Contenu du sommaire : Femmes et féminité en évolution dans le cinéma et les séries anglophones
Revue | Genre en séries : cinéma, télévision, médias |
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Numéro | no 8, automne 2018 |
Titre du numéro | Femmes et féminité en évolution dans le cinéma et les séries anglophones |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
- Introduction - Marianne Kac-Vergne
Dossier
- Mabel Normand dans Mickey (1918) : garçon manqué, corps désiré, femme comique - Clémentine Tholas Premier et dernier film produit par Mabel Normand, Mickey est une comédie à la croisée du burlesque et du mélodrame qui met en scène les aventures d'un garçon manqué envoyé dans l'Est pour devenir une femme. Contant les péripéties amoureuses d'une jeune fille asexuée qui se transforme en une femme convoitée, le film illustre une vision paradoxale de la féminité et la manière dont une comédienne et productrice met en avant les rapports de pouvoir entre les hommes et les femmes. Il révèle comment le corps féminin, à la fois objet de désir, vecteur de liberté et instrument comique, permet d'interroger les normes socioculturelles. De plus, l'étude de ce film permet d'examiner les rôles féminins propres à la comédie burlesque et comment Normand transforme le jeu excessif et ostentatoire du burlesque pour offrir une transition entre le comique physique et le comique de narration.Mickey is the first and last feature film produced by Mabel Normand. At the crossroads between slapstick comedy and melodrama, it stages the romantic adventures of a tomboy who is sent East in order to become a woman. Narrating the adventures of an asexual girl transformed into a coveted woman, the film illustrates paradoxical visions of femininity and the way a comedienne and producer highlights the power struggle between men and women. It shows how the female body, object of desire, means of freedom and comical instrument, is used to question socio-cultural norms. Moreover, studying this film is a way of examining traditional female slapstick roles and how Normand transforms the excessive and ostentatious performance of slapstick to offer a transition from physical comedy to narrative comedy.
- Les héroïnes noires du cinéma black-british : regards masculins sur des destins de femmes (Burning an Illusion, 1981 ; Elphida, 1987 ; Babymother, 1998) - Émilie Herbert Inexistantes ou empreintes de stéréotypes négatifs, les représentations des femmes noires dans le cinéma britannique restent marginales. Les réalisateurs noirs eux-mêmes ont, depuis les débuts du cinéma Black-British, participé à cette invisibilisation en concentrant souvent leurs récits sur des héros masculins, reléguant les femmes noires à des rôles secondaires et unidimensionnels. Dans les années 1980 et 1990, les réalisateurs Menelik Shabazz, Tunde Ikoli et Julian Henriques vont cependant faire le choix de mettre en scène une femme noire comme personnage principal de leur premier long-métrage. Ces films ont contribué à la pluralisation des représentations féminines noires à une époque où le travail des réalisatrices noires n'était que difficilement accessible en Grande-Bretagne, et leurs héroines symbolisent une britannicité redéfinie par les questions de genre, de ‘race' et de classe.Nonexistent or filled with negative stereotypes, representations of black women in British cinema remain marginal. Black directors themselves have, since the beginning of Black-British cinema, contributed to this invisibilization by focusing their narratives on male heroes, pushing black women into secondary and unidimensional roles. In the 1980s and 1990s, Menelik Shabazz, Tunde Ikoli and Julian Henriques nonetheless chose to portray a black woman as the main character of their first long-feature films. Their films have contributed to pluralize black women's representations at a time when the work of black female directors was hardly accessible in Britain, and their female characters embody a sense of Britishness redefined by questions of gender, race and class.
- Les héroïnes des nighttime soaps, figures du backlash des années 1980 - Camille Dupuy Plus gros succès d'audience à la télévision américaine dans les années 1980, les nighttime soaps – Dallas (CBS, 1977-1991), Knots Landing (CBS, 1979-1993), Dynasty (ABC, 1981-1989) et Falcon Crest (CBS, 1981-1990) – ont permis une meilleure visibilité des personnages féminins, relativement inexistants des séries dramatiques de prime time jusqu'alors. Pour autant, la multiplication de ces personnages s'est-elle accompagnée d'une représentation plus progressiste des femmes ? À travers l'étude des personnages principaux féminins des quatre nighttime soaps les plus populaires, cet article a vocation à démontrer que les personnages féminins dans ces séries illustrent le concept de backlash mis en lumière par la journaliste Susan Faludi en 1991 dans son essai Backlash : The Undeclared War Against American Women (1991). Pour ce faire, après des considérations contextuelles, nous procéderons à une étude de représentation quantitative des personnages principaux des séries de notre corpus, qui nous amènera à étudier les représentations qualitatives des femmes dans ces séries par le biais de deux exemples : le traitement du viol d'un personnage féminin dans Knots Landing et dans Dynasty puis la récurrence des combats entre femmes dans Dynasty.The nighttime soaps Dallas (1977-1991, CBS), Knots Landing (1979-1993, CBS), Dynasty (1981-1989, ABC) and Falcon Crest (1981-1990, CBS) were the biggest hits on American television in the 1980s and allowed for a better visibility of female characters, who were mostly absent from prime-time drama series until then. However, did growth in numbers mean a more progressive representation of women? Through the study of the main female characters of the four most popular nighttime soaps, this article aims to show that the female characters in these series illustrate the concept of backlash highlighted by the journalist Susan Faludi in 1991 in Backlash: The Undeclared War Against American Women (1991). After contextual considerations, we will proceed to a quantitative study of the main characters of the series of our corpus, which will lead us to study the qualitative representations of women in these series through two examples: the treatment of rape in Knots Landing and Dynasty, and the recurrence of catfights in Dynasty.
- « This is me not caring » : la négociation des compétences dites féminines dans le monde professionnel de the good wife - Barbara Dupont Fermement attachées au rôle de mère et impliquées dans la prétendue essentialisation du lien entre les femmes et la sphère domestique, les compétences dites féminines sont largement dépréciées dans un monde du travail qui demeure soigneusement genré. En approchant la fiction populaire comme une possible lecture en creux de la réalité sociale, cette analyse se penche sur le monde professionnel fictif de la série américaine The Good Wife (CBS, 2009-2016). L'objectif de cet article est d'identifier les stratégies mobilisées par la série pour articuler le féminin et le masculin dans un contexte où ils peuvent sembler mutuellement exclusifs, en interrogeant ce que fait le cadre professionnel au féminin, et inversement. Cette recherche décèle, au sein de la série, plusieurs formes de perturbation du féminin, dans les limites d'un féminisme blanc néolibéral.Strongly tied to motherhood and involved in the alleged essentialisation of the link between women and the domestic sphere, so-called female skills are widely denigrated, in a workplace that remains profoundly gendered. Through an approach that considers popular fiction as way to understand our social reality, this analysis examines the fictional workplace of the US series The Good Wife (CBS, 2009-2016). The aim of this article is to describe the strategies adopted by the show to deal with femininity and masculinity in a context where they might seem mutually exclusive, and to understand what the workplace does to femininity, and vice versa. This analysis points to various forms of disruption of femininity, within the limits of white, neoliberal feminism.
- Portals, Audiences and Feminism: Rebooting a Franchise and Star Trek: Discovery's Gender Politics (CBS All Access, 2017-) - Anne Sweet Cet article étudie les représentations genrées dans la dernière version de Star Trek, Star Trek : Discovery (CBS All Access, 2017-), une série qui se veut innovante du point de vue de son public, de son histoire et des enjeux de production. Diffusée sur un « portail », c'est-à-dire une chaîne de streaming, la série se distingue clairement des films Star Trek récents qui sont plutôt centrés sur des hommes. La série est commercialisée comme une série centrée sur les femmes. Pour la première fois, une femme de couleur est le personnage principal d'une série Star Trek, et l'équipe de production prétend « prendre des risques » en ce qui concerne sa stratégie créative (Ulster, 2018), notamment en ce qui concerne la représentation des genres et de la sexualité, puisqu'elle intègre un couple homosexuel comme personnages principaux. Alors qu'historiquement la franchise Star Trek s'est toujours présentée comme progressiste, incluant des femmes officiers à l'aube de la deuxième vague féministe, Discovery rencontra une forte opposition au moment de son lancement. En tenant compte de l'importance commerciale et culturelle de la franchise Star Trek, cet article examinera la manière dont la série représente une forme de progrès social en termes de représentations genrées, ainsi que les risques inhérents à ces représentations innovantes vis-à-vis des consommateurs/spectateurs.This paper explores questions of gender representations in the latest installment of the Star Trek franchise, Star Trek: Discovery (CBS All Access, 2017-) – a series that appears to be innovative in certain respects – in terms of its audiences, history and production context. Broadcast on a ‘portal' – or streaming channel – the series represents a clear departure from the recent string of male-centered films. Touted as ‘female-centric', and featuring a woman of color in the pivotal role of a Star Trek series for the first time, it is said to be ‘risk-taking' in terms of its creative strategy (Ulster, 2018). Discovery would seem to be particularly liberal/progressive in its gender politics, notably in the fact that it features a biracial gay couple in the main cast. While the Star Trek franchise has traditionally been rather progressive on social issues, remarkably showcasing female Star Fleet officers at the dawn of the second wave of feminism, the launch of Discovery was met with significant backlash. Taking into account the commercial and cultural importance of the Star Trek franchise, this article will examine the purported social progress of the series, as well the risks involved in some of its more innovative representations in terms of media consumers.
- “Last call, Pitches!” Sororité et identités féminines dans la franchise Pitch Perfect - Fanny Beuré Cet article décode les enjeux genrés de la franchise Pitch Perfect, trilogie de films musicaux américains produits entre 2012 et 2015 sur une chorale universitaire a cappella entièrement féminine, les « Barden Bellas ». Nous envisageons cette saga dans sa double spécificité : générique (des films musicaux mobilisant dans le chant et la danse des mécanismes de transcription symbolique) et industrielle (une franchise à succès destinée aux adolescentes). Nous soulignons d'abord comment l'utilisation du genre musical permet de développer un portrait des jeunes héroïnes plus complexe et nuancé qu'il n'y parait. Musique et danse symbolisent la difficulté à « faire groupe », tout en négociant la tension entre épanouissement individuel et appartenance à un collectif. Le succès des ‘Bellas' se fonde sur l'arrivée d'une gamme plus diversifiée de personnages féminins, qui oscille cependant entre promotion de la différence et réactivation de stéréotypes problématiques. Nous étudierons ensuite en quoi, au fil de son développement, la franchise est devenue symptomatique des ambiguïtés de la posture post-féministe de certaines productions contemporaines.This article tackles the gender issues of Pitch Perfect, a series of three American musical films produced between 2012 and 2015 that follow the “Barden Bellas”, an all-female a cappella university choir. We will analyze these films in light of both their generic and economic specificities: they are musicals (in which emotions and relationships between characters are transcribed in song and dance) and they are part of a successful franchise aimed at teenage girls. First, we will show that the musical genre is used to draw of these heroines a much more complex and nuanced portrait than it appears at first glance. Music and dance convey the difficulty of functioning as a group, while negotiating the tension between individual fulfillment and belonging to a collective. The Bellas' success is linked to its nature, the group including a more diverse range of female characters, which however fluctuates between celebrating difference and fueling problematic stereotypes. Then we will study how, over the course of its development, Pitch Perfect reflects many of the ambiguities of the post-feminist posture of certain contemporary productions.
- Mabel Normand dans Mickey (1918) : garçon manqué, corps désiré, femme comique - Clémentine Tholas
Traduction
- Judy Garland et les hommes gays - Richard Dyer
Notes de lecture
- Frédérique Matonti, Le Genre présidentiel. Enquête sur l'ordre des sexes en politique - Viviane Albenga
- bell hooks, Reel to Real. Race, Class and Sex at the Movies - Charlotte Blanc
- Delphine Chedaleux, Jeunes premiers et jeunes premières sur les écrans de l'Occupation (France, 1940-1944) - Claire Daniélou