Contenu du sommaire : Relire l'indigénisme aujourd'hui. Sources, pratiques, acteurs

Revue Cahiers des Amériques Latines Mir@bel
Numéro no 95, 2020
Titre du numéro Relire l'indigénisme aujourd'hui. Sources, pratiques, acteurs
Texte intégral en ligne Accessible sur l'internet
  • Chronique

  • Dossier. Relire l'indigénisme aujourd'hui. Sources, pratiques, acteurs

    • Introductions
    • Crítica de la autoridad indigenista. Actores y significados del indigenismo interamericano (1940-1970) - Laura Giraudo p. 43-68 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Quatre-vingts ans après la célébration du premier Congrès indigéniste interaméricain (Pátzcuaro, 1940), cet article aborde les différentes visions de l'indigénisme interaméricain dans la période 1940-1970. Trois phases différentes ont été identifiées, suite à l'analyse des sources produites par les acteurs eux-mêmes et par certains observateurs externes. Nous montrons comment, dans chacune de ces phases, une certaine image de l'indigénisme s'est forgée, en fonction de la situation historique et des pratiques des acteurs. Nous soulignons également que certaines de ces visions autoréférentielles ont été assumées comme des vérités, au lieu d'être soumises à l'analyse critique indispensable à l'interprétation historique. En s'éloignant de ce récit, l'article propose un exercice méthodologique de critique de l'autorité indigéniste, dans le but d'avancer dans l'interprétation de la réalité historique et du sens de l'indigénisme interaméricain.
      On the eighty anniversary of the First Inter American Conference on Indian Life (Pátzcuaro, 1940), this articles sheds light on the inter-American indigenismo and its different images. By examining the notion of indigenismo as developed by its key actors and some external observers, three different phases are revealed during the period 1940-1970. The analysis shows how each phase shaped a given idea of indigenismo, according to the historical context and the specific purposes of its protagonists. Instead of being subjected to an imperative critical analysis, some of these self-referential images were instead considered as an undeniable fact. Far from that conventional narrative on indigenismo, this work offers a critical analysis of the indigenista authority, in order to improve an informed interpretation of the historical reality and meanings of the inter-American indigenismo.
    • El indigenismo de los indígenas. Historia de una “nebulosa autóctona” (México, décadas de 1940-1950) - Romain Robinet p. 69-98 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Cet article analyse la formation d'une « nébuleuse autochtone » dans le Mexique postrévolutionnaire des années 1940 et 1950, laquelle se structure en lien étroit avec le dispositif indigéniste. Formée par des hommes politiques et des intellectuels indiens comme Genaro V. Vásquez et Juan Luna Cárdenas, des organisations aborigènes comme la Confédération nationale des jeunes indigènes (CNJI, 1946) et, de manière plus éloignée, par des communautés rurales, cette vaste sphère sociale était unie par un seul et même objectif : celui d'indianiser l'indigénisme, aussi bien sur un plan pratique, en cherchant à contrôler les politiques menées par la Direction générale des affaires indigènes (DGAI) ou par l'Institut national indigéniste (INI), que sur un plan symbolique, en forgeant une culture politique indienne, articulée à la culture révolutionnaire mexicaine. Cet article montre les liens qui ont uni les différents acteurs de cette « nébuleuse autochtone » et permet d'observer les reformulations stratégiques de l'altérité indigène face à la formation de l'indigénisme au Mexique.
      This work analyzes the conformation of an ‘autochthonous nebula' in postrevolutionary Mexico (1940s-1950s) which structured in close connection with the indigenist device. Formed by Indian politicians and intellectuals like Genaro V. Vásquez and Juan Luna Cárdenas, aborigine organizations such as the National Confederation of Indigenous Youth (CNJI, 1946) and in a more distant way by rural communities, this vast social sphere had one specific goal: to indianize indigenismo, that is to say to control, in practical terms, the policies implemented by the General Directorate of Indigenous Affairs (DGAI) or by the National Indigenist Institute (INI), and in symbolical terms, to forge an Indian political culture articulated to the Mexican revolutionary culture. This article sheds light on the links that united the different actors of this ‘autochthonous nebula' and helps to understand the strategic transformations of indigenous alterity facing indigenismo in Mexico.
    • Désarticuler l'indigénisme officiel. Regards sur l'Institut national indigéniste (1940-1960) - Paula López Caballero p. 99-121 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Le terrain comme un lieu productif pour l'analyse historique est rarement interrogé, malgré sa centralité, autant pour la discipline anthropologique que pour la mise en place des politiques indigénistes. Dans cet article, j'explore un ensemble de cahiers de terrain ethnographiques élaborés pour l'Institut national indigéniste entre 1948 et 1960 dans différentes régions du Mexique. Sur la base de ce corpus, « à ras de terre », sur le terrain, il est possible de reconstruire une histoire de l'indigénisme et de l'anthropologie qui, au lieu d'examiner leurs doctrines, programmes ou résultats, fasse lumière sur les mécanismes, les acteurs et les contradictions ayant conditionné la reproduction de ce projet institutionnel. Ce regard « capillaire » sur l'institution permet de problématiser ce que j'appelle l'« archive indigéniste », c'est-à-dire le système de discursivités que cette institution a stabilisé au fil du temps. En disloquant ainsi les rhétoriques institutionnelles à partir du terrain, je prétends offrir, en dernière instance, une ethnographie de l'État.
      Despite its centrality for the discipline of anthropology and for the practice of indigenista policy, the ‘field' has rarely been interrogated as a productive site of historical analysis. In this article I explore a set of ethnographic fieldnotes produced for the Instituto Nacional Indigenista between 1948 and 1960 in different parts of Mexico. I show that these documents allow us to reconstruct another history of indigenismo and anthropology. One that does not start out from their doctrines, programs and outcomes, but rather focuses on the mechanisms, actors and contradictions that condition the construction and reproduction of this institutional project, but down at the bottom, in the field. This ‘capilary' gaze on the institution allows me to problematize what I call the ‘indigenista archive', that is, the system of discursivities that this institution was in the process of consolidating. Thus by using the field to disarticulate these institutional narratives, I intend to offer, in the last analysis, an ethnography of the State.
    • Les instituteurs bilingues dans les mobilisations autochtones du Nayarit (Mexique) - Daniele Inda p. 123-142 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      L'article vise à contribuer à la compréhension du rôle des instituteurs de langue amérindienne dans l'émergence des mouvements autochtones. Il montre que leur propension à l'engagement identitaire repose sur des dispositions intériorisées dans le cadre de leur socialisation professionnelle au sein des organismes publics indigénistes. L'émergence de ces mouvements s'inscrit ainsi dans la continuité des politiques indigénistes, plutôt qu'en rupture avec celles-ci.
      The article aims to contribute to the understanding the role of Amerindian teachers in the emergence of indigenous movements. It shows that their propensity for identity activism is based on dispositions acquired through their professional socialization within indigenist institutions. The emergence of these movements is thus a continuation of indigenist policies, rather than a break with them.
    • Desarticular el indigenismo oficial. Miradas al Instituto Nacional Indigenista (1940-1960) - Paula López Caballero accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Le terrain comme un lieu productif pour l'analyse historique est rarement interrogé, malgré sa centralité, autant pour la discipline anthropologique que pour la mise en place des politiques indigénistes. Dans cet article, j'explore un ensemble de cahiers de terrain ethnographiques élaborés pour l'Institut national indigéniste entre 1948 et 1960 dans différentes régions du Mexique. Sur la base de ce corpus, « à ras de terre », sur le terrain, il est possible de reconstruire une histoire de l'indigénisme et de l'anthropologie qui, au lieu d'examiner leurs doctrines, programmes ou résultats, fasse lumière sur les mécanismes, les acteurs et les contradictions ayant conditionné la reproduction de ce projet institutionnel. Ce regard « capillaire » sur l'institution permet de problématiser ce que j'appelle l'« archive indigéniste », c'est-à-dire le système de discursivités que cette institution a stabilisé au fil du temps. En disloquant ainsi les rhétoriques institutionnelles à partir du terrain, je prétends offrir, en dernière instance, une ethnographie de l'État.
      Despite its centrality for the discipline of anthropology and for the practice of indigenista policy, the ‘field' has rarely been interrogated as a productive site of historical analysis. In this article I explore a set of ethnographic fieldnotes produced for the Instituto Nacional Indigenista between 1948 and 1960 in different parts of Mexico. I show that these documents allow us to reconstruct another history of indigenismo and anthropology. One that does not start out from their doctrines, programs and outcomes, but rather focuses on the mechanisms, actors and contradictions that condition the construction and reproduction of this institutional project, but down at the bottom, in the field. This ‘capilary' gaze on the institution allows me to problematize what I call the ‘indigenista archive', that is, the system of discursivities that this institution was in the process of consolidating. Thus by using the field to disarticulate these institutional narratives, I intend to offer, in the last analysis, an ethnography of the State.
    • Un indigenismo indígena y extra estatal a mediados del siglo XX: el caso de Chile - Isidro Parraguez p. 143-164 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Cet article propose de réviser deux dimensions de l'indigénisme au Chili qui remettent en question certaines prémisses fondamentales des définitions classiques concernant l'indigénisme interaméricain. Premièrement, il s'agit d'affirmer la participation des indigènes en tant qu'acteurs et non plus uniquement comme récepteurs des politiques de l'indigénisme. Deuxièmement, nous mettons en lumière l'existence d'organisations indigénistes au-delà de l'appareil d'État. En ce faisant, nous soulignons l'importance des analyses et des réflexions sur ces espaces traditionnellement conçus comme des espaces « périphériques » au sein des études sur l'indigénisme interaméricain, afin de reconsidérer certains éléments que les notions d'indigénisme plus totalisantes ont eu tendance à rendre opaques.
      The present article reviews two dimensions of Chilean indigenismo that question some of the fundamental premises underlying the most classic definitions of inter-American indigenismo: the participation of indigenous people as actors and not mere recipients of indigenismo policies; and the existence of indigenous organizations not only within the state apparatus, but outside of it. This reveals how the study of and reflection around the more “peripheral” spaces in the field of inter-American indigenismo illuminate certain elements that the more totalizing notions of indigenismo have tended to obscure.
    • Del Indian New Deal al indigenismo interamericano: Moisés Sáenz y John Collier - David Robichaux p. 165-184 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Dans les années 1920, le nouvel État révolutionnaire mexicain a adopté pour sa population rurale – dans sa majorité, autochtone – des politiques éducatives inspirées par des éducateurs réformistes comme John Dewey. Ces politiques constituaient non seulement le foyer de ce que plus tard deviendrait la politique indigéniste, mais attiraient également l'attention des États-Unis. Cet article souligne l'influence exercée par Moisés Sáenz – l'un des architectes des politiques d'éducation rurale du Mexique – sur John Collier dans la formulation du « Indian New Deal » aux États-Unis, au début des années 1930. Dès leur première rencontre, ils ont abordé l'idée d'une organisation internationale dévouée au bien-être des Amérindiens. Grâce à leurs efforts, le congrès de Patzcuaro a eu lieu en 1940 et, l'année d'après, l'Institut indigéniste interaméricain a été créé. Cet article analyse quelques aspects des biographies de Collier et de Sáenz qui ont pu favoriser leur relation et comment ce dernier a réussi à être identifié à une politique dite « de pointe » dans certains milieux américains. Il conclut en mettant en avant une possible explication pour le distancement postérieur de ces deux hommes et pour la désignation de Manuel Gamio au poste de directeur de l'III.
      In the 1920s, the new Mexican revolutionary state adopted for its mainly Indian rural population educational policies influenced by reformist educators such as John Dewey. These policies were not only the seedbed of what would later be the country's indigenist policy, but also drew attention in the United States. This article highlights the influence exercised by Moisés Sáenz, one of the architects of Mexico's rural education policies, on John Collier in drawing up the Indian New Deal in the United States in the early 1930s. From their first meeting they discussed the idea of an international organization devoted to the wellbeing of the indigenous peoples of the Americas. Thanks to their efforts, in 1940 the Patzcuaro conference met and the following year the Inter-American Indian Institute was established. The article analyzes those aspects of the biographies of Collier and Sáenz that favored their relationship and how Sáenz came to be identified with a policy considered to be in the vanguard in U.S. circles. It concludes with a proposal to explain the subsequent distancing between the two and the appointment of Manuel Gamio to the post of director of the III.
    • Un indigénisme sans indiens ? L'Institut indigéniste interaméricain au prisme des organisations internationales - Élisabeth Cunin p. 185-206 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Au tournant des années 1940-1950, l'indigénisme latino-américain a joué un rôle central dans la réflexion des agences internationales sur l'élaboration de politiques différentialistes destinées aux populations indiennes. Luis Rodríguez-Piñero et Todd Shepard mettent alors en avant l'influence du Mexique sur l'OIT et l'Unesco, en particulier autour de la notion d'« intégration ». Sans remettre en cause une telle continuité, cet article insiste également sur les décalages, réinterprétations, incompréhensions entre l'Institut indigéniste interaméricain (III), l'OIT et l'Unesco. En s'appropriant les propositions de l'Institut, les agences internationales transforment les deux figures centrales de l'indigénisme (l'« indien » et l'« anthropologue ») en acteurs globalisés et relocalisables dans d'autres contextes (le « sous-développé » et l'« expert »). La question de la relation entre droits et différences, entre développement et discrimination, au cœur de l'indigénisme, demeure alors irrésolue.
      In the 1940s and 1950s, Latin American indigenism played a central role in the thinking of international agencies to elaborate policies for indigenous populations. Luis Rodríguez-Piñero y Todd Shepard have highlighted the influence of Mexico on ILO and UNESCO, particularly around the concept of “integration”. Without questioning such continuity, this article also insists on the discrepancies, reinterpretations, and misunderstandings between the Inter-American Indian Institute, ILO and UNESCO. By appropriating the proposals of the Inter-American Indian Institute, international agencies transform the two central figures of indigenism (the “indigenous” and the “anthropologist”) into globalized actors, relocatable in other contexts (the “underdeveloped” and the “expert”). The question of the relationship between rights and difference, between development and discrimination, at the heart of indigenism, remains unresolved.
    • Gobernar el Quenamitlan. Jacques Soustelle en Argelia (1955) - Christine Laurière p. 207-226 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      En février 1955, l'ethnologue mexicaniste et homme politique Jacques Soustelle a été nommé gouverneur général de l'Algérie pour un an, au tout début de la période qui allait devenir la guerre d'Algérie. Il a conçu et mis en place une série de réformes appelée le « plan Soustelle » qui s'inspirait en partie du modèle d'intégration mexicain et de l'indigénisme, tels qu'il les avait observés pendant ses séjours ethnographiques au Mexique, au début des années 1930. Après avoir rappelé les analyses formulées par Soustelle sur la politique indigéniste mexicaine, l'article revient sur quelques mesures emblématiques du plan Soustelle qui trouvent leur racine dans l'ingénierie sociale indigéniste.
      In February 1955, the mexicanist ethnologist and politician Jacques Soustelle was appointed Governor General of Algeria for one year, at the very beginning of the period that was to become the Algerian War. He designed and implemented a series of reforms called the “Soustelle Plan”, which were inspired in part by the Mexican model of integration and indigenism as he had observed during his ethnographic fieldwork in Mexico in the early 1930s. After recalling Soustelle's analyses of Mexican indigenist policy, the article reviews some of the emblematic measures of the Soustelle plan that are rooted in social engineering of the indigenist policy.
  • Étude

    • De la ville usine à la ville globale. Quand les chefs d'entreprise deviennent investisseurs (Monterrey, Mexique) - Leily Hassaine-Bau p. 229-250 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      À San Pedro Garza Garcia, l'une des municipalités les plus riches du Mexique, située dans l'Aire métropolitaine de Monterrey, les acteurs du marché mobilisent de nouveaux outils et de nouvelles sources de capitaux dans des projets urbains. Aux mains d'une grande famille, ces espaces sont urbanisés ou rénovés sous forme de nouveaux objets urbains : des complexes urbains multifonctionnels privés et partiellement fermés. Cet article révèle les stratégies des élites locales, depuis la décision d'intervenir dans un secteur à forte valeur immobilière jusqu'à la conduite de négociations avec les acteurs politiques locaux, en passant par la mobilisation d'outils financiers. Il s'agit d'analyser la transition du capitalisme industriel au capitalisme financier, en mettant en évidence que les changements de gouvernance urbaine apportent alors des réponses aux besoins des élites traditionnelles locales, faisant écho aux demandes des élites financières mondiales.
      In San Pedro Garza Garcia, one of the richest Mexican municipalities, market players are mobilizing new tools and new sources of capital in district-level projects. In the hands of a large family, these spaces are urbanized or renovated in the form of new urban objects: a private multifunctional urban complex.This article reveals the strategies of the local elites, from the decision to intervene in a sector with high real estate value, through the mobilization of financial tools, and the conduct of negotiations with local political actors. This work testifies the transition from industrial capitalism to financial capitalism, with changes in urban governance providing answers to the needs of local traditional elites echoing the demands of global financial elites.
  • Lectures