Contenu du sommaire : Centenaire de la promulgation du Traité de Versailles (1920-2020)
Revue | Revue de l'OFCE (Observations et diagnostics économiques) |
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Numéro | no 171, janvier 2021 |
Titre du numéro | Centenaire de la promulgation du Traité de Versailles (1920-2020) |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
- Avant-propos - Xavier Ragot p. 5-6
- Centenaire de la promulgation du Traité de Versailles (1920-2020) : Regards croisés entre historiens et économistes sur les conséquences de la paix - Antoine Parent, Vincent Touzé p. 7-12
Partie 1. La recherche de la paix
- Juin 1919, l'Allemagne face au Traité de Versailles : La tentation de la résistance à l'Est - Pierre-Yves Hénin p. 15-35 Les six semaines, s'écoulant de la notification des conditions alliées le 7 mai 1919 à leur acceptation in extremis le 28 juin ont vu les autorités allemandes s'indigner, se déchirer, hésiter, pour finalement se résigner en écartant le rêve romantique d'une résistance sur les terres de l'Est, terreau et refuge du nationalisme germanique et de sa tradition militariste. Cet article rend compte du projet mort-né d'un Oststaat – un État indépendant des marches de l'Est qui aurait échappé aux contraintes alliées.Formulé par des responsables politiques locaux en décembre 1918, ce projet reçoit le soutien du ministre prussien de la Guerre, Walther Reinhardt, et de divers généraux prestigieux. Il cristallise les velléités de résistance dans les semaines dramatiques de juin quand s'impose l'exigence d'une réponse aux Alliés. Dépassés par l'enjeu, les politiques s'en remettent aux militaires. Comme en Novembre 1918, il revient au Quartier-maître général, Wilhelm Groener, de porter la responsabilité – et l'opprobre – d'une décision inévitable qui devait sonner le glas du projet d'Oststaat.From the notification of the Allied conditions on 7 May 1919 to their acceptance in extremis on 28 June, the German authorities were first indignant, torn, hesitant, and then resigned, as they dismissed the romantic dream of resistance in the districts of the East, the breeding ground and refuge of German nationalism and its militaristic tradition. This article copes with the stillborn project of an Oststaat – an independent state of the Eastern Marches that would have evaded Allied constraints.Formulated by local politicians in December 1918, this project received support from the Prussian War Minister Walther Reinhardt and several prestigious generals. It crystallized the temptation of resistance during the dramatic weeks of June. Overwhelmed by what was at stake, the politicians turned to the military. As in November 1918, the Quartermaster General, Wilhelm Groener, had to bear the responsibility – and the opprobrium – for an inevitable decision that was to sound the death knell of the Oststaat project.
- L'interdiction de l'"Anschluss" dans les traités de paix de 1919 : Aspects économiques d'une question politique - Marie-Bénédicte Vincent p. 37-63 Dans sa proclamation du 12 novembre 1918, l'Assemblée nationale provisoire de « l'Autriche allemande » (Deutschösterreich) se proclame « République démocratique » (article 1) et « composante de la République allemande » (article 2). Dès sa naissance, la question de l'Anschluss, c'est-à-dire l'union sous une forme à déterminer avec l'Allemagne, est à l'agenda de la « petite » Autriche, née à l'issue de la Première Guerre mondiale à côté des autres États successeurs de la double monarchie. Des négociations sont menées avec l'Allemagne fin février 1919 en vue d'accélérer le processus. Mais l'Anschluss fait l'objet d'une double interdiction dans le Traité de Versailles du 28 juin 1919 (article 80) et dans le Traité de Saint-Germain du 10 septembre 1919 (article 88). En insistant sur la situation économique et sociale de l'Autriche à l'issue de la Première Guerre mondiale, cet article veut montrer d'une part que l'Anschluss est surtout à cette date une demande émanant de l'Autriche allemande en plein chaos et d'autre part que les aspects économiques jouent un grand rôle non seulement dans les discussions avec l'Allemagne, mais aussi à la Conférence de la Paix, qui s'ouvre à Paris en janvier 1919 : l'Autriche est en effet contrainte dès fin 1918 de demander une aide alimentaire aux États-Unis et à l'Entente, ce qui la place dans une position de dépendance vis-à-vis des vainqueurs de la guerre.In its proclamation of 12 November 1918, the Provisional National Assembly of "German Austria" (Deutschösterreich) proclaimed itself a "Democratic Republic" (Article 1) and a "component of the German Republic" (Article 2). From its birth, the question of the Anschluss, i.e. union with Germany in a form to be determined, was on the agenda of the "little" Austria born at the end of the First World War alongside the other successor states of the “Dual Monarchy”. Negotiations were held with Germany at the end of February 1919 in order to speed up the process. But the Anschluss suffered a double prohibition: in the Treaty of Versailles of 28 June 1919 (Article 80) and in the Treaty of Saint-Germain of 10 September 1919 (Article 88). By highlighting the economic and social situation of Austria at the end of the First World War, this article wants to show on the one hand that the Anschluss was at that time above all a demand emanating from a German Austria that was in the midst of chaos, and on the other hand that economic issues played a key role not only in the discussions with Germany, but also at the Peace Conference that opened in Paris in January 1919: Austria was forced to ask the United States and the Entente for food aid at the end of 1918, which placed it in a position of dependence on the victors of the war.
- Juin 1919, l'Allemagne face au Traité de Versailles : La tentation de la résistance à l'Est - Pierre-Yves Hénin p. 15-35
Partie 2. Péguy et Keynes
- "Économie de la transmission" : Péguy après Walras - Michele Bee p. 67-107 La mort de Charles Péguy pendant la Première Guerre mondiale mit fin à son œuvre ainsi qu'à l'entreprise des Cahiers de la Quinzaine. Cet espace de liberté intellectuelle n'a pas été le fruit du sacrifice d'un esprit étranger aux questions économiques mais le résultat d'une gestion profondément attentive à la réalité économique. Une attention que Péguy a manifestée depuis son tout premier article, ouvrant ainsi en tant que jeune normalien un dialogue avec l'un des initiateurs reconnus de l'économie mathématique, Léon Walras. La correspondance épistolaire entre ces deux penseurs montre l'intérêt que chacun porte aux idées de l'autre ainsi que la distance qui les sépare. Si Péguy n'est pas en soi opposé à l'application des mathématiques en économie, il critique la façon dont elles affectent la théorie de Walras en ne lui permettant pas de prendre en compte l'hétérogénéité des phénomènes économiques. Ce qui signifie, pour Péguy, de ne pas pouvoir considérer dès le début que tout acteur économique subit ou transmet inévitablement des pressions sociales. Or, cette prise en compte de l'économie de la transmission permettrait en retour d'évaluer une organisation non pas tant sur la base de sa forme juridique que sur sa capacité à absorber de telles pressions. De ce point de vue, les Cahiers de la Quinzaine n'apparaissent plus comme une entreprise éditoriale plombée par un équilibre financier précaire, qui a consumé la vie de son fondateur. Ils illustrent plutôt ce que Péguy n'a jamais cessé d'indiquer à ses lecteurs : la tentative de proposer une alternative à l'entreprise typiquement capitaliste ainsi qu'à toute forme d'étatisme. Une alternative à laquelle il aurait pu continuer à travailler pratiquement et théoriquement s'il était revenu du champ de bataille.The death of Charles Péguy during the First World War put an end to his work as well as to the enterprise of the Cahiers de la Quinzaine. This space for intellectual freedom was not the fruit of a sacrifice by some spirit alien to economic questions but rather the result of a management that was deeply attentive to economic reality – an attention that Péguy manifested from his very first article, when the young graduate of the Ecole Normale opened a dialogue with one of the recognized initiators of mathematical economics, Léon Walras. The letters that flowed between these two thinkers show the interest that each had in the ideas of the other, as well as the distance that separated them. While Péguy was not himself opposed to the application of mathematics in economics, he criticized the way in which it affected Walras's theory by blocking consideration of the heterogeneity of economic phenomena. For Péguy, this meant not being able to consider from the outset that every economic actor inevitably is subject to or transmits social pressures. This consideration of the transmission economy would in turn make it possible to evaluate an organization not so much based on its legal form as on its capacity to absorb such pressures. From this point of view, the Cahiers de la Quinzaine no longer appears as an editorial enterprise plagued by its precarious financial situation, which consumed the life of its founder. Rather, it illustrates what Péguy never ceased to convey to his readers: an effort to offer an alternative to the typical capitalist corporation as well as to any form of statism. An alternative he could have continued to work on practically and theoretically if he had returned from the battlefield.
- "Les conséquences économiques de la paix" de Keynes (1919) : Faut-il désacraliser l'idole ? - Antoine Parent, Gilles Vergnon p. 109-132 Keynes est-il le chantre de la paix si unanimement loué pour la clairvoyance de son propos, la justesse de son analyse, l'impartialité de son jugement ? Keynes a-t-il vu juste avant tous les autres en faisant du Traité de Versailles le terreau du nazisme ? Nous portons sur le texte de Keynes un double regard critique : un regard actuel pour revenir sur le « jugement de l'histoire » et discuter de la clairvoyance de Keynes dans la première partie de notre article ; un regard alimenté par les réactions de l'époque, dans la seconde partie de l'article, où nous analysons la réception de l'ouvrage de Keynes à sa sortie en France. Cette seconde partie peut se comprendre comme une forme de « test de robustesse », dans le contexte de l'époque, de notre analyse critique du texte de Keynes de la première partie. En effet, nous revisitons la lecture canonique et angélique de l'œuvre et la confrontons, notamment, à une lecture tombée dans l'oubli, celle d'Etienne Mantoux, qui soulignait en 1946 les apories et dangers du texte de Keynes (1919). Keynes fait-il dans The Economic Consequences of Peace (ECP, 1919) une lecture prémonitoire du nazisme ou son texte a-t-il servi à l'Allemagne de prétexte pour ne pas payer le montant des réparations ? Keynes (1919) est-il le chantre du pacifisme ou l'inspirateur de l'appeasement et du défaitisme qui facilita le réarmement de l'Allemagne nazie dans l'entre-deux-guerres ? Qu'est-ce qui fait la postérité d'une œuvre ? Telles sont les questions soulevées par notre article à la lecture d'ECP (1919). L'instrumentalisation d'un texte, la question du déni restent encore aujourd'hui des défis majeurs pour les chercheurs travaillant sur les legs de l'histoire.Is Keynes the champion of peace so unanimously praised for the clarity of his vision, the accuracy of his analysis, the impartiality of his judgment? Was Keynes right before everyone else in making the Treaty of Versailles the breeding ground for Nazism? In the first part of the article, we look at Keynes's text from a double critical perspective: a contemporary perspective, in order to revisit the “judgment of history” and to discuss Keynes's clear-sightedness; and a perspective informed by the reactions of the time, in the second part of the article, where we analyze the reception of Keynes's work when it was published in France. This second part can be understood as a form of “robustness check”, in the context of the time, of the criticisms addressed at Keynes's work in the light of today's perspective. Indeed, we revisit the canonical and angelic reading of the work and confront it, in particular, with a reading that has fallen into oblivion, that of Etienne Mantoux, who in 1946 underlined the aporias and dangers of Keynes's text (1919). In ECP (1919), did Keynes make a premonitory reading of Nazism, or did the work serve as a pretext for Germany not to pay reparations? Was Keynes (1919) the champion of pacifism or the inspirer of the appeasement and defeatism that facilitated the rearmament of Nazi Germany between the two wars? What makes the posterity of a work? These are the questions raised by our article when reading ECP (1919). Making use of a text and the issue of denial remain two major challenges that researchers still confront today when working on the legacy of history.
- "Économie de la transmission" : Péguy après Walras - Michele Bee p. 67-107
Partie 3. Violence de guerre, violence de paix
- Les fusillés de la Grande Guerre sont-ils morts au nom de leurs idées pacifistes ? : Une approche quantitative - Olivier Guillot, Antoine Parent p. 135-159 Cet article explore la question des exécutions de soldats français durant la Grande Guerre dans une perspective quantitative. À partir de la base de données des Fusillés de la Première Guerre mondiale du Ministère de la Défense, nous décrivons tout d'abord les caractéristiques de ces soldats ayant été condamnés à mort par un conseil de guerre ou exécutés sommairement, et examinons si leur profil a évolué au cours des années de guerre. Ce portrait statistique est ensuite complété par deux analyses menées à l'aide de modèles de régression. La première se focalise sur la répartition temporelle des exécutions. Nous cherchons notamment à déterminer si les variations du nombre d'exécutions d'un mois à l'autre sont liées aux variations de l'intensité des engagements. La seconde analyse vise à expliquer les différences entre départements dans la proportion de soldats exécutés. Deux constats principaux ressortent de notre étude. Tout d'abord, le profil des soldats fusillés en 1914 était assez différent de celui des soldats ayant été exécutés les années suivantes : il s'agissait plus souvent de cultivateurs, servant dans l'infanterie, sans antécédents judiciaires. En revanche, les fusillés de 1917, l'année des mutineries, ne se distinguaient guère, de par leurs caractéristiques, de ceux de 1916. En second lieu, les résultats de nos régressions suggèrent que la grande majorité des soldats exécutés étaient des « poilus » comme les autres qui se sont retrouvés face à un peloton d'exécution pour avoir commis une faute dans un moment de faiblesse, souvent après avoir pris part à`np pagenum="136"/b des combats particulièrement violents. Leurs actes étaient probablement, dans la plupart des cas, davantage motivés par l'instinct de survie que par des idées pacifistes ou autres considérations politiques.This article explores the issue of the executions of French soldiers during the Great War from a quantitative perspective. Using the Ministry of Defense's database of the “Fusillés de la Première Guerre mondiale”, we first describe the characteristics of these soldiers who were sentenced to death by a council of war or summarily executed, and examine whether the profile of the executed changed over the war years. This statistical portrait is then completed by two analyses conducted with the help of regression models. The first focuses on the temporal distribution of executions. In particular, we seek to determine whether variations in the number of executions from one month to the next are related to variations in the intensity of the fighting. The second analysis seeks to explain differences between French départements in the proportion of soldiers executed. Two main findings emerge from our study. First, the profile of the soldiers shot in 1914 was quite different from that of the soldiers who were executed in the following years: they were more often farmers, serving in the infantry, with no criminal record. On the other hand, the soldiers shot in 1917, a year of mutinies, did not differ much in their characteristics from those shot in 1916. Second, the results of our regressions suggest that the vast majority of the executed soldiers were "poilus" [“grunts”] like others who found themselves facing a firing squad for having committed a fault in a moment of weakness, often after having taken part in particularly violent fighting. Their actions were probably, in most cases, motivated more by the instinct of survival than by pacifist ideas or other political considerations.
- Violence de guerre et crimes de droit commun en France : Un chantier à ouvrir ? - Gilles Vergnon p. 161-172 Si la France ne connaît pas, à la différence de l'Allemagne, de l'Italie ou de l'Irlande, de troubles politiques et sociaux majeurs impliquant d'anciens soldats démobilisés, l'étude de l'éventuelle reconversion de la violence guerrière en violence « privée » reste largement à explorer. Cet article entend contribuer à ce chantier en cours à partir d'exemples et de données statistiques issues de bases de données judiciaires.If, unlike Germany, Italy or Ireland, France has not known major political and social unrest involving former demobilized soldiers, i.e. the study of possible reconversion of war violence into “private” violence, much nevertheless remains to be explored. This article intends to contribute to this ongoing project, based on examples and statistical data from judicial databases.
- Les fusillés de la Grande Guerre sont-ils morts au nom de leurs idées pacifistes ? : Une approche quantitative - Olivier Guillot, Antoine Parent p. 135-159
Partie 4. La reconstruction
- Le tournant mal négocié de la reconstruction agricole en France après la Première Guerre mondiale (1920-1939) - Thierry Pouch p. 175-198 Au lendemain de la signature du Traité de Versailles, la question de la disponibilité en biens alimentaires se pose en France avec une certaine acuité. L'économie française est en effet sortie très affectée par le conflit militaire mondial et les pouvoirs publics s'interrogent sur la capacité de l'agriculture nationale à répondre aux besoins alimentaires d'une population dont une fraction, majoritairement paysanne, a été envoyée sur le front. De plus, le territoire national a été amputé de plusieurs millions d'hectares de terre cultivables durant le conflit. Outre ce questionnement sur la capacité à produire des denrées agricoles et alimentaires, c'est la vision du devenir du secteur agricole comme levier du redressement national, qui suppose un effort de modernisation des structures de production, qui fait débat entre les deux guerres mondiales. L'article revient sur cette double dimension et montre que les gouvernements successifs, jusqu'à l'avènement du Front populaire, ont échoué à instaurer une dynamique de modernisation de l'agriculture française, faute d'avoir défini une politique agricole active.In the aftermath of the signing of the Treaty of Versailles, the question of the availability of foodstuffs was posed in France with some acuteness. The French economy had been hit severely by the global military conflict, and the public authorities were wondering about the capacity of the country's agriculture to meet the food needs of a population, a fraction of whom, mostly farmers, had been sent to the front. Furthermore, several million hectares of arable land were taken from the national territory during the conflict. In addition to questions about the capacity to produce agricultural and food products, it was the vision of the agricultural sector's future as a lever for national recovery, which implied an effort to modernize production structures, that was the subject of debate between the two world wars. The article revisits this dual dimension and shows that, until the advent of the Popular Front, successive governments failed to establish a modernizing dynamic for French agriculture, due to a lack of having defined an active agricultural policy.
- La refondation de l'industrie chimique française de l'azote au lendemain du Traité de Versailles à travers le parcours de l'un de ses protagonistes : Georges Patart (X 1889) - Frédéric Gannon p. 199-238 Cet article retrace de manière succincte la phase de refondation de l'industrie française de l'ammoniac de synthèse depuis le Traité de Versailles jusqu'au vote de la loi du 11 avril 1924 instituant l'Office National Industriel de l'Azote (ONIA), ouvrant la voie à la construction de l'usine de Toulouse sur une période de quatre années. La première production d'ammoniaque sortit exactement trois ans plus tard. Si l'article 297 du Traité stipulait que l'Allemagne devait concéder ses brevets aux Alliés, il apparut très vite que cette condition nécessaire n'était pas suffisante et qu'il fallait négocier avec les dirigeants de la société BASF, détentrice du brevet Haber-Bosch de fabrication synthétique de l'ammoniaque, pour le transfert effectif des procédés, pratiques complexes de cette fabrication. En outre, les débats qui opposèrent à la fois les chimistes, les dirigeants des principales entreprises chimiques privées et l'État français retardèrent la refondation initialement espérée à la fin du conflit d'une industrie qui accusait un retard important relativement à son homologue allemande qui de son côté se cartellisait, s'unissait et se développait. Dans cette description s'appuyant sur une littérature abondante, une place particulière est accordée à l'un des protagonistes de cet épisode de la reconstruction de l'appareil de production national, Georges Patart (X 1889), inspecteur général du Service des poudres et explosifs et chimiste, inventeur de la synthèse du méthanol, qui défendit très tôt le procédé Haber-Bosch et parvint à l'imposer comme choix national.This article briefly traces the phase of the overhaul of the French synthetic ammonia industry from the Treaty of Versailles to the approval of the law of 11 April 1924 establishing the country's national industrial nitrogen office (ONIA), paving the way for the construction of the Toulouse plant over a period of four years. The first yield of ammonia was produced exactly three years later. Although Article 297 of the Treaty stipulated that Germany had to grant its patents to the Allies, it soon became clear that this necessary condition was not sufficient and that negotiations had to be held with the directors of BASF, the holder of the Haber-Bosch patent for the synthetic manufacture of ammonia, for the effective transfer of the complex practical processes involved in its manufacture. In addition, the debates between chemists, the heads of the main private chemical companies and the French government at war's end delayed the initially hoped-for overhaul of an industry that was lagging far behind its German counterpart, which was cartelizing, uniting and developing. In this description, based on an abundant literature, special mention is made of one of the protagonists of this episode in the reconstruction of the national production infrastructure, Georges Patart (X 1889), Inspector General of the government department in charge of explosives and a chemist who invented methanol synthesis, who very early on defended the Haber-Bosch process and succeeded in imposing it as the national choice.
- De la Grande Guerre à la National Recovery Administration (1917-1935) : Les arguments en faveur d'une concurrence régulée dans les États-Unis de l'entre-deux-guerres - Thierry Kirat, Frédéric Marty p. 239-275 L'expérience de l'économie de guerre a renforcé aux États-Unis l'influence d'arguments en faveur d'une concurrence organisée. Étendant les prescriptions du management scientifique des firmes à l'ensemble de l'économie, cette approche visait leur coordination par des échanges d'informations. Cette dernière était vue à la fois comme une nécessité en termes d'efficacité économique et de réponse aux fluctuations cycliques. Une telle perspective conduisait à réduire drastiquement la portée des règles de concurrence. Cependant, des propositions faites lors de la crise de 1929 conduisirent à reproduire en temps de paix l'expérience de l'économie de guerre au risque de mener l'économie américaine à une cartellisation sous l'égide de l'État fédéral. Elles furent rejetées par le Président Hoover pourtant défenseur dans les années 1920 d'un modèle de concurrence régulée. Ces projets furent paradoxalement repris par le Président Roosevelt dans le cadre du premier New Deal. Cet article traite des arguments qui furent avancés pour s'abstraire des règles de concurrence et explique pourquoi l'administration démocrate décida finalement de revenir à une activation résolue du Sherman Act.The experience of the war economy in the United States has reinforced the influence of arguments in favour of managed competition. Extending the claims of scientific management to the economy as a whole, this approach aimed at the coordination of firms through the exchange of information, which was seen as a necessity in terms of both economic efficiency and responses to cyclical fluctuations. Such a prospect led to a drastic reduction in the application of competition rules. However, the proposals that emerged during the 1929 crisis, which led to the reproduction in peacetime of the war economy experience at the risk of leading the American economy to cartelization under the umbrella of the federal state, were rejected by President Hoover, despite his defence in the 1920s of a model of regulated competition. Paradoxically, President Roosevelt resumed these projects within the framework of the First New Deal. This article deals with the arguments that were put forward to evade the competition rules and explains why the Democratic administration finally decided to return to a strict voluntary enforcement of the Sherman Act.
- Le tournant mal négocié de la reconstruction agricole en France après la Première Guerre mondiale (1920-1939) - Thierry Pouch p. 175-198
Partie 5. Les réparations en question
- « L'Allemagne paiera » (1918-1932) : Chronologie d'un échec et essai d'analyse cliométrique contrefactuelle de l'impact générationnel des réparations allemandes - Vincent Touzé p. 279-310 Les réparations allemandes destinées aux pays vainqueurs de la Première Guerre mondiale constituent une brève histoire qui s'étend de 1918 à 1932. Bien que courte, cette période est intense en événements politiques et économiques qui vont faire du Traité de Versailles un échec, ou tout du moins, un armistice prolongé jusqu'au retour des premières hostilités de 1939. Cet article essaie de comprendre comment la résolution du choc de réallocation d'actifs/passifs provoqué par la Première Guerre mondiale – les Alliés se sont fortement endettés auprès des Américains ; l'Allemagne doit s'acquitter d'une lourde obligation de réparations – a animé la période de l'entre-deux-guerres. L'article revient sur les attentes politiques et économiques au moment de la rédaction du traité de paix. Il montre également comment la question du paiement des réparations a été liée à celle du règlement des dettes interalliées conduisant à des stratégies non coordonnées et finalement à l'abandon des créances. Enfin, est développée dans cet article, de façon inédite, une analyse cliométrique contrefactuelle à l'aide d'un modèle simple de finances publiques intertemporelles qui donne une mesure du besoin budgétaire et de l'impact intergénérationnel qu'aurait pu avoir le paiement des réparations s'il avait été intégralement honoré.German reparations to the victorious countries constitute a brief history that stretches from 1918 to 1932. Although short, this period is intense in political and economic events that were to make the Treaty of Versailles a failure, or at least a prolonged armistice until the renewed outbreak of hostilities in 1939. This article attempts to understand how the resolution of the shock of the asset/liability reallocation brought about by the First World War – the Allies were heavily indebted to the Americans; Germany had to pay a heavy commitment of reparations – animated the interwar period. The article looks at the political and economic expectations at the time the peace treaty was drafted. It also shows how the question of the payment of reparations was linked to the settlement of inter-Allied debts, leading to uncoordinated strategies and ultimately to the abandonment of claims. Finally, this article develops a counterfactual cliometric analysis using a simple intertemporal public finance model that measures the budgetary needs and the intergenerational impact that the payment of reparations would have had if they had been paid in full.
- Responsabilité et réparations : Contexte historique de la rédaction du Traité de Versailles et opinion allemande sous la République de Weimar - Gerd Krumeich p. 311-325 Cet article évoque d'abord l'évolution du règlement des coûts de guerre et des réparations depuis les débuts du XIXe siècle. L'idée d'un « dédommagement » du vainqueur par le vaincu s'inséra dans les traités de paix vers la fin du XIXe siècle. La Convention de la Haye de 1907 amplifia même cette idée en y impliquant aussi des pertes subies par les civils du pays victorieux.Pendant la Grande Guerre, la situation évolua d'une façon significative. Les pays belligérants, concernés par d'énormes dépenses militaires de tous ordres, exigeaient, et ceci dès 1914, que le vaincu payerait « tout » et la catégorie de responsabilité morale fut introduite pour tenir convaincus les peuples de la justesse de leur propre cause. Ce fut une des raisons pour lesquelles la guerre dura aussi longtemps, tant on sut que la défaite signifierait aussi la ruine. Le Traité de Versailles fut le résultat de cette évolution des opinions et catégories économico-morales. Et ce fut aussi la raison majeure pour laquelle le vaincu – l'Allemagne en l'occurrence – protesta aussi vivement, les questions d'ordre financier et moral étant intrinsèquement mélangées.Il s'ensuivit que la question des réparations fut et resta envenimée par le paradigme de la « responsabilité ». Le meilleur exemple en est la campagne nationaliste contre le Plan Young de 1929, dont les droites allemandes profitèrent pour enfin arriver à un rassemblement qui servit surtout le mouvement hitlérien.En fin de compte, Hitler fut acclamé, même par ses adversaires, quand il retira, dès 1934, la signature allemande de l'article 231 du Traité, « l'article de la honte ».This article begins with a discussion of the evolution of the settlement of war costs and reparations since the early nineteenth century. The idea of "compensation" for the victor by the vanquished was included in peace treaties towards the end of the nineteenth century. The Hague Convention of 1907 even amplified this idea by including losses suffered by civilians in the victorious country.During the Great War, the situation changed significantly. The belligerent countries, concerned with enormous military expenses of all kinds, demanded, as early as 1914, that the vanquished should pay "everything", and the category of moral responsibility was introduced to convince the people of the justness of their own cause. This was one of the reasons why the war lasted as long as it did, as it was known that defeat would also mean ruin. The Treaty of Versailles was the result of this development of opinion and of economic and moral categories. And this was also the main reason why the vanquished – Germany in this case – protested so strongly, as financial and moral issues were intrinsically mixed.As a result, the issue of reparations was and remained envenomed by the paradigm of "responsibility”. The best example of this was the nationalist campaign against the Young Plan of 1929, which German right-wingers took advantage of in order to finally consolidate a rallying point that served the Hitler movement above all.In the end, Hitler was acclaimed, even by his adversaries, when in 1934 he withdrew Germany's signature from Article 231 of the Treaty, the "article of shame".
- « L'Allemagne paiera » (1918-1932) : Chronologie d'un échec et essai d'analyse cliométrique contrefactuelle de l'impact générationnel des réparations allemandes - Vincent Touzé p. 279-310
- Regard cliométrique sur les conditions d'une paix réussie - Antoine Parent, Vincent Touzé p. 327-329