Contenu du sommaire : Migrantes et mobilisées
Revue | Cahiers du genre |
---|---|
Numéro | no 51, 2011 |
Titre du numéro | Migrantes et mobilisées |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
Dossier
- Les mobilisations des migrantes : un processus d'émancipation invisible ? : Introduction - Adelina Miranda, Nouria Ouali, Danièle Kergoat p. 5-24
- L'(in)visibilité continue - Mirjana Morokvasic p. 25-47 Alors qu'il est plus courant de s'interroger sur les raisons des silences en ce qui concerne les femmes en migrations, je m'intéresse dans ce texte aux origines et à la nature de la nouvelle visibilité de celles qui furent longtemps invisibles. Seraient-elles plus nombreuses, leur profil aurait-il changé — comme semble le suggérer l'adhésion généralisée à l'idée de la ‘féminisation des flux' ? Ou, grâce à un long processus de ‘visibilisation', sommes-nous devenu·e·s plus aptes à voir ce qui fut à l'ombre ? L'article propose d'abord une interrogation de cette ‘féminisation'. Puis il analyse les processus de ‘mise en visibilité' des femmes migrantes dans la recherche et dans les politiques publiques. Il montre comment les recherches sur les migrations et celles sur le genre se font écho. Deux figures focalisent l'attention : la victime et la travailleuse domestique. Mais d'autres restent dans l'ombre, comme celle des migrantes ayant leur propre stratégie, éco-nomique ou matrimoniale.Although it is more usual to consider the reasons for the silences concerning women in migration, i am interested here in the origins and nature of the new visibility of those who were for a long time invisible. Are women on the move more numerous today and/or has their profile changed - as suggested by the conventional wisdom about ‘feminization of migration flows'? Or are we now more capable of perceiving what used to be hidden thanks to a long process of rendering these women visible? This article begins by questioning this “feminization”. Then it analyzes the processes whereby migrant women have “become visible” in research and public policies. It shows how research on migration and gender echo each other. Two figures attract particular attention — the victim and the domestic worker — while others remain obscure, such as migrants with their own economic or matrimonial strategies.
- Les femmes immigrées dans une société bloquée : parcours individuels et organisations collectives en Italie - Giovanna Campani p. 49-67 L'analyse de la situation migratoire italienne montre que les étrangères qui travaillent dans le secteur domestique et de l'assistance aux personnes âgées se retrouvent dans une position ‘bloquée', sans aucune perspective de s'en sortir. Pour saisir cette situation, il faut savoir que la condition des femmes italiennes a subi un véritable backlash, une sorte de ‘contre-attaque' en termes de représentations sociales et de droits. L'auteure s'interroge sur l'impact qu'aurait eu la création d'un certain nombre d'associations de femmes immigrées et sur le rôle de ses dirigeantes. Nous verrons que la volonté de participation à la sphère publique n'a pas débouché sur une action collective pour l'amélioration des conditions de vie et de travail des femmes immigrées ou pour acquérir davantage de droits.An analysis of the Italian migratory situation shows that foreigners who work in the domestic sector and care for the elderly find themselves in a “blocked” situation without prospects of escape. This is parallel to a real “backlash” or “counter-attack” in terms of social representation and rights that affects Italian women. The article considers the impact of the creation of a number of immigrant women's associations and the role of their leaders. It argues that the desire to participate in the public sphere has not lead to collective action for the improvement of the living and working conditions of immigrant women or to acquiring more rights.
- Réclamer sa juste part : des mouvements de migrantes aux sans-papières en grève - Hélène Yvonne Meynaud p. 69-91 Les migrantes, tolérées comme épouses de, sont assignées à des situations de travail difficiles, mal payées, précaires. Bien visibles lorsqu'il s'agit d'utiliser leur force de travail, elles sont invisibilisées symboliquement. Depuis quarante ans, au fil de leur arrivée en France, elles ont construit des mouvements, journées d'action, associations puis participé à des occupations de locaux symboliques avec un discours humanitaire de droit au séjour. Le secteur du ménage et du nettoyage s'étant flexibilisé et durci dans la sous-traitance, elles se réclament du droit du travail. Passant de l'ombre à la lumière, et malgré les freins à leurs actions, des sans-papières se sont autonomisées, syndiquées, ont organisé des grèves.Women migrants, tolerated as “the wives of”, are given difficult, badly paid, precarious work. Perfectly visible when it is a question of using their labour, they are symbolically made invisible. Over the last forty years, as they have arrived in France, they have built movements, days of action and associations, as well as taken part in the occupation of symbolic buildings claiming the humanitarian right to stay. As the domestic work and cleaning sector has become casualized and hardened through subcontracting, they have demanded labor legislation. Despite the brakes on their action, undocumented women workers have become independent, joined trade unions and organized strikes.
- Politiques migratoires et politiques d'emploi : la flexibilité sexuée en Europe - Christine Catarino p. 93-112 Dans un contexte marqué à la fois par une précarisation et une flexibilisation de l'emploi et du travail ; par une individualisation et une contractualisation des processus d'insertion économique en général, et d'intégration dans les sociétés d'accueil en particulier, cet article s'interroge plus spécialement sur les effets sexués de politiques publiques présumées neutres : politiques migratoires, politiques d'emploi et de retour à l'emploi. Il met au jour les contradictions engendrées par ces politiques touchant particulièrement les femmes et qui s'ordonnent autour des oppositions : consolidation/précarité économique ; pérennité de l'installation/brièveté du séjour ou mobilité sur le long terme/court terme ; parcours individuel/assignation sociale au groupe d'appartenance présumé ; statut autonome/dépendant.This article considers the gendered effects of supposedly neutral public policies in a context marked both by casualization and flexibilization of employment and work as well as by individualization and contractualization of the process of economic insertion in general, and integration in the host societies in particular. Specifically, it examines policies concerning migration, employment and the return to employment. It reveals in particular the contradictions generated by these policies concerning women, which are organized in oppositional pairs: economic consolidation/precariousness; long term residence/short stay or mobility in the long run/short term; individual itineraries/social assignment to a supposed group membership; autonomous /dependent status.
- Mobilisation des travailleuses domestiques migrantes : de la cuisine à l'Organisation internationale du travail - Helen Schwenken p. 113-133 La négociation de la convention « Travail décent pour les travailleuses et travailleurs domestiques » à l'Organisation internationale du travail (oit), en 2010 et en 2011, sort de l'invisibilité les travailleuses domestiques. Cet article analyse comment celles-ci se mobilisent en faveur d'une convention et comment elles participent aux négociations internationales en relevant les défis posés notamment par la structure tripartite de l'oit. En examinant les questions abordées par la convention, cet article soutient que le fait d'appréhender le travail domestique salarié comme une question relevant du travail permet de sortir de l'invisibilité la relation de travail qui existe entre les employées domestiques et leurs employeurs et encourage une approche axée sur la défense des droits. On constate cependant qu'en focalisant l'attention sur la question du travail, la convention occulte d'autres questions telles que la division sexuelle et internationale du travail.The negotiation of the convention “Decent work for domestic workers” at the International Labour Organization (ILO) in 2010/2011 counters domestic workers' invisibility. The paper engages with the question of how domestic workers mobilize towards a convention and how they cope with international negotiations given challenges such as the peculiar terrain of ILO's tripartism. Through an analysis of the content of the convention, the paper argues that the framing of domestic work as a labour issue makes the so far invisible labour relation between domestic workers and their employers visible and promotes a rights-based approach, at the cost, however, of obscuring other dimensions such as the gendered and international division of labour.
- Rendre visible l'activisme des femmes migrantes - Umut Erel p. 135-154 Les femmes migrantes sont généralement placées en marge de la représentation politique dans leur pays de résidence. Toutefois, le fait de rendre visible leur activisme politique peut aider à remettre en question certaines conceptions étroites de la citoyenneté. En s'appuyant sur les récits de vie de femmes migrantes originaires de Turquie, cet article montre les évolutions des champs et des sujets politiques élaborés par les femmes migrantes en Allemagne dans les années 1990. D'une part, il étudie comment les femmes migrantes remettent en question l'idéal d'une identité politique ‘authentique', en vigueur dans le pays d'origine ; d'autre part, il étudie la constitution d'un sujet politique sciemment interethnique par les femmes migrantes et noires.Migrant women are marginalized from political representation in their countries of residence. Making their political activism visible can help challenge narrow conceptions of citizenship. Drawing on life-story research with migrant women from Turkey, the article shows the changing fields of politics, and subjects of politics constructed by migrant women in Germany in the 1990s. It explores how migrant women challenge ideals of authentic political identities in homeland politics, as well as the development of a self consciously cross-ethnic political subject as migrant and Black women.
- Revendications politiques et émancipation des femmes noires en Allemagne et en Autriche - Cassandra Ellerbe-Dueck p. 155-175 Cet article analyse le processus de création du Black European Women's Council (bewc, le Conseil européen des femmes noires) et la mobilisation politique des femmes de la diaspora noire africaine en Allemagne et en Autriche. À partir de l'étude de cas du bewc, je soutiens que cette structure, qui fédère les organisations de femmes politiquement actives en Allemagne, en Autriche et en Europe, contribue à créer un espace de sécurité et les conditions de leur émancipation. Je considère également que le bewc s'inscrit dans la continuité de l'activisme politique méconnu des militantes noires engagées dans les luttes pour la justice sociale initiées à la fin des années 1970 en Europe.This essay addresses the establishment of the Black European Women's Council and explores the political mobilization of Black women in Germany and Austria. Utilising the BEWC as a case study, it argues that this transnational council functions as a type of cross-border network, which builds not only links between politically active African/Black diasporic women in Germany and Austria, and across the continent, but that the BEWC can also be viewed as the continuation of prior political activism by Black female activists in Europe.
Hors-champ
- Vers la maîtrise de l'exubérance corporelle enfantine : la ‘mise au pas' de très jeunes danseuses - Samuel Julhe, Stéphanie Mirouse p. 177-198 La danse, prise au sens large, est souvent envisagée comme un exemple typique d'activité de loisirs conduisant à l'inculcation précoce de normes corporelles propres au ‘féminin'. Néanmoins, peu de travaux se sont spécifiquement intéressés aux premiers temps d'apprentissage de cette discipline. Ce travail vise à rendre compte d'une recherche ethnographique réalisée dans deux structures associatives d'éducation chorégraphique. Deux groupes de jeunes danseuses, âgées de 4 à 11 ans, ont été suivis dans leurs premières leçons d'initiation ou après quelques années de pratiques. Au croisement d'une sociologie de la socialisation et d'une sociologie de l'enfance, cet article porte plus particulièrement son attention sur les modalités de la socialisation corporelle de fillettes et de l'appropriation progressive d'éléments susceptibles de les constituer en ‘classe de sexe'.Towards the control of children's corporal exuberance: “bringing into lock step” very young dancers`/titrebDance, in a broad sense, is often considered a typical example of a leisure activity leading to the early inculcation of feminine bodily norms. Nevertheless, few work has been specifically interested in the earliest stages of training in this discipline. This article describes an ethnographic research project carried out in two local dance schools. Two groups of young dancers, from 4 to 11 years old, were observed during their first lessons of initiation or after a few years experience. Drawing on both the sociology of socialization and the sociology of childhood, the authors pay particular attention to the methods of socialization of young girls' bodies and the gradual assimilation of ways of being that transform them into gendered bodies.
- Vers la maîtrise de l'exubérance corporelle enfantine : la ‘mise au pas' de très jeunes danseuses - Samuel Julhe, Stéphanie Mirouse p. 177-198
Document
- À la mémoire de Danièle Combes. Une sociologie de l'articulation classes/sexes - Anne-Marie Devreux p. 199-201
- Oppression des femmes et solidarités de couple - Danièle Combes p. 203-215