Contenu du sommaire

Revue Revue historique Mir@bel
Numéro no 697, janvier 2021
Texte intégral en ligne Accès réservé
  • La fausse charte de franchises des paysans de Montbenoît. Cultures et pratiques de l'écrit dans le monde rural médiéval (Comté de Bourgogne, 1406) - Vincent Corriol p. 3-25 accès réservé avec résumé avec résumé en anglais
    Le champ des pratiques et des usages sociaux de l'écrit, à la suite des travaux fondateurs de Michael Clanchy, a fait l'objet d'un important renouvellement historiographique, touchant à la fois au gouvernement de l'Église, aux pouvoirs royaux et princiers et au monde seigneurial. Mais alors que Michael Clanchy faisait remarquer que dès le XIIIe siècle, certains paysans faisaient montre d'une familiarité scripturale certaine, le degré de pénétration de cette culture de l'écrit dans le monde paysan est largement resté un angle mort de la recherche, malgré les traces que l'on peut relever çà et là. Une sentence rendue en 1406 par le Parlement du comté de Bourgogne, à l'encontre des paysans du Val du Saugeais, sujets du monastère augustinien de Montbenoît, montre pourtant que la communauté paysanne, convaincue d'avoir forgé une fausse charte de franchise, est parfaitement au fait d'une culture de l'écrit qui, à la fin du Moyen Âge, tend à s'imposer jusque dans des campagnes en apparence reculées.
    Due to the pioneer researches of Micheal Clanchy, practices and social uses of writing have become a fruitful field for historians and arouse an important historiographical renewal in France, concerning Church, princely or royal government and landlords administration. But despite the observations of Michael Clanchy, noting that the writing revolution of the XIIth and XIIIth centuries even concern the peasantry, only few researches deal with this question. However, examples from Italy to Russia show that some peasants are able to use writing texts to defend their rights or prove their possessions in their everyday life, tending towards an unexpected literacy. According to a definitive sentence of the court of the burgundy's Parliament in 1406, condemning the rural community of the subjects of the Montbenoît abbey, located on the eastern border in the upper part of the county of Burgundy, we can approach this peasant literacy. Peasants are collectively sentenced for having forge a false charter to defend their rights and their positions against their lord and abbot and particularly to attempt to get an end to eavy labour charges. The text's details of the sentence reveal how the peasants work to established their false charter and try to obtain the recognition of its whole validity. They show by their failed attempt a high sensibility to the role and the importance of scripts, which is obviously not only an educated and social elite, but also a peasant, common culture, despite different literacy levels in control and knowledge in writing texts.
  • Entre hôpitaux et auberges. L'accueil du voyageur en Cévennes à la fin du Moyen Âge - Franck Brechon p. 27-66 accès réservé avec résumé avec résumé en anglais
    Le sud-est du Massif central est traversé par un réseau de routes importantes qui relient les hautes terres montagneuses aux plaines périphériques. Dès le XIIe siècle au moins, plusieurs trafics s'y cumulent, notamment pérégrinants et commerciaux. Alors que plusieurs espaces d'altitude peu peuplés et au climat rigoureux imposent des contraintes de circulation fortes, l'accueil du voyageur est essentiel au bon fonctionnement de la route. Dans ce contexte, un semis d'hôpitaux de diverses natures se développe, auquel les principaux établissements monastiques régionaux contribuent peu, ou indirectement. En revanche de nombreux petits établissements se développent spécifiquement en lien avec l'accueil routier, notamment sous l'impulsion de l'hôtel-Dieu du Puy, dans le sillage du pèlerinage marial. À compter de la fin du XIIIe siècle, les hôpitaux dédiés à l'accueil du voyageur déclinent, tandis que l'accueil commercial se développe sensiblement dans la première moitié du XIVe siècle. Un dense réseau d'auberges succède alors aux hôpitaux routiers, reprenant la même logique d'implantation sur les sections de routes les plus difficiles. Ces auberges rurales peuvent être totalement isolées, sur des cols ou des landes d'altitude. Souvent modestes, elles n'offrent que quelques places et s'apparentent parfois à une maison d'hôte, dotée de quelques lits dans la demeure même du propriétaire. Les hôpitaux routiers et les établissements commerciaux qui leur succèdent répondent manifestement bien aux besoins de la route en offrant une infrastructure fonctionnelle. D'abord charitable alors que le trafic de pèlerins était manifestement dominant, l'accueil du voyageur devient commercial lorsque le trafic marchand prend de l'importance. Initialement consacré aux soins du corps des âmes, le lieu d'hébergement du voyageur demeure toujours un lieu de soin des corps, mais devient en outre un lieu de transaction et de négoce commercial.
    The south-east of the Massif Central is crossed by a network of important roads which connect the mountainous highlands to the surrounding plains. From the 12th century, several forms of traffic accumulated there, notably linked to pilgrimage and trade. In a region where sparsely populated altitude landscapes and harsh weather impose severe traffic constraints, shelters for travelers are essential to the smooth running of the road.In this context, a seedling of hospitals of various natures developed, with little or just indirect contribution from the main regional monastic establishments, located away from these roads. On the other hand, many small establishments developed in connection with travelers shelter at least from the 12th century, notably under the impetus of the Hôtel-Dieu du Puy in the wake of the Marian pilgrimage.From the end of the 13th century, hospitals dedicated to shelter travelers declined, while commercial accommodations developed significantly in the first half of the 14th century. A dense hostel network succeeded the road hospitals, using the same logic of being located on the most difficult sections of the road. These rural inns can be completely isolated, on mountain passes or highlands. Often modest, they only offer a few places and sometimes resemble a guest house, with a few beds in the owner's house.Road hospitals or their successor commercial establishments clearly meet the needs of the road by offering a functional infrastructure. Initially charitable, when the traffic of pilgrims was clearly dominant, sheltering of travelers becomes commercial when the trade traffic increases. Initially devoted to the care of the body and soul, the place for the accommodation of travelers still remains a place for taking care of the bodies, but also becomes a place for transaction and commercial trading.
  • La révision du Règlement intérieur de la Chambre des députés du 24 août 1830 : rupture ou continuité ? - Matthieu Le Verge p. 67-91 accès réservé avec résumé avec résumé en anglais
    Dans le prolongement de la Révolution de juillet 1830, la Charte constitutionnelle du 4 juin 1814 fait l'objet d'une révision constitutionnelle qui a pour principal objectif de manifester son caractère éminemment contractuel, celui d'un pacte conclu entre le peuple français et le nouveau Roi qu'il a lui-même choisi. Institutionnellement, cela se traduit principalement par la volonté d'un rééquilibrage des rôles respectifs des Chambres législatives et du Roi dans l'exercice de la prérogative souveraine par excellence : celle d'édicter la loi. À une époque où les dispositions théoriques des textes constitutionnels français ne déterminent qu'assez faiblement le fonctionnement des institutions, les Règlements intérieurs des deux Chambres législatives sont dès lors un moyen privilégié pour fixer les choses en pratique, en particulier celui de la Chambre des députés. Ce n'est donc pas un hasard, si dès le mois d'août 1830, cette dernière procède à une révision de son Règlement ; révision d'autant plus importante que, de son issue, allait dépendre la possibilité d'accentuer ou non la parlementarisation du nouveau régime. Or, si ce moment révisionnel semble, a priori, propice pour rompre définitivement avec les pratiques du régime déchu, dans les faits, force est de constater que la tradition et le conservatisme l'emportent largement dans les rangs des députés. Si une révolution politique était inévitable, dans leur esprit le désordre ne peut cependant se pérenniser et les solutions retenues lors de cette révision marquent justement un coup d'arrêt à cet élan libéral à l'œuvre depuis les Trois Glorieuses. À ce titre, cet épisode est annonciateur de l'avènement de cette politique de la « Résistance » qui, tout au long du régime de Juillet, ne cessera de repousser toute velléité de changement au profit d'un conservatisme qui mènera le régime à sa perte.
    Following the Revolution of July 1830, the Constitutional Charter of 4 June 1814 is subjected to a constitutional revision whose main objective is to demonstrate its eminently contractual character that of a pact made between the French people and the new King they themselves chose. Institutionally, this is mainly reflected in the desire to rebalance the respective roles of the Legislative Chambers and the King in the exercise of the ultimate sovereign prerogative: enacting the law. At a time when French Constitutional texts' theoretical statements only weakly describe the functioning of the institutions, the respective Rules of Procedure of the two Legislative Chambers are therefore a privileged way to fix things in practice, especially in the House of Deputies. Thus, it is not a coincidence if, as early as August 1830, the latter updates its internal rules; a revision even more important given that the possibility of intensifying or not the parliamentarization of the new political regime would depend on its outcome. However, if at first sight this revision seems favourable to break definitively with the practices of the ousted regime, in fact, it is clear that tradition and conservatism largely prevail in the ranks of politicians. If for most them a political revolution was inevitable, in their mind the disorder nevertheless cannot become permanent and, at that moment, the chosen solutions precisely put an end to this initial liberal impetus at work since the Three Glorious Days. For this reason, this episode can be seen as a sign of the subsequent advent of this policy of the « Resistance » which, throughout the July Monarchy, will not cease to reject any attempt of change for the benefit of a conservatism which will lead the regime to its demise.
  • La grève oubliée des étudiants en médecine de Rennes - Hugo Melchior p. 93-138 accès réservé avec résumé avec résumé en anglais
    Du 29 janvier au 2 mai 1973, pendant 94 jours, des centaines d'étudiants en médecine de Rennes ont remis en cause le fonctionnement normal de leur faculté pour revendiquer auprès des décideurs et des autorités universitaires le droit à une formation pratique complète, et pour dénoncer la sélection drastique en première année qui risquait d'aggraver davantage le sous-développement médical de la Bretagne. Cette grève prolongée est tombée progressivement dans l'oubli. S'appuyant sur un vaste corpus d'archives, croisant en permanence des sources écrites et des témoignages oraux d'anciens protagonistes, cet article a pour ambition, en plus de raconter l'histoire de cette mobilisation hors norme, de rendre compte de l'état sanitaire dégradé de la Bretagne qui a favorisé l'irruption de cette grève active, de mettre en lumière certains militants politiques qui ont pu jouer un rôle clé dans l'animation de cette lutte, ainsi que les modes d'action à la fois traditionnels et originaux de ces étudiants imaginatifs, qui auront permis de rendre remarquable de cette lutte étudiante. Et, enfin, nous avons eu pour dessein de montrer le souci de ces étudiants de défendre publiquement une conception humaniste et progressiste de la médecine, réellement favorable aux travailleurs, c'est-à-dire une « médecine ouvrière » non lucrative, soucieuse de l'état de santé des classes subalternes dans le monde de l'entreprise comme en dehors.
    From January 29 to May 2, 1973, for 93 days, hundreds of medical students from Rennes questioned the normal functioning of their university to demand from decision-makers and university authorities the right to undergo full practical training, and to denounce the drastic selection in their first university year that could further aggravate the medical underdevelopment of Brittany. This prolonged strike gradually fell into oblivion.Based on a large body of archives, constantly overlapping written sources and oral testimonies from former protagonists, this article aims, in addition to telling the story of this extraordinary mobilization, to report on the degraded sanitary condition of Brittany which favored the outbreak of this active strike, to highlight certain political activists who were able to play a key role in this struggle, as well as the modes of action at the same time traditional and original of these imaginative students, who made this struggle remarkable. And finally, we had the desire to show the concern of these students to publicly defend a humanistic and progressive conception of medicine, truly favorable to the workers, that is to say a non-profit “workers' medicine” concerned with the state of health of the lower classes in the corporate world and beyond.
  • Prendre la route. Mobilité et différenciation sociale - Claudia Moatti p. 139-157 accès réservé avec résumé avec résumé en anglais
    À partir d'exemples pris dans toutes les périodes de l'histoire, cet article, qui introduit le dossier « Prendre la route », propose différentes pistes de recherche pour une analyse des usages sociaux de la route. Qui trouvait-on sur les chemins dans les sociétés du monde occidental et comment la rencontre entre les différentes catégories sociales s'effectuait-elle ? Selon quels critères les itinéraires étaient-ils choisis ou même imposés : rang, classe, genre ou fonction ? Quels objets, quels équipages accompagnaient les voyageurs ? Quel savoir de la route était accessible ? Et de quel sens la route était-elle investie ? Depuis l'Antiquité, les romans l'ont prise comme décor privilégié parce qu'elle incarnait un parfait sociotope, le lieu par excellence où pouvaient à la fois se rencontrer des gens normalement séparés par la hiérarchie sociale ou par l'espace, et s'afficher la division sociale, où se mêlaient les destinées et où se nouaient des intrigues. Il revient à l'historien de relire ces récits à l'aune d'autres sources, pour mettre la mobilité à l'épreuve de la différenciation sociale, et, au-delà d'une étude des pratiques, poser la question de la justice spatiale. Si l'espace est naturellement commun, en effet, il se voit souvent « qualifié » par les personnes qui s'y déplacent, et son accès peut faire l'objet de tensions et de conflits, voire d'abus de pouvoir.
    Based on examples taken from all periods of history, this article, which introduces the dossier, proposes different lines of research for an analysis of the social uses of the road. Who was found on the roads in the societies of the Western world, and how did the meeting between the different social categories take place? According to what criteria were routes chosen or even imposed: rank, class, gender or function? What objects did the travelers take with them? What knowledge was accessible? And for what purpose, with what imaginary was the road taken? Since antiquity, novels have taken it as a privileged setting because it embodied a perfect “sociotope”, the place par excellence where people normally separated by social hierarchy or by space could meet and at the same time ostentatiously display social division, where destinies mingled and intrigues were woven. It is up to the historian to reread these narratives in the light of other sources, to put mobility to the test of social differentiation, and, beyond a study of practices, to pose the question of spatial justice. Although space is naturally common, it is often “qualified” by the people who move in it and access to it can be subject to tension and conflict, even abuse of power.
  • Mobilités, accueil et hiérarchies sociales dans l'Occident romain tardo-antique (IVe-VIe siècles) - Claire Fauchon-Claudon, Marie-Adeline Le Guennec p. 159-183 accès réservé avec résumé avec résumé en anglais
    Aux périodes classique et tardive, le monde romain connaît des formes d'accueil variées (hospitalité privée et publique, prise en charge par les communautés politiques ou religieuses, accueil mercantile…), bien implantées en ville comme le long des routes ; mais tous les lieux et modalités d'accueil étaient-ils identiquement accessibles aux voyageurs ? À la période classique, le statut social déterminait directement leur capacité à avoir recours à ces différentes formes d'accueil, même si les normes pouvaient être contredites par les pratiques : les comportements attendus des élites étaient ainsi particulièrement contraints, leur fermant en théorie la porte des auberges tout en exigeant d'eux qu'ils disposent d'un réseau d'hospitalité étendu. Cet article envisagera la manière dont cette répartition sociale de l'accueil se recompose à l'époque tardo-antique, notamment à partir du moment où le christianisme devient la religion officielle de l'Empire romain d'Occident et où l'accueil de l'autre est érigé en règle universelle. L'évolution, réelle ou apparente, des mentalités ne s'accompagne pas forcément de réels changements dans les pratiques. Le cas d'étude des évêques montre notamment combien les paradoxes affleurent entre ces exigences nouvelles de la morale chrétienne et le maintien des cadres traditionnels de la société romaine. Le temps long constitue ainsi un cadre particulièrement fructueux pour une approche sociale de l'accueil et des mobilités dans l'Occident romain antique.
    Through Classical and Late Antiquity, various types of reception practices and places (private and public hospitality, reception by political or religious communities, commercial hospitality, and so on) thrived throughout the Roman world, in urban contexts as well as along roads. Did every traveler have access to all forms of accommodation, to the same degree and with the same conditions? During the classical era, social status determined whether one was hosted en route, although norms and habits were sometimes contradicted in practice. Elites were expected to behave according to strict rules that for instance forbid them to patronize inns; they were also supposed to develop wide networks of hospitality.This paper will address the way in which the social distribution of reception and accommodation practices evolved along Roman roads in late Antiquity, especially when Christianity became the official religion of the Western Roman Empire, and hospitality began being regarded as the universal duty of the good Christian. It shows that in terms of travel logistics, the evolution of mentalities, whether real or alleged, did not necessarily lead to profound changes in practices.The first section deals with various social challenges that faced people traveling on roads during Late Antiquity: the necessities and contingencies of travel could blur their identities or force them to lower expectations based on their social status or religious beliefs, in terms of standing, of prestige, and, for the Christian aristocrats, in terms of asceticism. Throughout the period, food seems to be the main issue for aristocratic travelers, although its meanings evolved significantly from the imperial gourmets to the frugal Christians. Common features can be observed in the way social status influenced one's travel and reception options: hospitality kept playing its essential role as a social indicator for aristocrats, then as earlier.The second section addresses the tensions that could arise during travel, and especially, in line with the focus of this paper, during stopovers. Whereas during Classical Antiquity such tensions would be read in terms of social confrontations, Christianity led to a renewed attention to morality issues. Theoretically, the Christian Church strictly forbade its official to stay at inns, fearing the promiscuity and various temptations to which the cleric could be exposed in such establishments: but progressively, in order not to obstruct Christian mobility, travel began being considered as an exception to this rule, at least when no other options were available. The need for more acceptable options, nevertheless, quickly led the Church authorities, from the ivth century on in the East and a few decades later in the West, to develop their own reception network, based on xenodocheia/xenodochia that would host Christian travelers in general and pilgrims in particular along the roads, and provide assistance to the poor and the sick.Finally, we explore the case study of bishops' travels between the fourth and sixth centuries, which exemplify the various tensions and paradoxes that would arise, in matters of reception and accommodation, between the new demands of Christian morals and the traditional organization of Roman society. Frequently on the roads, bishops were stuck between their search for comforts, the social importance of private hospitality, and the necessity to visit their colleagues and their sometimes rather shabby official residences. Various issues of reception that developed during the Late Western councils reveal the increasing importance of a new factor: religious orthodoxy. In this context, the ability to hosting and be hosted became part of broader religious and political conflicts for power among bishops representing various tendencies inside the Christian church.
  • Tous égaux devant la piste ? Organisation sociale et processus de nivellement sur les pistes de l'Ouest américain dans les années 1840-1850 - Juliette Bourdin p. 185-206 accès réservé avec résumé avec résumé en anglais
    De 1841 à 1869, les pistes de l'Ouest américain furent empruntées par les pionniers désireux de rejoindre l'Oregon ou la Californie et signifiaient une entreprise périlleuse de plusieurs mois. Représentant un très riche terrain d'étude, ces pistes sont documentées par d'abondantes sources, notamment les carnets de voyage tenus en route par les voyageurs, qui permettent d'explorer les caractéristiques sociales de cette forme particulière de mobilité. En dressant le portrait des candidats au voyage et en analysant leurs préparatifs, il ressort qu'une certaine égalité régnait d'emblée sur les pistes, non seulement en raison d'une relative homogénéité dans le profil des migrants (tant au niveau de leurs origines ethniques et sociales que de leurs valeurs, us et coutumes), mais aussi en raison de leur attachement à l'expression démocratique et à leur souhait d'être sur un pied d'égalité. On observe cependant que cette tendance égalitariste était largement renforcée par les conditions mêmes du voyage, car les rigueurs de la piste – qui apparaît comme un condensé extrême de l'expérience de la Frontière – nivelaient dans une large mesure les différences entre les classes sociales et entre les sexes. Au moins le temps du voyage, la précarité intrinsèque à cette vie mobile imposait l'égalité en ramenant chacun et chacune à sa condition d'être humain luttant pour sa survie.
    From 1841 to 1869, pioneers eager to reach Oregon or California took the overland trails of the American West, which meant embarking on a perilous trip that lasted several months. Representing a very rich field of study, the trails are documented by abundant sources, in particular the emigrant diaries, that allow to explore the social characteristics of this particular form of mobility. The analysis of the emigrants' profile and preparations reveals that a certain equality prevailed from the outset, not only because of their relatively homogeneous identity (in terms of social and ethnic origins as well as values, habits and customs), but also because of their attachment to democracy and wish to be on an equal footing. However, we can observe that this egalitarian tendency was reinforced by the trip conditions, given that the rigors of the trail – which appears as a paradigm of Frontier experience – leveled out their social and gender differences to a large extent. At least for the duration of the journey, the intrinsic precariousness of this life on the move imposed equality by reducing each and every one to their condition as human beings fighting for their survival.
  • Le temps du catholicisme tridentin s'achèverait-il ? Réflexions sur la « fin d'un monde » - Bruno Dumons p. 207-222 accès réservé avec résumé avec résumé en anglais
    Depuis plus d'un demi-siècle, les diagnostics posés sur l'avenir du catholicisme français sont des plus alarmants. Ils soulignent en particulier un abandon général de la pratique sacramentelle, de l'assistance régulière à la messe jusqu'à la confirmation et la confession. Parallèlement, s'observe un déclin du jeûne tandis que les processions n'attirent plus guère les fidèles. Certains analystes considèrent que « le catholicisme français est devenu une réalité festive », n'étant plus qu'un folklore du temps passé pour beaucoup de Français. De toutes parts, les pratiques liées à un catholicisme ordinaire et visible se sont effondrées. Une crise profonde s'est installée depuis les années 1960. Pour comprendre cette « crise catholique », il faut peut-être la replacer dans un temps plus long, celui du catholicisme tridentin. En effet, des historiens modernistes avaient émis l'hypothèse que l'éclatement des structures de chrétienté, observé dans le second XXe siècle, correspondait à la fin du « cycle tridentin ». La reprise de cette hypothèse peut aujourd'hui permettre d'offrir une clef de lecture très pertinente sur ce moment de crise du catholicisme contemporain. Le cas français n'est ici qu'un exemple d'un vaste processus de « déconfessionnalisation » à l'échelle européenne et occidentale, qui signifierait davantage un profond renouvellement du christianisme que son extinction.
    For more than half a century, the diagnoses made on the future of French Catholicism have been very alarming. It underlines in particular a abandonment of the sacramental practice, from regular attendance at mass until confirmation and confession. At the same time, there is a decline in fasting while the processions do not attract the faithful anymore. Some analysts have said that “French Catholicism has become a festive reality”, being no more than a folklore of the past for many French people. From all sides, the practices linked to an ordinary and visible Catholicism collapsed. A deep crisis has taken place since the 1960s. To understand this “Catholic crisis”, it may be necessary to place it in a longer time, the Tridentine Catholicism. Indeed, modernist historians have hypothesized that the breakdown of Christianity structures, observed in the second twentieth century, may have corresponded to the end of the “Tridentine cycle”. The resumption of this hypothesis can today make it possible to offer a very relevant reading key of this moment of crisis in contemporary Catholicism. The French case is just one example of a vast process of “deconfessionalization” on a European and Western scale, which signified more a renewal of Christianity than its extinction.
  • Du nouveau sur la Commune de Paris à la veille de son cent-cinquantième anniversaire - Gilles Candar p. 223-236 accès réservé avec résumé avec résumé en anglais
    Ce feuilleton propose une évaluation critique des publications parues en perspective du cent-cinquantième anniversaire de la Commune de Paris (1871). L'étude est volontairement très parcellaire puisque réduite à sept titres, de manière très inégale du reste. Deux livres ponctuent essentiellement ce moment commémoratif, prompt en France à susciter examen et révision historiographique. Le premier est une publication remaniée et très augmentée des actes d'un colloque tenu à Narbonne en 2011, qui tentait de pister les recherches en cours ou à entreprendre sur le sujet. Le second, issu d'une habilitation à diriger des recherches d'un historien nouvellement élu professeur d'université, est assimilable à un modèle d'application de l'histoire globale et connectée à l'événement Commune de Paris. La recherche vivante ne se réduit pas à ces travaux pour fondamentaux qu'ils soient : études locales (Toulouse, Dijon, etc.) et sociales (les sociétés ouvrières, etc.), approches biographiques de militants, grands ou plus obscurs, notamment des actrices du mouvement, sont à prendre en compte et précisent ou nuancent utilement les propositions d'interprétation globales.
    This series offers a critical evaluation of the publications made in the perspective of the one hundred and fiftieth anniversary of the Paris Commune (1871). This study is intentionally very fragmented as it has been reduced to seven titles, what's more very unevenly. This commemorative moment is essentially punctuated by two books, as the occasion has been seized in France to launch historiographical examination and revision of these events.The first is a revised and greatly expanded publication of the proceedings of a symposium held in Narbonne in 2011, which attempted to track research in progress or to be undertaken on the subject.The second, resulting from an Accreditation to Direct Research from a historian newly elected university professor, is comparable to a model of application of global history, connected to the event constituted by the Paris Commune.Living research cannot be reduced to its resulting works, however seminal they may be: local (Toulouse, Dijon, etc.) and social studies (workers' societies, etc.), biographical approaches to great activists as well as to more obscure people, notably actors of the movement, should be taken into account and usefully clarify or qualify the overall interpretation proposals.
  • Comptes rendus - p. 237-267 accès réservé
  • Liste des livres reçus au bureau de la rédaction - p. 269-270 accès réservé
  • Ouvrages analysés dans les comptes rendus de la présente livraison - p. 271 accès réservé