Contenu du sommaire : Foncier et conflits violents en Afrique

Revue Revue internationale des études du développement Mir@bel
Numéro no 243, 2020/3
Titre du numéro Foncier et conflits violents en Afrique
Texte intégral en ligne Accessible sur l'internet
  • Introduction : foncier et violences politiques en Afrique : Pour une approche continuiste et processuelle - Jean-Pierre Chauveau, Jacobo Grajales, Éric Léonard p. 7-35 accès libre
  • Dossier

    • Fabriquer l'identité à la pointe de la kalache : Violence et question foncière au Mali - Ibrahima Poudiougou, Giovanni Zanoletti p. 37-65 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Le 25 juin 2016, un affrontement oppose les villages de Mougna et Kossouma (Djenné, Mali) : il se solde par une vingtaine de morts et une quarantaine de blessés. S'il n'y a pas de « djihadistes » directement impliqués, cela s'inscrit dans un processus de mise en armes des conflits fonciers qui s'accentue dramatiquement avec l'éclatement de la rébellion de 2012. L'irruption de la violence en milieux ruraux et pastoraux est liée à une remise en question plus générale des institutions de la « brousse » au sein du processus de formation de l'État. Cet article tente d'analyser les modalités par lesquelles la violence est constituée en politique publique, en mobilisant des répertoires ethniques et religieux, notamment celui du « djihadisme », à partir des conflits fonciers.
      On June 25, 2016, an armed fight broke out between the villages of Mougna and Kossouma (Djenné, Mali), killing about twenty people and wounding about forty. While no “jihadists” were directly involved, this was part of the arming of land disputes which intensified dramatically with the outbreak of the rebellion in 2012. The sudden emergence of violence in rural, pastoral areas is linked to a more general questioning of “bush” institutions within the state formation process. This article aims to analyze the ways in which violence has become public policy, by resorting to the ethnic and religious perspectives, particularly that of “jihadism,” through the prism of land disputes.
    • La rébellion peule et la « guerre pour la terre » : Le gouvernement par la violence des ressources agropastorales (Centre-Mali, Nord-Burkina Faso) - Jacky Bouju p. 67-88 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Cet article vise à démêler l'enchevêtrement des causes de conflit pour l'accès aux ressources agropastorales dans les plaines transfrontalières sous-administrées de la cinquième région, au centre du Mali, et dans les provinces du Soum et de l'Ouadalan, au nord du Burkina Faso. Dans un contexte de saturation foncière, l'aggravation des conflits entre pasteurs transhumants et propriétaires fonciers a conduit à une contestation violente de l'inégalité des droits d'accès aux ressources agropastorales au sein de la société peule. L'affaiblissement brutal de l'État et l'insurrection djihadiste ont fourni l'occasion aux lignages peuls dominés de s'armer et de se rebeller contre leurs élites. Une forme de « gouvernement par la violence » s'est instaurée qui semble avoir pour enjeu, à terme, le contrôle des terres arables, des pâturages et de la ressource hydrique.
      This article aims to disentangle the causes of conflict over access to agro-pastoral resources in the under-administered cross-border plains of Mali's fifth region and the provinces of Soum and Oudalan in northern Burkina Faso. In a context of land saturation, the worsening conflicts between transhumant herders and landowners have led to violent protests against unequal access rights to agro-pastoral resources within Fulani society. The sudden weakening of the state and the jihadist insurgency have provided an opportunity for the dominated of Fulani extraction to arm themselves and rebel against their own elites. This has led to a form of “government through violence” in which the stakes seem to be the control of arable land, grazing land, and water resources.
    • Le grain contre le bétail : la contestation d'un ordre socio-politique imposé : Relecture des conflits agropastoraux de la région de Mundri, au Soudan du Sud - Emmanuelle Veuillet p. 89-113 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Cet article soutient que l'apparition et la persistance des conflits entre les éleveurs déplacés et les habitants de Mundri sont le résultat des transformations induites par l'institution militaire gouvernante (le SPLM/A– Sudan People's Liberation Army (SPLA)/Sudan People's Liberation Movement (SPLM)), et le système qu'elle construit au cours de la guerre de libération (1983-2005). Ainsi, ces conflits agropastoraux ne sont, selon notre étude, ni le résultat mécanique d'une arrivée massive d'éleveurs étrangers dans la région, ni une augmentation de la compétition autour du partage de ressources locales, mais tiennent plutôt à la singularité même de ce groupe d'éleveurs déplacés dinka, par sa relation avec le SPLM/A et la place privilégiée qui leur est réservée dans ce nouvel ordre politique.
      This article shows that the outbreak and persistence of conflicts between displaced herders and the local inhabitants of Mundri results from the transformation of the political system operated by the governing military authorities (the SPLM/A) during the second civil war (1983-2005). These cattle-related conflicts are neither a mechanical reaction to the arrival of displaced herders from other regions, nor the outcome of heightened competition over local resources, but are rather related to the identity of Dinka herders and their specific relation with the SPLM/A, which has enabled them to benefit from a very privileged position within the new political order.
    • « Pastoralisme » et « insécurité » en Afrique de l'Ouest : Du narratif réifiant à la dépossession politique - Charline Rangé, Sergio Magnani, Véronique Ancey p. 115-150 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Cet article propose une analyse critique des récits institutionnels sur les liens entre « pastoralisme » et « insécurité » – devenus le nouveau centre des débats sur le pastoralisme en Afrique de l'Ouest – en questionnant le rôle conféré au foncier, et les enjeux politiques de ces discours. Après avoir reconstruit la transformation et la publicisation des récits des institutions d'aide, il montre comment ceux-ci recadrent la compréhension de la mobilité, du foncier pastoral et des structures sociales rurales dans une perspective réifiante et globalisante. À partir d'une analyse des dynamiques à l'œuvre au Nigeria, il montre comment une approche multidimensionnelle et processuelle du foncier conduit à changer de perspective et à poser la question de la citoyenneté en milieu rural et pastoral.
      This article offers a critical analysis of the institutional narratives on the links between “pastoralism” and “insecurity,” which have become the new core of the debate on pastoralism in West Africa, by questioning the role attributed to the land and the political stakes of this discourse. After having traced the transformation and the publicization of the narratives of aid institutions, the article shows how these narratives cast the understanding of relocation, pastoral land, and rural social structures in a reifying and globalizing light. Based on an analysis of the dynamics at work in Nigeria, it shows how a multidimensional, processual approach to land leads to changing perspectives and to raising the question of citizenship in rural, pastoral areas.
    • Une politique « pré-conflit » ? : Violences et politiques foncières dans les basses terres éthiopiennes - Mehdi Labzaé p. 151-173 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Construit sur la base d'une ethnographie de la mise en cadastre de deux régions de basses terres de l'Ouest éthiopien (le Bénishangul-Gumuz et Gambella), cet article montre comment la formalisation des droits fonciers participe au renouvellement de la conflictualité et au déclenchement de conflits dans le cadre du système institutionnel ethno-fédéral éthiopien. Évasive dans la loi, la définition des titulaires des droits d'accès au sol dans ce cadre institutionnel se fait par la violence, les tensions foncières éclatant à l'annonce de la formalisation, sur fond de recherche par l'État de terres « libres » à transférer à des investisseurs.
      This article is based on ethnographic fieldwork on land surveying in two western lowland regions of Ethiopia: Benishangul-Gumuz and Gambella. It shows how land right certification takes part in shaping and reviving political conflicts within the institutional framework of Ethiopian ethnic federalism. Whenever the law remains elusive as to who the land right holders are, violence defines who is entitled to the land. While the state authorities are in search of “free” land to transfer to investors, tensions over land break out when land certification is made public.
    • Mobilités, conflits fonciers et jeunesse : Dynamique des pouvoirs en pays bété, Côte d'Ivoire - Léo Montaz p. 175-197 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      La crise ivoirienne (1999-2011) est en partie la conséquence de l'exclusion des cadets de l'accès aux ressources foncières dans le centre et l'ouest de la zone forestière. La fin du « compromis houphouëtien » qui permettait aux étrangers d'accéder à la terre et aux jeunes autochtones de s'émanciper par la migration vers les centres urbains s'est notamment traduite par un retour massif des jeunes vers leurs localités d'origines. Confrontés à un durcissement des règles lignagères, ils critiquent et transforment ces règles afin d'acquérir une meilleure autonomie politique. À partir de l'exemple du village de Mahidio, cet article contribue à la réflexion sur les recompositions des pouvoirs au village en insistant sur la dimension politique des mobilités en lien avec les enjeux fonciers.
      The Ivorian Crisis (1999-2011) was in part the result of the exclusion of younger children from land resource access in the center and west of the forest area. The end of the “Houphouët compromise” which allowed foreigners to gain access to land and the native youth to emancipate themselves through migration to urban centers led in particular to the mass return of young people to their places of origin. Faced with stricter lineage rules, they criticized and transformed these rules in order to acquire better political autonomy. Based on the example of the village of Mahidio, this article contributes to the study of the reshuffling of power in villages by insisting on the political dimension of the relocation linked to land issues.
    • Au cœur des cycles du cacao et des conflits en Afrique de l'Ouest : Le triangle Côte d'Ivoire, Ghana et Burkina Faso - François Ruf p. 199-231 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Pourquoi l'économie cacaoyère du Ghana n'a jamais généré de conflit armé équivalent à celui de la Côte d'Ivoire ? L'abondante revue de la littérature, combinée à l'analyse des flux de migration à des échelons régionaux, éclaire l'imbrication des cycles du cacao, des institutions locales et des structures politiques. À l'indépendance, en Côte d'Ivoire, le boom cacaoyer et les politiques se forgent autour d'une stratégie de migration et de conquête des terres, aux dépens des autochtones, peu nombreux, peu organisés, avec une montée en puissance des migrants. Au Ghana, le boom cacao précède largement l'indépendance ; le pouvoir politique combat ou ménage certaines chefferies autochtones mais ne soutient pas les migrants. Les communautés de planteurs sont plus diversifiées, moins dépendantes des Burkinabés et moins imbriquées au politique.
      Why has Ghana's cocoa economy never led to an armed conflict equivalent to that in Côte d'Ivoire? The review of the abundant literature, combined with the analysis of migration flows at the regional level, sheds light on intertwined cocoa cycles, local institutions, and political structures. Upon gaining independence, the cocoa boom and policies in Côte d'Ivoire were established around a strategy of migration and land conquest, at the expense of the natives – few in number and unorganized – with the rise of migrants. In Ghana, the cocoa boom largely preceded independence; the political authorities have fought certain native chiefdoms and have been lenient with others, but they have not supported migrants. The planting communities are more diverse and less dependent on the Burkinabes and less involved in politics.
  • Document

    • South Africa's Land Ownership System as a Barrier to Social Transformation : Land Conflict and the Forced Displacement of Black Farm Dweller Families - Nancy Andrew p. 233-261 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      La propriété foncière raciale et inégale continue à créer des conflits et, comme le système capitaliste sous-jacent, a bloqué une transformation sociale significative depuis la fin officielle de l'apartheid. L'échec de la réforme agraire reflète en partie le processus mondial qui façonne de plus en plus les dynamiques internes à l'Afrique du Sud comme ailleurs, accélérant la concentration de la propriété foncière et de l'agriculture avec un fort effet négatif sur la population rurale démunie. Sous l'angle des expulsions massives, cet article analyse les rapports sociaux et fonciers dans ces fermes commerciales blanches et les conflits entre familles agricoles noires et exploitants sur deux périodes de recherche depuis 1996. La forte résistance des propriétaires contre la réforme agraire et les droits fonciers amplifie l'impact social et montre les multiples obstacles que ces rapports contribuent à maintenir.
      Racially based land ownership continues to create conflict, and like the capitalist system it anchors, has blocked meaningful social transformation since the end of formal apartheid. Failed land reform is partly a reflection of global processes increasingly shaping dynamics within South Africa and other countries, accelerating the concentration of land ownership and agriculture, with a sharp downward effect on the rural poor. Through the prism of the extensive displacement of farm labour families from white commercial farms, based on two periods of research since 1996, the article looks at the social relations of property and production, as well as the conflicts between owners and farm labour – labour tenants and farmworkers. They centre on farm owners' strong opposition to tenure reform and land rights, illustrating not only the social impact but the barriers to change that these relations help to maintain.
  • Analyses bibliographiques