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Revue | Revue trimestrielle des droits de l'homme |
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Numéro | no 131, 2022/3 |
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- In memoriam – Mireille Delmas-Marty (1941-2022) - Laurence Burgorgue-Larsen p. 473-475
Doctrine
- Les pass (sanitaire et vaccinal) passent sans encombre les portes du Palais Royal - Serge Slama p. 477-496 Dans quatre décisions rendues entre mai 2021 et janvier 2022 à propos de la légalisation des pass sanitaire et vaccinal, le Conseil constitutionnel n'a pas suffisamment apporté de garanties ni adopté un contrôle suffisamment exigeant pour s'assurer que de tels dispositifs avec un haut potentiel liberticide et inégalitaire ne puissent s'installer dans la durée ou être inscrits dans le droit commun en dehors des périodes de catastrophe sanitaire.In four judgments issued between May 2021 and January 2022 regarding the legalization of the sanitary and vaccine “passes” the French Constitutional Council gave no sufficient guarantees and exercised a control without sufficient scrutiny to ensure that such mechanisms with a high potential for erosion of civil liberties and inequalities do not become established in the long term or be enshrined in common law, aside from times of health crisis.
- Les droits fondamentaux et la lutte contre la pandémie de Covid-19 en Suisse - Frédéric Bernard p. 497-516 En Suisse, les dernières mesures sanitaires ont été levées en avril 2022, après plus de deux ans de lutte contre le Covid-19. Il sied donc de s'interroger sur la compatibilité de ces mesures avec les droits fondamentaux garantis par la Convention européenne des droits de l'homme.In Switzerland, the last public health measures were lifted in April 2022, after more than two years of fight against COVID-19. It is therefore appropriate to question the compatibility of these measures with the fundamental rights guaranteed by the European Convention on Human Rights.
- Les pass (sanitaire et vaccinal) passent sans encombre les portes du Palais Royal - Serge Slama p. 477-496
Chronique
- Les juridictions de l'Union européenne et les droits fondamentaux : Chronique de jurisprudence (2021) - , Christophe Maubernard, Katarzyna Blay-Grabarczyk, Laure Milano, Carole Nivard, Romain Tinière p. 517-563 Dignité sociale, droits collectifs, intérêt supérieur de l'enfant et respect de l'État de droit se partagent l'essentiel de la jurisprudence la plus remarquable de l'année 2021. Le juge de l'Union ne cesse de faire produire à la Charte ses potentialités, et poursuit l'élaboration de véritables « régimes prétoriens de protection », par exemple dans le domaine de la vie privée et de la protection des données à caractère personnel ou bien encore du droit à la non-discrimination. C'est la raison, aussi, pour laquelle le droit à un recours juridictionnel effectif constitue l'une des pierres angulaires de cette architecture. Cependant, derrière cette émouvante fresque, se cache aussi la volonté dans certains cas de restreindre le champ d'application de la Charte, tout particulièrement dans le domaine de la politique sociale, en retenant une interprétation de plus en plus restrictive de son article 51. À suivre…Social dignity, collective rights, best interests of the child and the rule of law share the bulk of the most remarkable jurisprudence of the year 2021. The judge of the Union has not ceased to make the Charter produce its potentialities, and continue to elaborate real “jurisprudential protection regimes”, for example in the field of privacy and protection of personal data or the right to non-discrimination. This is also the reason why the right to an effective remedy and to a fair trial is one of the cornerstones of this architecture. However, behind this touching fresco, there is also a desire in some cases to restrict the scope of the Charter, particularly in the field of social policy, by adopting an increasingly restrictive interpretation of its Article 51. To be continued…
- Chronique de jurisprudence constitutionnelle comparée : Les cours constitutionnelles vues depuis Strasbourg – L'européanisation des procédures, de l'interprétation des dispositions conventionnelles et constitutionnelles, et du test de proportionnalité - Morgane Borres, Céline Romainville, ... p. 565-622 La présente contribution étudie les décisions qui ont pu être adoptées par la Cour européenne des droits de l'homme vis-à-vis des juridictions constitutionnelles nationales de différents États. Nous passerons en revue des arrêts dans lesquels la Cour s'est prononcée sur la procédure suivie devant les cours constitutionnelles, sur la nécessité d'épuiser le recours constitutionnel avant de la saisir, mais également sur le contrôle, par la Cour européenne, de l'interprétation qui est faite par les cours constitutionnelles des dispositions constitutionnelles et de la Convention ainsi que de la façon dont celles-ci exécutent le test de proportionnalité.This contribution focuses on the way the European Court of Human Rights perceives national constitutional courts. We will review and highlight the position of the European Court of Human Rights on the existing procedures applicable to national constitutional courts, the necessity – or lack thereof – to lodge a constitutional appeal in order to exhaust all domestic remedies, and the way the European Court monitors the interpretation of constitutional and conventional rights, as well as the correct application of the proportionality test by constitutional courts.
- Les juridictions de l'Union européenne et les droits fondamentaux : Chronique de jurisprudence (2021) - , Christophe Maubernard, Katarzyna Blay-Grabarczyk, Laure Milano, Carole Nivard, Romain Tinière p. 517-563
Jurisprudence
- Les agents pénitentiaires : des ambassadeurs de l'État de droit : La Cour constitutionnelle belge valide la loi du 23 mars 2019 qui règle l'organisation des services pénitentiaires et prévoit un service minimum garanti en temps de grève en prison (obs. sous Cour const. (b.), arrêt no 107/2021, 15 juillet 2021) - Olivia Nederlandt p. 623-658 La loi du 23 mars 2019 concernant l'organisation des services pénitentiaires et le statut du personnel pénitentiaire est la quatrième loi pénitentiaire adoptée en Belgique. Novatrice à divers égards, elle entend renforcer la protection des droits fondamentaux des détenus en garantissant par diverses mesures la probité du personnel pénitentiaire et la continuité du service pénitentiaire. Un représentant syndical des agents pénitentiaires a introduit à l'encontre de celle-ci un recours en annulation devant la Cour constitutionnelle belge, considérant notamment que cette législation porte une atteinte disproportionnée au droit de grève des agents. La Cour constitutionnelle a, dans un arrêt no 107/2021 du 15 juillet 2021, rejeté ce recours. La contribution propose une analyse de cette décision.The law of 23 March 2019 concerning the organisation of prison services and the status of prison staff is the fourth prison law adopted in Belgium. Innovative in various respects, it aims to strengthen the protection of the fundamental rights of prisoners by guaranteeing the probity of prison staff and the continuity of the prison service through various measures. A trade union representative of prison officers brought an action for annulment of the law before the Constitutional Court, considering, among other things, that the legislation disproportionately infringed on the right of prison officers to strike. The Belgian Constitutional Court, in a ruling No. 107/2021 of 15 July 2021, rejected this appeal. The contribution offers an analysis of this decision.
- Non bis in idem et violences familiales : (obs. sous Cour eur. dr. h., arrêt Galović c. Croatie, 31 août 2021) - Benoît Dejemeppe p. 659-672 L'arrêt du 31 août 2021, dans l'affaire Galović c. Croatie, permet à la Cour européenne des droits de l'homme de s'interroger de nouveau sur l'application du principe non bis in idem à l'occasion de violences familiales sanctionnées, d'abord, comme des faits ponctuels et, ensuite, comme un comportement continu se prolongeant sur plusieurs années. Cette nouvelle affaire offre l'occasion de confirmer les critères dégagés par l'arrêt A et B c. Norvège et de les approfondir, avec, il faut le souligner, une attention particulière pour les victimes.In the case of Galović v. Croatia of 31 August 2021 the European Court of Human Rights was able to reexamine the application of the non bis in idem principle in the case of domestic violence sanctioned first as a one-off incident and then as a continuous course of conduct extending over several years. This new case provides an opportunity to confirm the criteria identified in A and B v. Norway and to develop them further, with, it must be stressed, particular attention to the victims.
- Prestation de serment et liberté de pensée, de conscience et de religion : (obs. sous Cour eur. dr. h., décision Shortall e.a. c. Irlande, 19 octobre 2021) - Geoffrey Ninane p. 673-688 La décision annotée de la Cour européenne des droits de l'homme Shortall e.a. c. Irlande du 19 octobre 2021 pose en son principe la question de la compatibilité, avec la liberté de conscience et de religion consacrée par l'article 9 de la Convention européenne des droits de l'homme, du serment religieux qui est exigé pour l'accession à certaines fonctions publiques de certains États membres du Conseil de l'Europe, lorsque ces États n'ont pas prévu d'alternative laïque à cette formule de serment. La présente contribution a donc pour objet d'examiner si cette tradition « historique » du serment religieux est encore compatible avec la jurisprudence de Strasbourg.The annotated decision of the European Court of Human Rights Shortall and Others v. Ireland of 19 October 2021 raises the question in principle of the compatibility with the freedom of conscience and religion enshrined in Article 9 of the European Convention on Human Rights of the religious oath that is required for accession to certain public offices in certain member States of the Council of Europe, where these States have not provided for a secular alternative to this oath formula. The purpose of this contribution is therefore to examine whether this “historical” tradition of the religious oath is still compatible with the Strasbourg case law.
- Le démantèlement de la tradition patriarcale patronymique par le principe de non-discrimination : À propos de l'ordre des noms de famille portés par l'enfant (obs. sous Cour eur. dr. h., arrêt Léon Madrid c. Espagne, 26 octobre 2021) - Jean-Pierre Marguénaud p. 689-699 Par un arrêt rendu à la requête de Madame Josefa Léon Madrid, la Cour européenne des droits de l'homme a dressé contre l'Espagne un constat de violation de l'article 14 combiné avec l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme du fait que la règle nationale encore en vigueur au moment des faits prévoyait qu'en cas de désaccord entre les parents quant à l'ordre d'attribution des noms de famille de l'enfant, le nom du père devait figurer avant le nom de la mère sans tenir compte des circonstances particulières au cas d'espèce. La Cour de Strasbourg poursuit avec un tel acharnement la lutte contre les discriminations fondées sur le sexe que la solution n'étonnera pas. Elle correspond si bien aux changements sociaux ayant déjà poussé la plupart des pays membres du Conseil de l'Europe à abandonner le concept patriarcal de famille, qu'elle n'aura pas l'occasion d'avoir de profondes retombées. À peine avertira-t-elle les États comme la France qui font jouer l'ordre alphabétique en cas de désaccord des parents, des risques d'inconventionnalité de leur méthode ne tenant pas non plus compte des circonstances particulières au cas d'espèce susceptibles de commander de placer le nom de la mère en premier. L'arrêt (Josefa) Léon Madrid marquant plutôt la fin d'une époque, il était tentant de le prendre comme prétexte pour retracer l'épopée jurisprudentielle qui, depuis l'arrêt Burghartz c. Suisse du 22 février 1994 en passant par les arrêts Ünal Tekeli c. Turquie du 16 novembre 2004 et Cusan et Fazzo c. Italie du 16 janvier 2014, a permis au principe de non-discrimination de démanteler la tradition patriarcale patronymique qui touchait le nom des conjoints presque autant que celui des enfants.In a judgment rendered on Mrs. Josefa Léon Madrid's request, the European Court of Human Rights found that Spain had infringed Article 14 combined with Article 8 ECHR because the national rule in force at the time of the facts stated that in the event of a disagreement between the parents on the order of the child's family name, the father's name should come before the mother's name, without taking into account the particular circumstances of the case. The conclusion is not surprising, since the Strasbourg Court is relentless in its fight against gender-based discrimination. The reasoning coincides with social evolutions in the main member States of the Council of Europe so that it will not have much impact. Perhaps will this conclusion alert States like France that choose the alphabetical order in case of a disagreement between parents that their method risks violating the Convention if it does not take into account the particular circumstances of the case that could require to place the mother's name first. Illustrating the end of an era, the judgment (Josefa) Léon Madrid constitutes a good reason to present an overview of the leading case law, from Burghartz v. Switzerland of 22 February 1994 to Ünal Tekeli v. Turkey of 16 November 2004 and Cusan et Fazzo v. Italy of 16 January 2014. This case law has enabled the principle of non-discrimination to deconstruct the patriarchal family name tradition which concerns nearly as many married people as children.
- La Cour persiste dans sa volonté de faire instaurer une procédure d'« asile médical » : (obs. sous Cour eur. dr. h., Gde Ch., arrêt Savran c. Danemark, 7 décembre 2021) - Marc Bossuyt p. 701-708 L'arrêt du 7 décembre 2021 de la Grande Chambre dans l'affaire Savran se situe dans la droite ligne de l'arrêt Paposhvili du 13 décembre 2016 qu'il confirme. En outre, la Grande Chambre a précisé que le standard établi dans l'arrêt Paposhvili s'étend « à tout type de maladie, notamment aux maladies mentales » (§ 137). En revanche, la tentative de la majorité de la Chambre – dans son arrêt du 1er octobre 2019 dans la même affaire Savran – d'assouplir cette jurisprudence a échoué. Toutefois, la Grande Chambre essaie d'atteindre le même objectif par une interprétation extensive de l'article 8 de la Convention. La jurisprudence de la Cour interdisant dans certains cas le renvoi d'étrangers vers leur pays d'origine est fondée sur le caractère absolu de l'interdiction de la torture par l'article 3. L'article 8 n'a nullement le même caractère absolu. La Grande Chambre s'est limitée à constater une violation du volet procédural de l'article 8. Cependant, les critiques émises antérieurement à l'arrêt Paposhvili visaient précisément ce volet. Il instaure l'obligation de procéder à un examen adéquat et approfondi de l'état de santé et des conditions sanitaires dans les pays d'origine de toute personne qui souhaite se prévaloir de cette interprétation de l'article 3 par la Cour.The Grand Chamber judgment of 7 December 2021 in the case Savran confirms the Paposhvili judgment of 13 December 2016. The Grand Chamber has stated moreover that the standard of the Paposhvili judgment “may extend to any category, including mental illnesses” (§ 137). On the contrary, the attempt of the majority of the Chamber – in its judgment of 1 October 2019 in the same Savran case – to further broaden the scope of Article 3 has failed. However, the Grand Chamber tries to reach the same goal through an extensive interpretation of Article 8 of the Convention. The case law of the Court prohibiting in certain cases the expulsion of foreigners to their country of origin is based on the absolute character of the prohibition of torture by Article 3. Article 8 of the Convention does not have the same absolute character at all. The Grand Chamber limited the finding of a violation to the procedural aspect of Article 8. Criticisms made prior to the Paposhvili judgment were precisely directed at that aspect. It creates an obligation to give sufficiently thorough and careful consideration to the state of health and the sanitary conditions in the countries of anyone who wishes to rely on that interpretation of Article 3 of the Convention.
- Les agents pénitentiaires : des ambassadeurs de l'État de droit : La Cour constitutionnelle belge valide la loi du 23 mars 2019 qui règle l'organisation des services pénitentiaires et prévoit un service minimum garanti en temps de grève en prison (obs. sous Cour const. (b.), arrêt no 107/2021, 15 juillet 2021) - Olivia Nederlandt p. 623-658
- Bibliographie - p. 709-725