Contenu du sommaire : Ménages populaires
Revue | Travail, genres et société |
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Numéro | no 39, 2018 |
Titre du numéro | Ménages populaires |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
Editorial
- Écrire pour être lu∙e∙s - Margaret Maruani p. 5-8
Parcours
- Mireya Díaz, "bergère et sénatrice en Argentine" - Natacha Borgeaud-Garciandía p. 9-23
Dossier : Ménages populaires
- Introduction. Les classes populaires sur la scène domestique - Thomas Amossé, Marie Cartier p. 25-40
- Avec qui les ouvrières et les employées vivent-elles en couple ? - Lise Bernard, Christophe Giraud p. 41-61 Cet article montre que les situations conjugales des hommes et des femmes de milieux populaires ont été affectées par plusieurs transformations depuis le début des années 1980 : distance accrue à la vie conjugale, réduction importante des couples composés d'un ouvrier en emploi et d'une inactive, recul de l'homogamie pour les employé·e·s. Cet article contribue aussi à l'analyse de la diversité actuelle des femmes de milieux populaires à partir d'une étude de leurs unions matrimoniales. Il met notamment en évidence l'existence d'une stratification au sein des différentes catégories d'ouvrières et d'employées : un « haut » regroupe des femmes, dotées de ressources multiples, qui ont tendance à s'unir avec des hommes occupant des positions sociales plus élevées ; un « bas » où les deux partenaires sont très touchés par la précarité ; enfin, des pôles médians, marqués par le monde ouvrier, certains emplois du commerce, les services peu qualifiés et où les femmes sont plus ou moins éloignées de l'emploi.This article shows that the married life of men and women from the working class has undergone several transformations since the beginning of the 1980s: increased distance to matrimonial life, important reduction of the number of couples comprising a male worker and an inactive woman, as well of marriage among employees. This article also contributes to the analysis of the present diversity of women in the working class through a study of matrimonial unions. It notably highlights the existence of a stratification within different categories of workers and employees: the “top” comprises women with multiple resources, who tend to marry men with higher social positions, and the “bottom”, partners that are both highly precarious. Among them, workers, trade employees, unskilled workers that count fewer and fewer women.
- Travail domestique : des classes populaires conservatrices ? - Marie Cartier, Muriel Letrait, Matéo Sorin p. 63-81 Cet article étudie la façon dont hommes et femmes des classes populaires perçoivent l'inégale répartition des tâches domestiques et y réagissent. En mobilisant à la fois des données statistiques et dix-sept monographies de couples hétérosexuels avec enfants, il défend l'idée que la période historique qui va des années 1980 jusqu'à nos jours se caractérise moins par la permanence d'un attachement positif des classes populaires à une stricte division des rôles sexués, que par une lente différenciation des conceptions en matière de travail domestique à l'intérieur même de ces classes. L'attachement à une stricte division sexuée du travail vaut surtout pour leurs strates les plus précaires. Les ménages stabilisés des classes populaires s'en détachent à travers la participation, certes modeste mais accrue, des hommes ouvriers et employés aux tâches domestiques mais aussi à travers la mise en question du déséquilibre domestique par les femmes.This article studies the way in which men and women from the working class perceive the unequal division of domestic work and react to it. Based both on statistical data and on 17 monographies of heterosexual couples with children, it argues that the historical period between the 1980s and today is less characterized by a permanent and positive attachment of the working class to a strict division of gendered roles than by a slow differentiation of conceptions in the field of domestic work within those classes. Attachment to a strict gendered division of labor is mostly found among the most destitute layers. Stabilized households of the working class tend to forsake this division through a modest, but accrued participation of male workers and employees.
- Mère « je fais tout », des pratiques éducatives populaires en tension - Vanessa Stettinger p. 83-99 Dans les ménages appartenant aux fractions médianes et stabilisées des classes populaires, les tâches relatives à l'éducation des enfants sont prises en charge de façon presque unilatérale par les femmes, qui se voient dans certains cas obligées de mettre en retrait leur vie professionnelle. Ces femmes sont ainsi les premières responsables de la transmission des normes éducatives censées faire réussir leurs enfants : le cadrage des heures du coucher, une alimentation saine, le suivi des devoirs, la gestion des activités extrascolaires. Mais ces normes étant issues des classes dominantes, elles représentent un coût pour elles, rappelant le décalage entre les normes et les ressources dont elles disposent pour les mettre en place. C'est lors des moments où elles se rapprochent des pratiques populaires qu'elles soufflent et retrouvent des moments plus heureux en famille.In households that belong to the median and stabilized factions of the working class, tasks relative to children's education are nearly completely taken care of by women, who must, in some cases, stand back from their professional life. These women are thus the first responsible for the transmission of educative norms that are supposed to help their children succeed: strict bedtime hours, a healthy diet, homework supervision, follow-up on extracurricular activities. However, since these norms stem from the ruling classes, applying them has a cost for these women, and that cost is a reminder of the discrepancy between the norms and the resources these women can use to set them up. Only when they get closer to working class practices can they relax and have a happier time with their families.
- « C'est mon moment. » Le temps pour soi des ouvrières et des employées - Olivier Masclet p. 101-119 Les ouvrières et les employées d'aujourd'hui disposent-elles d'un temps « à elles », affranchi des charges familiales et professionnelles ? Si le temps personnel de ces femmes est fréquemment empreint de dimension familiale, l'analyse ne saurait se limiter au constat de la force du « nous » dans les milieux populaires : à de nombreux moments le « je » prime en effet très clairement. Tout en montrant les inégalités entre les femmes des catégories populaires et les autres femmes face au temps pour soi, cet article repère les activités de temps libre qu'elles investissent d'une dimension personnelle et rend compte de la standardisation du temps pour soi, c'est-à-dire à la fois de l'appropriation et de la banalisation de la norme du temps personnel dans les ménages des classes populaires. Il montre que le temps pour soi est pour ces femmes un moyen de marquer des limites à la condition d'épouse et de mère autant qu'à la position subalterne de leur emploi.Do today's female workers and employees benefit from personal time, free from family and professional burdens? If women's personal time is frequently invaded by family, the analysis should not be limited to assessing the strength of the « we » in the working class: often times, the « I » clearly dominates. While showing inequalities between women from the working class and other women in the access to personal time, this article spots free time activities that they use to find personal fulfillment. It highlights a standardization of personal time, id est, appropriation and normalization of the personal time norm in households of the working class. It shows that these women use personal time to set limits to their spouse and mother roles as well as well as to their low-level jobs.
- Les femmes dans les classes populaires, entre permanence et rupture - Olivier Schwartz p. 121-138 L'article porte sur la question de la place des femmes dans la famille au sein des classes populaires dans la société française contemporaine et sur les évolutions qui ont affecté cette place au cours des dernières décennies. La littérature sociologique et historiographique a mis en évidence, de longue date, des caractéristiques récurrentes de cette place dans les classes populaires des XIXe et XXe siècles. Les monographies réalisées dans le cadre du projet « Le populaire aujourd'hui » permettent d'examiner ce qu'il en est dans l'actuelle société française. Elles font apparaître des transformations importantes, tant dans les modes de fonctionnement des couples que dans les aspirations des femmes, signe que les membres des milieux populaires d'aujourd'hui sont loin de ne faire que reproduire leurs modes de vie traditionnels. Ces transformations coexistent avec des continuités, que les données font également apparaître. L'article fait le point sur ces changements et ces permanences, et examine comment, sous l'effet de ces différents phénomènes, se dessine aujourd'hui la place des femmes dans les familles populaires.The article questions women's role in families of the working class of contemporary French society, as well as the evolutions that had an impact on this role in the past decades. Sociological and historiographic literature has long highlighted the recurrent characteristics of this working class position in the 19th and 20th centuries. The monographies that were realized within the project « Working class today » show where that status is in French society nowadays. They reveal important transformations, whether in the operating mode of couples or in women's aspirations, which shows that the nowadays' working class does not only reproduce traditional lifestyles. These transformations coexist with continuities, which is also shown by the data. The article sums up those changes and permanences and examines how, under the influence of these phenomenons, women's place in society evolves in working class families.
Mutations
- Le conseil en égalité professionnelle : quel genre d'entreprise ? - Soline Blanchard p. 141-158 Les années 2000 ont été le théâtre du développement d'une nouvelle activité de travail en France : le conseil en égalité professionnelle. Elle réunit des prestataires qui vendent des services visant à accompagner les organisations dans leurs démarches internes de promotion de cette thématique. Cet article se propose d'appréhender ces protagonistes au prisme du genre, afin d'explorer un paradoxe déjà observé dans d'autres contextes : pris·es dans un espace social structuré par le genre, les promotrices/promoteurs de l'égalité ont tendance à (re)produire les inégalités qu'elles/ils prétendent pourtant combattre. Se concentrant sur une catégorie particulière de prestataires, les femmes créatrices d'activité, l'analyse met en lumière une articulation complexe entre logiques de subversion et logiques de reproduction du genre.In the years 2000, a new professional activity developed in France: the equal opportunity consultancy. It gathers service providers that accompany organizations that wish to internally promote this notion. This article apprehends these protagonists from the gender perspective, in order to explore a paradox that has already been observed in other contexts: within a social space that is structured by gender, those who promote equality tend to (re)produce the very inequalities they ambition to fight. Focusing on a particular category of providers, that of women who create activity, the analysis sheds light on a complex articulation between a subversive logic and a logic of gender reproduction.
- Une « résistible » féminisation ? Le recrutement des gardiennes de la paix - Frédéric Gautier p. 159-173 La décision d'ouvrir aux femmes l'accès au concours de gardien·ne de la paix puis la suppression officielle des quotas limitant leur recrutement ont contribué, pour une large part, à la féminisation de la police nationale. Toutefois, les femmes restent largement sous-représentées parmi les gardiens de la paix. Si, de ce point de vue, la morphologie de l'institution change peu, c'est d'abord parce que les candidatures féminines sont plus rares que les candidatures masculines : socialement moins probables, elles constituent encore une forme de transgression qui requiert des propriétés et dispositions particulières. C'est également parce que les pratiques des recruteur·trice·s exigent des hommes un droit d'entrée moins élevé que celui dont les femmes doivent s'acquitter, tout en valorisant les candidates qui donnent des signes de leur capacité à jouer le jeu et à se plier aux règles d'un modèle viriliste qui reste dominant dans l'institution.The decision to open the entrance exam for the police to women, and then the official suppression of quotas limiting their recruitment, have broadly contributed to the feminization of the French National Police Force. However, women's representation is still very low. If the morphology of this institution does not change much, it is first and foremost because female candidatures are scarcer than male ones: socially improbable, they continue to represent a transgression that requires special features and dispositions. It is also because recruitment practices impose a higher entrance fee on women than on men, while favoring the female candidates with a capacity to play the game and submit to the rules of a virile model that remains dominant within the institution.
- Le conseil en égalité professionnelle : quel genre d'entreprise ? - Soline Blanchard p. 141-158
Controverse
- La querelle de l'accouchement - Magali Della Sudda, Nicole Mosconi p. 175-178
- L'accouchement, une question clivante pour les mouvements féministes ? - Béatrice Cascales, Laëtitia Négrié p. 179-185
- Une approche relationnelle de l'accouchement - Amina Yamgnane p. 187-192
- Naître à la maison d'hier à aujourd'hui - Marie-France Morel p. 193-199
- Les enjeux de l'accouchement médicalisé en France et au Québec - Maud Arnal p. 201-206
- Le monde de la naissance alternative : une myriade de points de vue féministes - Geneviève Pruvost p. 207-213
Critiques
- Juliette Rennes, "Femmes en métiers d'hommes. Cartes postales 1890-1930" : Bleu autour, Saint-Pourçain-sur-Sioule, 2013, 224 p. - Florence Tamagne p. 215-218
- Éliane Viennot, "Non le masculin ne l'emporte pas sur le féminin ! Petite histoire des résistances de la langue française" : Éditions iXe, Donnemarie-Dontilly, 2014, 119 p. - Anne-Marie Houdebine-Gravaud p. 219-221
- Hyacinthe Ravet, "Sociologie des arts" : Armand Colin, Coll. Cursus, Paris, 2015, 208 p. - Bruno Péquignot p. 222-224
- Rebecca Rogers et Pascale Molinier (dir.), "Les Femmes dans le monde académique. Perspectives comparatives" - Elsa Boulet p. 225-226
- Yvonne Knibiehler, "La revanche de l'amour maternel ?" : Érès, Coll. 1001 BB, Toulouse, 2014, 148 p. - Anne Gotman p. 227-229
- ANEF (dir.),"Le genre dans l'enseignement supérieur et la recherche. Livre blanc" : La Dispute, Coll. Le genre du monde, Paris, 2014, 225 p. - Séverine Chauvel p. 230-231
- Élisa Herman, "Lutter contre les violences conjugales. Féminisme, travail social, politique publique" : Presses universitaires de Rennes, Coll. Le Sens social, Rennes, 2016, 309 p. - Nicole Mosconi p. 232-235
- Éric Macé, "L'après-patriarcat" : Le Seuil, Paris, 2015, 157 p. - Camille Froidevaux-Metterie p. 236-239
- Danièle LINHART, "La comédie humaine du travail, de la déshumanisation taylorienne à la sur-humanisation managériale" : Érès, coll. Sociologie clinique, Toulouse, 2015, 158 p. - Isabel Boni-Le Goff p. 240-244
- Hélène Marquié, "Non, la danse n'est pas un truc de filles ! Essai sur le genre en danse" : Éditions de l'Attribut, Paris, 2016, 248 p. - Marie Buscatto p. 245-247