Contenu du sommaire : Les biens culturels
Revue |
Légipresse. Hors-séries Titre à cette date : Légicom : revue du droit de la communication des entreprises et de la communication publique |
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Numéro | no 36, 2006/2 |
Titre du numéro | Les biens culturels |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
- Introduction - Jean-Michel Bruguière p. 4-6
I - Le cadre général
- Le rapprochement des notions de bien et de produit culturel - Jean-Michel Bruguière p. 9-17 Notre système juridique se réfère de plus en plus souvent à la notion de produit en lieu et place de celle de bien. Tel est le cas en matière financière, de santé, d'assurance, de cinéma... Aussi ne doit-on pas envisager la même évolution pour les biens culturels. La jurisprudence européenne qualifie les œuvres d'art de « produits appréciables en argent », et la doctrine se réfère au concept de produit culturel. Reste à savoir si ces deux notions couvrent la même réalité ; si elles caractérisent un morceau de culture matérialisé par une œuvre. Il y a certes des raisons qui poussent au rapprochement entre les deux concepts, issues d'un double mouvement économique et juridique, de la même façon que certaines s'y opposent. La notion de produit renvoie avant tout aux meubles, laissant ainsi de côté les immeubles. Le concept induit également une commercialité en contradiction avec le régime des biens culturels. Si une telle assimilation ne semble pas opportune, la confusion permet finalement de mieux distinguer les contours de la catégorie des biens culturels. ■
- Libre-échange et diversité culturelle : de l'antagonisme à la conciliation ? - Jörg Gerkrath p. 21-33 La mondialisation de l'économie, la libéralisation des échanges, et la préservation et la promotion de la diversité des expressions culturelles sont des objectifs à atteindre par les États, maître de leur politique culturelle. L'expression culturelle se retrouve sous forme de biens, services et activités culturels dans le cadre d'accords commerciaux internationaux. Se dégage aujourd'hui l'idée qu'ils ont une double nature, économique et culturelle et qu'il convient d'en tenir compte. La multiplication d'instruments juridiques en faveur de la diversité culturelle témoigne de cette prise de conscience. C'est d'ailleurs la diversité culturelle qui a supplanté la notion d'exception culturelle à contenu purement économique. La question qui se pose alors est de savoir si la marchandisation de la culture sous l'effet des règles du marché et du libre échange est toujours d'actualité. Les États s'emploient désormais à promouvoir la diversité culturelle afin de lutter contre certains effets du libre échange. Cependant, seule l'expérience menée par l'Union européenne est encourageante, la Communauté internationale cherche encore la marche à suivre. ■
- La diversité culturelle à l'aune de la Convention de l'UNESCO sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles - Thierry Garcia, Annie Héritier p. 35-47 La diversité culturelle, consacrée par l'UNESCO comme patrimoine commun de l'humanité, s'inscrit dans le double cadre de la culture et de la mondialisation, deux notions aux contours flous. Elle constitue pour l'UNESCO une fin en soi, afin de ne pas réduire la culture à sa seule dimension commerciale. Le texte de l'UNESCO soutient la spécificité des biens et des services culturels « porteurs d'identité, de valeurs et de sens » ne pouvant donc être « considérés comme des marchandises ou des biens de consommation comme les autres ». Cependant de la réflexion des États membres perturbée par les avis dissidents des États-Unis, est née une Convention sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles. Il s'agit alors de protéger la diversité des expressions culturelles. Cette différence terminologique traduit l'édulcoration du contenu. Doit-on en conclure qu'il s'agit d'un texte assurant le triomphe de la culture, ou confortant la domination du commerce ? Reste que le débat houleux sur la diversité culturelle a donné naissance à un texte consensuel dont il convient de dresser les grandes lignes. ■
- Le rapprochement des notions de bien et de produit culturel - Jean-Michel Bruguière p. 9-17
II - Le régime
- La loi du 1er août 2003 : Vrai mécénat ou faux parrainage ? - Michèle Kotzarikian p. 51-58 La loi du 1er août 2003 relative au mécénat, aux associations et aux fondations a vocation à impliquer tous les acteurs de la société civile (particuliers, entreprises, associations, fondations) dans le mécénat et ceci n'est pas sans conséquences au regard de la distinction avec le parrainage. Alors que l'élément caractéristique du mécénat est le soutien financier dépourvu de toute contrepartie, les « cadeaux » fiscaux telles que les réductions d'impôt annihilent cette certitude. Ces mécanismes fiscaux constituent, en effet, de manière déguisée, une contrepartie non pas directe mais indirecte au mécénat. Ce propos rejoint ainsi la seule définition légale du mécénat à notre disposition en droit positif issue de l'arrêté du 6 janvier 1989 qui entend le mécanisme comme « le soutien matériel apporté, sans contrepartie directe de la part du bénéficiaire, à une œuvre ou à une personne pour l'exercice d'activités présentant un intérêt général », n'excluant pas les contreparties indirectes. C'est effectivement ce qui a été organisé pour l'acquisition de trésors nationaux par les entreprises, mais également pour l'acquisition d'œuvres d'artistes vivants. Cette confusion des genres doit être appréciée pour savoir si elle rend la culture accessible à tous ou si elle organise une culture élitiste... ■
- Menus propos autour de la responsabilité de l'expert d'œuvre d'art - Laurence Raison-Rebufat p. 59-62 Il y a autant d'experts que de domaines d'art, et tous ceux qui se penchent sur l'étude d'une œuvre d'art ou d'un artiste peuvent s'en dire experts. C'est pourquoi la dénomination d'expert a été réglementée par la loi du 10 juillet 2000. Cependant, elle tend à considérer que l'expert est le sachant, à savoir le technicien averti, et pourquoi pas le conservateur ou le vendeur professionnel... bref toutes les personnes pouvant se prononcer sur l'authenticité de l'œuvre. La jurisprudence abonde sur les règles de conduite imposées à l'expert qui devra effectuer toutes les recherches nécessaires, d'ordre technique, historique et autres, pour s'assurer de l'exactitude de ses informations sous peine d'engager sa responsabilité. Mais là encore les règles diffèrent selon la personne même de l'expert. Il convient d'ailleurs de s'interroger sur l'opportunité d'une jurisprudence sévère à l'égard de l'expert qui risque d'avoir l'effet pervers de faire de tout expert un sachant extrêmement prudent, rendant des avis ou prodiguant des conseils réservés. Cette attitude n'est pas adéquate avec la complexité de l'expertise d'œuvre d'art et remet en cause le marché de l'art... ■
- Domanialité publique et protection des biens culturels - Franck Biglione p. 65-74 La domanialité publique, entendue comme le régime juridique spécifique appliqué à certains biens, et le droit des biens culturels comportent indéniablement des caractéristiques communes. Ils établissent des modes dérogatoires d'exercice de la propriété destinés à protéger certains biens. Ils sont intégrés à la domanialité publique par une manifestation de volonté. Reste que la jurisprudence a classé certains biens culturels dans le domaine public, car ils sont la propriété de la personne publique, et affectés à l'utilité publique. Cette dernière condition est problématique en présence d'un bien meuble, car en quoi peut consister l'aménagement spécial d'une œuvre d'art. Par ailleurs, nombre de biens culturels relèvent de la propriété privée et échappent donc à toute appréhension par la domanialité publique. Aussi, la domanialité publique n'est-elle plus la seule technique de protection des biens d'un intérêt public particulier. Il convient de protéger les biens au regard de leur nature même et de leur intérêt social et non plus au regard de la personne propriétaire ou de son affectation. Il existe des régimes spécifiques adaptés à des catégories particulières de biens. ■
- La mise hors commerce des biens culturels comme mode de protection - Marie Cornu p. 75-89 Le droit du patrimoine influence à des degrés variables le régime juridique des biens culturels. L'indisponibilité juridique en est le principal attribut, qui désigne l'ensemble des techniques qui altèrent ou neutralisent la circulation juridique de certains biens distingués pour leur valeur d'art ou d'histoire, au premier rang desquels prend place le principe d'inaliénabilité. L'affectation du bien culturel à une institution ou à un patrimoine déterminé peut également remettre en cause sa circulation. Ces procédés ont pour point commun de mettre hors commerce des biens culturels. Ils permettent de travailler au rapprochement du statut des biens publics et privés. Cependant, la propriété publique demeure en l'état des textes, la plus performante. Sa posture dominante la met aussi en position de diffuser ses modèles, qui notamment déterminent le statut des biens culturels, comme éléments d'un patrimoine collectif. ■
- Quel droit moral pour l'œuvre d'art ? - Agnès Maffre-Baugé p. 91-100 La lecture de la doctrine, et de façon plus ténue de la jurisprudence, fait état d'un régime juridique singulier pour l'œuvre d'art. L'examen des prérogatives patrimoniales dont jouit l'auteur au travers du droit de suite ou d'exposition, confirme cette analyse. L'inaptitude naturelle de l'œuvre d'art à être exploitée comme les autres œuvres de l'esprit – du fait de son incorporation dans le support qui la matérialise – est corrigée par la reconnaissance de prérogatives spéciales, dont on ne sait pas si elles sont vraiment plus protectrices que celles dévolues aux œuvres relevant d'autres genres. C'est sous l'angle du droit moral qu'il convient de se rendre compte du traitement dont jouit l'œuvre d'art. Elle bénéficie d'un traitement de faveur lorsqu'il s'agit du droit à la paternité même si le raisonnement du juge n'est pas convainquant. En revanche, son régime est plus défavorable, à l'égard des droits de divulgation, au respect, de retrait et de repentir. Ce constat est ambiguë et finalement remet en cause ce droit moral dont le rôle est de défendre une exception culturelle en matière artistique. ■
- Marché de l'art : les enjeux économiques du droit de suite et du droit d'exposition - Nathalie Moureau p. 101-113 Le droit de suite et le droit d'exposition dont la mise en application est discutée en France depuis un arrêt de la Cour de cassation du 6 novembre 2002, sont des droits favorables aux auteurs mais qui paradoxalement ne produisent pas d'effets positifs sur le marché de l'art. En effet, le droit de suite a vocation à faire bénéficier l'artiste de l'augmentation ultérieure du prix des œuvres en cas de revente. Pourtant, la fluidité des échanges s'en trouve perturbée et des effets pervers se font sentir sur la création. En réalité, il va induire une baisse des prix sur la première vente des œuvres. La revendication d'un droit d'exposition est liée à l'évolution des pratiques artistiques avec la production d'œuvres monumentales ou éphémères plus difficilement commercialisables que le classique tableau. Le droit d'exposition est un droit de monstration qui suppose que l'on utilise l'œuvre en la regardant. Revendication légitime du point de vue des auteurs, l'application de ce droit suscite des réticences qui tiennent au gonflement des budgets d'exposition des structures contribuant à l'essor de la carrière de l'artiste. Dès lors il faut en tenir compte. ■
- Financer la création culturelle par l'instauration d'un domaine public payant : le renouveau contemporain d'une notion ancienne - Jocelyne Cayron, Alexis Albarian p. 117-131 La possibilité technique de télécharger rapidement toutes sortes d'œuvres a largement modifié le rapport à la culture et aux biens culturels, à tel point que l'on occulte en grande partie le caractère illicite des opérations au regard des droits d'auteur. En outre, les systèmes « libres de droits » ont fait évolué la nature et le rôle des droits d'auteur. Il est alors très audacieux de proposer d'instaurer un domaine public payant, alors même que les œuvres tombées dans le domaine public ont cessé, à l'expiration d'un certain délai, de donner prise à un droit patrimonial. Pourquoi rendre payant ce qui est considéré comme gratuit si ce n'est pour nourrir la dimension économique et sociale de la culture. Les revenus des œuvres tombées dans le domaine public et exploitées de façon commerciale pourraient servir de source de financement pour les jeunes créateurs ou venir en renfort de certaines politiques culturelles. Cela constitue une façon d'atteindre la rentabilité économique des œuvres, car le budget de la culture est un souci constant notamment des artistes travaillant dans le secteur du spectacle vivant. Aussi séduisant que ce système puisse paraître, de sérieuses difficultés militent contre son instauration. ■
- La commercialisation des biens culturels - Jean-Louis Respaud p. 133-140 La culture n'est pas une marchandise. Cependant, elle est divulguée au public par le marché et la commercialisation des biens culturels. Cette commercialisation repose d'une part, sur des techniques contractuelles spécifiques à la diffusion des biens culturels, notamment en ce qui concerne les livres et la musique. Tel est le cas de la vente par correspondance et de la vente à distance par clubs. D'autre part, cette commercialisation peut reposer sur des formes plus généralistes, à savoir la distribution organisée en réseau ou la grande distribution, techniques éprouvées dans le cadre du droit de la consommation. Parce qu'il s'agit de préserver l'aspect culturel au-delà du bien, ces techniques contractuelles ne sont pas dépourvues de certaines contraintes. Il en va ainsi de la fixation du prix du livre qui a pour objectif de préserver le livre en tant que bien culturel mais également de sauvegarder la distribution traditionnelle des ouvrages par les libraires face à la puissance parfois agressive de la grande distribution. L'information tarifaire de certains biens culturels est également tolère des exceptions pour les œuvres d'art et les objets de collection. ■
- Le DVD : un produit culturel au destin contrarié ? - Ariane Fusco-Vigne p. 141-152 Le DVD est devenu, depuis la fin des années 1990, le support incontournable de diffusion des œuvres cinématographiques puisque, aujourd'hui, 60 % des œuvres reproduites sur support DVD sont des films. Grâce à ces propriétés, le DVD apparaît comme le support multiculturel et multimédia par excellence. Il apporte un enrichissement indéniable à l'œuvre cinématographique principale et permet ainsi de satisfaire le désir assoiffé d'hyperconsommation du public. Les règles du droit d'auteur n'ont pas contrarié l'apparition de ce nouveau produit culturel. Si le DVD a en effet connu une irrésistible ascension sans embûche, devenant un véritable bien de consommation dès les années 1998, les ventes s'essoufflent depuis 2005. Cette baisse stigmatise-t-elle une crise de l'industrie culturelle ou doit-on concevoir que ce marché est arrivé à maturité ? Il faut peut-être considérer que cette baisse résulte de la progression du téléchargement illégal via Internet, qui serait aujourd'hui une vraie menace pour le DVD et l'économie du cinéma en général, ou de la mise en place d'une offre légale de Video on demand. Ces menaces ont poussé les professionnels à réagir en plaçant des systèmes anti-copie sur les DVD. Mais pourra-t-on éviter l'ébranlement de l'industrie du cinématographique ? ■
- La consommation de programmes audiovisuels - Karine Favro p. 153-164 Les programmes de télévision peuvent se ranger dans la catégorie des biens culturels si l'on admet qu'ils sont le miroir de notre perception de la société, et font appel à notre tradition culturelle. Cette qualification est intéressante et autorise que l'on porte un jugement sur la qualité desdits programmes. Il appartient en principe au téléspectateur, consommateur de programmes télévisés, de s'exprimer à ce sujet. Cependant, les éditeurs de programmes ne sont pas réceptifs à leurs exigences. Un rapport de force bien plus qu'un rapport de droit s'établit entre les téléspectateurs et les éditeurs de programmes. Les voies de droit demeurent impénétrables et le recours au CSA, bien trop aléatoire. Si l'on admet que le téléspectateur est un consommateur, certes particulier, ne peut-on pas alors envisager un recours au droit de la consommation plus protecteur des intérêt du récepteur que le droit de la communication. ■
- La loi du 1er août 2003 : Vrai mécénat ou faux parrainage ? - Michèle Kotzarikian p. 51-58