Contenu du sommaire : Éclats de fête
Revue | Socio-anthropologie |
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Numéro | no 38, 2018 |
Titre du numéro | Éclats de fête |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
Dossier : Éclats de fête
- Que la fête s'éclate - Emmanuelle Lallement p. 9-17
- Terrain festif contemporain : une mise en perspective de fêtes et festivals - Céline Spinelli p. 19-30 La dimension festive est une composante complexe de la vie sociale encore difficile à cerner. Marqué par l'empreinte éphémère et ancré dans l'univers socioculturel où il se réalise, chaque événement festif est un objet d'étude à part entière. Tenant compte de ces spécificités, cet article s'appuie sur la mise en perspective de deux études de cas réalisées au Brésil dans le cadre d'enquêtes ethnographiques. L'observation de certains aspects d'une fête communautaire, d'une part, et d'un festival, d'autre part, permettra de proposer une montée en généralité afin de mettre en évidence des attributs de ces deux formats et de les qualifier sur un plan conceptuel. L'enjeu de ce déplacement de l'échelle d'analyse consiste à démontrer le potentiel de ce terrain d'enquête pour la compréhension de certains rouages du monde contemporain.The festive dimension is a complex component of social life that is still difficult to define. Marked by the ephemeral imprint and anchored in the sociocultural universe where it is realized, each festive event is a subject of study by its own. Taking in consideration these specificities, this article is based on two case studies carried out in Brazil during ethnographic surveys. The observation of certain aspects of a community party, on the one hand, and a festival, on the other hand, will allow to highlight attributes of these two formats and to qualify them on a conceptual level. The challenge of this shift in the analytical scale is to demonstrate the potential of this research field to understand some of the cogs in the contemporary world.
- La fête en festival : fête en soi ou fête pour soi ? - Aurélien Djakouane, Emmanuel Négrier p. 31-48 Dans la multitude de festivals de musiques, les festivals rock « grand format » offrent un terrain d'observation privilégié pour saisir le rapport singulier que nos contemporains entretiennent avec les formes festives de l'offre culturelle. À partir des résultats d'une recherche au long cours sur les publics des Eurockéennes de Belfort, cet article décrit les rouages contemporains de la fête en festival en pointant les espaces où l'activité festive s'exprime et se déploie, mais aussi ses intermittences et ses conditions. Pour cela, nous nous attachons tout à la fois aux premières fois et aux pratiques continuées, aux relations que les festivaliers entretiennent les uns avec les autres. Cet article est aussi l'occasion de savoir ce que devient la fête dans les festivals d'aujourd'hui, s'il s'agit d'un événement-fête conçu d'emblée pour faire la fête en soi ou bien s'il s'agit d'un espace où la fête peut s'exprimer et où chacun vient faire la fête pour soi.Among the many music festivals, rock festivals “large format” offer a privileged field to observe the relationship between people and festive forms of the cultural offer. Based on the results of a long-term research on audiences at the Eurockéennes de Belfort festival, this article pointing out the spaces where the festive activity take place, and also its variations and conditions. For this, we focus on both the first and continuing practices, and also the relationships that festival-goers have with each other. This article is also an opportunity to know what is happening about party in today's festival. Whether it's a party event designed to make party in itself or whether it's a space where the party happened and where everyone comes to party for himself.
- « Là où sont les garçons » : Springbreak et tourisme festif - Alix Boirot p. 49-64 Le Springbreak est un phénomène festif lié au monde étudiant qui apparaît aux États-Unis après la Seconde Guerre mondiale. Outre la plage et le soleil, l'excès d'alcool et la promesse de relations hétérosexuelles sont des éléments constitutifs de l'imaginaire de ces festivités. Dès les années 1980, des pratiques similaires attachées à des party resorts de bord de mer, et nourries notamment par l'imagerie américaine, émergent ailleurs dans le monde occidental. Le Springbreak donne rapidement lieu à une inquiétude morale. Pourtant, un séjour de ce type s'insère parfaitement dans la construction des âges et des genres conforme aux normes dominantes. Il fait partie d'une constellation de rites de passage visant à préparer l'entrée dans le monde des responsabilités adultes et dans la vie sexuelle monogame et procréative. Ainsi, loin de la transgression redoutée ou convoitée, le Springbreak permet l'incorporation de normes de genre et d'âge et la reproduction du dispositif contemporain.Spring break is a festive phenomenon connected to the student world which appeared in the United States after the second World War. Aside from the beach and sun, binge drinking and the promise of casual heterosexual sex are constituent elements of the imaginary world of these festivities. From the 80s onwards, similar practices in seaside party resorts emerged in all of the western world, fed by the US spring break imagery. The spring break phenomenon quickly raised moral concerns. Nevertheless, this practice pertains to the construction of gender and life stages in compliance with dominant social norms. It is a part of a constellation of rites of passage in preparation for entering the world of grown-up responsibilities and a monogamous and procreative sex life. Thus, far from the dreaded or desired transgression, spring break allows the incorporation of gender and life stages' standards as well as the reproduction of the contemporary societal configuration.
- Les « enjailleurs branchés » - Edgar Charles Mbanza p. 65-74 À partir d'une ethnographie menée dans les marges urbaines de Dakar (Sénégal) et de Nairobi (Kenya), l'article montre comment la ritualisation de la vie sociale est amplifiée dans ces contextes où s'imbriquent certaines formes d'hypermodernité technologique et les bricolages de la précarité. À la fois complémentaire et distinct de la grande fête qui marque les événements importants de la famille et de la collectivité, le rituel festif ordinaire anime le quotidien dans les quartiers. Diverses et variées, portées par un subtil mixage du cérémoniel et du pragmatisme, les petites sociabilités festives puisent à la fois dans les formes récréatives traditionnelles, dans les contextes urbains et dans les cultures médiatiques actuelles. Entretenir l'ambiance, ou l'enjaillement d'après l'argot urbain populaire en Afrique francophone, devient ainsi une pratique qui supporte le vécu – y compris les rapports sociaux et le labeur quotidien – en le rapprochant davantage des registres du spectacle. Il apparaîtra par ailleurs une ambivalence de la fête ordinaire qui n'est pas étrangère à celle de la médiation technologique : d'une part, ces rituels répondent au besoin de communion collective des habitants d'un territoire et, de l'autre, ils matérialisent le désir de « s'éclater » selon des logiques affinitaires.Based on an ethnography conducted in the urban margins of Dakar (Senegal) and Nairobi (Kenya), the article shows how the ritualization of social life is amplified in these contexts where certain forms of technological hypermodernity are intertwined with the bricolage of precariousness. Complementary to, and yet distinct from, the big celebration that marks important family and community events, ritual festivities enliven everyday life in the neighbourhoods. Diverse and varied, carried by a subtle mix of ceremonial and pragmatism, these smaller festive sociabilities draw on traditionnal ritual frameworks, urban contexts and current media cultures. Maintaining the good atmosphere and vibrations, or enjaillement according to the popular urban slang, thus becoming a practice that supports anti-past parts of lived experience—including daily labour and social relationships—by integrating them more into the registers of entertainment. Moreover, we find an ambivalence related to that of technological mediation: on the one hand, these rituals responds to the inhabitants need for collective communion and, on the other, it materializes the desire to have fun and to escape elsewhere according to a “logic of affinity”.
- Événements festifs et actions caritatives à Bruxelles - Katerina Seraïdari p. 75-87 Depuis les années 2010, des fêtes grecques sont régulièrement organisées à Bruxelles afin de promouvoir la richesse culturelle et gastronomique de ce pays, et de rassembler des fonds pour aider la population grecque en pleine crise économique. Il y a aussi une intention corrective, dans la mesure où ces fêtes visent à réparer ce qui est perçu comme un dérèglement de l'ordre économique et social. Cet article analyse la manière dont ces fêtes « promotionnelles » révèlent des caractéristiques qui sont typiques des fêtes religieuses traditionnelles. Trois aspects sont plus particulièrement examinés : les dispositifs de promesse, les logiques de calculabilité et les mécanismes de singularisation.Since the 2010s, Greek feasts have been regularly organized in Brussels in order to promote the cultural and gastronomic diversity of this country, and to collect funds and help the Greek population suffering from the economic crisis. There is also the intention to repair what is considered to be an economic and social disorder. This article analyses the way these “promotional” feasts reveal characteristics that are typical of traditional religious feasts. Three aspects are particularly examined: the mechanisms of promise, of calculability and of singularization.
- Le tànnëbéer multisitué - Alice Aterianus-Owanga p. 89-108 À partir d'une ethnographie multisituée des fêtes de danse sénégalaise appelées tànnëbéers, cet article interroge le rôle des performances musicales et dansées pour la recomposition des appartenances et des frontières d'une communauté sénégalaise en migration. En s'appuyant sur le concept de « communauté émotionnelle », il met en exergue l'importance des émotions pour la production situationnelle, éphémère et versatile de liens communautaires et la négociation des frontières sociales. Après avoir interrogé la manière dont les idées de « tradition » et de créativité artistiques sont mises en tension par la reterritorialisation des tànnëbéers en Europe, il examine comment musiciens et danseurs constituent des acteurs majeurs de la transnationalisation de cette festivité dans de nouveaux espaces, et comment ils contribuent à redessiner les frontières communautaires par leurs médiations musicales.From a multi-situated ethnography of Senegalese dance festivals called tànnëbéers, this article questions the role of music and dance performances in reconfiguring the affiliations and borders of a Senegalese community in migration. Based on the concept of ‘emotional community', it highlights the importance of emotions for the situational, ephemeral, and versatile production of community connections and the negotiation of social boundaries. After having questioned the way in which ‘traditional' and artistically creative ideas are put under stress by the reterritorialisation of the tànnëbéers in Europe, the article examines how the transnationalisation of this festivity in new spaces is represented by musicians
- Montmartre festif ou l'écho du passé - Anne Monjaret, Michela Niccolai p. 109-121 Le passé bohème de Montmartre surprend par sa continuité. C'est sur la Butte que les Parisiens, les provinciaux, les étrangers se rendaient et se rendent encore pour « faire la fête », pour s'amuser, danser, chanter, « s'encanailler »… Ce territoire est donc pensé, promu et vécu comme historiquement festif. Il est le lieu où les établissements de spectacle (Moulin-Rouge, Au lapin agile, Trianon, Élysée-Montmartre) prennent vie à la tombée de la nuit avec ses figures emblématiques, comme Michou. Les plaisirs d'être ensemble se conjuguent souvent encore avec l'affirmation d'une autonomie vis-à-vis de Paris. Les expériences et les imaginaires de la fête montmartroise contemporaine prennent leur source dans le passé, mais peuvent indifféremment garder un lien avec la tradition « authentique » ou réinterpréter l'histoire. Il est donc montré, dans cet article, comment les acteurs composent avec ces héritages festifs et cherchent à faire perdurer ces patrimoines tant matériels qu'immatériels qui contribuent à la visibilité de Montmartre.The continuity of Montmartre's bohemian past is surprising. Parisians, provincials and foreigners all flocked to the Montmartre hilltop, and still do, to ‘party,' to have fun, to dance, to sing, to ‘slum it'... Therefore, this area is thought of, promoted and experienced as historically having a party atmosphere. It is the place where the entertainment establishments (Moulin Rouge, Au Lapin Agile, Trianon, Élysée-Montmartre) come to life in the evening with their icons, such as Michou. With regard to Paris, the benefits of being alongside one another often still combine with the assertion of autonomy. The experiences and the fantasies of the contemporary Montmartre party have their origins rooted in the past, but they can equally maintain a link with either ‘authentic' tradition or they can reinterpret history. Therefore, this article shows how actors have come to compromise with the legacy of the party atmosphere and seek to continue the tangible, as well as the intangible, heritage that contributes to the visibility of Montmartre.
- La fête éclatée : un nouveau type de fête locale ? - Anne-Laure Briand, Laurent Sébastien Fournier, Ghislaine Gallenga, Éric Pons p. 123-135 L'article s'intéresse au renouveau des fêtes locales et à leurs mutations dans un monde de plus en plus marqué par l'individualisme et la notion de loisir. Il suggère qu'un nouveau type de fête locale, la « fête éclatée », est venu s'ajouter aux fêtes traditionnelles et aux fêtes revitalisées déjà bien documentées. Ce nouveau type de fête est caractérisé par une certaine dispersion du public et un éclatement dans l'espace local des activités qui lui sont proposées. La description ethnographique de la Fête du marché aux cerises de La Roque-d'Anthéron (Bouches-du-Rhône) ouvre sur un questionnement qui concerne à la fois les transformations actuelles des fêtes locales et leur relation avec des transformations contextuelles plus générales de la société contemporaine.The article documents the renewal of local festivals and their changes in a world more and more influenced by individualism and by the notion of leisure. It suggests that a new type of local festival, “fragmented festivals”, is now superimposed to well known “traditional” and “revitalized” festivals. This new type of festival is typical because it combines a dispersion of the audience and a fragmentation in the local space of the activities proposed to him. Ethnographic fieldwork in the cherry market festival in La Roque-d'Anthéron (Bouches-du-Rhône district, Provence) questions the actual transformations of local festivals and their connection with more general transformations of contemporary societies.
- Que sont les gâteaux-semelle devenus ? - Sandrine Ruhlmann p. 137-150 En Mongolie, pour le Nouvel An luni-solaire, les familles préparent des centaines de gâteaux en forme de semelle, représentant les traces de pas dans la neige des nombreux visiteurs attendus. Le gâteau emporté par chaque visiteur est une garantie de bonheur pour la famille. Pourtant, récemment, des familles n'ont mis en circulation aucun gâteau. Autre nouveauté, leurs jeunes enfants se sont rendus, trois jours durant, de demeure en demeure, et ont rapporté des poignées de bonbons et des liasses de billets de petite monnaie. Au cœur de l'attention des familles soucieuses d'ouvrir favorablement la nouvelle année, le gâteau-semelle semble ainsi pouvoir disparaître, tandis qu'il constitue tout l'éclat et l'enjeu de l'événement. J'analyserai le rôle des enfants et le contenu de leur butin pour saisir les recompositions de la plus importante fête annuelle mongole et cerner, ainsi, la conception contemporaine mongole du bonheur familial.To celebrate the lunisolar New Year in Mongolia, families prepare hundreds of cakes in the shape of shoe soles, which represent footprints in the snow of the many expected guests. Each visitor takes a cake that guarantees happiness for their family. However, recently, families have not distributed any cakes. A further development is that the children spend three days going from house to house and come back with handfuls of sweets and wads of small-change notes. For families that are anxious for a positive start to the new year, the focus on the shoe sole cake appears to be disappearing, although it constitutes all the brilliance and challenge of the occasion. I will analyse the role of children and the contents of their loot in order to understand the elements of the most important annual Mongolian celebration and to grasp, therefore, the contemporary Mongolian understanding of family happiness.
Entretien
- Carnavals de Bahia et d'ailleurs. La ville, la fête et l'incertitude du monde : entretien avec Michel Agier - Michel Agier, Emmanuelle Lallement p. 153-166
Écho
- La Rébellion française. Mouvement populaire et conscience sociale (1661-1789) - Jean Nicolas p. 169-174
Image
- « Jour de fête, une pensée sensible du temps » - Gérard Dubey p. 177-184