Contenu du sommaire : Perspectives sur la situation ouïghoure
Revue | Monde Chinois |
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Numéro | no 65, 2021/1 |
Titre du numéro | Perspectives sur la situation ouïghoure |
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- Éditorial. Perspectives sur la situation ouïghoure : témoignages, entretiens et traductions inédites - Vanessa Frangville p. 5-7
Dossier. Perspectives sur la situation ouïghoure : témoignages, entretiens et traductions inédites
- Génocide ouïghour : cheminement d'un projet colonial - Dilnur Reyhan p. 9-22 Le premier trimestre 2021, les parlements de sept pays occidentaux ont reconnu que la Chine mène un génocide contre les Ouïghours. Une résolution a été déposée avant l'été à l'Assemblée nationale en France dans ce sens. Que se passe-t-il entre l'État chinois et la population ouïghoure ? Pourquoi parle-t-on aujourd'hui de génocide ? Quel est le fond du conflit sino-ouïghour ? J'essaierai de répondre dans cet article à ces questions en expliquant le processus colonial mis progressivement en place qui s'est fortement aggravé au cours de ces dernières décennies et qu'on peut qualifier de développement totalitaire mariant parfaitement un système dictatorial de type « stalinien » et une économie capitaliste « sauvage » propre au régime chinois actuel. A partir de la théorie de « colonisation du peuplement » développée dans la dernière décennie, j'analyserai ici le cas de la Région ouïghoure afin de démontrer le processus du génocide en cours qui est le résultat d'un long projet colonial.In the first semester of 2021, the parliaments of seven Western countries recognized that China is carrying out genocide against the Uyghurs. A resolution was tabled before the summer in the National Assembly in France to this effect. What is going on between the Chinese state and the Uyghur people? Why are we talking about genocide today? What is the root of the Sino-Uyghur conflict? In this article, I will try to answer these questions by explaining the colonial process gradually put in place which has greatly worsened over the last decades and which can be described as totalitarian development perfectly combining a dictatorial system of the “Stalinist” type and a “savage” capitalist economy specific to the current Chinese regime. From the theory of “settler colonialism” developed over the last decade, I will analyze here the case of the Uyghur Region in order to demonstrate the process of the ongoing genocide which is the result of a long colonial project.
- « Les Ouïghours vivent dans la peur » : le témoignage d'Ilham Tohti - Ilham Tohti, Vanessa Frangville, Alexandre Algés p. 23-41 Cet article présente l'un des derniers entretiens avec Ilham Tohti, économiste ouïghour basé à Beijing, arrêté en 2014 pour subversion et séparatisme, et condamné à la prison à vie. Une première partie introductive présente son parcours et son combat pour résoudre les tensions entre les Ouïghours et l'État chinois. Une seconde partie est consacrée à la traduction en français, depuis le chinois, d'un entretien mené fin 2013 par le media Voice of America (VoA) sur la situation ouïghoure et l'escalade des violences, suite à un attentat à Beijing en octobre 2013 attribué à des Ouïghours. La traduction a été effectuée avec l'autorisation de la fille d'Ilham Tohti, Jewher Ilham, et de VoA.This article introduces one of the last interviews of Ilham Tohti, a Beijing-based Uyghur economist who was arrested in 2014, charged with subversion and separatism and given a life. The first part presents his trajectory and struggle to solve tensions between Uyghurs and Chinese authorities. The second part is the translation, from Chinese into French, of an interview with Voice of America (VoA) on the Uyghur situation and escalating violence following a terrorist attack in Beijing attributed to Uyghurs. The translation received permission from Ilham Tohti's daughter, Jewher Ilham, and from VoA.
- Le journalisme au pays des camps d'internement - Brice Pedroletti p. 42-53 Si la répression que subissent les Ouïghours du Xinjiang chinois est désormais connue, le travail journalistique sur place est rendu très difficile par la surveillance et l'intimidation constante des sources. Il n'en demeure pas moins essentiel dans l'effort collectif d'enquête qui a permis de mettre à jour l'entreprise d'internement massif de Ouïghours et de Kazakhs du Xinjiang menée par les autorités locales sous la direction de Pékin depuis 2016-2017. Cet effort d'enquête repose sur des chercheurs spécialistes de la Chine et/ou du Xinjiang travaillant sur des données chinoises, ainsi que sur des membres de la diaspora Ouïghoure grâce auxquels d'innombrables témoignages et cas individuels ont pu être étudiés et répertoriés.While the repression against the Uyghurs in Chinese Xinjiang is now well known, journalistic work in the region is made very difficult by the constant surveillance and intimidation of sources. It remains nonetheless essential for the collective investigative effort that has brought to light the enterprise of massive internment of Uyghurs and Kazakhs from Xinjiang carried out by local authorities under the leadership of Beijing since 2016-2017. This investigative effort relies on researchers specializing in China and / or Xinjiang working on Chinese data, as well as members of the Uyghur diaspora through whom countless testimonies and individual cases have been studied and documented.
- « Où est ma mère ? » : de l'anonymat à l'activisme international : Entretiens avec Akida Pulat et Halmurat H. Uyghur - Mukaddas Mijit, Akida Pulat, Halmurat H. Uyghur, Vanessa Frangville, H. B. p. 54-66 Cette partie est composée d'une brève présentation de l'activisme ouïghour depuis 2018, suivie de deux entretiens avec Akida Dawut, la fille de la chercheuse Rahile Dawut, et Halmurat Uyghur, un médecin ouïghour finlandais, dont les vies ont basculé lorsqu'ils n'ont pu trouver de réponse à la question qui les tourmentait depuis 2017 : « Où est ma mère ? ». Leur engagement actif dans la cause ouïghoure est en effet le résultat d'incertitudes et d'inquiétudes personnelles, bien qu'il ait pris au cours des trois dernières années, un ton militant plus générique, plus élaboré et sur le plus long terme. L'objectif ici est de souligner les points de basculement dans leur nouvelle carrière d'activiste, et de comprendre les attentes et les ambitions d'une nouvelle génération d'activistes ouïghours, qui a émergé en réaction à la crise actuelle.This section comprises a short introduction to Uyghur activism since 2018, followed by two interviewees with Akida Pulat, the daughter of renowned schola Rahile Dawut, and Halmurat H. Uyghur, a Uyghur-Finnish doctor. Their lives radically changed as their question remained unanswered: “where is my mum?”. Their active commitment to the Uyghur cause is the result of personal uncertainties and worries, but over the past three years, their objectives turned more general, more sophisticated and somehow long termed. The aim of this section is to highlights some of the major tipping points of their trajectories as activists, and to understand the ambitions and expectations of a new generation of Uyghur activists that emerges in response to the current crisis.
- Pour un mea culpa, et une justice réparatrice : Entretien avec Sean Roberts - Lou Rouquet p. 67-76 Dans un entretien, Sean Roberts, l'auteur de The War on the Uyghurs: China's Internal Campaign against a Muslim Minority (publié aux Presses Universitaires de Princeton en 2020), revient sur la façon dont il comprend la situation ouïghoure en Chine, le vécu de la diaspora et les perspectives qui s'ouvrent dans les années à venir.In this interview, Sean Roberts, based on his book The War on the Uyghurs: China's Internal Campaign against a Muslim Minority (Princeton University Press, 2020), discusses the curent Uyghur situation in China, the experiences of the diaspora and possible future perspectives.
- Rahile Dawut et les études folkloristes ouïghoures : traduction inédite en français - Rahile Dawut, Vanessa Frangville, H. B. p. 77-102 Rahile Dawut (ou Rahilä Dawut) est une chercheuse de l'Université du Xinjiang dont la disparition depuis 2017, dans le cadre des campagnes d'arrestation et de détention massive des intellectuels en région ouïghoure, laisse un grand vide dans la recherche sur les pratiques folkloriques ouïghoures, un domaine d'étude désormais mis au ban par les autorités chinoises. Après une courte introduction sur le parcours et les travaux de Rahile Dawut, la traduction française (inédite) de l'une de ses publications majeures est proposée aux lecteurs. Il s'agit, à notre connaissance, de la première traduction en français d'un texte académique de Rahile Dawut. Son article, publié en anglais en 2009, traite des pratiques populaires de pèlerinage aux mazars, ces sanctuaires ou mausolées qui ponctuent la région ouïghoure, y compris dans les zones les plus reculées en bordure de désert. Il s'agit de l'un des sujets de prédilection de Rahile Dawut, représentatif de ses recherches les plus porteuses et les plus reconnues internationalement.The disappearance of Rahile Dawut (or Rahilä Dawut), a preeminent scholar at Xinjiang University, since 2017 when campaigns of massive detention and arrest were launched in the Uyghur region, has left a great void in the academic research on folklorist practices among Uyghurs, a research area that is now banned by Chinese authorities. Following a brief introduction to Rahile Dawut's trajectory and work, French readers will be able to learn more about her research through the translation of one of her major publications. To our knowledge, this is the first academic article by Rahile Dawut translated into French. This article, published in English in 2009, deals with popular practices of pilgrimage to mazars, sanctuaries or mausoleums that populate the Uyghur region, often in remote areas bordering the desert. As one of Rahile Dawut's favorite topics, this article is also representative of her most far-reaching and internationally well-known work.
- Researching Uyghur spirituality, a conversation with Alexandre Papas - Alexandre Papas, Mukaddas Mijit p. 103-110 L'identité religieuse des Ouïghours, des Kazakhs et des autres peuples turcs vivant dans la Région Ouïghoure est devenue, au fil des années, l'un des motifs officiels de la politique répressive du gouvernement chinois. Les activités religieuses sont considérées comme arriérées, incompatibles avec la Chine moderne. Cette rhétorique a mené à l'interdiction de plupart d'activité en lien avec l'Islam. Cet entretien avec l'historien Alexandre Papas remet en cause la conception établie de la religiosité ouïghoure. En discutant de la vie et de la contribution littéraire de quelques poètes soufis vagabonds tels que Mashrab, Zalîlî et Nidâ'î, cette conversation aborde l'importance des pratiques spirituelles dans la région ouïghoure et leurs origines diverses.Religious identity of Uyghurs, Kazakhs and other Turkic people living in the Uyghur region has become, over the years, one of the official motives of the Chinese government's repressive policy. The Uyghur religious activities are considered backward and not compatible with modern China; rhetoric that led to the ban on most activity related to Islam. This interview with the historian Alexandre Papas challenges the established understanding about Uyghur religiosity. By discussing the lives and literary contribution of select Sufi Vagabond poets such as Mashrab, Zalîlî and Nidâ'î, this conversation discusses the importance and diverse origins of spiritual practices in the Uyghur region.
- Génocide ouïghour : cheminement d'un projet colonial - Dilnur Reyhan p. 9-22
Varia
- Contraintes sur la liberté académique en République populaire de Chine : un problème transnational - Vanessa Frangville p. 112-130 L'internationalisation accélérée de l'éducation supérieure en Chine depuis les années 2000 a été perçue et soutenue avec enthousiasme par de nombreuses universités à travers le monde. Toutefois, loin de participer à la libéralisation du système politique ou de poser les garanties d'une liberté académique, cette mondialisation de l'éducation supérieure a en fait résulté dans la banalisation de formes de répression par l'État chinois au-delà de ses frontières. Cet article propose dans un premier temps d'examiner les relations entre l'État et l'enseignement supérieur en Chine contemporaine. Dans un second temps, on reviendra sur les diverses formes de violation de la liberté académique sous le gouvernement de Xi Jinping, qui affectent l'ensemble de la communauté universitaire, y compris les étudiants. La dernière partie expose les stratégies insidieuses employées par l'État chinois pour interférer dans la production scientifique internationale. Le renforcement de l'autoritarisme sous Xi a marqué un tournant dans la surveillance des chercheurs dans et en dehors de la Chine, soutenue par une technologie avancée et des réseaux d'influence étendus, établissant ainsi une transnationalisation des menaces à la liberté académique.Higher education's moves towards internationalization in China since the 2000s have received enthusiastic support from universities around the world. However, far from increasing academic freedom and opening up China's political system as some may have hoped, such globalization of higher education also resulted in the banalization of forms of repression by the Chinese government beyond its borders. This paper first examines the relationship between the state and higher education in the context of contemporary China. It then moves to explore the violations of academic freedom under the Xi government, a factor which affects the entire university community including students. The last section exposes the insidious strategies employed by the Chinese State to interfere in the academic world outside the country. Xi Jinping's reinforced authoritarianism marked a major turning point in the surveillance of researchers outside China, supported in particular by advanced technology and extensive networks of influence and established an international layer to threats to academic freedom.
- Contraintes sur la liberté académique en République populaire de Chine : un problème transnational - Vanessa Frangville p. 112-130
Note de lecture
- Note de lecture - Jean-Yves Heurtebise p. 131-138