Contenu du sommaire : Walter Benjamin Vol. 2
Revue | Sociétés |
---|---|
Numéro | no 155, 2022/1 |
Titre du numéro | Walter Benjamin Vol. 2 |
Texte intégral en ligne | Accès réservé |
Walter Benjamin Vol. 2
- Walter Benjamin : constellation d'une pensée en fragments - Fabio La Rocca p. 5-10
- L'origine en exil : langage, vérité et traduction chez Benjamin et Heidegger - Hans Ruin p. 11-33 L'essai aborde la question de l'origine du langage, telle qu'elle s'articule dès l'époque de Rousseau et Herder, à travers une comparaison entre les théories de Heidegger et de Benjamin de l'origine du sens dans une sphère prélinguistique. Elle s'oppose à la conception commune selon laquelle les deux penseurs représentent deux trajectoires philosophiques très différentes. Au lieu de cela, il insiste sur les nombreuses correspondances entre eux, à la fois historiques, personnelles et thématiques, notamment à travers leur intérêt commun pour les écrits énigmatiques de Hamann. Une question centrale est de savoir si les significations communiquées par la langue peuvent être séparées de son expression linguistique.This essay addresses the question of the origin of language, as articulated from the time of Rousseau and Herder, through a comparison between Heidegger and Benjamin's theories of the origin of meaning in a pre-linguistic world. It argues against the common conception according to which the two thinkers represent two very different philosophical trajectories. Instead, it insists on the many similarities between them, both historical, personal, and thematic, not least through their shared interest in the enigmatic writings of Hamann. A central question is whether the meanings communicated by language can be separated from its linguistic expression.
- Le temps accompli. Note sur le tragique chez Walter Benjamin - Luigi A. Manfreda, Fabio La Rocca p. 35-42 Ce texte propose quelques considérations sur l'idée de tragédie chez Walter Benjamin. Dans l'Ursprung des deutschen Trauerspiel et dans quelques courts écrits précédant l'ouvrage de 1928, Benjamin s'attarde sur l'idée de tragédie dans le but principal de mettre en évidence celle de Trauerspiel. Néanmoins, ses pages sur la tragédie antique sont très pénétrantes et mettent en évidence certains de ses motifs essentiels. Le héros tragique pour Benjamin vit dans un temps accompli, tout compris dans l'horizon du mythe. Son attitude, qui ne connaît aucune médiation, finit par le faire entrer en collision avec l'ethos consolidé de la polis, et le condamne ainsi au silence. Pour l'auteur de l'essai, ce silence inaugure néanmoins un nouveau dialogue dans les profondeurs de l'individualité du héros.This text makes some observations on the idea of tragedy in Walter Benjamin's work. In the Ursprung des deutschen Trauerspiel and some short writings preceding the 1928 opera, Benjamin dwells on the idea of tragedy with the main purpose of highlighting the one of Trauerspiel. However, Benjamin's musings on ancient tragedy are nevertheless very insightful and highlight some of its essential themes. For Benjamin, the tragic hero lives in a time that has already passed, all included within the horizon of the myth. His attitude, that knows no mediation, ends up making him collide with the consolidated ethos of the polis and therefore consigns him to silence. To the author of the essay, however, this silence inaugurates a new dialog in the depths of the hero's individuality.
- L'immersion du visionnaire. Intérieur/extérieur chez Walter Benjamin - Alain Mons p. 43-54 Walter Benjamin a été un visionnaire spécial se situant dans l'immersion du monde, et non pas dans une pureté transcendantale. Il a particulièrement pointé la compénétration subtile des choses entre elles, en pensant leur inséparation secrète. Ainsi en est-il de sa sensibilité extrême à la ville comme espace imaginaire du labyrinthe accompli à travers les passages, les glissements incessants entre les intérieurs et les extérieurs, matériels et mentaux. Les miroirs de la grande ville comme Paris ouvrent au phénomène des apparitions et des disparitions se succédant dans la potentialité de la multiplicité des regards et des sensations, et des espèces d'errance. Benjamin est à la fois un phénoménologue et un métaphysicien, il s'agit pour lui de percevoir et comprendre la transmorphose des situations urbaines, artistiques, amoureuses, corporelles, politiques, poétiques.Walter Benjamin was a special visionary, situating himself in the immersion of the world and not in a transcendental purity. He particularly pointed out the subtle interpenetration of things, alluding to their secret inseparation. The same is true of his extreme sensitivity to the city as an imaginary labyrinthine space: through passages and incessant shifts between material and mental interiors and exteriors. The mirrors of a big city like Paris open to the phenomenon of appearances and disappearances following one another in the potentiality of the multiplicity of glances and sensations, and the varieties of wandering. Benjamin is both a phenomenologist and a metaphysician, so for him it is a question of perceiving and understanding the transmorphosis of urban, artistic, amorous, corporal, political, and poetic situations.
- Le Printemps adorable a perdu son odeur. Benjamin, Simmel et l'expérience de la modernité : réflexions sociologiques - Massimo Cerulo p. 55-70 L'objectif de cet article est de réfléchir sur une série de ressemblances entre la théorie sociale de Walter Benjamin et celle de Georg Simmel relativement aux caractéristiques de la modernité. Dans la première partie, les formes principales assumées par l'expérience de la modernité seront approfondies selon l'analyse produite par Benjamin. Dans la deuxième partie, on examine les modalités à travers lesquelles la modernité influence la vie quotidienne des sujets dans les métropoles, selon la théorie de Simmel qui souligne en particulier le phénomène de l'intensification de la vie nerveuse. En même temps, une comparaison entre les deux auteurs sera proposée, en montrant la validité de leurs théories pour ce qui concerne la pratique de l'expérience émotionnelle dans la société postmoderne.The aim of this article is to reflect on a series of similarities between the social theories of Walter Benjamin and Georg Simmel with respect to the characteristics of modernity. In the first section, we deeply examine the main forms assumed by the experience of modernity according to the analysis produced by Benjamin. In the second section, we examine the modalities through which modernity influences the daily life of subjects in metropolises, according to Simmel's theory which highlights in particular the phenomenon of the intensification of mental life. At the same time, we propose a comparison between the two authors, showing the validity of their theories also with regard to the practice of emotional experience in late-modern society.
- Les aventures du « sex appeal de l'inorganique » - Mario Perniola, Fabio La Rocca p. 71-79 Cet article vise à une réflexion sur les régimes de l'art en centrant l'attention sur le sex appeal de l'inorganique comme manifestation esthétique afin de déterminer un autre type de classification de l'art. À travers le célèbre essai de Walter Benjamin sur « l'œuvre d'art », l'impact théorique mire à montrer l'expérience esthétique fondée sur la perspective de la dimension de l'expérience entre l'humain et les choses et cela devient une modalité nous permettant de lire divers aspects de la culture occidentale, dont l'art contemporain.This article proposes a reflection on the regimes of art by focusing on the sex appeal of the inorganic as an aesthetic manifestation in order to determine another type of classification of art. Through Walter Benjamin's famous essay on the “work of art”, the theoretical impact aims to show the aesthetic experience based on the perspective of the dimension of experience between humans and things. This becomes a modality allowing us to read various aspects of Western culture including contemporary art.
- L'art, le cinéma et le public : généalogie de l'aura - Vincenzo Susca p. 81-93 Dans le socle de l'interprétation benjaminienne de l'aura d'une œuvre d'art en tant que dispositif magique par lequel se rend présente une absence, nous suggérons que le processus de reproductibilité technique sollicite des mécanismes sociaux d'appropriation des formes communicatives, dans lesquels l'aura a un rôle central. À la disparition de la valeur culturelle, politique et sacrée d'une œuvre authentique et non reproductible s'oppose la formation d'une chaîne d'instruments, d'objets et d'images à haute densité symbolico-émotionnelle qui rendent le corps social même et ses conformations, sujet et objet de la contemplation. Le cinéma devient la scène médiatique, le territoire où s'inaugure un processus de va-et-vient entre l'œuvre et le public, objet et sujet de la communication et de la culture. Ainsi, dans les méandres auparavant occupés par l'art, s'engage la longue dynamique du devenir art du public.Based on Walter Benjamin's interpretation of the aura of a work of art as a magical device through which an absence is made present, we suggest that the process of mechanical reproduction solicits social mechanisms of appropriation of communicative forms, in which the aura has a central role. To the disappearance of the cultural, political, and sacred value of an authentic and non-reproducible work is opposed the formation of a chain of instruments, objects, and images with high symbolic-emotional density that make the social body itself and its conformations, subject and object of the contemplation. The cinema becomes the media scene, the territory where a process is inaugurated of going back and forth between the work and the audience, object and subject of communication and culture. Thus, in the meanders previously occupied by art, the long dynamics of the becoming art of the audience begins.
- Le musée imaginaire de Walter Benjamin - Pablo Cuartas p. 95-102 Walter Benjamin s'est donné la mort en 1940, à Portbou, en Espagne. Peu avant la mort volontaire, il s'était adonné à la mémoire volontaire, c'est-à-dire au méticuleux exercice de réminiscence que l'on voit apparaître dans les pages de Sens unique et Enfance berlinoise. Or ce n'est pas un effort mémoriel comme les autres : à l'instar de Proust, l'un de ses auteurs phares, l'entreprise de Walter Benjamin consiste à bien des égards à vivre – et à faire vivre – par l'écriture une expérience matérielle de la mémoire.Walter Benjamin took his own life in 1940, in Port-Bou, Spain. Shortly before his voluntary death, he committed himself to voluntary remembrance, namely, to the meticulous exercise of reminiscence, noticeable on the pages of One-Way Street and Berlin Childhood. However, it is a remembrance effort unlike any other: following Proust, one of his biggest literary influences, Walter Benjamin's undertaking consists in many regards to live—and make live—by means of writing, a tangible experience of remembrance.
- Les apocalypses de l'Histoire. Transmédialité de l'Angelus Novus dans la postmodernité allemande de Heiner Müller - Claudia Attimonelli p. 103-112 Là où l'Angelus Novus, en vertu du continuum historique constitué par les catastrophes et les ruines, réussit à entrer dans le futur, ceux de Heiner Müller, grand dramaturge allemand de Berlin divisé puis réunifié, font l'expérience d'une sorte d'immobilité, d'une incapacité à agir, et inaugurent ainsi une nouvelle herméneutique de l'ange benjaminien. Une figure de la postmodernité allemande, si l'on pense au film de Win Wenders Les Ailes du désir ou à la Love Parade berlinoise terminée à la Colonne de la Victoire. À travers des fragments visuels et des anachronismes littéraires, il y a là une véritable source de nouvelles significations sociales et d'imaginaires inouïs.Where the Angelus Novus succeeds in entering the future by virtue of the historical continuum constituted by catastrophes and ruins, the angels of Heiner Müller, the great German dramatist of the divided and then reunified Berlin, experience a kind of immobility, an incapacity to act, and thus inaugurate a new hermeneutic of the angel once owned by Walter Benjamin. A figure of German postmodernity, if one thinks of Wim Wenders' movie Wings of Desire, or the Berlin Love Parade which used to end at the Victory Column. Through visual fragments and literary anachronisms, there is a real source of new social meanings and unexpected imageries.
- Retour sur une lecture de jeunesse des thèses sur la philosophie de l'histoire - Hélène Strohl p. 113-118 En 1971 paraît en France le premier recueil de textes de Walter Benjamin. L'auteure de cet article, alors très jeune étudiante en histoire et proche des idées de l'ultra-gauche allemande commente les « Thèses sur la philosophie de l'histoire » dans une longue introduction à une traduction d'un militant ultra-gauche allemand, Otto Rühle (1924). À l'époque, elle lit cet essai comme un hymne nostalgique célébrant les vaincus de l'histoire, les conseillistes allemands, les anarchistes espagnols. Mais n'est-ce pas la notion même de révolution, de prise de pouvoir qui génère la tristesse ? celle qui empêcha Walter Benjamin de repartir à l'assaut de la frontière espagnole pour un nouvel exil ?In 1971, the first collection of Walter Benjamin's texts was published in France. The author of this article, then a very young history student and close to the ideas of the German far-left, comments on the "Theses on the Philosophy of History" in a long introduction to a translation by a German far-left activist, Otto Rühle (1924). At the time, she read this essay as a nostalgic hymn celebrating the defeated of history: German councilists and Spanish anarchists. But isn't it the very notion of revolution, of the taking of power, that generates sadness? The very notion that prevented Walter Benjamin from setting off across the Spanish border for a new exile?
- Des signes entre les vieux bédouins. Une interprétation épistolaire de Benjamin - Stefano Cristante p. 119-134 Walter Benjamin (1892-1940) et Gerhard Scholem (1897-1982) étaient liés par une profonde amitié, entrelacée depuis 1912 et se poursuivant jusqu'en 1940, lorsque Benjamin se suicide à Portbou, terrifié à l'idée d'être livré aux nazis. Les deux intellectuels, tous deux de confession juive, ont fait des choix existentiels différents : Benjamin est resté en Allemagne jusqu'à ce que la persécution raciale du régime nazi le contraigne à errer en Europe, tandis que Scholem s'est installé en Palestine et a travaillé à l'Université de Jérusalem, où il a pu se consacrer à l'étude de la mystique juive. L'essai porte sur la correspondance entre les deux chercheurs, en particulier sur la proximité de Benjamin avec le communisme, sa relation avec les chercheurs de l'Institut de recherche sociale dirigé par Max Horkheimer et avec Bertolt Brecht. Sur la toile de fond de la correspondance apparaît clairement la tentative de Benjamin de ne pas renoncer à sa recherche intellectuelle et à son amitié, même s'il a été contraint de chercher des lieux marginaux et périphériques où il pourrait survivre dans une Europe alors livrée aux guerres d'Hitler.Walter Benjamin (1892–1940) and Gerhard Scholem (1897–1982) were bound by a deep friendship, intertwined since 1912 and continuing until 1940 when Benjamin committed suicide in Port Bou, terrified of being handed over to the Nazis. The two intellectuals, both of Jewish faith, made different existential choices: Benjamin remained in Germany until the racial persecution of the Nazi regime forced him to roam around Europe, while Scholem settled in Palestine and worked at the University of Jerusalem, where he could devote himself to the study of Jewish mysticism. This essay concerns the correspondence between the two scholars, particularly on Benjamin's proximity to communism, and his relationship with the scholars of the Institute of Social Research (directed by Max Horkheimer) and with Bertolt Brecht. Against the backdrop of this correspondence, Benjamin's attempt not to give up his intellectual research and friendship is clearly visible, even though he was forced to look for marginal and peripheral places where he could survive in a Europe given over to Hitler's wars.
Marges
- Un imaginaire « dialogique » d'Umberto Eco dans La structure absente : le crépuscule de la raison - Eduardo Portanova Barros, Fábio Lopes Alves, Claudia Barcelos de Moura Abreu p. 135-154 Cet article traite de l'imaginaire du biais « dialogique » comme principe à la fois complémentaire et antagoniste de La structure absente d'Umberto Eco. Pour Eco, une épistémologie de la différence vise à montrer les diverses manières de caractériser la structure dont la nature n'est pas, à son avis, un facteur unique. Et, comme nous le verrons, c'est pour penser le caractère épistémique du terme « structure » qu'Eco y ajouta le mot « absent ». Mais pas comme un déni : comme un doute, une ouverture et une possibilité sur ce que nous appellerons, pour l'instant, un crépuscule de la Raison, le tragique.This article deals with the imaginary of the “dialogic” bias as a principle that is both complementary and antagonistic to Umberto Eco's The Absent Structure. For Eco, an epistemology of difference aims to show the various ways of characterizing the structure whose nature is not, in his opinion, a single factor. And, as we will see, it was in order to think about the epistemic character of the term "structure" that Eco added the word "absent." But not as a denial: as a doubt, an opening, and a possibility on what we will call, for the moment, a twilight of Reason, the tragic.
- La flèche du temps. Une lecture médiologique du voyage dans le temps - Alessio Ceccherelli p. 155-169 Résumé : Cet article propose une lecture médiologique du thème du voyage dans le temps, en prenant comme point de départ le roman de H.G. Wells The Time Machine, puis en analysant l'évolution − au cours des XXe et XXIe siècles − des nombreux récits portant sur ce thème. On identifie au moins trois hypothèses médiologiques essentielles : la relation étroite entre la perception du temps et le médium du cinéma (le second influençant et peut-être même déterminant le premier) ; la relation entre certains médias et certains types de voyages dans le temps vue dans leurs influences réciproques ; une réflexion autour des raisons pour lesquelles le thème est encore si présent dans l'imaginaire d'aujourd'hui ainsi que du rapport existant entre la difficulté d'imaginer le futur (la plupart des voyages dans le temps se déroulent dans le passé) et de percevoir la société.This article offers a mediological reading of the theme of time travel, taking H.
G. Wells' The Time Machine as a starting point, then analyzing the development−during the twentieth and twenty-first centuries−of the many stories that have been written on this theme. There are at least three basic mediological hypotheses: the close relationship between the perception of time and the medium of cinema (the latter influencing and perhaps even determining the former); the particular relationship between certain media and certain types of time travel, with reciprocal influences; an open reflection on why the theme is still so present in today's imagination, and on what relationship there might be between the difficulty of imagining the future (most time travel is in the past) and the perception we have of society and the idea of society.
- Un imaginaire « dialogique » d'Umberto Eco dans La structure absente : le crépuscule de la raison - Eduardo Portanova Barros, Fábio Lopes Alves, Claudia Barcelos de Moura Abreu p. 135-154