Contenu du sommaire : Harcèlement et violence : les maux du travail
Revue | Travail, genres et société |
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Numéro | no 5, 2001 |
Titre du numéro | Harcèlement et violence : les maux du travail |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
Parcours
- Thomas Lancelot-Viannais : le féminisme au masculin - Margaret Maruani, Chantal Rogerat p. 5-15
Dossier : Harcèlement et violence : les maux du travail
- Harcèlement et violence : les maux du travail - Chantal Rogerat p. 21-28
- Contrainte par corps : le harcèlement moral - Marie Grenier-Pezé p. 29-41 La présence médiatique du harcèlement moral interroge sa légitimité sociale et psychopathologique. Comprendre la redoutable toxicité de la situation de harcèlement impose de se pencher sur les enjeux identitaires liés à la situation de travail. Il s'agit de replacer ce nouveau syndrome dans le contexte plus large des effets positifs et négatifs de l'organisation du travail sur la santé psychique et physique. Les mécanismes de défense individuels et les stratégies collectives mobilisés par les sujets pour tenir au travail peuvent souder ou disloquer un collectif de travail entraînant la désignation d'un bouc émissaire. L'intériorisation des valeurs organisationnelles de l'entreprise autorise la banalisation du mal exercé sur autrui, sa systématisation en techniques de disciplinarisation du corps. La force symbolique des gestes de métier en font un levier de déstabilisation de l'économie psychosomatique particulièrement efficace. Les procédés utilisés sont comparables aux techniques de torture ou d'initiation rituelle. La désaffiliation du groupe d'appartenance inscrit le sujet dans une solitude majeure. La rencontre avec le réseau de prise en charge, médecin du travail, médecin inspecteur, médecin généraliste, psychologue n'est pas qu'une stratégie médico-administrative. Ce travail du lien met un terme symbolique à l'isolement du harcelé et un point d'arrêt à la désintrication psychosomatique en cours.The mediatic presence of mobbing questions its social and psychopathological legitimacy. To understand how toxic the experience of mobbing is, it is necessary to investigate how work situations impact identities. This new syndrom must be examined within the broader framework of positive and negative impact of work organization on physical and mental health. Individual defence mecanisms and collective strategies set up by subjects in order to hold on at work can either strengthen or dismantle a collective, thus resulting in the making of a scapegoat. Internalization of the firm's organizational values make tormenting individuals and systematizing it with corporal constraint techniques commonplace. The symbolic strength of job-related gestures is a particularly efficient tool to unsettle the psychosomatic economy. The methods used are comparable to torture or initiation techniques. The disaffiliation to a group emprisons the individual in an intense loneliness. Getting together with the company medical officer, the government medical inspector, the general practitioner, the work psychologist does not sum up to a medical and administrative strategy. This networking work symbolically highlights the isolation of the person harrassed and puts an end to the psychosomatic disinvolvement under way.
- L'auscultation de la violence dans l'entreprise : Des médecins du travail parlent - Fabienne Bardot p. 43-55 De nouvelles organisations du travail et de nouvelles techniques de management ont rationalisé l'utilisation des femmes et des hommes comme instrument de rentabilité, oblitérant la question du travail. L'emploi devenu préoccupation première a sans doute autorisé le renforcement sur un mode plus arrogant des rapports de domination cependant que, dans l'espace public, la reconnaissance citoyenne s'imposait doucement et abaissait le seuil de tolérance aux "maltraitances" du monde privé du travail. La médiatisation du phénomène actuellement appelé "harcèlement moral" a révélé ce qui se vivait douloureusement dans l'insu, et la parole s'est soudainement libérée. De leur position, les médecins du travail ont largement fait ce constat, massivement du côté des femmes, mais aussi (différemment ?) du côté des hommes. Ces révélations troublantes prennent des formes multiples et ont des conséquences pathogènes redoutables. Ce sont de ces expériences que l'article va traiter.New work organizations and management techniques have rationalized the use of women and men as profitability tools, thus obliterating the question of work. Employment as a prime concern probably gave rise to reinforced relationships of domination, while, in the public sphere, the recognition of citizenship softly became obvious and lowered the level of tolerance to “mistreatments” in the private workfield. Media coverage of the phenomenon referred to as “mobbing” revealed what was painfully expe-rienced by individuals without others around them knowing it, and the power of speach was suddenly released.
Company medical officers acknowledged this process in their daily professional activities, massively as concerns women, but also, and maybe differently, as concerns men. These disturbing revelations take multiple forms and have disastrous consequences for health.
The article will deal with these experiences. - Le mal-être au travail, comment intervenir ? - Damien Cru p. 57-73 La violence au travail n'est pas seulement un phénomène médiatique. Des salariés aussi divers que les sapeurs pompiers professionnels, les conducteurs de bus, les enseignants, les travailleurs sociaux, d'autres encore et beaucoup au niveau individuel ont su montrer dans les conditions concrètes de leur activité, les agressions dont ils sont victimes. La question se pose de la place du travail dans ces phénomènes de violences diverses qui sont dénoncées. Comment agir sur l'organisation du travail pour prévenir le risque de persécution psychologique ? Comment, nous, intervenants en entreprise, rencontrons-nous la violence, quelle prise avons-nous sur elle ? Ceci en sachant que les genres ne sont pas indifférenciés, que c'est moins dans leur spécificité respective qu'ils m'intéressent mais plutôt dans leur commensurabilité.The violence at work is not only mediatic. Workers as diverse as professional firemen, bus drivers, teachers, social workers and still others have been able to give evidence of the agressions they are the victims of through concrete work conditions, many of them at the individual level. What is the positioning of work in the diverse phenomenons of violence that are denounced? How to act on work organization to prevent the risk of psychological persecution? How do we, company consultants, meet violence, what impact can we have on it? Keeping in mind that genders are not undifferentiated, I am less interested in their respective specificities than in their commensurability.
- Harcèlement moral, harcèlement sexué ? : Les difficultés d'une approche juridique - Paul Bouaziz p. 75-89 Si l'on s'en tient aux évidences premières, il apparaît que les voix des femmes sont beaucoup plus présentes que celles des hommes, dans la riposte au harcèlement. Cependant, l'analyse des décisions de justice ne conduit pas clairement à distinguer un traitement spécial à l'encontre des salariées. Si le processus de harcèlement, dans ses techniques, ses finalités, ses sources, tel que saisi par la jurisprudence ne permet, en l'état, de faire apparaître une spécificité marquante en raison du sexe, on doit cependant s'interroger sur les conséquences éventuelles des nouveaux articles qui doivent être insérés dans le Code du travail.If one sticks to primary evidence, female voices seem more present than male ones in the fight against harassment. However, the analysis of legal decisions does not clearly lead to evidence of a specific treatment to the detriment of female employees. If the process of harassment, through its techniques, its goals and its sources as identified in legal precedents does not, at this point, produce evidence of a striking specificity linked to gender, the consequences of possible new articles to be inserted in the work legislation must be envisaged.
Mutations
- La feminisation d'une profession est-elle le signe d'une baisse de prestige ? - Marlaine Cacouault-Bitaud p. 91-115 Lorsque des femmes commencent à exercer une profession supérieure, des discours dépréciatifs sont tenus. Ils visent les professionnelles et l'activité, qui subiraient une dévalorisation. La même réaction est observable quand les effectifs féminins augmentent ou dépassent ceux des hommes. Une analyse qui prend en compte des représentations et des données d'enquête, qui intègre la dimension de la comparaison entre les époques, les professions et les sexes, permet de saisir les enjeux d'un discours récurrent. On distingue ce qui relève de stratégies pour éliminer la concurrence et ce qui renvoie à des évolutions d'ordre social et institutionnel. Certaines apparaissent comme problématiques, mais le processus de féminisation n'est pas en cause. Par ailleurs, les femmes n'occupent pas, dans l'ensemble, les positions les plus valorisées et les moins exposées. Le poste détenu, la spécialité, le mode d'exercice, qui impliquent plus ou moins de disponibilité pour la sphère privée, seraient aujourd'hui des lignes de partage. Les situations et les choix concrets des femmes et des hommes sur le lieu de travail et dans la famille, sont-ils susceptibles de questionner les divisions et les hiérarchies traditionnelles ?When women start exercizing a high-class profession, depreciative comments are held. They aim at female professionals and their activity field, which is supposed to be depreciated. The same reaction has been observed when women start outnumbering men in a field. What is at stake in these recurrent reactions can be grasped if their analysis includes representations and survey results as well as comparisons in time, among professions and between genders. Strategies to eliminate competition must be distinguished from social and institutional evolutions. Some of them are problematic, but the feminization process is not at stake. Besides, women on the whole do not hold the most valued and least exposed positions. The position held, the specialty, the exercise mode, which implies varying degrees of involvement in the private sphere, draw the line. Can situations and concrete choices of women and men on the workplace and in the family question traditional divisions and hierarchies?
- Les carrières féminines : contingence ou projet ? - Armelle Testenoire p. 117-133 Si le comportement d'activité des femmes de milieu populaire s'est profondément transformé en l'espace d'une trentaine d'années, leur carrière demeure problématique. L'analyse, menée à partir d'entretiens biographiques d'hommes et de femmes de milieu populaire, met en évidence le fait qu'ils interprètent et retracent différemment leur trajectoire professionnelle. Alors que les hommes inscrivent leur carrière dans le cadre d'un projet (initial ou reconstruit a posteriori), les récits féminins expriment un fort sentiment de contingence. Les carrières féminines, n'allant pas de soi, se négocient étape par étape au sein du couple. Les carrières masculines s'imposent comme une évidence et bénéficient, de ce fait, d'une grande marge d'autonomie. Hommes et femmes manifestent ainsi une inégale capacité d'individualisation au niveau professionnel qui modèle fortement leurs attitudes face à la carrière.Although the professional behavior of working class women has profoundly changed over the past thirty years, their career remains proble-matic. Based on biographical interviews of men and women from the working class, the analysis reveals that they interpret and recount their paths in life differently. Whereas men fit their career within a project (initial or reconstructed in the light of their present situation), female recounts express a strong feeling of contingency. Since female careers are not taken for granted, they require step-by-step negotiation within the couple. Male careers are imposed as obvious, and are therefore largely autonomous. Men and women thus demonstrate unequal individualization capacities in the professional field, which strongly determines their attitudes towards career.
- La feminisation d'une profession est-elle le signe d'une baisse de prestige ? - Marlaine Cacouault-Bitaud p. 91-115
Controverses : Le travail de nuit des femmes
- Le travail de nuit des femmes - Jacqueline Laufer, Margaret Maruani, Rachel Silvera, Marie-Hélène Zylberberg-Hocquard, Marie-Thérèse Lanquetin, Jennifer Bué, Dominique Roux-Rossi, Georgette Ximenes, Marie-France Boutroue p. 135-160
Critiques
- Critiques - p. 161-180