Contenu du sommaire : Télévision : les publics
Revue | Réseaux (communication - technologie - société) |
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Numéro | no 229, septembre-octobre 2021 |
Titre du numéro | Télévision : les publics |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
Éditorial
- Réseaux et la télévision - Dominique Pasquier, Franck Rebillard p. 9-24
Présentation
- Les publics, entre usages de la télévision et réception des programmes - Dominique Pasquier p. 25-40 Les travaux sur les publics de la télévision ont été confrontés à de nouvelles questions à mesure que le paysage audiovisuel se transformait et qu'évoluaient les comportements des téléspectateurs. Ce dossier en privilégie deux principales. Il examine dans un premier temps la place qu'occupe aujourd'hui la télévision dans les pratiques des Français et pose la question des changements de leur relation au petit écran à partir d'analyses portant sur le secteur de l'actualité et sur deux groupes particuliers de population : les seniors et les ménages populaires. La question des études de réception est ensuite posée à travers les critiques qui leur ont été adressées dans les années 2000, notamment leur incapacité à saisir les réceptions « faibles » des programmes. Enfin, l'apport des activités digitales autour des programmes, qui posent de nouvelles questions théoriques comme méthodologiques aux études de réception, est abordé.With the changing audio-visual landscape and evolving viewer behaviours, new questions have arisen for research on television audiences. This dossier focuses on two main questions. First, it examines the role of television in French people's practices, and examines changes in their relationship to television, based on analyses of the news industry and two particular population groups: senior citizens, and working-class households. Second, it looks at reception studies with respect to the criticism levelled at them in the 2000s, and particularly their inability to fully explain the “weak” reception of programmes. The contribution of digital activities around programmes, which raise new theoretical and methodological questions for reception studies, is then discussed.
- Les publics, entre usages de la télévision et réception des programmes - Dominique Pasquier p. 25-40
Dossier : Télévision : les publics
- La consommation d'informations en France : Quelle place pour la télévision ? - Sylvain Dejean, Marianne Lumeau, Stéphanie Peltier, Lorreine Petters p. 43-74 Quelle place occupe encore la télévision dans l'information des Français ? Sommes-nous entrés dans une ère informationnelle sans télévision ? Cet article éclaire ces questions, à partir des données d'une enquête par questionnaire réalisée auprès d'un échantillon représentatif de la population française de 3 950 individus. Les résultats montrent que la télévision traditionnelle semble ne pas avoir disparu des pratiques de consommation médiatique des Français et s'encastre dans une consommation multimédia. Elle est par ailleurs plébiscitée par des Français intéressés et discutant de l'actualité, suggérant qu'elle garde un rôle dans la fabrique du lien social. Même si la télévision hors ligne semble délaissée par les jeunes ou les plus diplômés, l'analyse des publics par type de chaînes (publique ou privée, information en continu ou non) ou en ligne vient nuancer ce résultat.What role does television still play in bringing news to French people? Have we entered an information era without television? This article considers these questions, based on data from a questionnaire survey on a sample of 3,950 individuals, representative of the French population. The results show that traditional television does not seem to have disappeared from the media consumption practices of the French and that it is embedded in multimedia consumption. Moreover, the fact that French people who are interested in and discuss current events enjoy watching television suggests that it still plays a role in fostering social ties. Even though the youth and the most educated members of the population are shown to have lost interest in offline television, this finding is qualified by the analyses of online audience and by type of channel (public or private, continuous or not).
- Permanences et ruptures dans la relation à la télévision des ménages populaires - Olivier Masclet p. 75-106 Après avoir identifié trois éléments caractérisant le rapport traditionnel à la télévision des membres des classes populaires, cet article interroge ce qui perdure autant que ce qui change dans leur rapport au petit écran depuis les années 1960-1980. Il prend appui sur des données tirées principalement d'un ensemble de monographies de téléspectateurs constituées d'entretiens longs et répétés avec des ménages ouvriers et employés. Deux conclusions se dégagent. Certains aspects du rapport populaire à la télévision se reproduisent : temps d'écoute élevé et diversité des choses vues caractérisent toujours les ménages populaires quoique de manière variable en fonction des ressources scolaires et économiques détenues. Mais des ruptures se sont aussi produites. Elles ont trait principalement aux rapports de sexe face à l'écran et aux usages familiaux de la télévision : non seulement la télévision ne peut plus être décrite comme une possession masculine mais elle n'apparaît plus non plus comme destinée à un usage quasi exclusivement collectif.After having identified three elements characterizing the traditional relationship to television within the working classes, this article looks at continuity and change since the period spanning the sixties, seventies and eighties. It draws primarily on data from a set of monographs on television viewers, consisting of long and repeated interviews with members of working-class households. Two conclusions emerge. First, certain aspects of the relationship to television are reproduced: high levels of viewing time and diversity of programmes viewed still characterize working-class households, albeit in a variable way, depending on educational and financial resources. At the same time, there is also change, related primarily to gender and to family uses of television. Not only is television no longer essentially owned by men, it also no longer appears to be destined for an almost exclusively collective use.
- À plus de 50 ans, la ménagère fait sa mise à jour numérique : La reconfiguration des pratiques télévisuelles des foyers Analogic Natives - Virginie Sonet, Héloïse Boudon p. 107-142 Alors que les chaînes de télévision cherchent à rajeunir leurs audiences en tentant de trouver grâce aux yeux des Digital Natives, cet article cherche à comprendre si, et comment, ceux que nous avons baptisés les Analogic Natives reconfiguraient leurs pratiques télévisuelles. À l'appui de l'analyse croisée de trois enquêtes menées entre 2015 et 2019 auprès de ces publics, avec les outils de la sociologie des usages, nous montrons la progressive mais indéniable mutation de leurs pratiques audiovisuelles. Le processus d'appropriation repose sur une double médiation relationnelle et sociotechnique d'où ressortent comme pivots la force prescriptrice des relations avec les enfants-adultes, la transmission intrafamiliale et intragénérationnelle assurée par les femmes. Finalement, la consolidation des usages des nouveaux dispositifs audiovisuels et de leurs contenus soutient une forme de dénigrement de la télévision traditionnelle et réciproquement.At a time when television channels are endeavouring to rejuvenate their audiences by trying to find favour with digital natives, this article seeks to understand whether the so-called analogue natives are reconfiguring their television viewing practices and, if so, how. Based on a cross-analysis of the results of three surveys conducted between 2015 and 2019 among these audiences, with the tools of the sociology of uses, we show a gradual but undeniable change of their audio-visual practices. The appropriation process is based on a dual relational and socio-technical mediation from which two pivots emerge: the prescriptive force of relations with adult children, and the intra-familial and intra-generational transmission through women. Finally, the consolidation of uses of the new audio-visual devices and their content supports a form of disparagement of traditional television, and vice-versa.
- Les réceptions du feuilleton Plus belle la vie : De l'attention à l'attachement ? - Florence Eloy, Sébastien François, Muriel Mille p. 143-173 Alors que la plupart des travaux sur la réception des séries télévisées se sont intéressés aux spectateurs les plus investis, cet article analyse les « réceptions faibles » d'un feuilleton télévisé quotidien, Plus belle la vie. La très large audience du feuilleton, sa longévité et sa quotidienneté permettent d'interroger une grande variété de téléspectateurs aux consommations plus ou moins assidues. L'article interroge les liens entre attention et attachement, en s'intéressant aux aspects pratiques du visionnage, à ses modalités et aux différentes manières de s'engager dans une pratique. L'enquête montre qu'un faible degré d'attention n'empêche pas l'investissement émotionnel dans la fiction télévisuelle. Chez une partie des enquêtés, cet attachement se développe lorsque le visionnage du feuilleton devient un moment pour soi, un temps à part qui permet de relâcher les tensions de l'existence quotidienne. Pour d'autres, il est fondé sur les conversations qu'il suscite et sur les relations familiales (et parfois amicales) que le visionnage du feuilleton permet d'entretenir. La réflexion s'appuie sur une recherche collective menée de 2014 à 2016 auprès de spectateurs de Plus belle la vie, dans le cadre d'un atelier de formation à l'enquête sociologique. Les 29 entretiens et 14 observations réalisés ont permis de constituer un échantillon d'individus aux profils variés (en termes d'âge, de genre et de classe sociale), permettant de replacer la réception dans ses ancrages sociaux.While most studies on the reception of TV series have focused on the most engaged viewers, this article analyses the “weak reception” of a daily serial, Plus Belle La Vie. Its very large audience, longevity and daily schedule represented an opportunity to interview a wide variety of viewers who watched the show quite regularly or more occasionally. The article examines the links between attention and attachment, by looking at the practical aspects of viewing, its modalities, and the different ways of engaging in a practice. The survey shows that a low level of attention does not preclude emotional investment in television fiction. For some of the respondents, this attachment develops when the viewing of the soap opera becomes a moment taken for themselves, i.e. a time out that allows them to release the tensions of daily life. For others, it is based on the conversations it generates and on the family relationships (and sometimes friendships) that watching the soap opera sustains. The analysis is based on collective research conducted from 2014 to 2016 with Plus Belle la Vie viewers, as part of a training workshop on sociological inquiry. The 29 interviews and 14 observations carried out allowed us to constitute a sample of individuals with varied profiles (regarding age, gender, and social class), and thus to articulate reception to its social embeddedness.
- « Noël ne sera plus le même sans Downton » : L'engagement sériel dans tous ses états : étude du live-tweet de l'épisode final de Downton Abbey - Anaïs Goudmand p. 175-209 L'article vise à analyser les traces concrètes de la réception sur les réseaux sociaux à partir des commentaires publiés par les spectateurs de la série télévisée Downton Abbey sur le réseau social Twitter, lors de la diffusion de son dernier épisode sur la chaîne anglaise ITV1 le 25 décembre 2015. L'étude du live-tweet permet de dépasser l'observation des seules structures narratives et de repenser les modalités de l'engagement sériel en prenant en compte ses dimensions rituelles, cognitives et affectives. Il s'agira dès lors d'envisager les expériences des spectateurs dans leur diversité, en mettant en valeur les différentes postures de réception adoptées face au programme, qui réunissait aussi bien des amateurs que des spectateurs hostiles, des spectateurs réguliers que des spectateurs occasionnels.The article analyses the concrete traces of reception on social networks, based on the comments posted by viewers of the TV series Downton Abbey on Twitter, during the broadcast of its final episode on the English TV channel ITV1 on 25 December 2015. Studying live tweeting allows us to go beyond the observation of narrative structures alone and to rethink the modalities of serial engagement by taking into account its ritual, cognitive and affective dimensions. We then consider the audiences' experiences in their full diversity, by highlighting the various postures of reception of the programme adopted by fans as well as critical viewers, and by regular viewers as well as occasional ones.
- La consommation d'informations en France : Quelle place pour la télévision ? - Sylvain Dejean, Marianne Lumeau, Stéphanie Peltier, Lorreine Petters p. 43-74
Rassembler les humains et les robots. Débats autour du numéro 220-221 de Réseaux, « Ethnographies des agents conversationnels »
- Présentation - p. 213
- Pour une conception « située » de l'intelligence artificielle : Des interactions hybrides aux configurations socio-techniques - Julia Velkovska, Marc Relieu p. 215-229 Clarifier une perspective sociologique sur l'Intelligence Artificielle mettant entre parenthèses à la fois les discours promotionnels et les dénonciations de principe de « l'emprise » de ces technologies sur la société, tel était l'objectif du numéro 220-221 de la revue Réseaux que nous avons coordonné sur la conception et les usages des agents conversationnels. À la suite de sa mise en débat dans le cadre d'une journée d'étude, ce texte prolonge la réflexion par un bref détour par les réactions suscitées, les pistes et les questions de recherche ouvertes par ce numéro. Nous discutons d'abord ce qu'implique la mise en place d'un regard sociologique sur les technologies et les pratiques associées au label « IA », notamment la famille d'approches dites « observationnelles ». Nous revenons ensuite sur les acquis du numéro dans le domaine des relations humains-robots et les nouvelles questions qu'ils soulèvent. Enfin, nous montrons comment les résultats des approches observationnelles résonnent avec les concepts de mise en rapport, d'agencement ou de configuration socio-technique.The purpose of the 220-221 issue of the journal Réseaux that we coordinated on the design and uses of conversational agents was to clarify a sociological perspective on Artificial Intelligence, putting aside both promotional discourses and principled denunciations of the “grip” of these technologies on society. In this paper, which has been occasioned by a one-day workshop, we propose a brief detour through the reactions to that issue and the avenues and research questions that it opened. We first discuss the implications of a sociological perspective on the technologies and practices associated with the label “AI”, particularly in the so-called “observational” approaches. We then return to the achievements of the issue in the field of human-robot relations and discuss the new questions they raise. Finally, we show how the results of observational approaches resonate with the concepts of relationship, agencing or socio-technical configuration.
- Étudier les interactions entre robots et acteurs sociaux : Mises en rapport, cadre et intelligence artificielle - Claude Rosental p. 231-247 Cet article propose plusieurs pistes de recherche pour explorer un phénomène massif : la prolifération des interactions humains-robots dans les sociétés industrielles. La première consiste à étudier la diversité des rapports et des mises en rapport entre humains et robots, qui ne se réduisent pas en général à des « coopérations ». La deuxième a trait au cadre d'analyse. L'adoption d'une échelle temporelle d'observation longue est suggérée, ainsi que l'étude d'interactions avec des acteurs sociaux à part entière, qu'il s'agisse d'individus ou de groupes, plutôt qu'avec des « humains » ou des « sujets » interchangeables. Enfin, les liens parfois ténus ou réducteurs des robots avec la catégorie « intelligence artificielle » impliquent de trouver d'autres entrées pour analyser ces interactions, telles que l'exploration des rapports des acteurs sociaux avec des agents conversationnels.This article proposes several research avenues to explore a pervading phenomenon: the proliferation of human-robot interactions in industrial societies. The first avenue consists in studying the diversity of human-robot encounters and relations, which are not generally reduced to “cooperation”. The second concerns the framework of analysis. A long temporal scale of observation might be adopted, and analysts could study interactions between robots and social actors in their own right, whether they are individuals or groups, rather than with interchangeable “humans” or “subjects”. Finally, as the link between robots and the “artificial intelligence” category is sometimes tenuous or reductive, other angles from which to analyse these interactions may be found, such as exploring the connections between social actors and conversational agents.
Notes de lecture
- Romain BADOUARD, "Les nouvelles lois du web. Modération et censure", Paris, Seuil, coll. « La république des idées », 2020, 128 p. - Basile Cornet p. 251-254
- Ruha BENJAMIN, "Race After Technology. Abolitionist Tools for the New Jim Code", Medford (MA), Polity Press, 2019, 172 p. - Rémy Demichelis p. 255-257
- Claude ROSENTAL, "La société de démonstratio", Vulaines-sur-Seine, Éditions du Croquant, coll. « Sociologie historique », 2019, 337 p. - Camille Capelle p. 258-262