Contenu du sommaire : Hors-champ
Revue | Cahiers du genre |
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Numéro | Hors-série no 3, 2012 |
Titre du numéro | Hors-champ |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
- Mariage fatal entre religion et politique : source d'écueils pour l'égalité des sexes : (Introduction) - Shahra Razavi, Anne Jenichen, Jacqueline Heinen p. 5-26
- Politique, genre et religion au Pakistan : identités en débat - Farida Shaheed, Jacqueline Heinen p. 27-46 Au Pakistan, des forces non religieuses, tout comme les forces politico-religieuses, instrumentalisent de plus en plus l'islam à leur profit. Cela explique l'influence croissante de la religion et son intrication avec la nation même. Le changement de paradigme dû à la loi martiale, sous Zia, a donné naissance à des milices religieuses et à des groupes du même cru dans la société civile. Montrant que celle-ci n'est pas toujours une entité progressiste, l'article examine l'impact variable, selon le statut social, de la fusion entre religion et politique pour les femmes, transformées en marqueurs identitaires des positions conquises dans la course au pouvoir. Il conclut que l'égalité des sexes, impliquant un changement des rapports de pouvoir, ne saurait advenir sans une lutte acharnée pour créer du savoir, de la culture et de l'identité.In Pakistan, the self-serving use of Islam by more secular elements alongside politico-religious ones facilitated the latter's progressive influence and the conflation and intricate interweaving of Islam and Pakistani nationhood. A paradigm shift under Zia's martial law revamped society as much as state laws, producing both religiously-defined militias and aligned civil society groups. Examining the impact on women of fusing religion and politics, this paper argues that women become symbolic markers of appropriated territory in the pursuit of state power, and that the impact of such fusing, different for differently situated women, needs to be gauged in societal terms as well as state dynamics. Questioning the positing of civil society as a self-evident progressive desideratum, the paper concludes that gender equality projects seeking reconfigurations of power cannot be effective without vigorously competing in the creation of knowledge, culture and identity.
- Iran : politiques islamiques et femmes en quête d'égalité - Homa Hoodfar, Shadi Sadr, Jacqueline Heinen p. 47-67 En Iran, la fusion d'un État fort avec des lois et institutions religieuses après la révolution iranienne de 1979 a engendré une structure étatique duale. Les instances non élues y exercent leur contrôle sur les organes élus et n'acceptent pour la plupart ni le primat de la démocratie, ni le principe d'égalité des sexes (ou entre musulmans et non-musulmans). La question centrale posée ici est de savoir si un État religieux est à même de se conformer à de telles normes. L'examen des politiques à l'œuvre montre que, dans le cas de l'Iran et du chiisme, le principal obstacle réside davantage dans le maintien de rapports non démocratiques entre État et société que dans la compatibilité réelle ou potentielle des traditions et pratiques religieuses avec les principes démocratiques.The unification of a strong and authoritarian state with religious laws and institutions after the 1979 revolution in Iran has resulted in the creation of a dualistic state structure in which non-elected and non-accountable state authorities and institutions — the majority of whom have not accepted either the primacy of democracy nor the premise of equality between men and women (or Muslims and non-Muslims) — are able to oversee the elected authorities and institutions. The central question posed by this paper is whether a religious state would be capable of democratising society and delivering gender equality. By analysing the regime's gender policies and political development, the paper suggests that at least in the case of Iran and Shi'ism, the larger obstacle to gender (and minorities') equality has more to do with the undemocratic state-society relations that persist in Iran and less to do with the actual or potential compatibility (or lack thereof) of religious traditions or practices with democratic principles.
- Clivages religieux, genre et politique en Inde - Zoya Hasan, Jacqueline Heinen p. 69-87 Cet article porte sur l'impact de la politique identitaire en matière d'égalité des sexes. Plus précisément, il explore le lien paradoxal entre religion et politique dans une société multireligieuse, outre la complexité d'une situation voulant que le militantisme des femmes, à la fois conforte et conteste leur identité sexuelle. D'aucuns affirment que la politique religieuse ne nie pas toujours l'égalité des sexes. On verra pourtant que l'Inde offre un exemple frappant d'instrumentalisation des femmes au profit des objectifs des partis politiques de droite. L'article examine les stratégies des plus influents d'entre eux, ainsi que la ligne de conduite des organisations de femmes et des groupes de musulmanes concernant la réforme juridique et la question litigieuse d'un Code civil unique. Contre l'idée que la meilleure façon d'étendre les droits des musulmanes dans le contexte communautaire actuel serait de réformer le code du statut personnel en s'appuyant sur le féminisme islamique, on montrera qu'une telle approche tend à figer les identités en fonction des clivages religieux et que la politique religieuse se sert des droits des minorités pour marginaliser les droits des femmes.This paper examines the impact of identity politics on gender equality. More specifically, it explores the paradoxical and complex relationship of religion and politics in a multireligious society and the complicated ways in which women's activism both reinforced and challenged their gender identities. Contrary to the argument that religious politics does not always negate gender equality, the paper argues that the Hindu religious politics and women's activism associated with it provides a compelling example of the instrumentalisation of women to accomplish the political goals of the Hindu right. It also examines the approach and strategies of influential political parties, women's organisations, and Muslim women's groups towards legal reform and the contested issue of a uniform civil code. Against those who argue that in the current communal conjuncture, reform within Muslim personal laws or Islamic feminism is the best strategy for enhancing the scope of Muslim women's rights, the paper argues that such an approach tends to freeze identities within religious boundaries. It shows how women's and minority rights are used within the politics of religion to sideline the agenda of women's rights.
- Le corps des femmes, terrain d'entente de l'islam et du christianisme au Nigeria - Charmaine Pereira, Jibrin Ibrahim, Jacqueline Heinen p. 89-108 Cet article explore les fondements idéologiques communs de l'islam et du christianisme au Nigeria en matière de genre et de sexualité. Le corps des femmes constitue un élément clé dans la définition des normes sociales et des pratiques de telle ou telle confession. On examinera ici l'interaction entre religion et politique au travers d'un contexte historique et d'exemples concrets. Pour la droite religieuse, musulmane ou chrétienne, le corps des femmes est facteur de débauche et doit être contrôlé — point de vue que partagent certaines institutions laïques. La corrélation entre corps des femmes et ‘morale publique' engendre diverses formes d'inégalité des sexes, dont les retombées économiques compliquent la lutte contre l'instrumentalisation politique de la religion et contre la sexuation du politique.This paper explores the common ideological ground between Islam and Christianity in Nigeria, in the ways in which gender and sexuality are configured in relation to women's bodies. The latter constitute key sites for the inscription of social norms and practices inherent in particular interpretations of religion. We proceed by examining the interplay between religion and politics in historical context and in specific concrete instances. Whilst the religious right among Muslims and Christians share the view that women's bodies are sexually corrupting and therefore in need of control, this perspective is also found in secular institutions. The linkage made between women's bodies and ‘public morality' produces diverse forms of gender inequality. The moralising of political economy that these processes entail complicates the terrain on which challenges to the politicisation of religion and its gender politics need to be sustained.
- Politiques sexuées en Turquie : un écheveau inextricable - Deniz Kandiyoti, Jacqueline Heinen p. 109-117 La Turquie est souvent mise en exergue comme le seul pays à majorité musulmane ayant une Constitution laïque et un Code civil n'obéissant pas à la charia, et le mouvement des femmes y a remporté d'importantes victoires en matière de réformes juridiques au début des années 2000. On observe toutefois un fossé croissant entre droits formels et droits réels suite à l'écrasante victoire électorale de l'akp en 2007. Au vu des divisions qui traversent les rangs féministes — sur la question du voile, notamment — l'article s'interroge sur la validité de ces acquis.Turkey is often singled out as the only Muslim majority country with a secular Constitution and a Civil Code that breaks with the shar'ia, and the women's movement in Turkey has scored major victories in the realm of legal reforms at the beginning of the years 2000. Nevertheless, there is a widening gap between rights in law and realities on the ground since the crushing akp electoral victory in 2007. Given the divisions existing among feminist ranks — on the question of the veil particularly — the paper wonders how secure are these gains.
- Nationalisme, religion et (in)égalité de sexe en Israël au prisme du droit de la famille - Ruth Halperin-Kaddari, Yaacov Yadgar, Jacqueline Heinen p. 119-137 Cet article montre que le conflit violent et durable entretenu par Israël avec ses voisins arabes pèse de façon décisive sur les rapports de genre. Aux yeux de nombreux juifs israéliens, il s'agit là d'une lutte pour la survie de l'État juif, qui a éclipsé la plupart des autres questions d'ordre civil et social — telles que l'égalité des sexes et les droits des femmes — jugées ‘secondaires' par comparaison. D'où la perpétuation de pratiques discriminatoires, voire la sujétion ouverte des femmes en Israël. L'article porte plus spécifiquement sur la question du mariage et du divorce, prise comme un révélateur. Elle met en lumière le rôle que les mouvements féministes — religieux juif, d'une part, et arabo-palestinien, d'autre part — ont joué dans la réforme du droit de la famille.This paper argues that Israel's continuing, violent conflict with its Arab neighbours, is of special, highly influential relevance to the issue of gender relations. Viewed by many Israeli Jews as a struggle for the very existence of the Jewish state, this conflict has overshadowed most other civil and social issues, rendering them ‘secondary' to the primary concern of securing the safe existence of the State. As we attempt to demonstrate throughout this essay, this perception has pushed such pressing issues as gender equality and women's rights aside, marking them ‘less important' than the national conflict, thus allowing for the perpetuation of discriminatory, sometimes rather repressive treatment of women in Israel. The most blatant expression of this is the turning of the struggle for civil marriage and divorce into a non-issue. The paper opens with a short introduction of the relevant political context, followed by a discussion of women's positivist and legal status. An analysis of the women's movement, highlighting the emergence of religious feminism, concludes our discussion.
- Droits reproductifs en Pologne : la peur des politiciens face à la morgue de l'Église - Jacqueline Heinen, Stéphane Portet p. 139-160 L'Église catholique polonaise tire son prestige du rôle qu'elle a joué dans la résistance à l'occupation étrangère, au XIXe siècle, puis sous le régime communiste. Or son influence s'est considérablement accrue grâce au Concordat signé avec l'État postcommuniste et grâce aux liens formels ou informels tissés avec les partis politiques. Comme l'illustre la loi sur l'interdiction totale de l'avortement adoptée en 1993, le catholicisme constitue de facto la religion d'État dans ce pays formellement laïque. Malgré le recul des principes religieux en matière de sexualité et de procréation, la plupart des politiciens évitent de critiquer l'Église sur ces sujets controversés. Aussi les féministes rencontrent-elles de sérieuses difficultés à défendre les droits des femmes — et l'adhésion à l'Union européenne n'a quasiment rien modifié dans ce domaine.The historical prestige of the Polish Catholic Church owes to its presence as a national symbol of resistance, both under foreign occupation and during the communist regime. In the post-communist era the power of the Church within the political arena has significantly increased, through the Concordat that was signed with the State as well as through formal and informal ties with political parties. Catholicism is the de facto religion of the State, even if Poland remains a nominally secular country. This was illustrated by the adoption, in 1993, of a total abortion ban. Although the relation of Poles to the Catholic dogma on sexuality and reproductive rights tends to be weak, fearing criticism from Church authorities, most politicians avoid controversial topics and express their commitment to Catholic dogma. Thus women's groups have encountered serious difficulties in their efforts to defend women's rights to sexual and reproductive autonomy. Although accession to the European Union has put Poland in an awkward position with respect to equality of rights between women and men, it has not fundamentally altered the real situation with respect to the controversial topic of abortion.
- Sexualité et autonomie des femmes au Mexique : l'État laïque en question - Ana Amuchástegui, Guadalupe Cruz, Evelyn Aldaz, María Consuelo Mejía, Jacqueline Heinen p. 161-182 Au Mexique, l'intrication entre politique, religion et égalité de genre est plus forte que jamais. En témoignent la prise en charge de la pilule du lendemain par les services fédéraux de Santé publique en 2004 et la dépénalisation de l'avortement à Mexico en 2008, auxquelles a répondu une campagne massive pour recriminaliser l'avortement. Cet article examine les pratiques et les discours de divers acteurs, dont trois éléments se dégagent : l'autonomie des femmes en matière de sexualité et de reproduction fait l'objet d'un intense débat public ; la réforme du système politique oblige l'Église catholique à se plier aux règles de la démocratie ; et la dimension laïque de l'État donne lieu à une lutte implacable, reconfigurant les frontières politiques et les idéologies en vigueur.This article explores the complexities of the interaction between politics, religion and gender equality in contemporary Mexico, by analyzing recent developments in public debate, legal changes and implementation of government policies in two areas: a) the inclusion of emergency contraception in public health services in 2004, and b) the decriminalisation of abortion in Mexico City in 2008, which was followed by a massive campaign to recriminalise abortion in the federal states. Three main findings emerge from our analysis: first, that women's sexual and reproductive autonomy has become an issue of intense public debate that is being addressed by both state/public policy and society; second, that the gradual democratisation of the Mexican political system and society is forcing the Catholic Church to play by the rules of democracy; and third, that the character and nature of the Mexican (secular) state has become an arena of intense struggle within which the traditional political boundaries and ideologies are being reconfigured.
- Politique du sexe aux États-Unis : le poids des communautés religieuses - Elizabeth Bernstein, Janet R. Jakobsen, Jacqueline Heinen p. 183-201 Cet article porte sur l'analyse des alliances entre acteurs laïques et religieux aux États-Unis, à partir d'une étude de cas sur la lutte contre la traite. Il montre que l'imbrication entre religion et politique y a deux sources : le poids des normes et valeurs véhiculées par les institutions laïques issues du protestantisme, et l'influence des organisations religieuses sur la politique américaine — celle des évangélistes conservateurs, au premier chef, depuis plus d'un quart de siècle. L'origine des mesures favorisant les inégalités de genre ou d'ordre sexuel aux États-Unis est donc à la fois laïque et religieuse. Il serait toutefois erroné de penser que la religion penche nécessairement dans un sens conservateur, et la laïcité dans un sens progressiste.Through an analysis of alliances between secular and religious actors in the US politics and a specific case study on anti-trafficking policy, we show that the intertwining of religion and politics in the USA comes from two sources: 1) the secular political and cultural institutions of American public life that have developed historically out of Protestantism and which predominantly operate by presuming Protestant norms and values; and 2) the direct influence on American politics of religious groups and organizations, particularly in the last quarter-century of lobby-groups and political action committees identified with conservative evangelical Christianity. The sources of policies that promote gender and sexual inequality in the United States are both secular and religious and we conclude that it is inaccurate to assume that religious influence in politics is necessarily conservative or that more secular politics will necessarily be more progressive than the religious varieties.
- Des femmes d'origine étrangère soumises à des lois ne relevant pas du droit français - Lalia Ducos, Marieme Helie Lucas p. 203-211
- Des femmes issues de l'émigration ‘musulmane' se battent pour la laïcité - Marieme Helie Lucas p. 213-214
- Les nationalistes hindoues : des personnalités de femmes dans un mouvement identitaire et religieux - Djallal G. Heuzé p. 215-236 Le nationalisme hindou, mouvement politico-religieux majeur comparable à l'islamisme, exalte des valeurs viriles et demande aux femmes d'être effacées, fortes et prêtes à se sacrifier. La contribution montre, au travers de quelques exemples concrets, que les femmes de ces milieux ont une position bien plus subtile et qu'elles ont assumé durant deux décennies une évolution majeure.Hindu nationalism, a major politico-religious movement comparable with Islamism, praises virile values and requires women to be unobtrusive, strong and ready to sacrifice themselves. The article uses concrete examples to show that the women in this movement have a much more subtle position and they have assumed a major evolution during the last two decades.