Contenu du sommaire : Usages et effets du savoir. Articuler sciences sociales et politiques publiques
Revue | Revue internationale des sciences sociales |
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Numéro | no 179, mars 2004 |
Titre du numéro | Usages et effets du savoir. Articuler sciences sociales et politiques publiques |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
Usages et effets du savoir. Articuler sciences sociales et politiques publiques
- Résumés - p. 3
- Erratum - p. 8
- « L'utilisation du savoir » dans le domaine des politiques sociales aux Pays-Bas : le cas de la législation relative à l'assurance invalidité (WAO) - Erik de Gier, Roger Henke, Jacqueline Vijgen p. 19 Cet article porte sur les recherches consacrées à la loi néerlandaise de 1967 concernant l'assurance invalidité (wao) et leur impact sur les réformes qui ont suivi. Un certain nombre de caractéristiques techniques de la wao expliquent que l'assurance invalidité a longtemps fonctionné à la manière d'un dispositif de prise en charge du chômage caché. La wao constitue, à ce titre, l'un des problèmes socio-économiques majeurs aux Pays-Bas. À partir des années quatre-vingt, période de chômage élevé, la question de la réforme de l'assurance invalidité a régulièrement figuré sur l'agenda et fait l'objet de débats politiques. Le dispositif a, de fait, été modifié dans un sens restrictif à plusieurs reprises. Dans le même temps, d'importants travaux de recherche étaient commandés par différents protagonistes de cette politique. Après les avoir passés en revue, les auteurs de cette contribution en sélectionnent trois en vue d'une analyse en profondeur. Les conclusions qu'ils tirent correspondent à celles qui apparaissent dans les travaux qui sont classiquement consacrés à l'utilisation du savoir. L'utilisation directe de la recherche dans le domaine des politiques publiques est très limitée. Au plan conceptuel, c'est-à-dire en termes de modification des cadres de l'action publique, l'impact de la production intellectuelle n'est pas négligeable mais est étroitement circonscrit par le contexte politique. L'évaluation effectuée conduit néanmoins à souligner la nécessité d'adopter une perspective alternative, dans laquelle la recherche est considérée comme un « lubrifiant » du système politico-administratif. Il s'agit là d'une caractéristique certes inhabituelle mais significative dans le cas du système néerlandais. Celui-ci combine, de manière atypique au plan international, des attributs en termes de consensualisme et de pragmatisme extrêmes ainsi que de formalisme prononcé. La réalisation de nouveaux travaux portant sur la relation qui peut exister entre les « styles nationaux de politiques publiques » et l'interaction recherche-action publique est une nécessité.
- Utilisation des résultats de la recherche dans l'action publique au Cameroun - Charly Gabriel Mbock, Marie-Laure Ngo-Mpeck, Dorothé Kom, Joseph-Marie Zambo Belinga p. 43 L'utilisation du savoir par la prise en compte des résultats de la recherche scientifique est une préoccupation de la communauté scientifique que cet article se propose d'éclairer en envisageant le cas du Cameroun. Sur le fondement théorique de l'actionnisme, l'étude s'appuie sur une enquête par questionnaire auprès d'un échantillon de deux cents chercheurs, décideurs et commanditaires, complétée par des entretiens. Les données concernent les pratiques de commande, d'évaluation et d'utilisation de la recherche sur la période 1990-2001. Les résultats mettent en évidence d'importantes divergences d'appréciation entre chercheurs, décideurs et commanditaires quant aux pratiques existantes et aux usages souhaitables. Ces divergences reflètent la déconnexion entre les préoccupations proprement académiques et les perspectives d'action publique, de même qu'une structure de financement de la recherche au Cameroun qui sépare la conception des problèmes de la mise en œuvre des solutions. Devant ce constat d'utilisation inadéquate des données de la recherche scientifique dans l'action publique, l'article propose des formes institutionnelles rénovées qui soient à même d'inciter l'académisme à intégrer les exigences pratiques de l'ingénierie sociale.
- Le système de revenu minimum pour les chômeurs : étude de cas à Dalian (Chine) - Ge Daoshun, Yang Tuan p. 53 Cet article décrit les fondements, le déroulement et les résultats d'une étude sur l'aide sociale menée à Dalian, en Chine. Cette étude de cas avait pour but d'accroître l'efficience et l'équité du système de minimum vital garanti pour les chômeurs. Elle présente un grand intérêt bien que son objet soit relativement limité. La Chine est aujourd'hui dans une phase de transition sur les plans social et économique. La réforme de l'aide sociale apparaît dans ce contexte comme une tâche majeure. La création d'une agence des services publics communautaires à Dalian, sous l'effet conjugué de la recherche sur les politiques publiques et de l'action municipale, montre qu'il est possible de réformer avec succès le système chinois d'aide sociale. Dans cette mesure, l'étude du cas de Dalian est importante pour la réforme de l'aide sociale au niveau national et fournit des éléments de comparaison utiles pour la gestion de la transition sociale dans d'autres pays en développement.
- L'usage du savoir dans la formulation des politiques publiques : le cas des recherches sur la population rom en Slovaquie - Robert Klobucký, Katarína Strapcová p. 65
- L'impact de la recherche sociale sur les politiques de l'enseignement et leur réforme aux Philippines - Virginia A. Miralao p. 85 Cet article étudie l'impact de la recherche sociale sur les politiques et la réforme de l'éducation aux Philippines. Il débute par une brève description des problèmes clés dans le système d'éducation philippin et enchaîne avec une analyse de trois études importantes conduites à la fin des années 1990, qui ont émis des recommandations spécifiques pour les politiques publiques destinées à remédier à la mauvaise qualité du système éducatif philippin et aux inefficacités structurelles de sa bureaucratie dirigeante. L'article évalue ensuite les manières dont ces études ont été utilisées dans le processus politique et leur impact sur la réforme de la politique éducative, avec une attention particulière sur la période clé 1998-2001. On s'intéressera aussi au contexte politique et social de l'élaboration des politiques de l'éducation aux Philippines, ainsi qu'aux mécanismes utilisés pour diffuser les résultats de ces recherches et les porter à l'attention des principaux décideurs. L'évaluation montre que même si l'on surmonte la réticence habituelle du personnel politique à prendre en compte les résultats de la recherche, leur application concrète n'est pas garantie. Bien que les études explicitées dans cet article fussent destinées à des politiques publiques et fussent très crédibles, la mise en application des méthodes, des problèmes identifiés et des réformes proposées relatives à l'agenda politique existant s'est heurtée à de nombreuses difficultés. Les bureaucraties du système éducatif possèdent leur propre agenda ; de plus, le processus de réforme implique de nombreux acteurs sociaux, dont certains représentent des intérêts politiques puissants.
- La relation entre recherche sociologique et politiques de réforme de l'éducation en Ouzbékistan - Rano Ubaidullayeva p. 99 Dans les années qui ont suivi l'indépendance, le système éducatif en Ouzbékistan a été profondément réformé. Les réformes structurelles et la diversité accrue de l'offre éducative ont bouleversé la donne politique, au moment même où la transition économique bouleversait les conditions d'accès au marché du travail. En conséquence, le rôle des sciences sociales est devenu majeur s'agissant de la production d'un savoir en amont, utile à l'élaboration de politiques éclairées et efficaces ; et ce lors même que les difficultés méthodologiques et pratiques de la recherche vont croissantes. L'emploi et le chômage des jeunes revêtent une signification particulière à cet égard, plus encore dans un contexte de transition économique et de réforme institutionnelle du secteur éducatif. Cet article propose une vue générale des conditions de production du savoir, notamment sociologique, dans le domaine de l'éducation en Ouzbékistan, sur la base d'une enquête conçue à la fois pour évaluer les effets des changements intervenus au cours de la dernière décennie et pour anticiper les orientations politiques futures. Cette recherche témoigne de ce que la société civile ouzbek a pris conscience de l'importance de l'éducation en général, et des études supérieures en particulier ; il est vrai que les enquêtes ont, par elles-mêmes, directement contribué à cette prise de conscience. Entre autres facteurs, les réformes politiques ont su hisser vers le haut le système éducatif et, corrélativement, les perspectives offertes à la jeunesse sur le marché du travail. Cependant, étant donné la complexité de ces questions et la rapidité des évolutions dans ce domaine, toute évaluation ne peut être que provisoire. Qui plus est, bien des points restent à explorer, à commencer par les relations entre formation initiale et formation continue. Des recherches plus approfondies sont requises, et une plus grande intégration de la recherche et de la politique de l'éducation en Ouzbékistan pourrait être visée.
- Les usages en République tchèque des recherches de sciences sociales sur les politiques migratoires - Zdeněk Uherek p. 113 Cette étude de cas porte sur les activités de recherche du Département d'études ethniques au sein de l'Institut d'ethnologie de l'Académie des sciences de la République tchèque ainsi que sur l'utilisation des résultats de ces recherches dans le champ des décisions publiques durant une période de grands changements institutionnels. Il s'agit de discuter d'une série d'études sur les questions migratoires – l'immigration vers et l'émigration hors de la République tchèque – qui ont été financées par des fondations et organismes de subvention, ou directement par des instances de décision publique. L'article souligne les difficultés à concilier les pré-requis et la logique de la recherche fondamentale et les besoins des décideurs politiques. Il présente l'émergence graduelle et relativement réussie d'institutions médiatrices (fondations, commissions scientifiques, comités de coordination et de contrôle, etc.) qui reflètent les intérêts mutuels des communautés scientifique et politique et qui encouragent la circulation libre du travail, du savoir, de l'expérience sociale ainsi que des influences intellectuelles entre ces deux pôles. L'importance des formes de la communication est aussi mise en évidence puisqu'une relation satisfaisante requiert que la connaissance scientifique soit aussi mobilisable que possible en politiques publiques et que les décideurs posent des questions auxquelles les scientifiques peuvent répondre. Dans ce contexte général, la contribution spécifique de l'anthropologie sociale et de l'ethnologie aux processus de décision consiste à humaniser ceux-ci en partant des situations concrètes du terrain et des destinées particulières des individus et des groupes concernés ; en fournissant aux décideurs des outils méthodologiques qui leur permettent de raffiner l'approche des réalités qui les intéressent ; en se faisant l'écho d'expériences différentes qui contrastent avec les cercles souvent étroits du pouvoir ; et, finalement, en rendant les savoirs produits par les réseaux scientifiques directement accessibles à la décision.
- Études sur la migration et les politiques migratoires en Australie, aux Philippines et en Thaïlande - Robyn Iredale, Tim Turpin, Charles Hawksley, Stella P. Go, Supaphan K. Tangtrongpairoj, Yee May Kaung p. 127 Cet article présente les résultats d'une étude, menée en Asie-Pacifique, visant à élucider la collaboration entre décideurs politiques et chercheurs en sciences sociales dans la prise en compte des phénomènes de migration dans cette région du monde. L'article traite de la façon dont les réseaux de recherche diffusent leurs connaissances afin d'influencer le processus politique, et plus spécifiquement, tente d'évaluer l'impact réel des études sur la migration.Les principales conclusions de cette étude sont les suivantes.Une compréhension des situations économiques et politiques spécifiques de chaque pays est nécessaire, car elle fournit le contexte même dans lequel les politiques s'élaborent.La nature des relations entre la recherche et le processus politique diffère considérablement d'un pays à l'autre. Tandis que dans certains pays (comme l'Australie), la politique migratoire fait l'objet d'une gestion rigoureuse par une instance unique, dans d'autres (comme la Thaïlande), il existe une plus grande diversité d'approches administratives.Une étude répondant à une commande gouvernementale, ou menée en étroite collaboration avec un gouvernement, pèse plus directement et avec plus de force sur les décisions politiques.Dans l'ensemble des pays étudiés, les politiques migratoires semblent tenir de plus en plus compte des tendances des opinions publiques, plutôt que de se référer aux résultats d'études académiques. C'est donc davantage sur un plan indirect que ces dernières ont une influence – certes moins aisément identifiable.Dans ces conditions, diffuser les résultats d'études vers un large public est souhaitable.Tous les chercheurs qui travaillent sur la migration adoptent certains partis pris théoriques et méthodologiques. Il est donc préférable de prendre en considération un large éventail d'opinions.
- Les problèmes soulevés par l'évaluation de l'influence politique de la recherche - Fred Carden p. 151 Cet article présente une méthodologie pour évaluer l'influence de la recherche sur la politique publique. Il examinera d'abord les origines de cette méthodologie, puis il exposera celle-ci dans le détail et enfin il étudiera ce qui s'est passé lors de son application. En conclusion, il abordera les problèmes relatifs à la révision de cette méthodologie. Cette étude a été mise en œuvre par Centre canadien de recherches pour le développement international afin d'en savoir plus sur la manière dont la recherche qu'il soutient influence la politique publique. Grâce à des études complémentaires et à des études de cas, le Centre apprend à mieux connaître la façon dont ses travaux servent à l'élaboration de la politique ; ces connaissances lui serviront à l'avenir à renforcer sa capacité de soutien à ce type de travail. La majeure partie des études relatives à l'utilisation de la recherche en politique ont été menées en Occident (Neilson, 2001). À une exception près (l'Ukraine), toutes les études de cette évaluation concernent des projets dans les pays en développement ; dans la mise en œuvre de l'évaluation, la méthode de l'étude de cas a joué un rôle central. Les études de cas, conduites selon une méthodologie commune, ont été principalement réalisées par des chercheurs originaires du pays ou de la région dans lesquels celles-ci se déroulaient. L'analyse incluait les chercheurs, les utilisateurs de la recherche et l'organisme de financement afin d'obtenir l'ensemble le plus riche possible de perspectives sur les succès, les défis et les échecs de ces initiatives. On a découvert que la méthode de cas était tout à fait pertinente lorsqu'elle était associée à une analyse collective impliquant les utilisateurs ainsi que les évaluateurs et les utilisateurs de l'étude initiale (Weiss, 2003). Cet article met en lumière les problèmes clés que l'on a découverts en réalisant l'évaluation et propose pour l'avenir certaines modifications de la méthodologie.
Tribune libre
- L'anthropologie sociale dans les contextes de recherche fragiles. - Beatriz Kalinsky p. 171 Ce travail présente quelques problèmes méthodologiques et éthiques du domaine de la recherche sociale, en particulier anthropologique, dans les prisons d'État de la province du Neuquén (Argentine). On opte ici pour la méthodologie traditionnelle de recherche en anthropologie en s'entourant d'un ensemble de précautions supplémentaires car il s'agit d'un domaine d'étude fragile en ceci qu'il est nécessaire de trouver un équilibre, presque toujours instable, entre les différents acteurs en scène : détenus, gardiens, autorités, agents du pouvoir judiciaire, familles des détenus. Il prend particulièrement en compte les rapports entre détenus ainsi que les rapports entre les détenus et les gardiens pour éviter d'aggraver la tension qui existe déjà, sans pour autant prendre parti pour aucun de ces acteurs, car l'objectif recherché est de maintenir un dialogue aussi cordial et ouvert que possible avec chacun d'entre eux. Ceci n'empêche pas que le chercheur social puisse adopter une position éthique face au délit, au non-respect des droits des détenus ou à la violation manifeste et répétée de ces droits. Il s'agit d'un domaine de conflit où on cherche une position propre, indépendante des acteurs, mais qui, en même temps, maintienne une fluidité de communication pour permettre le processus de recherche.
- Évolution dans l'organisation de la science politique : la dimension internationale - John Coakley p. 189 L'évolution de l'organisation de la science politique, comme celle d'autres disciplines, doit beaucoup à l'initiative de l'unesco à la fin des années 1940 visant à asseoir les sciences sociales sur une base institutionnelle solide. Le présent article étudie le contexte de la fondation de l'Association internationale de science politique en 1949. Il passe en revue les tendances observées dans l'évolution de la discipline avant cet événement : les racines intellectuelles anciennes de la science politique et la période étonnamment récente où sa légitimité a été acceptée dans les programmes universitaires. La création d'organisations professionnelles en science politique s'est produite beaucoup plus tard et à un rythme très inégal selon les pays. L'article examine plus en détail le processus menant à la reconnaissance du besoin d'une organisation internationale de la science politique, décrit les circonstances qui ont conduit à la fondation d'un tel organisme et évalue la contribution qu'il a très tôt apportée au développement de la discipline.
- L'anthropologie sociale dans les contextes de recherche fragiles. - Beatriz Kalinsky p. 171
- Les numéros parus - p. 205