Contenu du sommaire : Travelling theory à la chinoise ou qiaoyilogie et sciences humaines
Revue | Monde Chinois |
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Numéro | no 68, 2022/1 |
Titre du numéro | Travelling theory à la chinoise ou qiaoyilogie et sciences humaines |
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Éditorial
- Les échanges culturels entre Chine et Occident moderne au prisme du qiaoyi - Jean-Yves Heurtebise, Ye Jun p. 5-8
Dossier. Travelling theory à la chinoise ou Qiaoyilogie et sciences humaines
- The Formation of Chinese Diaspora Culture and the Qiaoxiang Ties: A Case Study of Singapore's Teochew Community - Zhang Huimei p. 10-24 Cet article utilise la théorie Qiao Yi pour discuter du phénomène de mobilité et de variabilité de la diaspora chinoise, en se concentrant sur la formation de la culture de la diaspora chinoise. À travers une étude de cas de la communauté Teochew de Singapour, cet article traite de la reconstruction de la culture communautaire Teochew dans une perspective dynamique et transnationale. Il passe en revue le processus de formation de la culture communautaire Teochew et sa relation avec les qiaoxiang dans son contexte historique à long terme. Cet article repensera le modèle binaire de la culture sino-occidentale et discutera de la possibilité de l'existence et du développement d'une troisième forme culturelle, multiculturelle.This paper uses Qiao Yi theory to discuss the phenomenon of the Chinese diaspora's mobility and variability, focusing on the formation of Chinese Diaspora Culture. Through a case study of Singapore's Teochew Community, it discusses the reconstruction of Teochew community culture from a dynamic and transnational perspective. It reviews the process of formation of Teochew community culture and its relationship with the qiaoxiang in its long-term historical context. This paper will rethink the binary model of Sino-Western culture and discuss the possibility of the existence and development of a third cultural or multicultural form.
- India as Method: Timothy Richard, Min Ben, and the Reception of Colonial Discourses in Fin de Siècle China - Yu Wang p. 25-38 Cet article explore le parcours de deux discours coloniaux à la fin du XIXe et au début du XXe siècle en Chine : le discours colonial évolutionniste et étatique et le discours colonial développemental et commercial. Plus précisément, il s'intéresse à la façon dont Timothy Richard a mobilisé ces discours en lien avec le concept de Minben, l'une des idées fondamentales de la pensée politique chinoise, d'abord dans ses divers écrits sur l'Inde des années 1880 jusqu'à sa traduction chinoise du chapitre sur l'Inde du livre de Robert Mackenzie, The Nineteenth Century: A History publié en 1895. S'appuyant sur un corpus substantiel de traductions, de commentaires, de journaux personnels non publiés et d'un large éventail d'écrits bilingues de Timothy Richard, cet article soutient que sa pratique translinguistique n'a pas seulement créé une plate-forme pour que les discours coloniaux migrant entre différents systèmes de connaissances et de culture, mais a également fourni aux intellectuels chinois des concepts pour construire une compréhension hybride localisée des discours coloniaux. L'émergence et le déclin de ces discours éclairent la dynamique du savoir qiaoyi, en particulier en ce qui concerne la façon dont les intellectuels dans des conditions politiques défavorables ont manifesté un grand niveau d'autonomie et de flexibilité dans la réception et la réinterprétation des connaissances alimentées par un réseau culturel ayant reçu une nouvelle impulsion dans le contexte de l'impérialisme et de l'expansion coloniale.This article explores the traveling of two colonial discourses in late nineteenth- and early twentieth-century China: the evolutionary and statist colonial discourse and the developmental and commercial colonial discourse. Specifically, it looks at how Timothy Richard played with these discourses in connection with min ben, one of the fundamental ideas in Chinese political thoughts, first in his miscellaneous writings about India from the 1880s on to later his Chinese translation of the India chapter in Robert Mackenzie's The Nineteenth Century: A History in 1895. Drawing from a substantial body of Richard's translations, commentaries, unpublished personal diaries, and a wide array of bilingual writings, this article argues that Richard's translingual practice not only created a platform for colonial discourses to travel between different knowledge and cultural systems but also effectively provided Chinese intellectuals with vocabularies to construct a localized hybrid understanding of the colonial discourses. The rise and fall of these discourses illuminate the dynamics of knowledge qiaoyi, especially in terms of how intellectuals under disadvantaged political condition manifested a great level of agency and flexibility in receiving and reinterpreting the clusters of knowledge catered through the cultural network empowered by empire and global colonial expansion.
- Fredric Jameson, National Allegory, and the Theory Anxiety in China - Xiteng Wang p. 39-49 Cet article explore le phénomène de l'hybridation de la reconnaissance de soi dans la littérature de la fin du XXe siècle en Chine. Plus précisément, il se concentre sur la théorie de « l'allégorie nationale » de Fredric Jameson, l'une des théories les plus influentes de la Chine de la fin du XXe siècle. Inspiré de la Qiao Yiology, cet article met en lumière l'impact de la théorie de l'« allégorie nationale » de Fredric Jameson dans le contexte de la « High Theory Wave » de la théorie littéraire chinoise dans les années 1990. L'incommensurabilité liée à l'intraductibilité du concept « d'allégorie nationale », ce concept « mal traduit », à laquelle s'ajoute l'interprétation nouvelle de la littérature et de la culture du « Tiers monde » a profondément affecté la transformation du paradigme du discours académique chinois contemporain. Bien que cette transformation n'ait pas changé l'anxiété relative à l'identité culturelle chinoise, les nouvelles théories comme celles de la Qiao-Yiologie indiquent une manière possible d'envisager les principes généraux et les lois communes de la création littéraire.This article explores the hybridization of self-recognition in literature in the late 20th-century China. Specifically, it focuses on Fredric Jameson's “national allegory” theory, one of the most influential theories in the late 20th-century China. Inspired by Qiao Yiology, this article highlights the impact of Fredric Jameson's “national allegory” theory from the background of the “High Theory Wave” of Chinese literary theory in the 1990s. The untranslatability caused by the incommensurability of the concept of National Allegory, its “mistranslated” concept of “national allegory” accompanied by the interpretation of third world literature and culture has profoundly affected the transformation of contemporary Chinese academic discourse paradigm. Although this paradoxical “passive” transformation has not changed the existing anxiety of cultural identity, the new-burn theories like Qiao-Yiology points out a possible way to outlook the general principles and common laws of literary creation.
- « Théorie du voyage » ou Kaioling des Idées : Focus sur Edward Saïd et Georg Lukács - Ye Jun p. 50-64 Saïd a développé certaines idées intéressantes sur le contexte et le mouvement migratoire des idées et théories, qui sont ensuite devenues un modèle théorique appelé « Traveling Theory ». En relation avec la théorie de Saïd basée sur son voyage d'un endroit à l'autre, du Moyen-Orient à l'Amérique du Nord, cet essai tente de trouver un autre type de filiations théoriques, centrée autour de Lukács. Il tente d'ouvrir une nouvelle voie pour identifier le point aveugle de la Théorie du Voyage de Saïd, réinterrogeant le problème de la Théorie du Voyage à travers la Qiaoyixue définie au moyen de la culture traditionnelle chinoise, mettant en évidence le sens total des modes de pensée orientaux, afin de déployer un nouveau type de dialogue interculturel, qui pourrait éclairer de façon plus complète le processus de fabrication des idées.Said has had some good ideas on the contextuality and migration between ideas and theories, which has later turned into a popular theoretical model called Traveling Theory. In comparision with Said's theoretical invention based on his travel from place to place in Middle East and North America, this essay attempts to find another type of trace chain which is centered around Lukács. It attempts to open a new way to make up for the blind point in Said's Traveling Theory, reexamining the problem of Traveling Theory with the Kiao-Iology drawn from the resources of Chinese traditional culture, highlighting the total meaning of the eastern ways of thinking, unfolding a new type of crosscultural dialogue, which could throw light on a total process of making human spiritural products.
- Gilles Deleuze et Qiaoyixue 侨易学 : conditions de possibilité d'une rencontre « interculturelle » - Jean-Yves Heurtebise p. 65-95 Définir les points de contacts possibles entre la philosophie de Gilles Deleuze et la théorie du Qiaoyi semble à la fois prometteur et problématique. Prometteur parce que Deleuze est l'un des philosophes les plus importants de la seconde moitié du XXe siècle. Mettre en rapport la puissance conceptuelle de la pensée deleuzienne avec le cadre théorique de ce nouveau développement de la pensée chinoise pourrait permettre d'élaborer une nouvelle méthodologie des études transculturelles. Mais cette comparaison est aussi problématique : en effet, les indices d'une relation entre Deleuze (et Guattari) et la pensée chinoise sont assez clairsemés et contradictoires, et au final peut-être assez décevants. Comment dépasser cet obstacle ? Quels types d'outils conceptuels nous pouvons trouver dans la philosophie de Gilles Deleuze pour justifier une telle lecture deleuzienne du Qiaoyixue qui puisse échapper au fait que Deleuze lui-même a placé la pensée chinoise hors du royaume philosophique proprement dit ? Inversement qu'est-ce qui dans la théorie du Qiaoyixue permettrait de « siniser » la pensée deleuzienne permettant d'inclure des éléments de son système conceptuel dans le cadre de cette théorie des transformations induites par les rencontres interculturelles ? Comment fonder historiquement et culturellement la condition de possibilité d'un dialogue entre eux ?Elaborating on the potential encounter between Gilles Deleuze's philosophy and Qiaoyi theory seems both promising and problematic. Promising because Deleuze is one of the most important French philosophers of the second half of the 20th century: confronting his conceptual creativity with the new theoretical framework of Chinese contemporary thinking called 侨易学 could help promoting a new and original platform for transcultural studies. But it seems also very problematic: Deleuze's engagement with Chinese culture seems both sparse and contradictory, if not ultimately deceptive. How to overcome this methodological obstacle? What kind of conceptual tools can we find in Deleuze's philosophy to justify a Deleuzian reading of the Qiaoyi overcoming Deleuze's own rejection of Chinese thinking as philosophical? Reversely, what hermeneutic apparatus can we find in Qiaoyixue to elaborate a sinicized version of Deleuze allowing us to include his thinking in the framework of intercultural transformative encounters? On what cultural and historical grounds can we establish this encounter?
- The Formation of Chinese Diaspora Culture and the Qiaoxiang Ties: A Case Study of Singapore's Teochew Community - Zhang Huimei p. 10-24
Varia
- Retour à la frugalité paysanne ? : Développement urbain et civilisation écologique, une réflexion à partir du cas de Shenzhen - Anne-Christine Trémon p. 97-121 Le concept de « civilisation écologique » s'est imposé depuis quinze ans dans la rhétorique politique chinoise, tant sur la scène internationale que nationale. Le présent article souligne sa portée développementaliste et interroge sa relation avec l'urbanisation, une priorité pour la RPC. Forgé dans les années 1980 et destiné à accréditer la continuité avec l'ère maoïste tout en légitimant les réformes capitalistes devant déboucher sur le « socialisme de marché », la civilisation écologique est étroitement corrélée au futur urbain et high tech que la Chine ambitionne. Cependant, le concept a connu une inflexion environnementaliste récente qui va de pair avec une réévaluation des valeurs du passé agricole, alors que la paysannerie avait été dévaluée depuis le début des réformes. Dans les villages urbanisés de Shenzhen, d'anciens paysans se retrouvent ainsi à participer aux campagnes d'éducation environnementale qui éduquent les nouveaux urbains à la frugalité paysanne.The concept of “ecological civilization” has been gaining prominence in Chinese political rhetoric for the past fifteen years, both internationally and domestically. Emphasizing the developmentalist dimension of the concept, this article examines its relationship with urbanization, an equally high-priority goal. Coined in the 1980s to indorse continuity with the Maoist era and legitimizing capitalist reforms, ecological civilization encapsulates the urban and high-tech future that China aspires to. However, ecological civilization's recent environmentalist inflection goes hand in hand with a revaluation of the values of the agricultural past, and of the heretofore denigrated peasantry. In urbanized villages, former peasants paradoxically participate in environmental education campaigns that educate the new urbanites to peasant frugality.
- Retour à la frugalité paysanne ? : Développement urbain et civilisation écologique, une réflexion à partir du cas de Shenzhen - Anne-Christine Trémon p. 97-121
Note de lecture
- Annette Wieviorka Mes années chinoises, Paris, Stock, 2021, 258 p. - Jean-Paul Maréchal p. 122-127