin et survie des mobilités automobiles |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
- Déclin et survie des mobilités automobiles ? Entre résistances et évolutions - Sylvanie Godillon, Gaële Lesteven p. 1-4
- Le permis de conduire chez les jeunes : qui ne le passe pas (encore) et pourquoi ? - Patrick Rérat, Lucas Haldimann p. 5-24 Bien davantage qu'un simple document officiel, le permis de conduire représente un ensemble de règles, le droit de conduire légalement, mais aussi un rituel lié à l'entrée dans l'âge adulte. Ce qui était devenu un passage quasi obligé semble pourtant avoir perdu de son attrait, les jeunes étant moins nombreux à posséder un permis de conduire. Basé sur une large enquête (plus de 40'000 répondants) menée en Suisse, cet article aborde les déterminants de l'obtention du permis et identifie des effets de genre, de catégorie socio-professionnelle, de contexte territorial, d'origine nationale ou encore de dimensions psychologiques. Il analyse également les raisons quant à la non-possession du permis (absence d'utilité, coûts, manque de temps et convictions environnementales) et leur fréquence parmi les différentes catégories de jeunes. Dans l'ensemble, la baisse de la proportion de jeunes titulaires du permis constatée ces dernières décennies apparaît, à la lumière de cette analyse, davantage comme la conséquence d'un report que d'un renoncement, seule une très petite minorité des jeunes ne prévoyant pas de l'obtenir. Ce report pourrait montrer la résilience du système automobile (vivre sans permis étant une période limitée avant la motorisation), mais aussi être l'indice d'aspirations, de priorités, de représentations moins favorables à la voiture quand bien même elle demeure un mode de transport incontournable.Driving licences are much more than simple official documents; they represent a set of rules, the right to legally drive and also a rite of passage linked to the transition to adulthood. Yet, despite having previously been seen as an almost obligatory part of growing up, the driving licence seems to have lost its attraction, as fewer young people hold one. Based on a large-scale survey (more than 40,000 respondents) carried out in Switzerland, this paper addresses the factors involved in whether or not young people obtain a driving licence and identifies effects of gender, socio-professional class, spatial context, national origin and psychological dimensions. It also analyses the reasons for which young people may not hold a licence (lack of need, lack of time and environmental awareness) and their frequency among various categories of young people. On the whole, this analysis suggests that the decline in numbers of young people with driving licences observed over the last decades appears to have more to do with a delay in getting a licence than with any renouncement, given that only a small minority of young people do not expect to get a licence in the future. This delay may indicate the resilience of the system of automobility (since people live without a driving licence for only a limited time before becoming motorised) but could also point to aspirations, priorities and representations less favorable to car use even if the latter still represents one of the principal modes of transport.
- Les routines automobiles à l'épreuve des perturbations. Comprendre les résistances au changement à partir de récits d'usagers dans la métropole lilloise - Joël Meissonnier, Cyprien Richer p. 25-40 La recherche-action « Heures de pointe, idées de pointe » apporte des enseignements sur la connaissance des tactiques et habitudes des automobilistes de la métropole lilloise. L'enquête qualitative s'est focalisée sur les salariés de deux zones d'activité périphériques disant rencontrer des problèmes de mobilité aux heures de pointe. Utilisant la méthode des carnets de bord ainsi que celle des parcours commentés, l'enquête montre qu'au-delà de la gêne occasionnée par les encombrements routiers, il existe de réelles possibilités de valorisation de l'allongement des temps de parcours dus aux congestions routières, ce qui oblitère significativement les politiques publiques classiques d'incitation au report modal.L'enjeu principal de cette contribution est d'observer la réaction des enquêtés face aux perturbations récurrentes ou ponctuelles associées à l'un des événements exceptionnels. Les résultats montrent à quel point l'automobile apparaît comme un mode de transport souple et résilient. Toutefois, cette résilience trouve rapidement certaines limites dont il est possible de tirer profit pour réduire la vulnérabilité (face à l'aléa) des salariés autosolistes exclusifs. Les situations perturbées, selon leur récurrence et leur intensité, constituent peut-être une nouvelle forme de key-event augurant de la possible évolution des comportements de mobilité. Au même titre qu'un tournant dans la vie familiale, elles viennent créer une rupture, parfois radicale, qui poussent certains automobilistes à réinventer leurs routines de mobilité quotidiennes, voire leurs modes de vie.The action-research project “Rush Hour, Leading Ideas” provides insights into the tactics and habits of motorists in the Lille metropolitan area. The qualitative survey focused on employees in two outlying business parks who complained about mobility problems during rush hour. Using the transport diary method as well as the method of commented trips, the survey shows that, beyond the inconvenience caused by road congestion, there are real possibilities of making the most of the longer journey times due to road congestion, which significantly eliminates the traditional public policies encouraging modal shift.The main challenge of this contribution is to observe the reaction of respondents to recurrent or one-off disruptions associated with one of the exceptional events. The results show the extent to which the car appears to be a flexible and resilient mode of transport. However, this resilience quickly reaches its limits that can be taken advantage of to reduce the vulnerability of user employees who travel alone in their cars. Depending on their recurrence and intensity, disruptive situations may constitute a kind of key-event that augurs well for possible changes in mobility behaviour. Just like a turning point in family life, they create a sometimes radical break that pushes some motorists to reinvent their daily mobility routines and even their lifestyles.
- Conversion écologique vs dépendance automobile. Une analyse des dissonances entre attitudes environnementales et usages de l'automobile auprès de ménages populaires en zone périurbaine et rurale - Yoann Demoli, Matéo Sorin, Axel Villaereal p. 41-58 Cet article s'attache à éprouver l'hypothèse selon laquelle, à l'opposé des autres pratiques de consommation, les pratiques de mobilité quotidienne, sont relativement déliées des attitudes et des valeurs environnementales. Pour y parvenir, nous complétons les tendances statistiques observées à partir d'une enquête par questionnaire inédite en population générale par un corpus d'entretiens menée auprès d'une sous-population particulièrement contrainte dans ses usages de l'automobile. Après une présentation des données de l'enquête Styles de vie et environnement (SVEN), nous définissons les indicateurs à notre disposition pour évaluer nos hypothèses (indicateurs d'attitudes environnementales issus de la New Environmental Paradigm Scale (NEPS), mais aussi usages de l'automobile). Dans un deuxième temps, nous présentons les résultats de nos analyses statistiques, d'abord à l'aide de statistiques descriptives, puis de modélisations toutes choses égales par ailleurs. Les résultats obtenus sont alors discutés au regard de l'enquête qualitative menée en Loire-Atlantique auprès de vingt-trois ménages des classes populaires résidant en zone périurbaine ou rurale. Le présent travail tend à indiquer, de façon générale, que les valeurs environnementales n'influent qu'à la marge sur les usages de l'automobile des individus. Plus spécifiquement, en ce qui concerne la sous-population étudiée, les contraintes du quotidien, le budget accordé aux déplacements et l'absence d'alternatives réelles en termes de confort et de rapidité ont souvent raison des discours, en particulier au sein des zones périurbaines et rurales étudiées.This article tests the hypothesis that, unlike other consumer practices, daily mobility practices are relatively unrelated to environmental attitudes and values. To achieve this, we articulate the statistical trends observed from a general population survey with a corpus of interviews conducted with a sub-population particularly constrained in its car use. After a presentation of data from the Lifestyles and Environment Survey, we define the indicators available to evaluate our hypotheses (environmental attitude indicators from the New Environmental Paradigm Scale (NEPS), but also car use). We then present the results of our statistical analyses, first using descriptive statistics and then using models, all other things being equal. The results obtained are then discussed in the light of a qualitative survey conducted in Loire-Atlantique among twenty three low-income households living in peri-urban or rural areas. Our analysis indicates, in general, that environmental values only marginally influence individuals' car use. More specifically, with regard to the sub-population studied, the constraints of daily life, the budget allocated to travel and the lack of real alternatives in terms of comfort and speed often prevail, particularly in the peri-urban and rural areas studied.
- La démotorisation des ménages comme analyseur de la diversité des expériences de socialisation à la « norme automobile » - Joseph Cacciari, Leslie Belton-Chevallier p. 59-72 Renoncer à posséder une voiture est un choix potentiellement fort au regard de son importance dans les pratiques de déplacement des Français. L'absence d'une automobile ou sa moindre présence ne matérialise pas forcément un écart dévalorisant à la norme, un stigmate, dès lors qu'on examine l'ensemble de la trajectoire de la socialisation des individus à l'automobile. En nous basant sur les résultats d'une enquête qualitative par entretiens biographiques auprès de personnes démotorisées, nous examinerons les ressorts pluriels de la démotorisation en nous interrogeant sur l'effectivité d'un potentiel stigmate. In fine, il s'agira de comprendre la diversité des socialisations automobiles et leurs impacts en termes de renoncement à ce mode.Giving up car ownership is a potentially strong choice given its importance in travel practices in France. The absence of a car or its slightest presence does not necessarily materialize a gap devaluing to the norm, a stigma, when we examine the whole trajectory, from the socialization of individuals to the car. Based on the results of a qualitative survey by biographical interviews with people without cars, we examine both the multiple drivers of demotorization and the effectiveness of a potential stigma. Ultimately, it is a question of understanding the diversity of automobile socializations and their impacts in terms of renouncing this mode of travel.
- Accéder à l'automobile dans les villes d'Afrique subsaharienne : usages et usagers dakarois - Lourdes Diaz Olvera, Didier Plat, Pascal Pochet p. 73-89 L'Afrique subsaharienne, qui compte pour 13 % de la population mondiale en 2015, ne représente à cette date que 2 % du parc automobile et l'importance des modes motorisés individuels reste très faible dans nombre de villes. Ces dernières années, la croissance des parcs des pays africains est cependant bien réelle, avec une concentration dans les capitales et grandes villes. Mais leur taille actuelle suggère que la motorisation et l'usage de la voiture représentent aujourd'hui un rêve inaccessible pour le plus grand nombre. Qu'en est-il vraiment ?Nous analysons ici la place de la voiture à travers ses usagers et ses usages à Dakar (Sénégal) : qui la possède, qui peut en disposer, pour quels usages et pour quelles pratiques de mobilité, avec quelles évolutions ? Nous mobilisons une catégorisation qui distingue trois types d'utilisateurs, selon que leur ménage possède ou non une voiture et, dans l'affirmative, selon leur capacité à y accéder en permanence. Des analyses secondaires de deux enquêtes ménages mobilité réalisées à Dakar en 2000 et 2015 et d'entretiens semi-directifs auprès des citadins menés en 2015 montrent que la concentration de l'équipement en voiture s'est renforcée en quinze ans, les plus riches possédant proportionnellement plus de véhicules, le poids de Dakar s'étant accentué par rapport à celui des autres départements de la métropole. Les profils des usagers et leurs usages révèlent qu'en dépit de sa rareté et des coûts d'utilisation élevés, la voiture est diffusée au-delà du cercle restreint des citadins pouvant en disposer en permanence. Mais les trois types d'utilisateurs se retrouvent dans des situations inégales vis-à-vis de l'automobile. La mise en regard de 2000 et 2015 suggère des évolutions à venir, portées par des effets de génération et par les dynamiques spatiales.Sub-Saharan Africa, which was home to 13 % of the world's population in 2015, accounted for only 2 % of the car fleet at that date and private motorized transport is still at a very low level in many cities. Even though in recent years there has been genuine growth in the number of cars in African countries, mainly in the capitals and other large cities, the current size of fleets suggests that motor vehicle ownership and car use are still an unattainable dream for the majority of people. What is the situation in reality?This paper examines the place of the car through a study of its uses and its users in Dakar (Senegal): who owns one, who can use one, for what purposes and for what mobility practices, and how is the situation changing? We apply categorisation that distinguishes between three types of users, depending on whether or not their household owns a car and, if so, on their ability to access it at all times. Secondary analyses of two household mobility surveys carried out in Dakar in 2000 and 2015 and semi-directive interviews with residents of the city conducted in 2015 show that the concentration of car ownership has increased over the past fifteen years. The wealthiest households own proportionally more vehicles and the department of Dakar increased its share of vehicles compared to the other departments of metropolitan Dakar. The profiles of car users and their car use reveal that despite its scarcity and high cost of use, the car has spread beyond the select circle of city dwellers who have access to one at all times. But the three types of users are in situations of inequality with regard to the car. A comparison between 2000 and 2015 suggests future developments, driven by generational effects and spatial dynamics.
- La remise en cause du tout automobile - Frédéric Héran p. 90-101 Le « tout automobile » est un chrononyme rétrospectif ayant pour but de caractériser après coup une période historique, en vue de dénoncer ses excès. Il peut pourtant être clairement défini comme la priorité accordée à la voiture, en toutes circonstances ; les autres modes de déplacement ayant le droit d'exister et même de se développer, à condition toutefois de ne pas entraver l'usage de l'automobile. Ainsi précisé, c'est un concept opératoire qui révèle les logiques sous-jacentes des solutions mises œuvre pendant l'essor de l'automobile. La circulation génère cependant de nombreuses externalités négatives. Or, l'analyse de ces nuisances et de leurs impacts ne cesse de progresser, nourrissant de ce fait une opposition grandissante, à l'égard des modes individuels motorisés.La remise en cause du tout automobile se résume ainsi à des luttes visant à ne plus forcément accorder la priorité à la voiture. Trois époques peuvent être distinguées, selon la profondeur et l'étendue de la contestation. La première, qui a débuté dès les années 1920 aux États-Unis, ne cherche qu'à protéger les quartiers, en reportant le trafic dans les artères alentour. La seconde, engagée dans les années 1960, vise à protéger les zones denses en reportant le trafic en périphérie. La troisième, plus récente, a désormais l'ambition de protéger la planète rendant la contestation plus cohérente. Mais ces époques se chevauchent en partie et sont décalées dans le temps, selon les territoires et l'importante des nuisances auxquelles ils sont soumis.“All car policy” is a retrospective chrononym intended to characterize a historical period after the fact, with a view to denouncing its excesses. However, it can be clearly defined as the priority given to the car in all circumstances; other modes of travel having the right to exist and even to develop, provided they do not hinder the use of the automobile. It is thus an operative concept that reveals the underlying logics of the solutions implemented during the car boom. Traffic generates, nevertheless, many negative externalities. The analysis of these problems and their impacts is constantly progressing, thereby fuelling growing opposition to individual motorised modes of transport.The questioning of all-car policy thus boils down to struggles towards no longer necessarily giving priority to the car. Three eras can be distinguished, depending on the depth and extent of the contestation. The first, which began in the 1920s in the United States, sought only to protect neighbourhoods by diverting traffic to the surrounding arteries. The second, which began in the 1960s, attempted to protect dense areas by diverting traffic to the outskirts. The third, more recent era now has the ambition to protect the planet, making protest more coherent. Yet, these periods overlap in part and are staggered in time, depending on the territories and the extent of the problems to which they are subjected.
- Les politiques urbaines face à l'automobile : objectifs, outils et controverses de l'action publique dans les métropoles de Bruxelles et Paris - Jean Debrie, Juliette Maulat, Sandrine Berroir p. 102-120 Cet article rend compte d'une recherche comparative consacrée aux politiques urbaines visant à consolider les alternatives à la mobilité automobile. La remise en cause récente de la place de l'automobile en ville est à l'agenda politique et médiatique dans des contextes urbains variés et est au cœur de controverses académiques nombreuses. Dans ce contexte, nous proposons une analyse croisée des politiques publiques en matière de réduction de l'automobile mises en œuvre dans les métropoles de Bruxelles et Paris. Cette analyse, basée sur une lecture des documents de l'action publique et sur une enquête par entretiens, porte sur les objectifs, les instruments, et les modalités de mise en place de ces politiques. Cette exploration de deux configurations métropolitaines permet de discuter de la formulation des objectifs (report modal, décarbonation, inflexion récente vers la réduction même de la mobilité automobile), de la diversification des outils mobilisés (incitatifs et secondairement coercitifs marqués par une attention croissante pour la régulation de la demande) dans un contexte de gouvernance métropolitaine caractérisé par une difficulté de coordination des actions menées. L'analyse de cette boîte à outils confirme une dualisation centre-périphérie de cette régulation des mobilités malgré des évolutions récentes visant à généraliser à l'échelle métropolitaine les objectifs de réduction de la mobilité automobile.This paper studies urban policies on automobility and possible alternatives. The place of the car in the city is on political and media agendas in various urban contexts. Many controversies have been examined in academic research. Drawing on this existing work, we propose an analysis of the public policies for car mobility reduction that have been implemented in the metropolitan areas of Brussels and Paris. Based on a study of planning documents and interviews with stakeholders, we explore the objectives, the instruments and the implementation of these urban policies. This comparison allows discussion of public policy goals (modal shift, decarbonisation, recent developments towards the reduction of car mobility), and the diversification of instruments used (incentives and secondary coercive tools, demand management, etc.) in a context of complex metropolitan governance. Analysis of this public policy toolbox confirms that there is opposition between central and peripheral areas in the regulation of automobility despite recent developments aimed at generalising car reduction goals on a metropolitan scale.
- L'émergence du stationnement-durable dans les TOD de banlieue. Regards croisés sur deux projets de la région montréalaise - Florence Paulhiac Scherrer, Blandine Vernier p. 121-141 Alors que le Transit Oriented Development (TOD) s'impose comme le nouveau modèle d'urbanisme en Amérique du Nord, celui-ci soulève plusieurs enjeux pour l'action collective urbaine. Ceux-ci concernent tout d'abord les modalités de planification de ces nouveaux quartiers qui impliquent une coordination transport-urbanisme complexe à impulser. Ils concernent également le contenu des projets qui promeuvent un urbanisme et une mobilité durables. Les objectifs généraux de ces projets visent à contrer les dynamiques d'étalement urbain et de dépendance automobile. Dans cette perspective, la programmation du stationnement dans les TOD apparaît comme un élément essentiel des stratégies de mobilité durable. Le stationnement, généralement maximisé et pensé comme « stationnement transport » dans les politiques urbaines nord-américaines, est alors conçu et optimisé comme un « stationnement durable ». Le défi dans ce domaine est d'autant plus fort dans le contexte des banlieues caractérisé aujourd'hui par une forte dépendance à la voiture. Ainsi, cet article analyse la façon dont les acteurs de l'aménagement s'approprient ce nouveau concept et l'opérationnalisent. La recherche se penche sur la planification détaillée de deux TOD situés en banlieue montréalaise. Chaque projet est planifié au sein d'un Bureau de Projet multipartite. Les Bureaux développent une nouvelle approche consensuelle du stationnement : considéré comme un maillon clé de la mobilité durable, sa place dans l'espace public doit être restreinte, mieux intégrée au cadre bâti, et les externalités négatives qu'il engendre réduites (sociétale, environnementale, économique, etc.). Cependant, de nombreux risques entourent l'opérationnalisation de cette vision. Ainsi, les dynamiques de changement à l'œuvre se heurtent à quelques freins, parmi lesquels l'acceptabilité sociale des mesures joue un rôle majeur. Gérer ces freins suppose, pour la municipalité en charge des projets, des processus de négociation et de concertation qui dépassent largement le cadre et la temporalité des bureaux des projets.As Transit-Oriented Development (TOD) has been emerging as the new urban planning model in North America, it raises several issues for collective urban action. First of all, they concern the planning modalities of these new districts, which involve a complex coordination between transport and urban planning. They also concern the content of projects that promote sustainable urban planning and mobility. The general objectives of these projects are to counter the dynamics of urban sprawl and automobile dependency. From this perspective, parking lots in TODs appears to be an essential element of sustainable mobility strategies. Generally maximized and thought of as “transport parking” in North American urban policies, parking lots are then designed and optimized as “sustainable parking”. The challenge is all the more acute in the context of suburban areas, which are now highly dependent on cars. Thus, this article analyses the ways in which the actors of the planning process appropriate this new concept and operationalize it. The research focuses on the detailed planning of two TODs located in suburban Montreal. Each project is planned within a multi-stakeholder Project Office. The Offices are developing a new consensual approach to parking: considered as a key link in sustainable mobility, its place in public space must be restricted, better integrated into the built environment, and have reduced negative externalities (social, environmental, economic, etc.). However, there are many risks involved in operationalizing this vision. Thus, the dynamics of change at work come up against some obstacles, among which the social acceptability of measures plays a major role. Managing these obstacles requires the municipality in charge of the projects to negotiate and consult processes that go far beyond the framework and temporality of the project offices.
- Persistance de l'automobilité ? Analyse en trois perspectives - Jérôme Laviolette, Catherine Morency, E. Owen D. Waygood p. 142-172 Le phénomène de « peak-car », la croissance de l'usage des modes actifs et collectifs et un regain d'intérêt pour des aménagements urbains plus denses, mixtes et à échelle humaine, soulèvent la question du déclin des mobilités automobiles. Un cadre d'analyse en trois perspectives est utilisé pour évaluer d'une part, si ce déclin est réel et d'autre part, si celui-ci s'accompagne d'un changement de paradigme dans la planification des transports et de l'aménagement urbain qui indiquerait la fin de l'automobilité. La question est appliquée spécifiquement pour la province de Québec et ses deux régions métropolitaines, Montréal et Québec. Comme première perspective, l'analyse des indicateurs de motorisation et d'utilisation de l'automobile indique un accroissement soutenu des mobilités automobiles au cours des deux dernières décennies. Comme seconde perspective, l'analyse des documents officiels de planification et de politiques-cadres de la mobilité révèle des constats justes des enjeux de mobilité, mais une reconnaissance inégale de la dépendance à l'automobile. De plus, aucun des documents municipaux et métropolitains ne présente d'objectifs précis de réduction de l'usage de l'automobile et de la motorisation. Finalement, dans une troisième perspective, les projets d'infrastructures priorisés ne sont pas tous cohérents avec les objectifs et visions des documents de planification. En effet, les bénéfices attendus d'ambitieux projets de transport collectif sont compromis par des projets de développement autoroutiers autant à Montréal qu'à Québec. Les justifications de ces projets routiers sont issues d'un paradigme de planification classique largement démontré comme dépassé et inadéquat. La priorité qui leur est donnée semble relever d'une résistance politique au changement de paradigme. Prises ensemble, ces trois perspectives tendent à démontrer qu'en dépit de certains signes positifs, le déclin des mobilités automobiles qui s'appuie sur un changement réel de paradigme de mobilité ne semble pas être amorcé au Québec.The phenomenon of “peak-car”, the growth in the use of active and collective modes and a renewed interest in more dense, mixed and human scale urban developments, all raise the question of the decline of car mobilities. A three-perspective analysis framework is proposed to assess, on the one hand, whether this decline is real and, on the other hand, whether it is accompanied by a paradigm shift in transport and urban planning that would indicate the end of automobility. The question is applied specifically for the province of Quebec and its two metropolitan areas, Montreal and Quebec. As a first perspective, the analysis of motorization and automobile use indicators reveals a sustained increase in car mobility over the past two decades. As a second perspective, the analysis of official planning documents and framework policies for mobility and urban development reveals an adequate understanding of mobility issues, but an uneven recognition of dependence on the automobile. In addition, none of the municipal and metropolitan documents presents specific objectives for reducing car use or car ownership. Finally, from a third perspective, the priority given to some infrastructure projects are not consistent with the objectives and visions of planning documents. Indeed, the benefits expected from ambitious public transit projects are compromised by highway development projects in Montreal as well as in Quebec City. The justifications for these road projects come from a classic planning paradigm widely shown to be outdated and inadequate. The priority given to them seems to stem from political resistance to a paradigm shift. Taken together, these three perspectives tend to show that despite certain positive signs, the decline in automobile mobility, which would be based on a real shift of paradigm in transportation and urban planning, does not seem to have started in Quebec.
- Système automobile et modèles de transports : quelles évolutions pour planifier la mobilité de demain ? - Patricia Sajous, Paul Salze, Valérie Bailly-Hascoët p. 173-184 Cet article repose sur une étude pluridisciplinaire (droit, géographie, informatique) développée dans la partie Mobilité du programme de recherche européen XTERM (systèmes compleXes, intelligence TERritoriale, Mobilité). A la croisée de ces trois entrées, nous questionnons la place et le devenir de l'automobile en France à l'heure d'une transition souhaitée vers des mobilités (collectives, individuelles, partagées) durables. Une analyse des pratiques passées et actuelles de modélisation dans les collectivités permet d'observer que tout semble être pensé par et pour l'automobile. Les récentes évolutions législatives se particularisent par l'intégration de l'automobile dans l'organisation globale des transports, où l'usager cèderait sa place à un homo mobilis disposant d'un vaste choix modal. Au travers de la question de l'incorporation des systèmes de transport, nous étudions un aspect encore peu exploré des arbitrages du quotidien qui sera à discuter au regard de la réglementation. En fin d'article, nous présentons des propositions, testées durant le projet, pour un renouvellement théorique et méthodologique en matière de modélisation.This article is based on a multidisciplinary study (law, geography, computer science) developed in the Mobility part of the European research program XTERM (complex systems, territorial intelligence, mobility). At the crossroads of these three approaches, we question the place and the future of the automobile in France at a time of a desired transition towards sustainable mobility (collective, individual, shared). An analysis of past and current modelling practices shows that everything seems to be thought out by and for the automobile. Recent legislative developments are characterised by the integration of the car into the overall organisation of transport, where the user is replaced by a homo mobilis with a wide modal choice. Through the question of the embodiment of transport systems, we study a little-explored aspect of day-to-day trade-offs that will need to be discussed with regard to regulations. At the end of the article, we present proposals, tested during the project, for a theoretical and methodological renewal in modelling.
- Voiture autonome : la fin des territoires de l'automobile ? - Gabriel Dupuy p. 185-191 Partant de l'analyse des années 1990, cet article propose une vision prospective pour les années 2020. Libérer le conducteur des tâches de conduite et rendre la voiture plus autonome semble être la perspective actuelle de l'automobile. La future voiture intelligente et autonome a besoin d'être orientée vers une plus grande mobilité humaine. Mais l'ambiguïté semble être au cœur même de la recherche. D'une part, la voiture semble rester indispensable à la vie des conducteurs qui ont repensé leurs itinéraires. La dépendance automobile est devenue aujourd'hui très importante. Néanmoins, la voiture autonome ne vient pas de rien. La dépendance vient du passé lointain avec des facteurs très puissants que de nombreuses décennies de dépendance peuvent justifier. Un scénario probable pourrait alors être double. Nous aurions certainement de nouveaux véhicules et composants très autonomes, par rapport à aujourd'hui. Cela permettrait aux conducteurs beaucoup plus de possibilités de redessiner leurs itinéraires de manière plus personnelle et différenciée. Mais en même temps, nous observerions également le maintien du réseau automobile « classique » qui resterait longtemps le même, dans une sorte de confinement spatial. Ce confinement remettrait probablement en question la nature libératrice héritée de tant d'années d'utilisation de la voiture. Ce double scénario affirmerait fortement, beaucoup plus qu'aujourd'hui, la différence ségrégative entre un réseau automobile « premium » et le réseau automobile ordinaire.Starting from analysis of the 1990s, this paper offers a prospective view of the 2020s. Liberating the driver from driving tasks and making the car more autonomous seem to be the current perspectives for the automobile. The future intelligent and autonomous car needs to be oriented toward a greater human mobility. But ambiguity seems to be at the heart of research itself. On the one hand, the car seems to remain essential for the lives of drivers and automobile dependence has become very important. Nonetheless the autonomous car does not emerge from nowhere. The dependence comes from the old past through very powerful factors that many decades of dependence can justify. A probable scenario could then be a double one. We may certainly have new vehicles and components that are highly autonomous compared to today. This would offer more possibilities to drivers for redrawing their itineraries in a more personal and distinctive way. But at the same time we would also observe the ‘traditional' automobile network which would stay the same for a long time, in a sort of spatial containment. This containment would probably question the liberating nature inherited by so many years of car use. This double scenario would strongly affirm, much more than today, the segregation between a “premium” car network and the ordinary car network.
- Entretien. Quelles perspectives pour le covoiturage en France ? - Éléonore Pigalle, Jean-Baptiste Ray, Sylvanie Godillon p. 192-196
- Manifeste pour un urbanisme circulaire. Pour des alternatives concrètes à l'étalement de la ville, Sylvain Grisot, Nantes : Dixit, 2020 - Géraldine Bouchet-Blancou p. 197-199
- Les Projets. Une histoire politique (XVIe – XXIe siècles), Frédéric Graber et Martin Giraudeau (dir.), Paris : Presses des Mines, 2018 - Clarence Hatton p. 200-201