Contenu du sommaire : Transition écologique
Revue | Futuribles |
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Numéro | no 448, mai-juin 2022 |
Titre du numéro | Transition écologique |
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- Le réveil de l'Europe ? - Hugues de Jouvenel p. 3-4
- Quatre scénarios pour la transition écologique : L'exercice de prospective de l'ADEME Transition(s) 2050 - Eric Vidalenc, Jean-Louis Bergey, Valérie Quiniou, David Marchal, Emmanuel Combet p. 5-21 Face à l'urgence climatique et au renforcement des ambitions européennes visant à atteindre la neutralité carbone, le calendrier de la transition écologique en France est désormais soumis à de fortes contraintes. Dans ce contexte, plusieurs exercices de prospective ont été entrepris ces dernières années, pour nourrir le débat et donner aux décideurs les éléments de réflexion nécessaires à la mise en œuvre d'une stratégie de transition compatible avec les objectifs de décarbonation du pays2.L'ADEME (Agence de la transition écologique), établissement public interministériel, qui coordonne depuis plus de 10 ans des réflexions prospectives sur la transition écologique française, a publié fin 2021 son dernier exercice sur le sujet : Transition(s) 2050. Cet article rappelle le contexte et la méthodologie de cet exercice, fruit de deux ans de travaux et de concertation. Il présente les quatre scénarios types, cohérents et contrastés, proposés par l'ADEME pour conduire la France vers la neutralité carbone à l'horizon 2050 : « Génération frugale », « Coopérations territoriales », « Technologies vertes » et « Paris réparateur ». Imaginés pour la France métropolitaine, ces scénarios reposent sur les mêmes données macroéconomiques, démographiques et d'évolution climatique, mais ils empruntent des voies distinctes et correspondent à des choix de société très différents. Aux décideurs politiques désormais d'organiser le cheminement qui leur semble le plus pertinent et acceptable, en ayant en tête que chaque scénario constitue un tout cohérent (il ne s'agit pas de « picorer » dans les quatre), qu'outre l'échéance 2050, les étapes intermédiaires sont cruciales (notamment 2030), et qu'enfin, pour tenir ces étapes intermédiaires, les actions sur la demande (donc les modes de vie et consommation) sont incontournables. S.D.Given the looming climate emergency and heightened European ambitions for carbon neutrality, the schedule for ecological transition in France is now very tight. In this context, a number of foresight exercises have been undertaken in recent years to stoke the debate and provide decision-makers with the food for thought needed for implementing a transition strategy compatible with the country's de-carbonization objectives.ADEME (France's Ecological Transition Agency), an inter-departmental public body that has been coordinating foresight thinking on the French ecological transition for more than 10 years, published its last exercise on the subject — Transition(s) 2050 — in late 2021. This article reminds us of the context and methodology of that exercise, the fruit of two years' work and collaboration. It lays out the four typical — coherent and contrasting — scenarios proposed by ADEME for taking France toward carbon neutrality by 2050. These are: ‘Frugal Generation', ‘Territorial Cooperation', ‘Green Technologies' and ‘Restorative Paris'. Conceived for mainland France, these scenarios are based on the same macroeconomic, demographic and climate data, but they take distinct paths and reflect very different societal choices. It is now up to the political decision-makers to choose the path that seems most appropriate and acceptable to them, keeping in mind that each scenario forms a coherent whole (one cannot ‘cherry-pick' from within the four), and that, above and beyond the 2050 target date, the intermediate stages are crucial (particularly 2030) and, lastly, to meet these intermediate targets, that it will be imperative to take action to modify demand — and hence to change ways of life and consumption.
- Le rail, locomotive de la mobilité future en Europe ? - Catherine Vieilledent p. 23-39 Avec le Pacte vert lancé en 2019, puis le « paquet climat » de 2021, l'Union européenne affiche de grandes ambitions sur le plan environnemental, notamment celle d'atteindre la neutralité carbone à l'horizon 2050, avec un objectif intermédiaire de baisse de ses émissions de gaz à effet de serre de 55 % d'ici 2030. Pour ce faire, certains secteurs sont particulièrement stratégiques, à commencer par celui des transports puisque c'est le premier secteur émetteur de gaz à effet de serre de l'Union (plus de 25 % du total). Or, pour décarboner ce secteur, il faut miser avant tout sur les transports collectifs et les moins émetteurs, parmi lesquels le rail occupe une place privilégiée mais insuffisamment soutenue par les politiques et investisseurs européens. Alors que l'Année européenne du rail s'est achevée fin 2021, Catherine Vieilledent montre ici comment a évolué la politique européenne en matière ferroviaire ces dernières décennies, le retard pris alors que le rail pourrait jouer un rôle moteur dans la stratégie environnementale de l'Union ; elle souligne les atouts des transports ferroviaires intraeuropéens (de voyageurs comme de marchandises) et l'importance d'un rééquilibrage dans les modes de transport (en vue d'inciter à un report modal). Elle plaide ainsi pour que soit achevé au plus vite le réseau de transport ferroviaire transeuropéen, élément essentiel de la « mobilité durable et résiliente » sur le Vieux Continent. S.D.With the Green Pact that was launched in 2019 and the ‘Climate Package' of 2021, the European Union has shown great ambition on the environmental front, particularly with its goal of achieving carbon neutrality by 2050 and intermediate aim of a 55% reduction of greenhouse gas emissions by 2030. Some sectors are of particularly strategic importance here, beginning with transport, since it is the leading greenhouse gas emitting sector in the EU (more than 25% of the total). To decarbonize this sector, the main emphasis has to be on public transport and modes of transport with the lowest emissions. Among these, railways have pride of place but receive insufficient support from European investors and politicians. With the European Year of Railways ending in December 2021, Catherine Vieilledent shows here how European railways policy has evolved over recent decades, and how rail has fallen behind when it could play a lead role in the Union's environmental strategy. She stresses the advantages of intra-European rail transport (for both passengers and freight) and the importance of re-balancing modes of transport (with the aim of encouraging a modal shift). In so doing, she is arguing for the completion, as soon as possible, of the trans-European rail network, a key element in ‘sustainable resilient mobility' on the Old Continent.
Repères
- Les budgets de défense européens suite au conflit russo-ukrainien - Matthieu Anquez p. 40-45
- Les Balkans et l'Europe : convergence et diversité - Max-Valentin Robert p. 47-58 Suite à la parution de l'article comparant les valeurs des Russes à celles exprimées en Europe dans les enquêtes EVS (European Values Studies)1, Futuribles complète cette comparaison des systèmes de valeurs sur le continent européen en proposant ici un regard sur les populations des États des Balkans. Dans le contexte géopolitique particulièrement tendu qui règne au moment de boucler ce numéro (fin mars 2022), analyser et comprendre comment évoluent les valeurs des Européens de part et d'autre du continent, voir si elles convergent et valident les options démocratiques qui prévalent dans l'Union européenne, constituent des éléments essentiels pour décrypter les réactions et évolutions à venir vis-à-vis des événements.Max-Valentin Robert, s'appuyant sur les données des EVS des vagues 2008-2010 et 2017-2020 recueillies en Albanie, Bosnie, Macédoine, Monténégro et Serbie (pays des Balkans occidentaux impliqués dans une démarche d'intégration à l'espace européen), examine ici le regard porté par leurs populations sur l'Union européenne et la notion d'« européanité », et leur degré d'adhésion aux valeurs démocratiques. Si bien des valeurs et critères d'appartenance à l'ensemble européen convergent avec ceux exprimés par les opinions des États de l'Union et des pays d'Europe centrale et orientale entrés dans l'Union en 2004, on constate aussi que l'adhésion au système démocratique européen se fait pour partie par dépit (en réaction aux dysfonctionnements de leurs propres institutions) et qu'elle n'exclut pas un regard encore bienveillant sur certaines alternatives plus autoritaires. En somme, si les valeurs des populations balkaniques montrent une convergence importante avec celle des populations des États membres de l'Union, la tendance reste à confirmer sur le long terme, à l'épreuve des évolutions en cours et à venir… S.D.Following the publication of the article comparing Russians' values with those expressed in Europe in the European Value Study (EVS) surveys, Futuribles rounds off this comparison of value-systems on the European continent by offering insight into the populations of the Balkan states. In the particularly tense geopolitical context prevailing as this issue goes to press (mid-March 2022), analysing and understanding how the values of Europeans are developing in different parts of the continent, seeing whether they are converging and supporting the democratic views predominant in the European Union, provide essential evidence for deciphering future developments and reactions to events.Drawing on EVS data from the 2008-2010 and 2017-2020 waves collected in Albania, Bosnia, Macedonia, Montenegro and Serbia (Western Balkan countries involved in a process for integration into the European space), Max-Valentin Robert examines the views of their populations on the European Union and the notion of ‘Europeanness' and their degree of adherence to democratic values. Though many values and criteria for membership of the general European family converge with the opinions found in EU states of long standing and in the Central and East European countries that joined in 2004, it also seems to be the case that adherence to the European democratic system is partly down to resentment (in reaction to the failures of their own institutions) and that it doesn't exclude a benevolent attitude toward some more authoritarian alternatives. All in all, if the values of the Balkan populations show significant convergence with those of the populations of EU member states, the trend remains to be confirmed over the long term, as it is tested by current and future developments…
- Le Caucase du Sud : turbulences et perspectives - Anton Eichberger p. 59-72 Complétant la comparaison des systèmes de valeurs sur le continent européen initiée par l'article de Pierre Bréchon et Myriam Désert sur les valeurs des Russes1, Futuribles propose ici un regard sur les populations des États du Caucase du Sud, toujours à partir des enquêtes EVS (European Values Studies). Comme le savent nos lecteurs, le Caucase comprend deux parties : le Caucase du Nord (Tchétchénie, Daghestan…) qui fait partie de la fédération de Russie ; et le Caucase du Sud, composé de trois pays indépendants (mais se disputant certains territoires) entre la mer Noire et la mer Caspienne. Ce sont les valeurs exprimées dans ces trois pays — la Géorgie, l'Arménie et l'Azerbaïdjan — qu'Anton Eichberger a comparées à celles des Européens de l'Ouest et de l'Est, en particulier s'agissant du rapport à l'Union européenne et des sentiments nationalistes.Après avoir rappelé les conflits et tensions qui affectent le Caucase du Sud depuis des décennies, Anton Eichberger montre ici les disparités existant entre ces pays en matière de nationalisme. Si les valeurs nationales ressortent comme essentielles, et nettement plus marquées qu'en Europe de l'Ouest et de l'Est, la nature du nationalisme varie, tantôt identitaire et fermé (Azerbaïdjan, Géorgie), tantôt plus axé sur des modes de vie partagés (Arménie) ; de même que le rapport aux immigrés (Arméniens et Géorgiens exprimant plus de compassion que les Azerbaïdjanais et même que les Européens). Dans ces domaines, le poids de l'Histoire et du rapport à la Russie reste prégnant, comme en témoigne en particulier l'ouverture marquée de la Géorgie à l'égard de l'Union européenne — mais que la guerre lancée par la Russie contre l'Ukraine en 2022 pourrait venir substantiellement refroidir. S.D.Completing the comparison of value systems on the European continent begun by Pierre Bréchon and Myriam Désert's article on the values of the Russian people, Futuribles offers an insight here into the populations of the states of the South Caucasus, also based on European Values Study (EVS) surveys. As our readers will be aware, there are two parts to the Caucasus region: North Caucasus (Chechnya, Daghestan etc.), which is part of the Russian Federation, and the South Caucasus comprising three independent countries (with some territories disputed) between the Black and the Caspian Seas. It is the values expressed in these three countries — Georgia, Armenia and Azerbaijan — that Anton Eichberger compared with those of Western and Eastern Europeans, particularly with regard to the European Union and nationalist sentiment.After reminding us of the conflicts and tensions that have affected the South Caucasus for decades, Eichberger shows the disparities that exist between these countries in terms of nationalism. If national values emerge as essential — and distinctly more marked than in Western or Eastern Europe — the nature of that nationalism varies, being at times closed and identitarian (Azerbaijan or Georgia) and at others more oriented toward shared ways of life (Armenia). Something similar applies with the attitude to immigrants, Armenians and Georgians expressing more compassion than Azerbaijanis — and even than Europeans. In these areas, the weight of history and the relationship with Russia remains influential, as is evidenced in particular by the distinct openness of Georgia toward the European Union, though this is something which might be cooled to a substantial extent by the war Russia began against Ukraine in 2022.
- Modéliser et prévoir les socio-écosystèmes marins : L'anticipation au profit de la gouvernance - Olivier Maury p. 73-86 Poursuivant la série ouverte en juillet 2020 dans la revue Futuribles, consacrée à l'avenir de la mer et de l'océan, Olivier Maury montre ici l'importance des travaux et outils de modélisation des « socio-écosystèmes » marins, afin de nourrir la réflexion stratégique visant à répondre aux défis à venir en la matière.Soumis à une pêche excessive, aux changements climatiques et à de multiples autres perturbations anthropiques, les socio-écosystèmes marins changent rapidement et les services écosystémiques fondamentaux qu'ils offrent aux sociétés humaines (tels que l'exploitation des ressources naturelles, la régulation de l'environnement via la biodiversité marine…) sont menacés. Des modèles numériques intégrés permettent cependant de mieux comprendre ces socio-écosystèmes et d'anticiper leurs changements dans le cadre de scénarios d'évolution du climat et des sociétés humaines, comme le rappelle cet article. Inquiétantes, les projections utilisant ces modèles montrent que les changements climatiques pourraient entraîner une diminution drastique des productions halieutiques. Il est donc urgent d'élaborer et de mettre en œuvre les stratégies de transition écologique qui permettraient d'assurer la viabilité conjointe des écosystèmes et des sociétés humaines. Comme le souligne Olivier Maury, placer le développement de scénarios fondés sur la science au cœur de la gouvernance et de l'établissement des politiques publiques pourrait permettre de construire ces stratégies, à tous les niveaux du système de gouvernance mondiale des pêches, et de les traduire tactiquement pour s'adapter aux changements rapides auxquels l'océan est confronté. S.D.Continuing the series on the future of the seas and oceans begun in Futuribles journal in July 2020, Olivier Maury lays out the importance of the studies and tools aiming to model marine ‘socio-ecosystems', in order to fuel strategic thinking so as to meet future challenges in this area.Subject to overfishing, climate change and multiple other anthropic disturbances, marine socio-ecosystems are changing rapidly and the fundamental ecosystem services they provide to human societies (such as the exploitation of natural resources, environmental regulation through marine biodiversity etc.) are at risk. However, integrated computational models enable us, as this article reminds us, to understand these socio-ecosystems better and anticipate how they will change within the framework of scenarios for the evolution of climate and human societies. The projections using these models are worrying and show that climate change could lead to a drastic decrease in seafood production. There is an urgent need, then, to develop and implement the ecological transition strategies that would enable us to ensure the co-viability of ecosystems and human societies. As Olivier Maury stresses, putting the development of science-based scenarios at the heart of governance and public policy-making could enable us to build these strategies, at all levels of the global fisheries governance system, and to translate them tactically to adapt to the rapid changes our oceans are facing.
Chronique européenne
- L'Europe, la France et la gouvernance multiniveau - Jean-François Drevet p. 87-95 Suite à la réforme territoriale engagée en 2014, marquée par le passage de 22 à 13 régions en 2016, et par le développement de l'intercommunalité, la France a vu baisser un peu le nombre de ses collectivités ; elle reste néanmoins parmi les États membres de l'UE affichant le plus d'unités territoriales. En dépit d'efforts de simplification que rappelle ici Jean-François Drevet, les avancées sont lentes et ce morcellement des niveaux décisionnels ne simplifie pas la gouvernance pour les citoyens. Symétriquement, même si l'évolution institutionnelle de l'Union européenne (à petits pas) a permis une délégation croissante de compétences des États membres vers le niveau européen, le processus décisionnel (en particulier la règle de l'unanimité dans certains domaines clefs) a aussi un coût, en termes d'efficacité mais aussi d'image. Face au conflit russo-ukrainien, comme il y a quelques années face à la politique turque, on mesure les limites du système et la nécessité de renforcer les capacités de décision de l'Union, de sorte qu'elle puisse réagir plus vite et plus vivement. Pour ce faire, de nouvelles évolutions institutionnelles seront indispensables, vers plus de fédéralisme ; la France devra donc très certainement reconsidérer ses choix en matière de gouvernance à tous les échelons territoriaux. S.D.Following the territorial reform begun in 2014, marked by the move from 22 to 13 regions in 2016 and by the development of ‘inter-communality', France has seen the number of its local administrative authorities fall a little; it nevertheless remains among EU member states with the greatest number of territorial units. Despite efforts at simplification, of which Jean-François Drevet reminds us in this article, advances have come slowly and the present fragmentation of decisional levels does nothing to simplify governance for citizens. Similarly, even if the institutional development of the European Union (by ‘baby steps') has made it possible increasingly to delegate some member-state competencies to the European level, the decision-making process (particularly the requirement for unanimity in some key matters) also has a cost, not only in terms of efficiency but also of image. With the Russia-Ukraine conflict, as with policy toward Turkey some years ago, the limits of the system are showing, as is the need to strengthen the EU's decision-making capacity, so that it can react more quickly and nimbly. New institutional developments are essential for this, in the direction of greater federalism; as a consequence, France will very definitely have to reconsider its choices at all levels of its governance structures.
- L'Europe, la France et la gouvernance multiniveau - Jean-François Drevet p. 87-95
Actualités prospectives
- Idées & faits porteurs d'avenir - p. 97-110
Lu, vu, entendu
- Analyses critiques & comptes rendus - p. 111-123