Contenu du sommaire : Quelle pertinence de l'âge dans les politiques publiques en 2022 ?
Revue | Revue française des Affaires sociales |
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Numéro | no 3, juillet-septembre 2022 |
Titre du numéro | Quelle pertinence de l'âge dans les politiques publiques en 2022 ? |
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Quelle pertinence de l'âge dans les politiques publiques en 2022 ?
- Avant-propos - Laëtitia Ngatcha-Ribert, Bernard Ennuyer, Martine Lagacé p. 7-20
- Capital, ressource ou problème ? L'âge de la jeunesse dans les politiques d'emploi au Canada, au Québec et en France - María Eugenia Longo p. 21-45 Malgré son apparente neutralité chronologique, l'âge reste une construction sociale et étatique. L'usage de l'âge dans l'action publique ne peut pas se réduire à une simple mesure démographique ou budgétaire. En effet, à travers ses mesures et ses classements, l'âge bâtit des représentations sociales dans les catégories de la population et dans les normes liées aux stades de la vie. Cet article compare la manière dont les politiques d'emploi jeunesse menées pendant une quinzaine d'années dans différents contextes font émerger des représentations spécifiques de l'âge de la jeunesse, de son rôle sur le marché du travail ou dans l'économie et de la fonction de l'aide publique à son égard. Les résultats permettent d'identifier différentes logiques de régulation de l'âge de la jeunesse au sein des programmes visant soit à former et à qualifier la jeunesse en tant que capital pour l'économie, soit à activer individuellement la jeunesse en tant que ressource sociale, soit, enfin, à insérer les jeunes pour résoudre leurs difficultés, considérées comme un problème présent pour le marché du travail. Les résultats sont issus d'une analyse documentaire (descriptive et sémantique) de plus de 80 politiques et programmes d'emploi jeunesse au Canada, au Québec et en France. Cette analyse est complétée par l'analyse interprétative d'entretiens semi-directifs avec des coordonnateurs des principales politiques dans chaque contexte. Une approche cognitive est mobilisée pour l'étude des politiques d'emploi jeunesse, souvent analysées uniquement à partir de descriptions de programmes ou de conditions socioéconomiques.Although age is seemingly indifferent to time, it remains a social and state construct. Using age in public policy cannot be reduced to a simple demographic or budgetary measurement. Through its measurements and rankings, age builds social conceptions of population categories and age standards. This article compares the way in which youth employment policies implemented over around fifteen years in various contexts elicit specific conceptions of the age of youth, of its role in the labour market and the economy, and of the ways in which public aid serves young people. The results help identify various mechanisms for regulating the age of youth within programmes designed to train and qualify young people as capital for the economy; or to individually enable young people to be social resources; or to integrate young people as a way of resolving their difficulties, which are seen as an existing challenge for the labour market. The results are based on a documentary analysis (descriptive and semantic) of more than 80 youth employment policies and programmes in Canada, Quebec and France. The documentary analysis is complemented by an interpretative analysis of semi-structured interviews with the coordinators of the key policies in each context. A cognitive approach is used to examine youth employment policies, which are often analysed solely based on descriptions of programmes and social and economic conditions.
- Revenu minimum ou politique d'insertion ? La trajectoire de réformes du soutien au revenu des jeunes en France - Tom Chevalier p. 47-63 L'accès des jeunes au revenu minimum a été mis à l'agenda en France en raison de la pandémie de Covid-19. Certains acteurs ont appelé à l'ouverture du revenu de solidarité active (RSA) pour les jeunes de moins de 25 ans, mais le gouvernement a préféré réformer le dispositif de Garantie jeunes (GJ) au profit de la mise en place du contrat d'engagement jeune (CEJ). Assiste-t-on à un changement structurel de l'action publique en direction des jeunes ? Cet article propose une typologie de l'accès des jeunes au revenu minimum en Europe, puis retrace la trajectoire de réformes allant de la mise en place de la limite d'âge à 25 ans pour le revenu minimum d'insertion (RMI) en 1988 jusqu'au lancement du CEJ en 2022. Il montre qu'un changement paradigmatique est bien à l'œuvre grâce à un mécanisme de « compensation institutionnelle » : la politique d'insertion a progressivement « compensé » les lacunes du revenu minimum afin de permettre aux jeunes chômeurs de bénéficier d'un soutien au revenu.As a result of the Covid-19 pandemic, young people's right to a minimum income was placed on the political agenda in France. Some stakeholders have called for an earned income supplement (RSA, revenu de solidarité active) for young people under 25 years old, but the French government preferred to reform the Youth Guarantee (Guarantie jeunes) programme by introducing the Youth Commitment Contract (CEJ, Contrat d'Engagement Jeune). Are we witnessing a structural change to public aid in young people's favour? After putting forward a typology of young people's right to a minimum income in Europe, this article examines the reform path, from introducing an age limit of 25 for the minimum integration income (RMI, revenu minimum d'insertion) in 1988 to launching the Youth Commitment Contract in 2022. The reform path shows that the paradigm is indeed shifting on account of an “institutional compensation” mechanism in the sense that the integration policy has gradually “compensated” gaps in minimum income as a way of allowing unemployed young people to receive income support.
- « On veut pas qu'ils deviennent des clandés. » L'injonction à l'insertion professionnelle des jeunes isolés étrangers au moment du passage à la majorité - Lisa Carayon, Julie Mattiussi, Arthur Vuattoux p. 65-87 Les jeunes isolés étrangers basculent, dès l'approche de leur majorité, d'une logique de protection de l'enfance à une logique de régularisation qui implique, selon les acteurs de l'aide sociale à l'enfance, la mise en œuvre d'une stratégie de formation rapide et professionnalisante. Cette exigence, émanant des politiques publiques concernant ces jeunes étrangers et accompagnée par des acteurs locaux de l'insertion, pose toutefois la question de l'écart entre les injonctions institutionnelles à la professionnalisation et les espérances scolaires et professionnelles des jeunes. Elle questionne également la complexité des seuils d'âge auxquels sont confrontés ces jeunes autour de la majorité, les faisant passer en quelques mois d'un statut d'enfant à protéger à celui d'adultes censément autonomes.As soon as they reach adulthood, foreign unaccompanied minors automatically move from a child protection mechanism to a regulation mechanism that, depending on the child welfare professionals involved, can include implementing a quick and professionalising training strategy. This requirement, arising from public policy relating to these young foreign nationals and supported by local stakeholders involved in occupational integration, nevertheless raises the question of the gap between institutional occupational integration injunctions and young people's educational and professional expectations. It also questions the complex nature of age thresholds faced by young people approaching adulthood that in just a few months turn them from a child in need of protection into a supposedly self-sufficient adult.
- Les jeunes « réfugiés », des jeunes comme les autres à accompagner vers l'emploi ? - Adrien Lusinchi p. 89-107 Cet article propose de revenir sur la question de la « jeunesse » en tant qu'objet de représentation sociale de la part des professionnels des missions locales qui l'accompagnent vers l'emploi. Nous questionnons cette représentation à travers l'analyse d'un dispositif d'expérimentation du Plan d'investissement dans les compétences ayant pour objectif d'améliorer l'accompagnement des « réfugiés » (demandeurs d'asiles de plus de six mois et bénéficiaires de la protection internationale) vers l'emploi. Les jeunes réfugiés ont un parcours et une « expérience sociale » qui les différencient de la majorité des autres jeunes accompagnés par les missions locales, ce qui nous amène à nous demander s'ils sont considérés comme les autres jeunes par les professionnels qui les accompagnent. Cette différence conduit de fait les agents des missions locales à construire une représentation nouvelle de ces jeunes qui se distingue de celle des autres. Nous suggérons alors que cette représentation sociale des jeunes réfugiés les éloigne de la « jeunesse » en tant qu'objet de représentation sociale de la part des professionnels des missions locales. En parallèle, l'accompagnement de ces jeunes réfugiés peut être pensé comme contraire à celui prodigué aux autres jeunes par certains aspects. Nous suggérons donc également que cette différence dans l'accompagnement distingue les jeunes réfugiés des autres jeunes. Ces différences de perception et d'accompagnement révèle ainsi une catégorie de destinataires vue comme « réfugiée » avant d'être vue comme « jeune ».This article returns to the issue of “youth” as an object of social representation on the part of professionals at Missions Locales (local youth support offices) that offer support with finding employment. We question this representation by analysing a trial system that forms part of the Skills Investment Plan (PIC, Plan d'Investissement dans les Compétences), which is designed to improve support for refugees (asylum seekers for more than six months and beneficiaries of international protection) with finding employment. Young refugees have a background and social experience that sets them apart from most other young people who receive support from Missions Locales, which raises the question of whether they are young people like any others in the eyes of the professionals who help them. This difference leads professionals at Missions Locales to construct a new representation of these young people that is different from their representation of other young people. We therefore suggest that this social representation of young refugees, which differs from the representation of other young people, dissociates the refugees from “youth” as an object of representation by professionals at Missions Locales. At the same time, support for these young refugees could be seen as contrary to the support given to other young people in some respects. We therefore also suggest that this difference in support sets young refugees apart from other young people. As a result, these differences in perception and support lead to a category of recipients seen as “refugees” rather than “young people” and who therefore do not receive help tailored to young people specifically.
- Les habitants non autonomes de la résidence autonomie, révélateurs des contradictions du modèle - Vattani Saray-Delabar p. 109-127 Créés en 1957, les logements-foyers ont été transformés en 2015 en résidences autonomie par la loi relative à l'adaptation de la société au vieillissement (ASV). Le recentrage des missions de ces établissements autour de la prévention de la perte d'autonomie a construit l'image d'un habitat regroupant exclusivement des personnes âgées autonomes. Cette étude, issue d'une immersion d'un an dans une résidence autonomie et structurée autour d'entretiens avec les membres de l'équipe de l'établissement, présente une réalité plus contrastée. Les résidences autonomie accueillent un public hétérogène, parfois dépendant, au sens du référentiel réglementaire, ou qui interroge les contours de l'autonomie, notamment pour les habitants en souffrance psychique. Les représentations sociales structurées autour de l'idéal de la personne âgée active et autonome, partagées en partie par les acteurs participant au fonctionnement et au contrôle des résidences autonomie, entrent donc en contradiction avec la diversité des situations rencontrées et les besoins qu'elles engendrent. La mise en tension des équipes qui en résulte et l'absence de moyens adaptés questionnent la capacité de la résidence autonomie à s'adapter à ses habitants et, plus généralement, la catégorisation des personnes âgées dans le cadre des politiques du vieillissement.Sheltered homes called logements-foyer, created in 1957, were renamed résidences autonomie in 2015 by the French law relating to the adjustment of society to population ageing. Refocusing the aim of these institutions around preventing loss of autonomy has built an image of housing that brings together only self-sufficient elderly people. This study, which is the result of a one-year immersion in a sheltered home and is structured around interviews with members of the institution's team, shows a more nuanced reality. Résidences autonomie are home to a mixed group of residents, some of whom are not self-sufficient within the meaning of the regulatory framework or who blur the boundaries of autonomy, especially residents with mental disorders. Social representations built around the ideal of elderly people as independent and active members of the community – a view shared in part by professionals involved in the operation and monitoring of the sheltered housing – are therefore at odds with the variety of situations encountered and the needs that all these situations create. The resulting tension among teams and the lack of suitable solutions both bring into question the ability of sheltered homes to tailor to their residents and, more generally, how elderly people are categorised as part of policies relating to ageing.
- De l'âge à de nouvelles formes de catégorisation des personnes âgées - Dominique Argoud, Maryse Bresson, Christian Jetté p. 129-146 Proposant une mise en perspective de l'évolution relative à deux systèmes sanitaires et sociaux différents, en France et au Québec, l'article met en évidence des similarités allant, notamment, dans le sens d'un moindre recours à l'âge dans la définition des politiques publiques. Si l'âge chronologique ne joue plus un rôle aussi structurant que par le passé, d'autres formes de catégorisation ont pris le relais : en particulier, celle, relativement binaire, tendant à dissocier les « jeunes vieux » des « vieux vieux » et renvoyant à deux référentiels d'action publique distincts. Pour autant, il nous semble que la critique à l'égard des effets stigmatisants induits par les catégories d'âge reste valable, même s'il paraît nécessaire de la réactualiser au regard de la perte de vitesse des critères d'âge et de l'émergence de catégorisations aux contours plus perméables, dont les conséquences en termes de discriminations sont sans doute plus importantes. C'est ce que cet article entend démontrer en prenant en compte l'évolution des politiques publiques tant en France qu'au Québec.The article puts into perspective the relative change in two different health and social care systems – in France and in Quebec – and thereby highlights that the systems have changed in relatively similar ways, with a shift to focusing less on age when defining public policy. However, while chronological age no longer plays as defining a role as in the past, other forms of categorisation have taken over, especially a relatively binary categorisation that tends to dissociate “young elderly people” from “old elderly people” and that refers to two different public policy frameworks. Nevertheless, we believe that the criticism towards the stigmatising effects caused by age categories is valid. The criticism certainly should be updated in light of age criteria losing momentum and the emergence of categories with better defined boundaries but whose consequences as regards discrimination are undoubtedly even more severe. This is what the article intends to show, taking into account how public policy has changed in both France and Quebec.
- La catégorie d'âge n'est plus une catégorie pertinente de l'action publique - Anne-Marie Guillemard p. 147-163
- Appel à contribution pluridisciplinaire sur : « Représentations sociales et catégorie d'action publique des âges en France et au Canada : où en sommes-nous en 2022 ? ». Pour le numéro de juillet-septembre 2022 de la RFAS - Laëtitia Ngatcha-Ribert, Bernard Ennuyer, Marie Beaulieu, Martine Lagacé p. 165-177
Autres thèmes
- Construire son Identité-logement après un parcours sans domicile : une recherche participative en pension de famille - Frédérique Trevidy, Yann Benoist, Jean-Paul Cocot, Patrick Cuvilliez, Marcel Le Guen, Abdelaziz Niati, Mélanie Gervais, Cécile Petitot, Rémi Gagnayre p. 181-201 Face au sans-abrisme en France, le développement des pensions de famille est encouragé. Ces logements pérennes et accompagnés accueillent des publics en grande exclusion. Mais, au-delà d'être un toit, le logement est un espace d'identité. À travers une recherche participative, l'article vise à éclairer l'Identité-logement de résidents, auparavant sans domicile.Le protocole est mené sur les pensions de famille, par un groupe de résidents, d'intervenants sociaux et de chercheurs. Les données sont recueillies à l'aide d'entretiens semi-dirigés, de focus group et d'observations participantes.D'après nos résultats, l'accès au logement n'engendre pas spontanément une rupture. L'Identité-logement se construit par des boucles récursives entre habitudes passées et présentes, produisant de nouvelles perceptions sur soi-même et son environnement. Le sentiment de sécurité ontologique est le socle de l'Identité-logement. Si la pérennité du logement semble essentielle à asseoir ce sentiment, c'est pourtant la confiance que le résident accorde à la durabilité du changement avec sa vie d'avant qui permet son renforcement et la stabilisation de son Identité-logement.Given France's homelessness crisis, the creation of more boarding houses is encouraged. Such sustainable and supported housing is open to people who are largely excluded from society. More than just a roof over their heads, a boarding house is a space that provides identity. Based on a participatory study, the article strives to shed light on the home-identity of boarding house residents who were homeless in the past.The study was conducted in boarding houses and involved a group of residents, social workers and researchers. Data was collected using semi-structured interviews, focus groups and participants' observations.According to our findings, access to housing does not automatically lead to a rupture. Home-identity is built through recurring loops between past and present habits that create new perceptions of oneself and one's environment. The feeling of ontological security is the bedrock of home-identity. While the sustainable nature of the housing seems crucial to develop ontological security, it is the residents' trust in the lasting nature of the change from their previous life that helps strengthen the feeling of security and stabilise their home-identity.
- Enjeux éthiques et professionnels de « l'aller-vers » : ne pas dénaturer cette intervention sociale - Florence Lamarque p. 203-211
- Towards a Political Sociology of Social Health Inequalities - Jean-Charles Basson, Nadine Haschar-Noé, Marina Honta, Michelle Kelly-Irving, Cyrille Delpierre p. 213-229 In late 2021, in issue 3 of the Revue française des affaires sociales, Jean-Charles Basson, Nadine Haschar-Noé and Marina Honta devoted a dossier to “The Production of Social Health Inequalities” in which they emphasised the social construction of health inequalities, the undermining of the legitimate access to health-related rights and healthcare use, and lastly the political production of health.In light of the Covid-19 pandemic, the authors revisit their questions and launch an international call for the deconstruction of the social production of health discrimination. They are joined by Michelle Kelly-Irving and Cyrille Delpierre, whose work in social epidemiology contributes to the much-needed interdisciplinary understanding of the phenomenon.
- Construire son Identité-logement après un parcours sans domicile : une recherche participative en pension de famille - Frédérique Trevidy, Yann Benoist, Jean-Paul Cocot, Patrick Cuvilliez, Marcel Le Guen, Abdelaziz Niati, Mélanie Gervais, Cécile Petitot, Rémi Gagnayre p. 181-201