Contenu du sommaire : L'Amérique post-Trump ?
Revue | Hérodote |
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Numéro | no 184-185, 1er-2ème trimestre 2022 |
Titre du numéro | L'Amérique post-Trump ? |
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- Éditorial. « L'Amérique post-Trump » ? - Frédérick Douzet p. 3-10 « L'Amérique post-Trump ». L'expression a fleuri au lendemain de l'investiture de Joe Biden comme président des États-Unis en janvier 2021 alors que le mandat de Donald Trump venait de s'achever par un épisode inédit de contestation des résultats de l'élection présidentielle par le président déchu. Un climat de violence inouïe concluait quatre années d'une présidence non conventionnelle et pleine de rebondissements sous la conduite d'une personnalité pour le moins atypique. Le vocable « post-Trump » est riche de représentations, mais aussi de questionnements. Il véhicule tout d'abord l'idée de rupture, celle de l'avant et de l'après-Trump.Donald Trump a été le révélateur d'un mouvement de fond qui le précédait, mais il en a aussi été le catalyseur, exacerbant tout au long de son mandat les fractures extraordinaires – raciales, sociales et territoriales – qui traversent la société américaine. C'est la deuxième question que soulève l'expression « post-Trump » : quelle a été l'influence réelle de son mandat sur le pays ? Et surtout, quels en seront les effets durables ? Ce numéro de la revue Hérodote distingue un certain nombre de phénomènes qui se sont intensifiés ou qui ont émergé sous sa présidence, au premier rang desquels l'aggravation de la polarisation politique.« Post-Trump America ». The expression flourished following Joe Biden's inauguration as the President of the United States in January 2021. Donald Trump's term had just ended with the unprecedented contestation of the election result by the former president. An incredibly violent atmosphere was the conclusion of four unconventional years, full of unexpected developments, under an atypical leadership. The term « post-Trump America » conveys a lot of representations and images, but a lot of questions, too. It carries the idea of a breaking point – before and after Trump.Donald Trump has revealed a deeper and preexisting movement, that he also catalyzed – aggravating extraordinary racial, social and geographic fractures across American society during his entire term. And here is the second question raised by the term « post-Trump ». What has really been his impact on the country ? And more importantly, what lasting effects will we see ? This Hérodote issue explores some of the phenomenon that intensified or emerged under his presidency, starting with the worsening of political polarization.
- La Californie à l'avant-garde de la lutte contre le changement climatique : un immense défi politique - Bruce E. Cain, Frédérick Douzet p. 11-21 Face à la multiplication des sécheresses et des inondations dues au réchauffement climatique, la Californie cherche à rendre la vie durablement soutenable. Si elle a été à l'avant-garde de la décarbonisation de son économie, elle a tardé à s'attaquer aux problèmes du stockage de l'eau, de l'intensification des feux de forêt et de l'augmentation du niveau de la mer. La Californie affiche pourtant des objectifs extrêmement ambitieux pour, notamment, accroître l'achat de voitures électriques, développer le stockage de l'énergie et accélérer la mise en place de programmes de résilience climatique.Dans cet entretien, Bruce E. Cain revient sur les conséquences de la présidence Trump et des républicains sur la politique environnementale des États-Unis et de la Californie. Conséquence d'une évolution de la politique états-unienne, l'absence de consensus populaire sur un programme offensif de lutte contre le changement climatique était prévisible.In front of the multiplication of droughts and floods due to global warming, California is trying to make life sustainable in the long term. If it was at the vanguard in terms of decarbonization of its economy, California was late to tackle the problems of water storage, the intensification of wildfires, and the rising sea level. Nonetheless, California displays extremely ambitious goals to increase electric cars purchases, develop energy storage and fasten the implementation of climate recovery programs.In this interview, Bruce E. Cain analyzes the consequences of Trump's presidency and the republicans on the United States and California's environmental policies. Consequence of an evolution of American politics, the absence of a large consensus on an aggressive plan to fight climate change was predictable.
- La géographie politique des États-Unis lors des élections de 2020 - Laura Uribe, Micah Farver, Alex Zhao, Thad Kousser p. 23-46 Lors des élections de 2020 aux États-Unis, le candidat démocrate Joe Biden a remporté une nette victoire parmi le collège électoral sur son adversaire républicain, le président sortant Donald Trump. Mais les républicains ont comparativement mieux réussi les élections au Congrès, remportant treize sièges à la Chambre des représentants. Pourquoi les électeurs ont-ils fait basculer une branche du gouvernement – la présidence – en bleu, alors qu'ils ont, dans le même temps, poussé le Congrès vers la zone rouge ? Dans cet article, nous répondons à cette question en analysant les tendances électorales de la vie politique états-unienne de la dernière décennie, regardant les parts de vote sous-tendant chaque branche, au-delà des simples décomptes bien connus des voix du collège électoral et des sièges du Congrès. Nous explorons ces données par districts du Congrès au travers d'une série de cartes et nous analysons comment ils ont basculé entre 2016 et 2020, aux deux niveaux de gouvernement. Notre analyse se concentre sur le fait que les victoires des républicains en 2020 à la Chambre ne compensent que partiellement la performance exceptionnelle des démocrates en 2018. Cela nous amène à nous demander pourquoi les candidats républicains ont réalisé des scores bien pires qu'en 2016, et pourquoi ils n'ont pas été capables de regagner le contrôle du Congrès. Nos résultats montrent qu'en 2020 Donald Trump et les candidats républicains au Congrès ont récolté des scores faibles dans des districts suburbains clés où la population est diverse, donnant ainsi le contrôle, au moins temporairement, des deux branches aux démocrates.In the 2020 United States elections, while Democratic candidate Joe Biden won a decisive victory in the Electoral College over incumbent Republican Donald Trump, Republicans fared comparably better in the congressional elections, gaining 13 seats in the House of Representatives. Why did voters move one branch of government, the presidency, into the blue column while at the same time pushing Congress in the red direction ? In this essay, we answer this question by analyzing electoral trends over the past decade in American politics, looking not just at the widely reported Electoral College counts and congressional seat totals but at the underlying vote shares in both branches. We explore these vote shares by congressional districts through a series of maps and analyze how these districts shifted from 2016 to 2020 at both levels of government. Our analysis focuses on the fact that the Republican electoral gains in the 2020 House elections only partially counterbalanced the exceptionally strong Democratic performance in 2018, causing us to consider why Republican candidates fared worse than they did in 2016 and why they were not able to recapture control of Congress. We find that in 2020, it was in key suburban areas and districts with diverse populations that Donald Trump and especially congressional Republicans performed poorly, leaving control of both branches at least temporarily in Democratic hands.
- La dislocation de l'électorat républicain sous Trump ? Analyse des tendances électorales de 2016 à 2020 dans le Wisconsin et l'Arizona - Roman Vinadia p. 47-68 Cet article analyse l'évolution de l'électorat républicain à l'ère Trump. En prenant le Wisconsin et l'Arizona comme cas d'études, il démontre que, sous Trump, le Parti républicain a vu son électorat traditionnel se disloquer. Il montre que si cette dynamique est commune à l'Arizona et au Wisconsin, elle ne suit pas forcément les mêmes ressorts. Dans le Wisconsin, Trump apparaît comme un phénomène exogène au Parti républicain, menaçant une alliance rurale-suburbaine qui l'avait porté au pouvoir. Dans l'Arizona, Trump s'inscrit directement dans les lignes de clivage intra-républicain qui divisent le Parti depuis plusieurs décennies. Il engendre un renforcement de ces clivages dans les centres de pouvoir suburbains du parti tout en approfondissant son ancrage rural. Le parti fait donc globalement face à une ruralisation accrue de son ancrage territorial, mais l'évolution du comportement électoral des banlieues diffère d'un État à l'autre, compliquant sa stratégie électorale.This article analyzes the evolution of the Republican Party's electorate in the Trump era. It focuses on Wisconsin and Arizona as case studies to demonstrate the under Trump, the Republican Party has witnessed a dislocation of its electorate. It shows that though this dynamic is common to both states, it does not necessarily respond to the same triggers. In Wisconsin, Trump appears as an exogeneous phenomenon for the Republican Party, threatening the rural-suburbain alliance that had propelled it to power. In Arizona, Trump falls directly into the faultlines that has divided the Republican Party for decades. He has deepened those faultlines in its suburban strongholds while further cementing its rural support base. The party is thus facing a general ruralization of its electorate, but the evolution of its suburban electorale bases complicates its electoral strategy.
- Comment Trump a gagné la Floride. Et amélioré son score - Léa Le Pezron p. 69-91 En Floride, les scores obtenus par Donald Trump contredisent totalement la dynamique nationale. Dans le Sunshine State, le président sortant a non seulement réitéré sa victoire, mais a également amplifié son score. Avec 51,2 % des voix – contre 47,9 % pour le candidat démocrate – Donald Trump a remporté l'État avec la marge la plus importante, pour un candidat républicain, depuis 1988. Le vote de certaines minorités a été l'un des leviers de cette victoire. Les stratégies mises en place par le camp républicain se sont appuyées sur l'hétérogénéité de la population de l'État. Investissements financiers et médiatiques dans le ground game, campagne de désinformation ciblant les minorités, restriction du vote des électeurs noirs ou encore discours microciblés sur les enjeux préoccupant certains groupes de populations permettent de comprendre le succès électoral de Donald Trump. Comment expliquer que ce battleground state par excellence soit désormais considéré comme l'État d'adoption de Donald Trump et quel a été le rôle des minorités dans ce changement de position ?In Florida, the scores obtained by Donald Trump completely contradict the national dynamic. In the Sunshine State, the outgoing president not only repeated his victory, but also amplified his score. With 51.2 % of the vote – compared to 47.9 % for the Democratic candidate – Donald Trump won the state by the largest margin for a Republican candidate since 1988. The vote of certain minorities was one of the levers of this victory. The strategies put in place by the Republican camp were based on the heterogeneity of the state's population. Financial and media investments in the ground game, a disinformation campaign targeting minorities, the restriction of the black vote and micro-targeted speeches on issues of concern to certain population groups all help to explain Donald Trump's electoral success. How can we explain the fact that this battleground state par excellence is now considered as Donald Trump's adopted state and what role did minorities play in this change of position ?
- Les élections comptent. Remarques sur l'évolution de la politique électorale du mouvement Black Lives Matter - Charlotte Recoquillon p. 93-111 Cet article a pour objectif d'analyser l'évolution des tactiques électorales du mouvement Black Lives Matter jusqu'à ce jour. Dès le début, la nature très décentralisée et horizontale de BLM a permis la coexistence de stratégies locales variées et une pluralité de traditions militantes et politiques au sein du mouvement. En 2016, l'influence de BLM a pesé sur les démocrates. Aujourd'hui, le mouvement structure son entrée dans l'arène électorale. Ces évolutions s'inscrivent dans une stratégie plus générale de conquête de pouvoir et d'influence politique de long terme mais ne sont qu'un élément d'un vaste arsenal de stratégies militantes.This article aims at analyzing the evolution of Black Lives Matter's electoral tactics until this day. Since its beginnings, the very horizontal and decentralized nature of BLM allowed the coexistence of many local strategies, activism traditions and politics. In 2016, the influence of BLM put pressure on the Democrats. Today, the movement is structuring its entry into the electoral arena. These evolutions belong to a long-term strategy to build power and influence but are just one tactic among many political strategies.
- Créer une dépendance républicaine à un « sentier trumpien » : la stratégie de Trump World pour les élections de 2022 - Maxime Chervaux p. 113-133 En 2016, Donald Trump a gagné la Maison Blanche grâce à l'appui de dernière minute des groupes et donateurs républicains ralliés à sa candidature. Après sa défaite en 2020, l'ancien président et ses alliés ont progressivement mis en place une structure de groupes para-républicains qu'ils cherchent à substituer aux groupes républicains traditionnels, notamment grâce à sa force de frappe financière. Armé de Trump World, il s'investit dans les élections de mi-mandat de 2022 pour effacer toute trace d'opposition en soutenant « ses » candidats et en défaisant ceux qui refusent d'adopter l'agenda « America First ». La stratégie est payante : peu de républicains osent critiquer l'ancien président, ou voter « contre lui » au Congrès. Il utilise par ailleurs ces élections pour rendre sa candidature inévitable en 2024, créant un « sentier trumpien » qui s'impose de plus en plus à tous les candidats conservateurs. Mais, ce faisant, Trump World propulse des candidats aux idées et aux histoires personnelles douteuses, ce qui pourrait les disqualifier aux yeux des modérés et des indépendants à l'automne, une fois les primaires gagnées, offrant ainsi quelques espoirs aux démocrates dans un contexte qui leur est peu favorable.In 2016, Donald Trump won the White House with the last-minute support of Republican groups and donors who rallied behind his candidacy. After his defeat in 2020, the former president and his allies have gradually started to build a structure of para-Republican groups that they seek to replace traditional Republican groups, particularly with his financial clout. Armed with “Trump World”, he is moving into the 2022 midterm elections to erase all traces of opposition by supporting “his” candidates and defeating those who refuse to adopt the “America First” agenda. The strategy is paying off : few Republicans dare criticize the former president, or vote “against him” in Congress. Besides, he is using these elections to make his candidacy inevitable in 2024, creating a “Trumpian path” that is increasingly required on all conservative candidates. But in doing so, Trump World is propelling candidates with questionable ideas and personal histories, which could disqualify them in the eyes of moderates and independents in the fall, once the primaries are won, offering some hope to Democrats in an unfavorable environment.
- Un droit de vote à deux vitesses : le système électoral à l'épreuve des années Trump - Olivier Richomme p. 135-152 Le Parti républicain états-unien fait face à une évolution démographique qui lui est défavorable. Dans un contexte de polarisation politique croissante, au lieu de changer de stratégie, les républicains tentent de profiter d'un système électoral complètement décentralisé. Dans les États sous leur contrôle, on observe une multiplication des restrictions du droit de vote. Ils mobilisent l'argument de la fraude pour modifier les règles électorales afin de maintenir l'électorat le plus blanc, plus âgé et plus rural possible. Ces restrictions donnent lieu à de nombreuses batailles juridiques puisque les démocrates tentent, eux, d'assouplir les règles électorales en particulier dans le contexte de la pandémie. De plus, en 2020, l'assaut sur les règles électorales est venu directement du président Trump qui joua à la fois sur les conditions matérielles du vote et sur la confiance dans l'intégrité du scrutin. On assiste donc à une augmentation des inégalités dans l'exercice du droit de vote entre citoyens et entre États.The Republican Party is facing a demographic evolution that is not in its favor. Instead of changing strategy, and in a context of increasing political polarization, Republicans try to take advantage of the decentralized nature of the U.S. electoral system. Voting restrictions keep augmenting in states under their control. They use voter fraud as an excuse to modify election administration rules to maintain the electorate older, more White, more rural. These restrictions lead to a multiplication of laws suits since Democrats want to facilitate voting especially in the context of a pandemic. Moreover, in 2020, the attack on election rules came directly form president Trump who undermined voting conditions and questioned the integrity of American elections. Voting rights inequalities among Americans are growing as voting conditions now completely diverge from one state to the next.
- De quoi le 6 janvier est-il le signe ? Essai d'histoire immédiate - Simon Grivet p. 153-168 Le 6 janvier 2021, l'invasion du Congrès par les supporters de Donald Trump constitue la plus grave remise en cause des institutions démocratiques états-uniennes depuis la crise sécessionniste de 1861. Il reste encore difficile de déterminer les tenants et aboutissants d'un événement si important et si récent. Des enquêtes essentielles sont encore en cours et la définition même de l'événement donne lieu à une bataille politique intense. Cet article propose quelques pistes d'explications autour de l'histoire des violences d'extrême droite, de la double crise du xxie siècle états-unien (suites du 11 Septembre, « Grande Récession » de 2008) et du rôle clé joué par Trump dans cette affaire.On January 6, 2021, Congress was invaded by hundreds of Trump supporters in what is generally considered the worst contestation of democratic institutions in the U.S. since the Civil War. It is yet difficult to determine everything that happened about such fundamental but very recent event. Key investigations are still taking place led by the Justice Department and by a bipartisan congressional commission. The very definition of that event remains a bone of contention between parties. This article attempts to give several factors pertinent to what happened. It looks at the tradition of violence among far right and militia type groups. It explores the double crisis of the early 21st century in America : the terrorist attacks of September 11, 2001 and the Great Recession of 2008. Finally, the role of President Trump himself is surveyed.
- La liberté d'expression étudiante mise au service de l'alt-right - Simon Ridley p. 169-184 L'inversion symbolique du mythe de la liberté d'expression étudiante est la principale technique permettant à l'extrémisme de gangrener la démocratie. Revenir sur le mythe de la liberté d'expression dans les universités permet de comprendre comment son retournement, par l'entremise numérique, a ouvert les vannes pour un raz de marée de violences qui ont caractérisé la présidence Trump. Loin d'avoir été vaincue, l'alt-right est entrée dans le discours politique dominant et s'est diffusée au monde entier.I argue that the symbolic inversion of the myth of free speech is the main technique for extremism to plague democracy. Examining the myth of free speech in universities makes it possible to understand how its digital reversal has opened the floodgates for a tidal wave of violence that characterized the Trump presidency. Far from having been defeated, the alt-right has entered mainstream politics and has spread to the whole world.
- QAnon et le futur de la politique américaine - Mike Rothschild p. 185-200 Cet article analyse le mouvement conspirationniste connu sous le nom de QAnon – les révélations par un informateur anonyme des services secrets sur 4chan de ses origines, l'adhésion par une communauté conservatrice de plus en plus grande aux États-Unis, et sa large diffusion pendant la pandémie de Covid-19. Sur la base de recherches conduites pour l'écriture de mon livre sur QAnon, « La tempête est devant nous » (The Storm is Upon Us), et d'informations nouvelles, j'établis à quel point cette croyance est commune dans le conservatisme états-unien, les groupes démographiques qui y adhèrent, et comment le mythe de Donald Trump contrôlant les forces du Bien dans une guerre secrète contre le Mal a influencé l'élection de 2020.QAnon est profondément lié à l'industrie croissante des promoteurs tentant de renverser la victoire électorale de Joe Biden par des poursuites judiciaires frauduleuses et des « audits criminels » sur les bulletins de vote légaux. L'article s'appuie sur des articles de presse, des sources primaires collectées sur les réseaux sociaux et les forums de discussions, et sur des recherches antérieures pour établir que des idées précédemment marginales épousées par des gourous comme Q sont devenues courantes dans le Parti républicain, au point que des gens qui n'ont jamais entendu parler de Q y croient. Finalement, je soutiens que, bien qu'excentriques et bizarres, et indépendamment de leur couverture médiatique ou scientifique, des mouvements comme QAnon nécessitent notre attention et notre défiance.This paper examines the conspiracy theory movement popularly known as QAnon – its origins as the “intelligence drops” of an anonymous insider on the image board 4chan, its embrace by the wider conservative community in the United States, and its mainstreaming during the COVID-19 pandemic. Using research conducted during the writing of my book on QAnon, “The Storm is Upon Us”, along with more recent developments, I determine how widespread this belief is in American conservatism, the demographics of those who believe it, and how its mythology of Donald Trump controlling the forces of good in a secret war against evil influenced the 2020 election.QAnon is deeply enmeshed with the growing industry of promoters attempting to overturn Joe Biden's win in that election through fraudulent lawsuits and “forensic audits” of legally cast votes. The paper uses contemporary news stories, primary sources found on social media and message boards, and previous research to make the case that once-fringe ideas espoused by gurus like Q have become mainstream in the Republican Party to the point where people who have never heard of Q espouse them. Ultimately, I argue that while outlandish and bizarre, movements like QAnon must be paid attention to and confronted, as they grow whether or not the media and scholars cover them.
- Les réseaux sociaux et l'administration Trump - Valère Ndior p. 201-215 Les réseaux sociaux se sont retrouvés sous le feu des critiques en raison des activités de leur utilisateur le plus sulfureux, Donald Trump. Parmi les reproches adressés à Facebook, Twitter ou YouTube figure le défaut de modération des publications controversées de l'ancien président et de son entourage. Ces contenus étaient susceptibles de constituer des incitations à la violence ou à la haine, de relever de la désinformation, de renforcer la polarisation de l'opinion publique ou de compromettre l'intégrité des processus démocratiques. Cet article dresse le bilan des contributions des réseaux sociaux aux phénomènes engendrés durant le mandat Trump et des mesures prises pour les endiguer. Il s'appuie sur les interactions et rapports de force établis entre le président Trump et les plateformes ; les actions de ces dernières pour prévenir les troubles ; les allégations de partialité faites par l'administration Trump ; enfin, l'assaut du Capitole et la suspension des comptes du Président.Social media have come under fire because of the activities of their most controversial user, Donald Trump. The criticisms addressed to Facebook, Twitter or YouTube include the failure to moderate the contentious publications of the former president and his entourage. These contents were likely to constitute incitement to violence or hatred, to fall within the scope of disinformation, to reinforce the polarization of public opinion or to undermine democratic processes. This article assesses the contributions of social media to the issues that have arisen under the Trump administration and the steps taken to address them. It draws on the relationships and power dynamics between President Trump and the platforms ; the actions of social media to prevent harm ; the alleged bias of the social media ; and the storming of Capitol Hill and subsequent suspension of the president's accounts.
- « Under control » : soft power et diplomatie sanitaires états-uniens à l'épreuve du Covid-19 - Élisabeth Fauquert p. 217-233 En 2020, les États-Unis furent proportionnellement le pays le plus touché par l'épidémie de Covid-19. Leur réponse balbutiante à cette crise peut sembler surprenante si celle-ci est rapportée à l'essor spectaculaire du soft power et de la diplomatie sanitaire de ce même pays au xxe siècle. Elle l'est moins lorsqu'elle est rapportée au fonctionnement du système de santé catégoriel états-unien, au rôle qu'y jouent les grandes compagnies pharmaceutiques et aux politiques néo-fédérales ayant conduit à une érosion continue de la protection sociale et des financements alloués à la recherche fondamentale en biomédecine. Cet article analyse l'articulation entre ces forces et ces faiblesses en 2020-2021 et la manière dont elle a contre toute attente renforcé le soft power sanitaire états-unien, et consolidé la place de ce pays dans l'ordre géopolitique mondial.In 2020, the United States was the most affected country by the Covid-19 epidemic in relative terms. The U.S.'s faltering response to the crisis may seem surprising when compared to the spectacular rise of its soft power and health diplomacy in the 20th century. It is less surprising when related to the functioning of the U.S. categorical health care system, to the role Big Pharma plays in it, and to the neo-federal policies that have led to a continuous erosion of social protection and of funding for basic biomedical research. This article analyzes the articulation between these strengths and weaknesses in 2020-2021 and how they have, against all odds, strengthened U.S. health soft power and consolidated its dominant place in the global geopolitical order.
- The Long Goodbye : les États-Unis et le désengagement militaire du Moyen-Orient - Jean-Loup Samaan p. 235-248 Avec le retrait des troupes états-uniennes d'Afghanistan et la réduction de celles en Irak, la présidence Biden entend, enfin, acter le « pivot » des États-Unis du Moyen-Orient vers l'Asie. Déjà annoncée il y a une décennie, cette inflexion doit faire de la compétition avec la Chine l'axe central de la politique étrangère de Washington. Ce basculement a des implications majeures pour les équilibres stratégiques au Moyen-Orient, qu'il s'agisse de la sécurité des partenaires de Washington (Israël ou les pays du Golfe) mais aussi de la résolution de la crise nucléaire iranienne. Néanmoins, derrière le narratif géopolitique séduisant du « pivot », les réalités régionales pourraient bien contraindre les objectifs états-uniens. Il serait ainsi imprudent d'imaginer un désengagement militaire complet des États-Unis de la région. Si désengagement il y a, celui-ci sera tout au plus partiel et conçu pour pouvoir permettre, le cas échéant, un retour des troupes depuis les théâtres asiatiques ou européens.With the withdrawal of US troops of Afghanistan and their significant reduction from Iraq, the Biden presidency is finally acting on the U.S. “pivot” from the Middle East toward Asia. Announced a decade ago, this rebalancing aims to turn the competition with China into the main driver of the U.S. foreign policy. However, it has major implications for the balance of power in the Middle East, with regards to the security of U.S. partners (Israel and Gulf countries) or to the resolution of the Iranian nuclear crisis. Beyond the compelling logic of the “pivot” geopolitical narrative, regional contingencies may constrain the actual implementation of U.S. goals. A full U.S. military disengagement from the region remains as of today unlikely. If this was to materialize, such disengagement would be partial and designed to allow, if needed, a return of troops from the Asian or European theaters.
- Le « retour de l'Amérique » dans les instances multilatérales : entre trumpisme résiduel et stratégie de ralliement autour des priorités états-uniennes - Alexandra de Hoop Scheffer p. 249-260 À bien des égards, le « America First » de Trump a déteint sur le « America is Back » de Biden. Le président Joe Biden est contraint de composer avec la résilience du trumpisme et son emprise sur le Parti républicain et une bonne partie des électeurs états-uniens, et de reconnaître à son prédécesseur une nouvelle manière de parler du rôle des États-Unis dans le monde : à travers sa « politique étrangère pour la classe moyenne » états-unienne, l'administration Biden est convaincue qu'elle doit reconnecter les priorités internationales des États-Unis (Chine, souveraineté et désengagement militaire) avec les préoccupations des électeurs de la classe moyenne sous peine d'aliéner davantage le peuple états-unien de son système politique. L'hyperpolarisation politique pousse le président Biden à chercher des résultats rapides et concrets, parfois même au risque de limiter les consultations et les discussions avec les alliés les plus proches des États-Unis. La question qui se pose aujourd'hui est de savoir dans quelle mesure le retour (sélectif) des États-Unis dans les instances multilatérales est temporaire ou durable.In many ways, Trump's “America First” has rubbed off on Biden's “America is Back”. President Joe Biden is compelled to deal with the resilience of Trumpism and its hold on the Republican Party and much of the American electorate, and to acknowledge his predecessor's new way of addressing America's role in the world : through its “foreign policy for the American middle class” the Biden administration is convinced that it must reconnect America's international priorities (China, sovereignty, and military disengagement) with the concerns of middle-class voters or risk further alienating the American people from its political system. Political hyperpolarization is pushing President Biden to seek quick and concrete results, sometimes even at the risk of limiting consultations and discussions with America's closest allies. The question today is to what extent America's (selective) return to multilateral forums is temporary or sustainable.
- Réticences et limites de la politique russe de l'administration Biden - Marlène Laruelle p. 261-270 L'administration Biden a développé une politique envers la Russie qui reconnaît l'impossibilité d'aborder les racines de la confrontation stratégique actuelle mais cherche malgré tout à reprendre un dialogue minimal afin d'établir une relation « stable et prédictible » avec Moscou. L'objectif de Washington est de parquer la Russie dans son statut de semi-grande puissance et d'éviter qu'elle puisse défier les États-Unis plus qu'elle ne le fait déjà, afin que les forces financières, diplomatiques et militaires états-uniennes puissent se redéployer autour de la compétition avec la Chine, identifiée comme l'adversaire prioritaire. Cet article discute le contexte de l'héritage des années Trump dans la vision de la Russie, la construction de la nouvelle politique russe de l'administration Biden, les divisions entre think tanks sur leur vision de la Russie, et la difficulté pour Washington de trouver la juste place de l'Europe dans sa vision de la Russie et plus globalement du monde.The Biden administration has built a Russia policy that recognizes the impossibility to solve the roots of the current confrontation but that still searches to relaunch a minimal strategic dialogue in order to establish a “stable and predictable” relationship to Russia. Washington's objective is to park Russia in its status of semi-great power so it cannot challenge the U.S. more than it does already, therefore allowing the US to recenter its financial, diplomatic, and military forces toward China, identified as the main adversary, This article explores the Trump presidency's legacy, the crafting of the new Biden Russia's policy, the think tank world contrasted vision of what should be the U.S. Russia's policy, and the difficulties for the U.S. to allocate a fair place to Europe in its relationship to Russia and more globally in the world.
- Une guerre froide fluide : les États-Unis, la Chine et la concurrence autour de la technologie numérique - Adam Segal p. 271-284 La production, l'utilisation, le contrôle et la gouvernance des technologies numériques est l'un des secteurs de compétition les plus évidents entre les États-Unis et la République populaire de Chine. Pékin et Washington ne considèrent pas seulement l'intelligence artificielle, les futures générations de télécommunication (5G), les semiconducteurs et autres technologies d'information comme essentiels à leur compétitivité économique et sécurité nationale, elles posent ce conflit en termes de plus en plus idéologiques. Les deux pays se « découplent » de certaines chaînes d'approvisionnement et du contrôle des flux trans-pacifiques de technologies, de données, de capitaux et d'humains. Ils augmentent les investissements dans les capacités technologiques et scientifiques domestiques, la régulation des plateformes digitales, et vers la constitution d'une gouvernance globale dans les technologies digitales. La fragmentation du monde numérique semble inévitable, mais la « guerre froide numérique » n'opposera pas des blocs formels face à face. Washington et Pékin sont plutôt dans une compétition fluide pour les réseaux numériques.One of the clearest areas of competition between the United States and the People's Republic of China is over the production, use, control, and governance of digital technologies. Not only do Beijing and Washington see artificial intelligence (AI), next generation telecommunications (5G), semiconductors and other information technologies as central to economic competitiveness and national security but also they increasingly cast the conflict in ideological terms. The two countries are “decoupling” from select supply chains and controlling the trans-Pacific flow of technology, data, capital, and people. They are increasing investment in domestic science and technology capabilities, regulating digital platforms at home, and trying to shape the global governance of digital technologies. Fragmentation of the digital world appears inevitable, but the “digital cold war” will not be formal blocs standing off against each other. Rather, Washington and Beijing are in fluid competition over digital networks.
- L'Indopacifique des États-Unis ou comment maintenir la primauté états-unienne en Asie - Isabelle Saint-Mézard p. 285-299 L'article propose d'abord une généalogie du concept de l'Indopacifique aux États-Unis. Il souligne le caractère précurseur de la politique du pivot vers l'Asie de l'administration Obama, tout en montrant que l'adoption officielle de la terminologie de l'Indopacifique par le président Trump en 2017 marque une inflexion majeure. Dès lors, en effet, les États-Unis basculent dans une approche ouvertement antichinoise et centrée sur l'idée d'une confrontation de système de valeurs. L'Indopacifique des États-Unis est, en ce sens, intimement lié à l'aggravation de leur rivalité avec la Chine. L'article analyse, ensuite, les moyens déployés par les États-Unis pour mettre en œuvre leur stratégie indopacifique. Il montre qu'en l'espèce les États-Unis se sont inscrits dans la continuité d'une approche générale établie dès les années 2000, consistant à renforcer et élargir leur réseau d'alliances et de partenaires en Asie et à explorer différentes combinaisons de formats minilatéraux. Il souligne néanmoins que l'Indopacifique des États-Unis s'est surtout concrétisé dans le domaine de la sécurité et que son volet économique est resté sous-développé depuis 2017, ce qui constitue une faille pour contrer l'influence de la Chine dans ce vaste espace régional.The article first provides a genealogy of the concept of the Indo-Pacific in the United States. It underscores the pioneering nature of the Obama administration's Pivot to Asia policy, while showing that President Trump's official adoption of the Indo-Pacific terminology in 2017 marked a major shift. From then on, the United States opted for an overtly anti-Chinese approach centered on the idea of a confrontation of the value system. The United States's Indo-Pacific is, in this sense, intimately linked to the deepening of its rivalry with China. The article then analyzes the means deployed by the United States to implement its Indo-Pacific strategy. It shows that the United States has followed a general approach established in the 2000s, which has consisted in strengthening and broadening its network of alliances and strategic partnerships in Asia and in exploring different combinations of minilateral formats. It nevertheless underlines that the Indo-Pacific of the United States has mainly materialized in the field of security and that its economic component has remained underdeveloped since 2017, which constitutes a loophole to counter the influence of China in this vast regional space.
- Hérodote a lu - Charlotte Recoquillon p. 301-305