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Revue Revue Française de Sociologie Mir@bel
Numéro vol. 62, no 1, janvier-mars 2021
Texte intégral en ligne Accessible sur l'internet
  • Varia

    • Agie ou latente ? Médiation tierce et production de la confiance en entreprise - Bénédicte Zimmermann p. 7-32 accès libre avec résumé avec résumé en anglais avec indexation
      À partir d'une enquête qualitative sur la capacité d'agir des salarié·es en France et en Allemagne, cet article identifie deux modalités de la confiance en entreprise : une confiance agie qui n'est jamais acquise et doit en permanence être confortée dans l'action, une confiance latente qui est là indépendamment de la situation. Il analyse leur production en mobilisant la notion de médiation tierce à travers laquelle Georg Simmel désigne une condition nécessaire de l'expérience sociale. À travers le cas d'une multinationale de l'aéronautique, il montre que la confiance agie est médiée par des dispositifs organisationnels et se forge dans les interactions en situation, alors que la confiance latente prend appui sur des arrangements institutionnels externes à l'entreprise. Complémentaires, ces deux modalités peuvent coexister dans une même organisation, mais sa version latente s'avère introuvable dans la grande entreprise française où domine la confiance agie. C'est l'énigme de cette improbabilité, dont la comparaison franco-allemande se fait le révélateur, que l'article se donne pour objet d'instruire.
      Drawing on a qualitative study of employees' capabilities in France and Germany, this article identifies two types of trust in companies: enacted trust, which is never definitively acquired and must constantly be reaffirmed through action, and latent trust, which is there regardless of the situation. The notion of third-party mediation, considered by Georg Simmel a necessary condition for social experience, is used to analyze how these types of trust are produced. Focusing on the case of a multinational aeronautics company, we show that enacted trust is mediated by organizational arrangements and forged by in situ interactions, whereas latent trust is grounded in institutional arrangements external to the company. The two types are complementary and may coexist within a single organization, but the latent form is not to be found in major corporations in France, where enacted trust dominates. It is the enigma of this improbable finding, revealed by the French-German comparison, that the article seeks to account for.
    • Contourner la compétition par la compétition : les universités russes et les olympiades - Carole Sigman p. 33-62 accès libre avec résumé avec résumé en anglais avec indexation
      Depuis les années 2000, les autorités fédérales russes cherchent à reprendre le contrôle de l'enseignement supérieur par des réformes mettant les universités en compétition entre elles. L'objet de cet article est d'analyser comment les universités parviennent à contourner en partie l'une de ces réformes en développant un dispositif original de recrutement des étudiants : les olympiades. Bien qu'a priori marginal, celui-ci affecte en réalité tous les recrutements et, au-delà, l'ensemble du fonctionnement du champ universitaire. C'est sous l'angle de la compétition entre établissements qu'il sera analysé ici. Mobilisé à l'origine par les universités d'élite, il a rapidement été investi par les autres établissements. Victimes de leur succès, aussi inattendu qu'incontrôlable, les olympiades font à présent l'objet d'une régulation de la part des grandes universités et des autorités fédérales. Elles mettent ainsi en lumière les pratiques et enjeux de la compétition entre universités, ainsi que certains aspects du fonctionnement du pouvoir politique en Russie depuis une quinzaine d'années.
      Since the 2000s, Russia's federal authorities has tried to regain control over higher education by implementing reforms that force universities to compete with each other. The aim of this article is to analyze how universities managed to partly circumvent one of those reforms by developing an original mechanism of student recruitment known as Olympiads. Though this mechanism would seem at first sight marginal, it has in reality affected the whole system of student recruitment and, beyond that, the very functioning of the country's university field. This article analyzes the Olympiad phenomenon in terms of inter-institution competition. At first used mainly by elite universities, it was soon taken up by other higher education institutions. Because of their unexpected success which went out of control, the Olympiads are now the subject of a regulation by the major universities and federal authorities. Russia's Olympiads enlighten competitive practices between universities and what is at stake in them, as well as certain aspects of how political power has operated in Russia for the last fifteen years.
    • L'approche de la mobilité sociale par les microclasses : une application sur données françaises - Cyril Jayet p. 63-104 accès libre avec résumé avec résumé en anglais avec indexation
      La plupart des recherches classiques en sociologie quantitative ont examiné l'évolution de la mobilité sociale au moyen de schémas de classes sociales ou de nomenclatures professionnelles contenant un nombre limité de catégories, généralement au plus une dizaine. Cet article propose d'analyser la mobilité sociale en France en partant des microclasses, ou professions. Il mobilise les données de l'« Enquête emploi en continu » entre 2013 et 2019. Il montre d'abord que si la reproduction professionnelle apparait comme faible en valeur absolue, elle est en réalité au moins aussi importante que la reproduction des classes sociales lorsque l'on tient compte de la taille des différents groupes sociaux en modélisant la fluidité sociale et en mesurant ainsi l'association par les odds ratios. L'approche en microclasses permet en outre d'identifier les différentes dimensions qui sous-tendent les flux de mobilité entre professions et entre classes sociales. Nous identifions ainsi les rôles respectifs du secteur d'activité, du statut d'emploi, du type d'employeur, des niveaux de rémunération et de diplôme dans la reproduction et la mobilité sociales. Enfin, en examinant séparément l'impact de la profession de la mère et du père sur les destinées des femmes et des hommes, on met en évidence un important effet de structure : les femmes ont une plus grande chance d'avoir la position sociale de leur mère que d'avoir celle de leur père, mais une fois contrôlé l'effet de la ségrégation genrée du marché du travail, l'association entre position d'origine et position sociale est plus forte avec la position du père qu'avec celle de la mère.
      Most classical quantitative sociology studies examine trends in social mobility with social class classifications containing a limited number of categories—usually no more than ten. This article analyzes social mobility in France on the basis of microclasses, or occupations, using the Labor Force Survey data from 2013 to 2019. It first shows that while the absolute value of micro-level reproduction is low, when the size of different social groups is taken into account through social fluidity modeling and the use of odds ratios to measure associations, micro-level reproduction is at least as high as macro. The microclass approach also allows for identifying the different dimensions that underlie mobility flows between occupations and between social classes, making it possible to identify here the respective weights of activity sector, employment status, employer type, income level, and average educational attainment in social reproduction and mobility. Last, separately examining the impact of mother's and father's occupation(s) on men's and women's outcomes brings to light an important structural effect: women have a greater chance of having their mother's social position than of having their father's, but once the effect of the gendered segregation of the labor market is controlled for, the association between origin and social position is stronger with the father's position than with the mother's .
    • Un salariat sans droit ? : Les usages du droit dans la domesticité à temps plein - Alizée Delpierre p. 105-131 accès libre avec résumé avec résumé en anglais avec indexation
      Longtemps exclu du droit du travail, activité peu valorisée et qui engage des populations souvent vulnérables sur le marché du travail, le travail domestique effectué au domicile d'autrui a généralement été décrit comme un travail aux marges du salariat et sujet à l'exploitation. Pourtant, depuis plusieurs décennies, à travers le monde, des cadres législatifs internationaux et nationaux ont été définis pour réguler la domesticité et en protéger la main-d'œuvre. Comment s'expriment-ils dans les maisons où travaillent les employé·es domestiques ? À partir du cas de la France, dont le secteur des services à la personne s'est structuré autour de conventions collectives et d'institutions qui contribuent à formaliser la domesticité, cet article interroge la place du droit dans la construction des rapports de travail entre employeur·es et employé·es. Il s'appuie sur un terrain de recherche conduit auprès de personnes très fortuné·es ayant recours à du personnel de maison à temps plein. L'article montre que, dans cette forme de domesticité, employeur·es et employé·es s'arrangent avec le droit pour établir elles et eux-mêmes les rapports de travail : le droit n'est pas absent de leurs relations, mais ses usages sont à leur entière discrétion, laissant une place réduite aux cadres légaux du travail et à sa régulation extérieure.
      Long excluded from labor law, paid domestic work in the home—a non-prestigious activity often performed by vulnerable labor market groups—has regularly been described as work at the margins of employment and subject to exploitation. Over the last several decades, international and national legal frameworks have been defined across the world to regulate this type of work and protect the workforce. But what becomes of those laws in homes where domestic employees work? Focusing on the case of France, where the personal services sector is structured around collective accords and the institutions implicated in formalizing domestic work, this article probes the role that law plays in constructing employer-employee relations. Specifically, the research focuses on domestic work in the homes of wealthy people who employ full-time domestic personnel. It is shown that in this form of domestic labor, employers and employees find their way around the law and establish their own work relations: the law is not absent from them, but its usages are entirely up to them, a situation that reduces the role of official labor law frameworks and the external regulation they provide.
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