Contenu du sommaire : Le multilinguisme dans les organisations internationales
Revue | Mots. Les langages du politique |
---|---|
Numéro | no 128, mars 2022 |
Titre du numéro | Le multilinguisme dans les organisations internationales |
Texte intégral en ligne | Accès réservé |
Dossier
- Politiques des langues dans les organisations internationales - Chloé Gaboriaux, Rachele Raus, Cécile Robert, Stefano Vicari p. 9-25 Le choix du multilinguisme dans les organisations internationales implique un travail constant – et coûteux – de traduction et d'interprétariat, dont les répercussions politiques sont encore trop souvent sous-estimées. Ce sont ces dernières que le présent dossier vise à éclairer, dans une perspective pluridisciplinaire.The choice of multilingualism in international organisations involves constant - and costly - translation and interpreting work, the political repercussions of which are still too often underestimated. This dossier aims to shed light on the political repercussions of this work, from a multidisciplinary perspective.
- Regard historique sur les régimes multilingues de deux organisations internationales : le Conseil de l'Europe et le Comité international de la Croix-Rouge - Maria Rosa Garrido Sardà, Zorana Sokolovska p. 27-44 L'objectif de notre article est d'étudier les débats déterminant les régimes multilingues de deux organisations internationales, le Conseil de l'Europe et le Comité international de la Croix-Rouge, aux xxe et xxie siècles. À la lumière d'une perspective historique et ethnographique, nous cherchons à éclairer la conception du régime linguistique dans chaque organisation ainsi que le développement de leurs politiques linguistiques respectives.The purpose of this paper is to examine debates that shape the linguistic regimes in two international organisations, the Council of Europe and the International Committee of the Red Cross, in the 20th and 21st centuries. By adopting a historical and ethnographic perspective, we seek to grasp the conception of the linguistic regimes in each organisation as well as the development of their respective language policies.
- Les ouvertures interprétatives du terme « law enforcement » dans l'espace multilingue de l'Union européenne - Francesca Bisiani p. 45-64 Cet article se propose d'analyser à la fois dans un corpus multilingue de directives européennes (1991-2020), dans des dispositifs terminologiques et de traduction automatique, les écarts de signification qui se manifestent lorsque le terme « law enforcement » doit être transposé dans des systèmes juridiques et linguistiques différents. Ces observations nous permettront de faire ressortir la dimension politique de ce concept et les positionnements idéologiques des énonciateurs.In reliance upon a multilingual corpus of European directives (1991-2020) and various terminological and automatic translation devices, the present paper sets out to analyse differences in meaning that may arise whenever the term “law enforcement” is to be transposed into another legal and linguistic system. The outcome will highlight the concept's political dimension and the enunciators' ideological standpoints.
- La traduction des discours européens sur l'intelligence artificielle entre effets de sens et « capitalisme de surveillance » - Rachele Raus p. 65-84 À partir d'un corpus de documents multilingues des institutions de l'Union européenne (2017-2020), cet article entend analyser la traduction anglais-français-italien des discours sur l'intelligence artificielle pour montrer le rôle qu'elle peut jouer dans la diffusion ou, vice-versa, dans l'action d'endiguer un discours idéologique, en acquérant une sorte d'agentivité.Based on a corpus of multilingual documents from European Union institutions (2017-2020), this paper aims to analyse the English-French-Italian translation of discourse on artificial intelligence to show how translation can spread or resist the ideological discourse, by acquiring a sort of agency.
- La traduction à l'heure de la pré-adhésion de l'Albanie à l'Union européenne : prescriptions européennes, résistances et aménagements du multilinguisme européen - Tibissai Guevara-Braun p. 85-103 L'article explore les effets du processus d'élargissement de l'Union européenne à l'Albanie sur les pratiques des traducteurs officiels et la langue albanaise du point de vue de la sociologie de la traduction et de la sociologie politique de l'intégration européenne. Loin d'exporter la norme institutionnelle du multilinguisme, les institutions et les dispositifs européens contribuent à renforcer la domination de l'anglais comme langue pivot tout en dépolitisant la question de la langue et de ses usages techniques. Émerge alors en Albanie la posture du traducteur tragique, qui lutte en vain pour la préservation de la pureté de la langue et l'identité linguistique albanaises.This paper explores the effects of the enlargement process of the European Union to Albania on the practices of official translators and on the Albanian language from the perspective of the sociology of translation and the political sociology of the integration process. Far from exporting the institutional norm of multilingualism, European institutions and their instruments contribute to reinforcing the predominance of the English language as a pivot language while depoliticising the status of the language and its technical use. As such, the tragic position of the translator, advocating in vain for the preservation of the purity of the Albanian language and its linguistic identity, emerges in Albania.
- Multilinguisme et dénominations des minorités dans les rapports annuels d'Amnesty International : communauté LGBTi et personnes déplacées - Stefano Vicari, Anna Giaufret p. 105-124 Dans cette étude, nous analyserons les rapports annuels d'Amnesty International 2016/17, 2017/18 et 2019, dans leurs versions anglaise, française et italienne (deux langues stratégiques, une tactique), afin de montrer les stratégies discursives déployées par Amnesty International dans les différentes langues pour affirmer la nécessité de respect des droits humains fondamentaux et les périls qui guettent leur existence même dans les contextes où l'ONG opère. À la suite d'une présentation générale de ces stratégies discursives et argumentatives dans les trois langues, nous nous pencherons plus dans le détail sur celles utilisées pour nommer (ou ne pas nommer, en poursuivant en cela une stratégie de généralisation, suivant différents moyens selon la langue utilisée) certaines minorités ethniques, religieuses et sociales considérées comme « vulnérables » (Abbas et al., 2019) et dont cette organisation se propose de sauvegarder les droits fondamentaux.Nous nous proposons donc de montrer comment ces nominations et expressions circulent dans les discours traduits, à savoir, leurs cooccurrences, leurs cotextes, leurs emplois et les éventuels écarts de sens entre les différentes versions des rapports.In this study, we will analyse Amnesty International's 2016/17, 2017/18 and 2019 annual reports in their English, French and Italian versions (two strategic languages, one tactical), to show the discursive strategies deployed by Amnesty International in the different languages to affirm the need for respect for fundamental human rights and the perils that threaten their very existence in the contexts where the NGO operates. Following a general presentation of these discursive and argumentative strategies in the three languages, we will look in more detail at those used to name (or not to name, in pursuit of a strategy of generalisation, using different means depending on the language used) certain ethnic, religious and social minorities considered “vulnerable” (Abbas et al., 2019) and whose fundamental rights this organisation aims to safeguard.We therefore propose to show how these names and expressions are conveyed in the translated discourses, namely, their co-occurrences, their co-texts, their uses and possible discrepancies in meaning between the different versions of the reports.
- Politiques des langues dans les organisations internationales - Chloé Gaboriaux, Rachele Raus, Cécile Robert, Stefano Vicari p. 9-25
Réflexions de terrain
- Le multilinguisme de l'Organisation des Nations unies - Marie-Josée de Saint Robert p. 127-147 L'objet de cet article est d'analyser la politique linguistique de l'ONU, telle que définie en 1946, ainsi que les principaux obstacles rencontrés depuis lors pour la mettre en œuvre. Sont principalement décrits les efforts des États membres et du secrétaire général pour parvenir à la parité linguistique entre les deux langues de travail du Secrétariat que sont l'anglais et le français, et entre les six langues officielles des autres organes principaux des Nations unies, tels que l'Assemblée générale, à savoir l'anglais, l'arabe, le chinois, l'espagnol, le français et le russe. Leurs récents efforts en vue de l'intégration systématique du multilinguisme dans les activités de l'Organisation se sont traduits par la multiplication du nombre de langues employées au Secrétariat pour entendre et servir les peuples du monde, au point qu'un terme tel que « omnilinguisme » semble mieux rendre compte que « multilinguisme » de ce nouvel aspect de la politique linguistique de l'Organisation.This paper analyses the United Nations linguistic policy defined in 1946 and the main obstacles encountered in implementing it since then. The emphasis is placed on how Member States and the Secretary-General devised ways of reaching linguistic parity between the two working languages of the Secretariat, English and French, and the six official languages, Arabic, Chinese, English, French, Russian and Spanish, of the other main organs of the United Nations, e.g. the General Assembly. It shows also how their most recent attempt at applying multilingualism to all United Nations activities increases to a large extent the number of languages used in the Secretariat so as to hear and serve the peoples of the world, to the point that the term “omnilingualism” seems more appropriate than “multilingualism” to denote this new aspect of its language policy.
- Le multilinguisme de l'Organisation des Nations unies - Marie-Josée de Saint Robert p. 127-147
Varia
- No kids, more life? Du souci environnemental au sein des communautés childfree - Sébastien Roux, Julien Figeac p. 151-175 À partir de l'ethnographie en ligne de communautés childfree et du traitement lexicographique de publications choisies, l'article étudie l'évolution des discours sur la vie sans enfant dans l'espace anglophone. Depuis une dizaine d'années, les arguments écologiques rencontrent un écho croissant au sein des pages et groupes étudiés. Longtemps structuré par l'opposition entre une infertilité subie et une volonté affirmée de non-parentalité, l'espace childfree s'ouvre de plus en plus aux positions dites « anti-natalistes » qui font de la réduction de la population un objectif politique et/ou une position éthique. Ni malédiction, ni opportunité, la vie sans enfant devient pour certains une décision altruiste et rationnelle, s'imposant pour faire face à l'imminence de la catastrophe écologique. En caractérisant ces arguments et leur diffusion, l'article interroge le sens de discours qui font de la vie sans enfant moins un empêchement que l'expression d'un autre rapport au monde et à la population.Based on an ethnographic analysis of childfree communities, and on the lexographical processing of Internet posts, this paper analyses the evolution of speech about childlessness in the English-speaking world. Over the past dozen years, environmental fears have progressively emerged as a main concern among the Internet pages and groups that we studied. While childfree communities have been long divided between those who lament their infertility and those who defend a life without children, new “antinatalist” discourses have emerged that place population reduction as a legitimate political aim and/or a valid ethical proposition. Childfree life, seen as neither a curse nor an opportunity, tends to be more frequently associated with an altruistic decision in the face of impending ecological disasters. By describing these discourses, and retracing their evolution and distribution, this paper studies the emergence of new ethical concerns that defend childfree lives as an ecological choice and a new approach to population growth.
- Le populisme comme phénomène de communication : une comparaison transversale et longitudinale des campagnes politiques sur Facebook - Ulrike Klinger, Karolina Koc-Michalska p. 177-199 Dans cet article, nous envisageons la notion de populisme comme un phénomène de communication qui comprend des éléments typiques de contenu (le peuple, l'anti-élitisme et l'exclusion des hors-groupes) et de style (l'évocation de la peur, la simplification excessive et le registre de langue), nous éloignant ainsi des approches centrées sur les acteurs pour adopter une approche centrée sur les contenus. Empiriquement, notre étude mesure les différents degrés et les différentes formes de populisme à travers l'analyse de 3564 posts Facebook publiés sur les pages de partis politiques en France, en Allemagne et au Royaume-Uni pendant les campagnes des élections européennes de 2014, les campagnes des élections parlementaires nationales de 2017 et une période non électorale dans chaque pays en 2018. Les résultats montrent que le populisme n'est pas un phénomène marginal, mais qu'il est présent dans environ un quart des messages ; qu'il existe des distinctions dans le temps entre les pays, les types de partis, les domaines politiques. Si les partis radicaux sont très exclusifs à l'égard des groupes marginaux à droite et très anti-élitistes à gauche et à droite, cette observation ne donne qu'une vision partielle du phénomène multiforme du populisme.In this paper, we adopt the notion of populism as a communication phenomenon that includes typical elements of content (i.e. people, anti-elitism, and the exclusion of out-groups) and of style (i.e. evoking fear, oversimplification, and style of language). We thus move away from actor-centric approaches towards a content-centric approach of studying populism. Empirically, our study measures populism to varying degrees and forms in 3,564 Facebook posts of political parties in France, Germany and the United Kingdom during the 2014 EU election campaigns, the 2017 national parliamentary election campaigns, and a non-electoral period in 2018 in each country. The results show that populism is not a marginal phenomenon but that it is present in about one-fourth of all posts in some form; that there is variance between countries, party types, policy fields, and over time. While radical parties are very exclusionary towards out-groups on the right and very anti-elitist on the left and the right, this observation provides only a partial view of the multifaceted phenomenon of populism.
- No kids, more life? Du souci environnemental au sein des communautés childfree - Sébastien Roux, Julien Figeac p. 151-175
Comptes rendus de lecture
- Marie-Hélène Hermand, Eurorégions : l'éclosion de la communication transfrontalière : Bruxelles, Éditions de l'Université (coll. « Journalisme et communication »), 2020, 224 p. - Clémentine Leroy p. 201-206
- Pauline Moret-Jankus, Race et imaginaire biologique chez Proust : Paris, Classiques Garnier, 2016, 316 p. - Dominique Colas p. 206-209
En ligne
- Populism as a communication phenomenon: A cross-sectional and longitudinal comparison of political campaigning on Facebook - Ulrike Klinger, Karolina Koc-Michalska p. 210 Dans cet article, nous envisageons la notion de populisme comme un phénomène de communication qui comprend des éléments typiques de contenu (le peuple, l'anti-élitisme et l'exclusion des hors-groupes) et de style (l'évocation de la peur, la simplification excessive et le registre de langue), nous éloignant ainsi des approches centrées sur les acteurs pour adopter une approche centrée sur les contenus. Empiriquement, notre étude mesure les différents degrés et les différentes formes de populisme à travers l'analyse de 3564 posts Facebook publiés sur les pages de partis politiques en France, en Allemagne et au Royaume-Uni pendant les campagnes des élections européennes de 2014, les campagnes des élections parlementaires nationales de 2017 et une période non électorale dans chaque pays en 2018. Les résultats montrent que le populisme n'est pas un phénomène marginal, mais qu'il est présent dans environ un quart des messages ; qu'il existe des distinctions dans le temps entre les pays, les types de partis, les domaines politiques. Si les partis radicaux sont très exclusifs à l'égard des groupes marginaux à droite et très anti-élitistes à gauche et à droite, cette observation ne donne qu'une vision partielle du phénomène multiforme du populisme.In this paper, we adopt the notion of populism as a communication phenomenon that includes typical elements of content (i.e. people, anti-elitism, and the exclusion of out-groups) and of style (i.e. evoking fear, oversimplification, and style of language). We thus move away from actor-centric approaches towards a content-centric approach of studying populism. Empirically, our study measures populism to varying degrees and forms in 3,564 Facebook posts of political parties in France, Germany and the United Kingdom during the 2014 EU election campaigns, the 2017 national parliamentary election campaigns, and a non-electoral period in 2018 in each country. The results show that populism is not a marginal phenomenon but that it is present in about one-fourth of all posts in some form; that there is variance between countries, party types, policy fields, and over time. While radical parties are very exclusionary towards out-groups on the right and very anti-elitist on the left and the right, this observation provides only a partial view of the multifaceted phenomenon of populism.
- Populism as a communication phenomenon: A cross-sectional and longitudinal comparison of political campaigning on Facebook - Ulrike Klinger, Karolina Koc-Michalska p. 210