Contenu du sommaire : Les suds et les relations internationales
Revue | La revue internationale et stratégique |
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Numéro | no 59, automne 2005 |
Titre du numéro | Les suds et les relations internationales |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
Eclairages
- Sant'Egidio au Mozambique : de la charité à la fabrique de la paix - Pierre Anouilh p. 9 La fin de la guerre civile au Mozambique et le processus de construction d'une paix durable ont été rendus possibles notamment grâce à l'action engagée de Sant'Egidio, communauté spirituelle originale qui se pose désormais en acteur de premier ordre dans la résolution des conflits internationaux. Née au départ de l'assistance des plus démunis de la banlieue romaine, rien ne semblait prédestiner cette communauté à la construction de la paix, si ce n'est la conjugaison d'une Weltanschauung et d'un mode opératoire uniques. L'action de Sant'Egidio coïncide avec un redéploiement de la diplomatie vaticane et la redéfinition de la place de l'Église dans l'espace public, attestant le passage d'une stratégie de discrétion à une stratégie d'identité attestée.Sant'Egidio in Mozambique : From Charity to Peace-BuildingThe end of the civil war in Mozambique and the building process of a lasting peace were notably made possible thanks to the committed action of Sant'Egidio, an original spiritual community which has now become an essential actor in the resolution of international conflicts. This community, created to assist the most impoverished and vulnerable people of the Roman suburbs, was not predestined to peace-building activities, if it were not for its unique Weltanschauung and operative mode. Sant'Egidio's actions are consistent with the redeployment of Vatican diplomacy and with the redefinition of the Church's role in the public arena, proving that the Vatican's strategy has actually evolved from a discrete position to one of an asserted identity.
- Quelle doctrine nucléaire pour la France ? - Georges Le Guelte p. 21 La doctrine nucléaire française, élaborée pendant la guerre froide, avait pour principal objectif de faire face à la menace soviétique. Des aménagements y ont été furtivement apportés après 1990, mais la position officielle reste que rien n'est changé à la politique en vigueur, si bien qu'il est très difficile de dire quel est aujourd'hui le rôle de nos forces nucléaires. Le risque est ainsi de dissocier objectifs affichés et moyens mis en œuvre, de définir des menaces correspondant aux armements dont on dispose — au lieu de se doter de moyens répondant aux dangers existants — et de ne pouvoir éviter une contradiction profonde entre politique de défense et politique extérieure.France in its Quest for a Nuclear DoctrineThe French nuclear doctrine was devised during the Cold War and its main objective was to face the Soviet threat. Some adjustments have been discreetly introduced after 1990, but the official policy remains the same, making it difficult for France to define accurately the role of its nuclear forces. The risk, in fact, is to dissociate the official objectives and the means put into effect, defining threats according to its available material — instead of acquiring the means that correspond to the actual dangers — and hence failing to avoid a strong contradiction between the Defence policy and the Foreign policy.
- Le bâton sans la carotte. Une nouvelle politique américaine au Moyen-Orient ? - Barah Mikaïl p. 31 Les derniers scrutins électoraux qui ont eu lieu en Irak, dans les Territoires palestiniens ou en Arabie Saoudite, l'adoption au Koweït du droit de vote des femmes, les différents mouvements de contestation politique qui ont récemment éclaté dans la région, ont suscité, parmi les analystes, de nombreuses questions quant à l'éventuelle corrélation entre ces événements et le rôle joué par les États-Unis. Le « vent démocratique » qui souffle actuellement au Moyen-Orient serait-il l'effet de la politique des États-Unis ? Rien n'est moins sûr. Il semble cependant que l'Administration américaine s'oriente vers un certain pragmatisme, le recours à la force ne demeurant toutefois pas exclu.The Stick Without the Carrot. A New American Foreign Policy in the Middle East ? Such different events as the elections in Iraq, in the Palestinian territories and in Saudi Arabia, as well as women's recent right to vote in Kuwait, have made many analysts wonder about their connection with the United States' intervention in the region. Is the « democratic wind » currently blowing in the Middle East a consequence of the American policy ? This is far from certain. Yet, the American administration seems to be turning towards a certain kind of pragmatism, without excluding, however, the use of force.
- L'élargissement de l'OTAN : Quelles répercussions sur les nouveaux membres et sur la structure de l'Alliance ? - Susanne Nies p. 43 Depuis sa fondation en 1949, l'Organisation du traité de l'Atlantique Nord (OTAN) a connu cinq élargissements successifs. Dix pays de l'ancien bloc soviétique, en 1999 puis en 2004, sont entrés dans l'Alliance atlantique. Cette ouverture à l'est de l'Europe n'est que le début d'un long processus d'élargissement visant à unifier l'espace européen. D'où l'intégration future de trois pays d'Europe centrale et orientale (PECO) — Albanie, Croatie et Macédoine —, ainsi que, peut-être, celle de l'Ukraine et de la Géorgie, membres de la Communauté des États indépendants (CEI). Par son extension, l'OTAN gagne en légitimité mais perd en visibilité. Cela pose le problème du rôle de l'Alliance sur la scène internationale, ainsi que la question de son identité, sur fond de sécurité européenne en construction.NATO's Enlargement : Consequences for its New Members and for the Structure of the AllianceSince its founding in 1949, NATO has been enlarged five times : ten countries from the former Soviet block have joined the transatlantic alliance successively in 1999 and in 2004. This opening-up to the East is only the beginning of a process that aims at unifying the European space. And three new countries from central and eastern Europe — Albania, Croatia and Macedonia — are expected to join the Alliance in the future, as well as perhaps the Ukraine and Georgia, which belong to the Commonwealth of Independent States (CIS). The enlargement of NATO contributes to increase its legitimacy, yet, on the other hand, it makes it less coherent. This situation raises the issues regarding both the role of the Alliance on the international scene as well as its identity alongside the construction of a European security system.
- La gendarmerie, acteur paradoxal de la "sécurité intérieure-extérieure" - Yves Chevrel et Olivier Masseret p. 57 L'effacement progressif de la distinction entre sécurité intérieure et sécurité extérieure impose aux forces de police un engagement de plus en plus poussé à l'international. Paradoxalement, la gendarmerie nationale — force du territoire — se révèle un acteur à part entière de la « sécurité intérieure-extérieure ». Œuvrant à l'étranger, aux côtés de la police, pour le retour de la sécurité intérieure, développant une coopération technique bilatérale spécialisée, participant aux différentes dimensions du nouvel espace européen de liberté, de sécurité et de justice, elle constitue en outre, aux côtés des armées, un outil privilégié pour des opérations de maintien de la paix qui se « policiarisent ».The Gendarmerie, A New Actor in the « Internal-External Security » HorizonThe progressive integration of internal and external security impulses the police forces into a deeper international involvement. Paradoxically, the gendarmerie nationale, a territorial force, is proving to be a major actor in the new « internal-external security » landscape. It is in fact engaged in different operational tasks, such as working abroad, either in cooperation with the police or developing a specialized, technical, bilateral frame, but also participating actively in the formation of each dimension regarding the new European space of liberty, security and justice. Furthermore, the gendarmerie nationale is turning out to be, jointly with the Army, a very efficient instrument for peace-keeping operations, which tend to correspond more and more to police tasks.
- Sant'Egidio au Mozambique : de la charité à la fabrique de la paix - Pierre Anouilh p. 9
Dossier : Les suds et les relations internationales
- L'Europe fait-elle sens pour les pays du Sud ? - Jean-Jacques Kourliandsky p. 71 Avec la fin de la guerre froide et l'affirmation des États-Unis comme hyperpuissance, le rôle de l'Europe, dans ce nouveau contexte, se pose avec une particulière acuité pour les autres pays du monde. L'Union européenne est-elle capable d'exister de manière lisible et active dans un monde en quête d'une multipolarité affirmée ? Peut-elle être envisagée comme un élément central de l'équilibre international par les différents « Suds » ? Ou bien est-elle incapable de surmonter ses divisions et de transcender ses problèmes institutionnels, économiques et sociaux ? Est-elle condamnée à accepter la suzeraineté des États-Unis, comme jadis les pays d'Amérique latine ? Ces questions renvoient inévitablement à s'interroger sur sa stratégie de puissance, sa souveraineté et, en définitive, sur son identité.Does Europe Make Sense for the Southern Countries ?With the end of the Cold War and the assertion of the United States as a superpower, Europe's role is becoming a serious issue for the other countries of the world. Is the EU able to exist effectively, with a clear and active policy, in a world that pursues an asserted multipolarity ? Can it be considered as the core of the international balance by the different countries of the « South » ? Or is it unable to overcome its divisions and transcend its institutional, economic and social problems ? Is it condemned to accepting the suzerainty of the United States as the Latin American countries did in the past ? Answering these questions inevitably leads to rethink its power strategy, its sovereignty and, ultimately, on its identity.
- L'éclatement des Suds et les nouvelles relations internationales - Philippe Hugon p. 83 Dans un contexte de mondialisation et de post-guerre froide, le rôle et les dénominations des pays du Sud ou des « Suds » ont subi d'importants changements. Le Tiers Monde est devenu largement une coquille vide avec la fin de l'affrontement bipolaire et la fin de l'esprit des non-alignés de Bandoeng (1955). Parallèlement, on observe un éclatement des pays en développement (PED) entre les nouveaux pays industrialisés (NPI) ou pays émergents en voie d'intégration, les pays pauvres ou moins avancés (PMA) en voie de marginalisation et pris dans des « trappes à pauvreté », et les pays faillis ou « États voyous ». On constate enfin l'émergence de nouvelles puissances régionales, notamment la Chine, l'Inde, le Brésil et l'Afrique du Sud, qui veulent se trouver une place dans une architecture internationale dominée par les puissances occidentales et avoir droit au chapitre.The Break-Up of the “Souths” and the New International RelationsThe role and the designation of the countries from the South, or “Souths”, have been altered significantly in the post-Cold War era and the globalization context. With the end of both the bipolar conflict and the spirit of the non-aligned movement of Bandoeng (1955), the « Third World », as a concept, has become an empty shell. At the same time, the developing countries are being disbanded into several groups : the Newly Industrialized Countries or emerging powers, the poor or less advanced countries, which are marginalized and wedged into poverty traps, and eventually the failed or the rogue states. Other new regional powers are also rising, among which China, India, Brazil and South Africa, and are aspiring at finding a place and having a say in an international architecture dominated by Western powers.
- L'Inde, l'Europe, le monde : une politique étrangère pragmatique - Jean-Luc Racine p. 95 Bien que le Parti du Congrès soit revenu au pouvoir, la politique étrangère indienne n'est plus définie par le seul « modèle Nehru », forgé aux lendemains de l'indépendance, dans le souvenir du passé colonial. Aux commandes de 1998 à 2004, les nationalistes hindous ont réhabilité la Realpolitik, marquée par les essais nucléaires et le rapprochement avec les États-Unis. Du non-alignement reste toutefois une volonté d'ouverture, une diplomatie à géométrie variable, très pragmatique, qui ne néglige ni la Russie, ni la Chine, ni les pays émergents du Sud. Partenaire économique majeur, l'Union européenne reste une puissance ambiguë aux yeux d'une Inde cherchant à jouer de l'ordre mondial au mieux de ses intérêts.India, Europe and the World : A Pragmatic Foreign PolicyAlthough the Congress Party is back to power, the Indian Foreign policy is no more guided by the « Nehru paradigm » defined in the post-independence days by the trauma of the colonial past. In charge between 1998 and 2004, the Hindu nationalists have rehabilitated Realpolitik, tested nuclear weapons and promoted a rapprochement with Washington. However, the new widely open diplomacy, which neglects neither Russia, nor China, nor the emerging countries, owns something to the legacy of non-alignement, in a new context where pragmatism prevails. The European Union, a major economic partner, remains an ambiguous power for New Delhi, at a time where India tries to adjust to the new world order, at the best of its interests.
- Union européenne et Amérique latine : partenaires distants ? - Hugo Fazio Vengoa p. 107 Les liens qui unissent l'Europe et l'Amérique latine ne suffisent guère à combler l'absence de cadre politique organisant leurs relations, ce qui engendre des asymétries problématiques à l'heure de la mondialisation. Les années 1980 ont été marquées par un certain optimisme concernant le rapprochement euro-latino-américain, mais le faible poids politique de l'Union européenne (UE), et plus encore celui de l'Amérique latine sur la scène internationale, ont freiné toute velléité de rapprochement. L'après-11 septembre est en cela significatif d'un paradoxe surprenant : non seulement les choix de l'Amérique latine l'ont éloignée des préoccupations de Washington mais, en outre, sa position s'est avérée contre-productive, l'Allemagne et la France n'étant pas les défenseurs habituels des causes latino-américaines dans les enceintes internationales.The European Union and Latin America : Distant Partners ?The ties that unite Europe and Latin America are numerous, and yet not enough to make up for the absence of a political frame organizing their partnership. This creates conflicting asymmetries in the context of globalization. If the 1980s were rather optimistic for their relations, the political weakness of the European Union on the international scene, and, even more so, Latin America's, have restrained their rapprochement attempts. In this sense, the post September 11 era reveals an amazing paradox : not only are Latin America's choices far from Washington's concerns, but, furthermore, its position has proven counterproductive, since Germany and France are not the usual defenders of Latin-American causes on the international scene.
- Ce que peut attendre l'Amérique latine de l'Europe : une perspective mexicaine - S.E. Claude Heller p. 119 L'Union européenne (UE) constitue un important référent politique et un partenaire économique non négligeable des démocraties latino-américaines. Cependant, la diversité des politiques et des économies latino-américaines ainsi que l'absence d'une politique extérieure commune entravent l'établissement de relations continues entre les deux régions, confrontées à des défis internes qui les détournent du rapprochement interrégional. Le Mexique, en raison de son histoire et des liens culturels qu'il entretient avec l'Europe, a souhaité faire de l'UE le pivot de sa politique de diversification vis-à-vis des États-Unis. Toutefois, afin d'approfondir ces relations et de tirer profit des convergences entre l'Amérique latine et l'Europe, cette dernière se doit de renforcer son unité et de mettre en place une véritable politique extérieure commune, seule à même d'équilibrer l'immense poids des États-Unis.What Does Latin America Expect from Europe ? A Mexican PerspectiveThe European Union (EU) is an important political referent and a significant economic partner of Latin American democratic countries. But the establishment of ongoing relations between the two regions is diverted by domestic challenges, hindered by the diversity of the Latin American policies and economies and impeded by the lack of a common foreign policy. Because of its historical and cultural links with Europe, Mexico has designated Europe as the linchpin of its policy of diversification, given its predominant ties with the United States. Yet, if Europe wants to strengthen this partnership and benefit from the confluence of its interests with Latin America, it needs to reinforce its unity and implement a genuine common foreign policy : an essential requirement if it aims at balancing the tremendous weight of the United States.
- Dix ans après Barcelone : état des lieux du partenariat euro-méditerranéen - Sophie Bessis p. 129 Dix ans après le Sommet de Barcelone, les relations entre l'Europe et les pays de la rive Sud de la Méditerranée semblent être au point mort, les déclarations d'intentions ayant laissé la place à un déficit de coopération entre les deux rives de la Méditerranée. Les attentats du 11 septembre, l'échec des Accords d'Oslo entre Israéliens et Palestiniens ainsi que l'élargissement de l'Union européenne à l'Est ont modifié le cours des relations euro-méditerranéennes. Afin d'enrayer cette tendance et de mettre un terme au repli identitaire qui frappe une grande partie de l'opinion arabe, l'Europe doit donc s'engager plus activement dans la coopération qu'elle a mise en place avec les pays de la rive Sud de la Méditerranée, partenaires naturels d'un Vieux Continent qui semble avoir tourné ses regards vers l'Est.Appraisal of the Euro-Mediterranean Partnership Ten Years After the Barcelona SummitA decade after the Barcelona Summit, the relationship between Europe and the countries on the southern shore of the Mediterranean Sea seems to have reached a standstill and the statements of principles that were produced on the occasion were only followed by a cooperation gap. The Euro-Mediterranean relations were altered by different elements, such as the September 11th attacks, the failure of the Oslo Agreements, and the enlargement of the European Union. In order to stem such a trend and put an end to the identity withdrawal that a large part of the Arab opinion is currently experiencing, Europe needs to get more actively involved in the cooperation it has implemented with its natural partners of the southern shore of the Mediterranean Sea instead of giving the impression of being mostly interested in the Eastern countries.
- L'Euroméditerranée, dix ans après - Ilan Halévi p. 139 Depuis sa création lors de la Conférence de Barcelone des 27 et 28 novembre 1995, l'Euroméditerranée peine à prendre forme. Malgré l'affirmation de valeurs et de principes à mettre en commun autant qu'à défendre, et qui sont à l'origine du Partenariat euro-méditerranéen (Processus de Barcelone), bon nombre d'incompréhensions et de malentendus demeurent. La question palestinienne se trouve au cœur de cette relation, de telle sorte que l'avenir de l'Euroméditerranée semble dépendre en grande partie de la résolution du conflit au Proche-Orient. Or, sur ce point, la voix de l'Europe apparaît bien timide et quelque peu résignée au regard de celle des États-Unis. D'où la nécessité de redéfinir les objectifs régissant les relations entre les différentes rives de la Méditerranée, afin d'effacer, ou tout au moins d'atténuer, les sources de tensions.The Euro-Mediterranean Partnership Ten Years AfterSince it was created during the Barcelona Conference in November 1995, the Euro-Mediterranean partnership is hardly a reality. In spite of the common statements of principles to defend, hardcore of the Barcelona Process, many misunderstandings still remain. The Palestinian issue is at the heart of these difficulties : therefore, to a large extent, the future of the partnership seems to depend on its solution. However, on this matter, Europe's voice appears to be weak and resigned, when compared to the American one. Hence, there is a need to redefine the objectives of the partnership, in order to clarify the relations between the two shores of the Mediterranean Sea and to limit the sources of tension.
En librairie
- Lecture critique : Pour une sociogenèse de l'altermondialisme - Josepha Laroche p. 145
- L'Europe fait-elle sens pour les pays du Sud ? - Jean-Jacques Kourliandsky p. 71