Contenu du sommaire : Recherche, expertise et comparaisons internationales dans les politiques sociales et de santé
Revue | Revue française des Affaires sociales |
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Numéro | no 4, octobre-décembre 2020 |
Titre du numéro | Recherche, expertise et comparaisons internationales dans les politiques sociales et de santé |
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- Avant-propos. L'expertise dans les domaines d'action publique du sanitaire et du social : de crise en crise - Olivier Giraud, Philippe Warin p. 7-33
- Repenser les rapports entre recherche et politique à la lumière de l'épistémologie d'Amartya Sen - Jean-Michel Bonvin, Emilie Rosenstein p. 35-51 Les liens entre producteurs de savoirs experts et monde politique sont complexes. Cet article vise à éclairer les articulations entre sphères de la recherche et de la politique à l'aune de dimensions clés de l'approche des capabilités développée par Amartya Sen. Plus particulièrement, nous nous intéresserons aux atouts et limites du courant des evidence-based policies (EBP), tant du point de vue de l'organisation des politiques sociales et sanitaires que de leur évaluation par la recherche en sciences sociales. Après avoir mis en évidence trois réductions fondamentales au cœur des EBP et les écueils qui en découlent, nous suggérons de les dépasser en nous inspirant de l'épistémologie de Sen et de la notion d'État situé, vers un modèle d'expertise au service d'une démocratisation de l'action publique et des politiques sociales.The links between producers of expert knowledge and the realm of policy making are complex. This article sheds light on the connections between the spheres of research and policy in relation to key dimensions of Amartya Sen's capability approach. Our main focus is on the strengths and limitations of the evidence-based policy (EBP) approach, regarding both the organization of social and health policies, and their evaluation by social scientists. We first highlight three fundamental over-simplifications at the core of EBP and the pitfalls that arise from them, and then suggest overcoming them based on Sen's epistemology and the notion of the situated state, towards a model of expertise promoting the democratization of public action and social policies.
Contextualiser l'expertise de la preuve
- Développer une science des solutions pour les interventions en santé en France : les RISP, un espace intermédiaire de pluralisation des expertises - Philippe Terral p. 53-72 En prenant pour terrain d'enquête les recherches interventionnelles en santé des populations (RISP), un domaine de recherche émergeant dans le secteur de la santé en France, cette contribution se propose de considérer divers jeux d'acteurs et d'arguments, de pouvoir et de savoir qui accompagnent son développement. Nous montrons que ce nouvel espace intermédiaire, entre l'expérimentalisme et les sciences humaines et sociales, œuvre à une pluralisation des expertises en santé pour une meilleure prise en compte de la singularité des contextes des interventions, de la transférabilité des connaissances. Il met également en avant la volonté de renforcer les collaborations entre chercheurs et « acteurs de terrain ». Nous soulignons toutefois combien ces deux grands principes donnent lieu à des appréhensions et à des positionnements différents rendant compte d'approches différenciées des recherches interventionnelles en France. L'enquête se base sur trois grands types de données : des observations ethnographiques de RISP ainsi que des congrès et réunions de groupes d'experts produisant des réflexions sur ce type de recherches, des analyses d'écrits (articles, rapports, lettres d'information…) sur les RISP et des entretiens (14) avec les principaux experts du domaine.This paper looks into Population Health Intervention Research (Recherches Interventionnelles en Santé des Populations – RISP), an emerging field of research in the health sector in France, and considers various sets of actors and arguments, power and knowledge that go hand-in-hand with its development. We show that this new intermediary space, between experimentation and social science, promotes a pluralization of expertise which allows the singularity of intervention contexts and the transferability of knowledge to be taken into account more fully. It also highlights a will to strengthen collaboration between researchers and “field actors”. However, we emphasize the extent to which these two broad categories give rise to different understandings and positions, reflecting different approaches to intervention research in France. The survey is based on three main types of data : ethnographic observations of RISPs and of the conferences and expert group meetings at which reflection on this type of research is fostered, analyses of texts (articles, reports, newsletters, etc.) on RISPs, and interviews (14) with the field's main experts.
- Un phénomène inhérent à notre modèle social : la guerre des expertises - Matthieu Angotti, Philippe Warin p. 73-77
- Des difficultés à construire des domaines d'expertise sur la base d'une expérience vécue des politiques publiques - Étienne Grass, Philippe Warin p. 79-88
- L'expertise, même consensuelle, n'est pas suffisante pour réduire la conflictualité politique - Pierre-Louis Bras, Olivier Giraud p. 89-94
- Un besoin d'élargissement du regard dans un monde d'une complexité croissante - Christine Olm, Philippe Warin p. 95-101
- Développer une science des solutions pour les interventions en santé en France : les RISP, un espace intermédiaire de pluralisation des expertises - Philippe Terral p. 53-72
Faciliter les interférences constructives
- L'utilisation des connaissances pour informer des politiques publiques : d'une prescription technocratique internationale à la réalité politique des terrains - Amandine Fillol, Kadidiatou Kadio, Lara Gautier p. 103-127 Le fait d'utiliser des connaissances explicites pour informer les décisions politiques est de plus en plus encouragé au niveau international, notamment par le mouvement d'information des politiques par les données probantes (evidence-informed policy making). Si la valeur sous-jacente à ce mouvement est de rationaliser le processus politique, les recherches en sciences sociales ont depuis longtemps permis d'observer que les connaissances sont des objets sociaux, dépendants des contextes politiques et économiques. L'objectif de notre analyse est de décrire à partir de trois études de cas (les politiques de protection sociale au Burkina Faso, une stratégie de transfert de connaissances sur les politiques de gratuité au Niger et la diffusion du financement basé sur la performance au Mali), comment ces connaissances, peuvent orienter la formulation des politiques publiques. Ces trois études de cas nous permettent d'observer que nous sommes loin des connaissances explicites comme vectrices de neutralité, de transparence et de reddition des comptes. Alors que la santé et la protection sociale sont des sujets prenant de plus en plus d'importance sur la scène globale, nous observons que l'utilisation des connaissances scientifiques ou de l'expertise est sensible aux intérêts, orientée par les institutions, et influencée par la mondialisation.The use of explicit knowledge to inform policy decisions is increasingly being promoted at the international level, especially through the evidence-informed policy making movement. While the underlying value of this movement lies in rationalizing policy-making processes, social science research has long observed that knowledge is a social object, one that is closely bound to political and economic contexts. The aim of our analysis is to describe how knowledge can inform public policy making, based on three case studies : social welfare policies in Burkina Faso, a knowledge transfer strategy on free health care policies in Niger, and the dissemination of performance-based funding in Mali. These contrast strongly with the ideal of explicit knowledge as a vector of neutrality, transparency and accountability. While health and social welfare are increasingly important issues on the global scene, our study shows that the use of scientific knowledge or expertise can be influenced by institutions, stakeholder interests and globalization.
- Les évolutions de la reconnaissance des (in)capacités juridiques : une comparaison France-Québec - Benoît Eyraud, Audrey-Anne Dumais Michaud, Simon Saint-Onge, Paul Véron p. 129-152 Les travaux comparatifs sur les enjeux de santé et de protection sociale ont développé des modèles concernant l'organisation sociopolitique de l'État social, prenant en compte notamment le coût des prises en charge des personnes vulnérables. Peu se sont en revanche intéressés à la place des droits civils et politiques dans la comparaison.Au-delà de l'augmentation du nombre de mesures de contraintes légales dans de nombreux pays occidentaux, la reconnaissance des (in)capacités juridiques soulève la question des répercussions que peuvent produire des situations de handicap, de dépendance ou de maladie sur l'exercice par les personnes vulnérables de leurs droits. Elle révèle plus largement les tensions concrètes produites par la coexistence d'idéaux difficiles à articuler, comme ceux d'autonomie et de protection ou de solidarité et de liberté.Cet article entend comparer de manière sociohistorique l'évolution des modes de reconnaissance des (in)capacités juridiques en France et au Québec. Il éclaire la place prise par des acteurs et savoirs « experts » dans l'évaluation clinique des (in)capacités ainsi que celle d'experts internationaux des droits humains en dégageant les éléments saillants de trois modes de reconnaissance des (in)capacités. Il met en perspective les articulations et tensions contemporaines entre le souci clinique pour les personnes vulnérabilisées et celui du respect de leurs droits.Comparative studies on health and social welfare issues have led to the development of models pertaining to the socio-political organization of the welfare state, especially ones that take into account the cost of caring for vulnerable people. Few, however, have focused on the place of civil and political rights in their comparisons.Beyond the increase in the number of legal constraints in many Western countries, recognizing legal (in)capacity raises the question of the repercussions that situations of disability, dependency or illness can have on vulnerable people's ability to exercise their rights. More broadly, it reveals the very real tensions resulting from the coexistence of ideals that are difficult to articulate to one another, such as autonomy and protection, or solidarity and freedom.This article draws a socio-historical comparison of the evolution of modes of recognition of legal (in)capacity in France and in Quebec. It sheds light on the role of “expert” actors and knowledge in the process of clinically assessing (in)capacity, as well as on that of international human rights experts, by highlighting the salient elements of three modes of recognition of (in)capacity. It puts into perspective contemporary connections and tensions between clinical concern for vulnerable people and respect for their rights.
- Une accumulation de la connaissance qui favorise l'expertise - Didier Gelot, Philippe Warin p. 153-167
- Associer des savoirs issus de la recherche, de l'expérience de vie et du travail associatif - Daniel Verger, Laurent Guillard, Antoine Rode p. 169-177
- Comment construire une expertise interassociative en santé ? - Sylvia Lenoir-Nanci, Thomas Roux, Héléna Revil p. 179-191
- L'utilisation des connaissances pour informer des politiques publiques : d'une prescription technocratique internationale à la réalité politique des terrains - Amandine Fillol, Kadidiatou Kadio, Lara Gautier p. 103-127
Recourir aux sciences humaines et sociales
- Accompagner la naissance du droit social comparé : l'Institut Max-Planck de droit social et de politiques sociales à Munich - Linxin He p. 193-216 Le droit social, en tant que cadre normatif des politiques sociales, a connu un développement spectaculaire depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. En Allemagne, le besoin d'un traitement scientifique de la matière conduisit à la création, il y a quarante ans précisément, d'un Institut Max-Planck consacré au « droit social étranger et international ». Pourquoi le choix d'un institut en dehors des universités ? Quels sont les apports et les influences de cet institut en matière de droit social comparé ? Le présent article cherche à dresser un bilan – provisoire – des travaux de l'Institut qui semblent avoir utilement contribué à la fondation du droit social comparé comme discipline scientifique en Allemagne. Par sa structure et sa méthode, l'Institut, tout en étant perçu par le public extérieur comme un point d'information et de contact, cherche à explorer des terrains moins connus et complète ainsi la recherche universitaire dans le paysage scientifique.Social law, understood as the normative framework for social policies, has undergone spectacular change since the end of the Second World War. Forty years ago, in Germany, the need for a scientific analysis of the subject led to the creation of the Max-Planck-Institute for “foreign and international social law”. Why create a specific institute instead of leaving it to universities ? What have the achievements and the influences of this Institute been in comparative social law ? This article presents a provisional account of the Institute's work, which seems to have been foundational in the establishment of comparative social law as a scientific discipline in Germany. Due to its structure and its method, the Institute, while being perceived by the external world as an information provider and contact point, endeavours to explore new areas and thus significantly complements universities' research on the academic scene.
- L'indépendance de l'expertise, gage de la confiance - Fabien Calvo, Olivier Giraud p. 217-223
- En France les hauts fonctionnaires cherchent à monopoliser l'expertise dans le domaine social - Bruno Palier, Olivier Giraud p. 225-233
- Appel à contribution pluridisciplinaire sur : Recherche, expertise et comparaisons internationales dans les politiques sociales et de santé. Pour le numéro d'octobre-décembre 2020 de la RFAS : Le dossier sera coordonné par : Olivier Giraud, UMR LISE-CNRS-Cnam, Paris. Philippe Warin, UMR Pacte-CNRS-IEP de Grenoble - p. 235-242
- Accompagner la naissance du droit social comparé : l'Institut Max-Planck de droit social et de politiques sociales à Munich - Linxin He p. 193-216
Autres thèmes
- « Ça fait des années qu'on est confinés ». La crise sanitaire du Covid-19 révélatrice de la condition des proches aidant·e·s de personnes en situation de dépendance - Olivier Giraud, Anne Petiau, Barbara Rist, Abdia Touahria-Gaillard, Arnaud Trenta p. 243-260
- « Renoncement et accès aux soins. De la recherche à l'action ». Cinq années de collaboration entre l'Assurance maladie et l'Observatoire des non-recours aux droits et services (ODENORE) - Héléna Revil, Philippe Warin, Fanny Richard, Jean-Marie Blanchoz p. 261-297