Contenu du sommaire : La société du savoir
Revue | Revue internationale des sciences sociales |
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Numéro | no 171, mars 2002 |
Titre du numéro | La société du savoir |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
La société du savoir
- Résumés - p. 3
Introduction et perspectives générales
- Editorial - Dominique Foray p. 9
- Une introduction à l'économie et à la société du savoir - Paul A. David, Dominique Foray p. 13 Cet article introductif passe en revue les principaux thèmes relatifs au développement des nouvelles économies du savoir. Après avoir placé l'émergence de ces économies dans une perspective historique et proposé un cadre théorique pour distinguer savoir et information, cet article tente de saisir ce qui constitue la spécificité de ces économies. Il traite ensuite quelques grandes questions à propos des compétences nouvelles requises pour s'insérer dans cette économie, de la nouvelle géographie qui s'esquisse (dans laquelle la contrainte de distance physique cesserait de dominer), des conditions d'accès à l'économie du savoir, notamment pour les pays en développement, de l'inégal développement de la connaissance selon les secteurs d'activité, des problèmes de propriété intellectuelle et de privatisation de la connaissance, des questions de confiance, de mémoire et de fragmentation des savoirs.
Le nouveau contexte
- De la gestion des connaissances aux organisations orientées conception - Armand Hatchuel, Pascal Le Masson, Benoît Weil p. 29 La gestion des connaissances apparaît aujourd'hui comme un symptôme des crises des apprentissages collectifs : depuis plusieurs décennies, la gestion des connaissances a pris, dans les entreprises, la forme d'acteurs dédiés (experts du bureau d'études, du laboratoires de recherche, de l'administration...), mais l'émergence d'un capitalisme de l'innovation intensive met précisément en crise ces acteurs chargés de la conception. Elle amène à poser la question, non plus du « transfert » des connaissances, mais du management des apprentissages croisés essentiels à la production collective de connaissances. Ce management suppose en fait de nouvelles formes d'organisations dites « organisations orientées conception » qui, favorisant les cycles d'apprentissages collectifs, permettent la régénération simultanée des objets, des savoirs et des métiers.
- Les incertitudes de la société du savoir - Sven Ove Hansson p. 43 Partant de la constatation que l'on parle aussi bien de sociétés du savoir que de sociétés du risque à propos des sociétés contemporaines des pays industrialisés, l'auteur de cet article analyse les liens entre les termes savoir, information, données, incertitude, ignorance et risque, pour tenter de dégager le sens dans lequel une société peut être caractérisée par l'un d'entre eux. Il examine plus particulièrement le rôle de l'incertitude et du risque dans la société moderne et explique pourquoi, à son sens, il n'est pas nécessairement contradictoire de présenter les sociétés d'aujourd'hui à la fois comme des sociétés du savoir et comme des sociétés placées sous le signe du risque ou de l'incertitude.
- La révolution d'Internet et la géographie de l'innovation - Maryann P. Feldman p. 53 Quelle influence Internet et les autres technologies numériques du même genre auront-ils sur la tendance à la concentration géographique des activités innovatrices ? L'auteur de cet article soutient que l'innovation présente des caractéristiques qui la distinguent des autres types d'activité économique. L'innovation est essentiellement un processus social imprévisible fondé sur une organisation originale des connaissances. Après avoir examiné les dimensions individuelle, sociale et géographique de l'innovation, l'auteur conclut que, s'il facilite l'accès à l'information, Internet n'enlève rien pour autant aux avantages que constituent, dans certaines régions, la concentration des ressources, la possibilité d'établir des relations personnelles directes et la possibilité de faire par hasard des rencontres ou des découvertes.
- L'engagement des associations de malades dans la recherche - Vololona Rabeharisoa, Michel Callon p. 65 Les associations de malades jouent un rôle grandissant dans le soutien à la recherche sur les maladies qui les concernent. En quoi consiste ce rôle ? Toutes les associations sont-elles impliquées de la même manière, ou bien existe-t-il une pluralité de formes d'engagement ? Et si oui, comment en rendre compte ?La réponse à ces questions dépend des pays, de leurs cadres institutionnels et de leur histoire. Elle dépend également de la nature et des caractéristiques des maladies. Mais au-delà de la diversité des configurations, il est possible de découvrir des formes d'engagement typiques.Cet article s'efforce de fournir de premiers éléments d'information et de réflexion. Étant donné le peu de travaux disponibles, il se concentre essentiellement sur le cas français pour essayer d'en dégager des leçons plus générales. Il montre l'implication croissante des associations dans la recherche. Il propose de distinguer deux types d'association selon le rôle qu'elle assigne aux malades, les associations-auxiliaires et les associations-partenaires. Il souligne l'originalité des associations-partenaires qui tendent à combler le traditionnel grand partage entre spécialistes et profanes.
- De la gestion des connaissances aux organisations orientées conception - Armand Hatchuel, Pascal Le Masson, Benoît Weil p. 29
Nouvelles régulations
- Modèles nationaux ou régionaux d'apprentissage et d'innovation propres à l'économie de la connaissance - Alice Lam p. 75 L'auteur de cet article essaie d'expliquer comment les relations qui existent entre la connaissance, les différentes formes d'organisation et les institutions des différentes sociétés déterminent les capacités d'apprentissage et d'innovation des entreprises. Elle examine en particulier les systèmes d'enseignement et de formation et les différents types de marchés du travail, qu'elle considère comme les principales institutions sociétales qui exercent une influence sur l'organisation du travail et la base de connaissances des entreprises. Elle soutient que les connaissances implicites, qu'il est difficile de produire et de transmettre en l'absence d'interactions sociales et de mobilité de la main-d'œuvre, sont un facteur très important d'apprentissage et de supériorité durable sur les entreprises concurrentes dans l'économie de la connaissance. Les institutions capables d'exploiter le facteur d'apprentissage que constituent les connaissances implicites sont généralement celles qui produisent les plus fortes capacités d'innovation. Les analyses contenues dans cet article suggèrent que deux modèles de développement des compétences sont particulièrement favorables à l'apprentissage et à l'innovation, à savoir le modèle de la « communauté organisationnelle » et le modèle de la « communauté professionnelle ». Pour illustrer ces analyses, l'auteur examine le cas du Japon, celui des technopôles américains et britanniques, et celui du Danemark. Elle soutient que des sociétés dotées de structures institutionnelles différentes continueront d'élaborer des formes d'organisation et des stratégies d'apprentissage différentes, ce qui les amènera à privilégier certains secteurs (différents selon les sociétés) au détriment des autres. L'institutionnalisation de modes d'apprentissage et d'innovation différents (selon les sociétés) contribue par conséquent à la reproduction de types de spécialisation technologique variables selon les régions ou les pays.
- Bien privé, bien collectif et bien public à l'âge de la génomique - Maurice Cassier p. 95 La génomique s'est développée dans le contexte d'une forte intégration de la science et du marché. Il en résulte une forte tendance à la privatisation des ressources et des connaissances génétiques, marquée par le dépôt de milliers de brevets sur les séquences génétiques, par l'extension de bases de données protégées par le secret commercial, par l'établissement de contrats d'accès exclusif aux données génétiques et médicales des populations. L'attribution de brevets excessivement larges qui couvrent à la fois le gène et ses utilisations est de nature à freiner la dynamique de recherche et à favoriser l'émergence de monopoles sur le terrain de la santé. Cette tendance à la privatisation n'est toutefois ni unilatérale ni entièrement stabilisée. Il existe dans le domaine de la génomique des modèles de production et de distribution de biens collectifs et/ou publics. On analysera ces modèles et l'on envisagera des solutions qui pourraient permettre un meilleur équilibre entre bien privé, bien collectif et bien public.
- Les droits de propriété intellectuelle sur le savoir des communautés ethniques - Álvaro Zerda-Sarmiento, Clemente Forero-Pineda p. 111 Le savoir que les communautés ethniques ont accumulé pendant des siècles sur leur habitat est de plus en plus exploité à des fins commerciales dans des domaines tels que la pharmacie et l'agriculture. Les laboratoires de recherche et les entreprises transnationales mettent à profit les connaissances issues de l'analyse d'échantillons biologiques, végétaux ou autres, fournis par des communautés ethniques, ou de l'observation des pratiques traditionnelles de celles-ci. Nous proposons ici une interprétation des phénomènes interculturels qui se produisent dans l'échange de savoir traditionnel entre les groupes ethniques et différents types d'agents des sociétés modernes. Les échanges entre les communautés autochtones détentrices du savoir et les chercheurs des universités et des entreprises transnationales désireuses de développer et d'exploiter ce savoir se caractérisent par une profonde asymétrie en matière d'information. On suggère ici des principes directeurs en vue de mettre en place un cadre réglementaire qui protège le savoir vernaculaire tout en stimulant la recherche scientifique moderne. Ce cadre permettrait aux communautés autochtones d'apprendre à mieux défendre leurs droits et à exiger le respect de certaines règles conditionnant l'utilisation du savoir traditionnel par des entreprises, des laboratoires et des instituts de recherche. L'investissement dans la recherche en ce domaine se verrait par la même occasion stimulé.
- Les marchés de technologies dans l'économie du savoir - Ashish Arora, Andrea Fosfuri, Alfonso Gambardella p. 129 Bien que les transactions portant sur les technologies, les idées, les connaissances ou les informations souffrent d'imperfections, tout indique qu'elles sont plus répandues que par le passé. Dans la présente étude, nous soutenons que ces marchés changent la mentalité traditionnelle pour laquelle la seule possibilité qui s'offre à une entreprise désireuse de lancer une innovation est de mettre au point la technologie sur place, ou, pour une entreprise qui met au point une technologie, de posséder les ressources en aval qui lui permettront de fabriquer et de commercialiser les produits. Cela concerne le rôle des entreprises à la fois en tant qu'utilisatrices de technologies (elles peuvent « acheter » des technologies) et en tant que fournisseurs de technologies (elles peuvent « vendre » des technologies). D'autres implications sont également examinées dans le présent article. En particulier, on y soutient qu'une « répartition des tâches novatrices » peut être un mécanisme puissant de transfert international de technologies. Les auteurs étudient un exemple intéressant de diffusion internationale de technologies de traitement chimique entre le monde avancé et les pays en développement qui a eu lieu par l'intermédiaire de sociétés spécialisées dans la mise au point et la fourniture de technologies. L'article se conclut par un examen des politiques nationales dans le cadre des marchés mondiaux de technologies.
- Modèles nationaux ou régionaux d'apprentissage et d'innovation propres à l'économie de la connaissance - Alice Lam p. 75
Perspectives de politique et de recherche
- L'accès des chercheurs des pays en développement à la science et à la technologie internationales - Clemente Forero-Pineda, Hernán Jaramillo-Salazar p. 145 La présente étude a pour objet d'analyser différents problèmes relatifs à l'accès des chercheurs des pays en développement à la connaissance scientifique. Les obstacles auxquels se heurtent ces chercheurs sont classés selon leur origine : ceux qui sont inhérents aux processus de la recherche en général et ont des effets inhibiteurs particuliers sur les chercheurs des pays en développement, et ceux qui sont liés au cadre institutionnel et au contexte économique du pays en développement considéré. La tendance à la privatisation des fruits de la recherche scientifique a conduit nombre d'institutions de la science ouverte des pays industrialisés à restreindre l'accès à la connaissance qu'elles utilisent et produisent. Cependant, s'agissant des pays en développement, l'incapacité de la communauté scientifique et technologique à susciter un appui économique et politique endogène en faveur de ses activités se présente comme l'obstacle principal à l'accès à la connaissance. L'insuffisance des ressources allouées à la recherche, y compris dans des pays qui pourraient sans peine consacrer d'importantes sommes à ce type d'activités, se révèle être un obstacle de taille dans un monde où l'information scientifique et technologique est de plus en plus commercialisée et de plus en plus onéreuse. La dynamique qui conduit à un équilibre de faible efficience des activités scientifiques et technologiques est enfin analysée.
- Les économies fondées sur le savoir – leurs liens avec les technologies de l'information et de la communication - W. Edward Steinmueller p. 159 Dans cet article, l'auteur se propose d'établir une passerelle entre les organismes de recherche sur les « sociétés du savoir » et la révolution des technologies de l'information et de la communication en mettant en lumière les distinctions qui existent entre « information » et « savoir ». De tout temps, l'économie a explicitement fait abstraction de ces distinctions afin de s'attacher aux caractéristiques de l'information en tant que bien marchand. Or, cette approche présente plusieurs lacunes. En particulier : Elle réduit l'acquisition du savoir (en d'autres termes, le processus d'apprentissage des connaissances) à la réception de l'information ; Elle néglige l'analyse des technologies qui permettent de représenter le savoir ; Elle ne considère pas le rôle que jouent les réseaux sociaux dans l'échange des connaissances. L'étude de ces questions exigera de nouvelles théories relatives aux systèmes industriels fondées sur un échange permanent de connaissances et appellera de nouvelles manières d'aborder la recherche publique. Les nouvelles technologies de la communication, notamment l'Internet, soulèvent des questions spécifiques sur la tarification en tant que mécanisme incitatif régissant l'accès à l'information. En somme, nous estimons qu'un nouveau programme de recherche s'impose. De nature pragmatique, il devra être centré sur l'accès à l'information, la normalisation ainsi que sur les investissements dans les infrastructures des réseaux sociaux et physiques. Ce nouveau programme de recherche devra remplacer en grande partie les programmes traditionnels qui s'intéressaient principalement à la fixation des tarifs dans les réseaux monopolistiques de télécommunications et au « gouvernement d'entreprise » de ces derniers.
- L'accès des chercheurs des pays en développement à la science et à la technologie internationales - Clemente Forero-Pineda, Hernán Jaramillo-Salazar p. 145
Tribune libre
- Repenser la pauvreté : définition et mesure - Udaya Wagle p. 175 Les chercheurs ont déployé des efforts considérables pour définir et mesurer la pauvreté en l'abordant en gros selon trois angles : le bien-être économique, la capacité et l'exclusion sociale. Si ces trois approches ont été remarquablement utiles pour comprendre la pauvreté d'une société à l'autre et dans le temps, chacune est devenue si complexe que ses tenants ne jugent même plus utile de l'intégrer avec les autres. La pauvreté se rapportant au bien-être humain en général, aucun de ces concepts, que ce soit le bien-être économique, la capacité ou l'exclusion sociale, n'est véritablement parvenu à en rendre compte sous tous ses aspects. Il est désormais extrêmement important d'intégrer ces approches et d'entreprendre des études sur la pauvreté avec des indicateurs appropriés pour aboutir à des conclusions plus satisfaisantes. Dans le présent article, je soutiens que la méthode intégratrice ainsi obtenue enrichirait notre compréhension de ce qu'il importe de prendre en compte pour déterminer si une personne est pauvre et pour mettre en évidence ce qui la rend réellement pauvre.
- Repenser la pauvreté : définition et mesure - Udaya Wagle p. 175
- Les numéros parus - p. 187