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Revue Flux Mir@bel
Numéro no 129-130, 2022/3-4
Texte intégral en ligne Accessible sur l'internet
  • Éditorial – « Faire tenir » et entretenir les infrastructures - Jérôme Denis, Daniel Florentin p. 1-9 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
    En cherchant à explorer la manière dont « les infrastructures tiennent », ce numéro de Flux cherche moins à regarder la manière dont les flux circulent ou à caractériser les évolutions sur le type de flux qui circulent que les conditions, les activités, les fonctions, les liens qui leur permettent de circuler. Il aborde la question de la continuité des infrastructures et des services qui leur sont attachés en se penchant sur une variété de configurations de maintenance dans des secteurs multiples, entre le ferroviaire, la route et l'énergie. Il met en lumière 4 enjeux principaux : le travail que représentent ces activités d'entretien, les frictions qu'il suscite avec l'exploitation des infrastructures, la valorisation incertaine dont fait l'objet la maintenance, et la fragile émergence des préoccupations pour la maintenance malgré les urgences apparentes du vieillissement de certaines infrastructures.
    Exploring the ways and means through which infrastructures are upkept, this special issue of Flux is less focused on the analysis of fluxes' circulations or the characterisation of the evolution of the fluxes circulating in infrastructures, but rather pays close attention to the conditions, activities, functions, links and relationships that make them circulate. At the centre of our concern lies the issue of infrastructure continuity (and of the services intertwined with it), grasped through a variety of infrastructure maintenance configurations in diverse sectors such as rail, road or energy systems. The series of articles sheds light on 4 main issues: the labour represented by maintenance activities; the frictions between infrastructure maintenance and infrastructure exploitation; the uncertain valuation of maintenance; the fragility of maintenance as a collective concern in spite of the seemingly urgent decay and ageing of some infrastructures.
  • Maintenance, régulation et publics. Une approche socio-historique des infrastructurations du Tramway - Lise Arena, Marc Relieu p. 10-28 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
    Le travail de la maintenance pose souvent des questions organisationnelles quant à son besoin de centralisation, étant données ses activités diversifiées, éparpillées dans l'organisation et souvent opérées par des acteurs avec des qualifications très variées. Cet article est consacré à l'étude de multiples formes de maintenance, associés aux régimes d'attention (Denis et Pontille, 2020), de vigilance et d'intervention qui caractérisent une organisation de transport collectif et qui sont précisément les éléments indispensables à la survie quotidienne de ces systèmes. Dans une volonté d'historiciser une infrastructure, ce travail montre dans quelle mesure les pratiques de gestion ordinaires d'entretien et de réparation de la première moitié du XXe siècle (émergence et âge d'or du tramway niçois) ont évolué et transformé les rôles et la division du travail entre machinistes, mécaniciens, contrôleurs, agent de dépôts et chef du mouvement, sous la pression du public. C'est bien une maintenance reposant sur la coordination et l'enchevêtrement qui nourrit la pérennité d'une infrastructure de tramway.
    Maintenance work often raises organizational questions about its need for centralization, given its diversified activities, scattered throughout the organization and often operated by actors with very different qualifications. This article is devoted to the study of multiple forms of maintenance, associated with the regimes of attention (Denis and Pontille, 2020), vigilance and intervention that characterize a public transport organization and which are precisely the elements that are indispensable to the daily survival of these systems. With the aim to historicize an infrastructure, this work shows to what extent the ordinary management practices of maintenance and repair in the first half of the 20th century (emergence and golden age of the Nice tramway) have evolved and transformed the roles and division of labor between machinists, mechanics, controllers, depot agents and movement managers, under pressure from the public. It is indeed a maintenance based on coordination and entanglement that feeds the durability of a tramway infrastructure.
  • La régulation ordinaire des flux de voyageurs en gare : l'infrastructure à l'épreuve permanente - Thomas Moroni p. 29-43 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
    Quotidiennement le fonctionnement normal des gares ferroviaires est entravé par des perturbations mineures. Comment les acteurs de l'exploitation rétablissent et maintiennent-ils la continuité du fonctionnement des infrastructures ? L'article étudie le travail de maintenance des professionnels des gares qui repose sur des pratiques de régulation des flux de piétons déployées pour faire face aux aléas du quotidien. À partir d'une enquête ethnographique menée aux côtés des exploitants des gares, il montre comment les règles de gestion des flux sont refondées pour légitimer le rôle des exploitants et rattacher la régulation de l'infrastructure à la production ferroviaire.
    Every day, the normal operations of railway stations is hampered by minor disruptions. How do operators restore and maintain the operation of infrastructures? This article studies the maintenance work of railway station operators based on the practices for regulating passenger flows conducted by operators to cope with ordinay disruptions. Building on an ethnographic survey alongside railway station operators, it reveals how passengers flow management rules are recast to legitimize the role of operators and to link infrastructure regulation to railway production.
  • Négociations, mobilisations et reproduction quotidienne des infrastructures électriques à Ibadan (Nigéria) - Mélanie Rateau p. 44-58 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
    Cet article explore la reproduction quotidienne et négociée des infrastructures électriques à Ibadan dans un Nigéria en proie à une profonde crise du secteur électrique. L'étude porte non pas sur les activités des institutions et des travailleurs officiellement chargés du service, mais sur les relations et interactions entre citadins et compagnie d'électricité et sur les pratiques ordinaires d'accès à l'électricité pour interroger comment et par qui les infrastructures sont maintenues dans un relatif état de fonctionnement. Les mobilisations communautaires, les négociations, les arrangements avec les normes officielles et les pratiques de sécurisation observés s'avèrent ambivalents : ils participent localement au maintien en fonctionnement des infrastructures au jour le jour, mais menacent l'équilibre économique et technique d'ensemble du secteur. La recherche démontre finalement l'importance de prêter attention à la fois aux mobilisations et négociations du réseau et aux pratiques de sécurisation, qu'elles soient en réseau ou hors-réseau, du fait de leurs interdépendances fonctionnelles.
    This paper explores the everyday and negotiated reproduction of electricity infrastructures in Ibadan (Nigeria) in the midst of a deep crisis in the electricity sector. The study focuses not on the activities of the institutions and workers officially in charge of the service, but on the relations and interactions between urban residents and the electricity company and on the ordinary practices of access to electricity in order to interrogate how and by whom the infrastructures are maintained in a relative state of functioning. The community mobilisations, negotiations, arrangements with official norms and securing practices observed turn out to be ambivalent: they participate locally in keeping the infrastructures in operation on a day-to-day basis, but threaten the overall economic and technical balance of the sector. Finally, the research demonstrates the importance of paying attention to both the mobilisation and negotiation within the grid and the securing practices, whether they are in or off-grid, because of their functional interdependence.
  • Fiabilité et accountability de l'électricité solaire hors-réseau au Sénégal - Emilie Etienne p. 59-75 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
    Les mini-réseaux solaires pour l'électrification rurale se multiplient en Afrique, portés par de grands acteurs internationaux, des programmes de coopération et les États africains. En dépit d'engagements financiers et techniques importants, la pérennité de l'électricité au moyen de solutions solaires décentralisées se révèle mitigée : conçues pour fonctionner au moins une dizaine d'années, la durée de vie effective de ces infrastructures dans les pays du Sud global est souvent beaucoup plus courte. La fiabilité de l'électricité rurale hors-réseau semble se construire comme un enjeu de second ordre.Le concept d'accountability, c'est-à-dire l'obligation d'expliquer et de justifier une conduite (Bovens, 2007), offre un cadre d'analyse pour appréhender les jeux d'acteurs autour de la maintenance, en questionnant les responsabilités, les flux d'informations ainsi que les sanctions et incitations auxquels ils sont soumis. À partir de l'étude d'un grand projet public-privé de mini-réseaux solaires au Sénégal, cet article se penche sur la construction de la fiabilité d'électricité comme enjeu politique, en suivant les chaînes d'accountability multiples et croisées entre les acteurs de différents niveaux.L'article montre que, paradoxalement, tant les acteurs institutionnels que ceux de terrain détiennent une vision relativement complète des problèmes de fiabilité des réseaux, à partir de canaux d'information divers relatifs à l'état des infrastructures. Deux niveaux d'interprétation expliquent la faible construction de la fiabilité de l'électricité comme objet d'accountability. D'une part, la régulation exercée par l'État vis-à-vis des opérateurs est limitée, avec l'intention de ne pas les rendre redevables. Cette démarche solidaire reconnaît les difficultés des opérateurs à évoluer dans un cadre légal et économique complexe. Par ailleurs, des objectifs concurrents attachés à des « indicateurs prégnants », l'accès à l'énergie et la promotion d'un modèle de marché relèguent au second plan l'enjeu de fiabilité du service.
    Solar mini-grids for rural electrification are burgeoning in Africa, supported by major international players, cooperation programmes and African States. Despite significant financial and technical commitments, the continuity of electricity through decentralized solar solutions is uncertain: designed to work for at least ten years, the actual lifespan of these infrastructures in the Global South is often much shorter. The reliability of off-grid rural electricity seems to have been relegated to a second-order issue.The concept of accountability, i.e., the obligation to explain and justify conduct (Bovens, 2007), offers an analytical framework for understanding the interactions of actors related to maintenance, by questioning their responsibilities, information flows, sanctions and incentives. Based on the study of a large public-private solar mini-grid project in Senegal, this article analyses the construction of electricity reliability as a political issue by following multiple and intersecting accountability chains between actors at different levels.The article shows that, paradoxically, both electricity companies and institutional actors have a relatively comprehensive overview of the problems of mini-grid reliability, based on various information channels regarding the state of infrastructures. Two levels of interpretation explain the weak construction of electricity reliability as an object of accountability. On the one hand, the regulation exercised by the State vis-à-vis electricity companies is limited, with the intention of not making them accountable. This supportive approach recognizes that companies are working in complex legal and economic frameworks. On the other hand, competing objectives attached to ‘cogent indicators', access to energy and the promotion of a market model, relegate the issue of service reliability to the bottom of the political agenda.
  • La route, « produit de son entretien ». Analyse du traitement de la question routière au XIXe siècle par les Ponts et Chaussées - Paul Lesieur p. 76-89 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
    Cet article se propose d'analyser les débats scientifiques qui accompagnent la mise en place du réseau routier français au cours du XIXe siècle sous la direction des Ponts et chaussées, à partir de l'étude de leur revue technique depuis sa première parution en 1831 jusqu'à l'irruption de l'automobile qui bouleverse les techniques routières. Depuis les années 1820, une politique de rénovation routière est menée à l'échelle nationale avec pour but non seulement de réparer, mais surtout de garantir sur le long terme la conservation des routes, grace à la mise en place du macadam et de l'institution des cantonniers. Jusqu'en 1850, les ingénieurs débattent donc âprement des gestes que ces ouvriers doivent réaliser quotidiennement. Ils cherchent également à déterminer la formule mathématique qui relie l'usure ordinaire de la chaussée à la circulation, pour décider la répartition des crédits à partir de critères objectifs. L'ampleur des débats s'atténue ensuite et la recherche se focalise sur la définition de l'équation, en incorporant dans le calcul les propriétés du matériau utilisé. La science routière connaît une nouvelle audience à partir de 1880 autour des problèmes liés à la densité de la circulation urbaine. Son coût prohibitif pour les villes montre les premières limites du macadam. Au tournant du siècle, une grande enquête nationale invalide les équations utilisées pour estimer les frais d'entretien, réduisant à néant l'espoir de bâtir une science des routes autour de ce revêtement. Ainsi, tout au long du XIXe siècle c'est autour de la question de sa maintenance que les ingénieurs cherchent à ériger la science des routes, concevant la route comme le produit de son entretien.
    This article analyses the scientific debates that accompanied the development of the French road network during the 19th century under the direction of the Ponts et Chaussées, based on the study of their technical journal from its first publication in 1831 until the arrival of the automobile, which disrupted road techniques. Since the 1820s, a nationwide policy of road renovation has been pursued with the aim not only of repairing, but above all of ensuring the long-term preservation of the roads, thanks to the introduction of tarmac and the institution of roadmenders. Until 1850, the engineers therefore debated harshly about the actions that these workers had to perform on a daily basis. They also tried to determine the mathematical formula linking ordinary road deterioration to traffic, in order to base the distribution of funds on objective criteria. The extent of the debate then diminishes and research focuses on defining the equation, incorporating the quality of the material used into the calculation. From 1880 onwards, road science was revived to address th e problems associated with the density of urban traffic. Its prohibitive cost for cities showed the first limits of tarmac. At the turn of the century, a major national survey invalidated the equations used to estimate maintenance costs, thereby dashing the hopes of a road science built around this coating. Thus, throughout the 19th century it was around the question of its maintenance that engineers sought to build the science of roads, thus conceiving the road as the product of its maintenance.
  • Maintenir ou régénérer ? Comment les opérateurs abordent le « rattrapage » des infrastructures ferroviaires en île de France - Yassine Khelladi p. 90-106 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
    L'article analyse la notion de rattrapage des infrastructures à partir d'un croisement entre l'observation empirique d'un programme ferroviaire et l'étude du champ théorique des maintenance & repair studies. Il interroge en particulier la notion de « régénération », terme spécifique utilisé par le gestionnaire français d'infrastructure ferré SNCF Réseau dans le cas de l'Île-de-France. L'objectif de cette recherche est de montrer que l'usage du mot régénération englobe, au-delà de la mise à jour technique, une promesse de remise en ordre des interfaces critiques entre infrastructures, territoires et gouvernance, mais que cette perspective plus que technique peine à se mettre en place. Le cas d'étude correspond au RER C, une longue ligne de train de banlieue soumise à un vieillissement prononcé de ses matériels et équipements et à une dégradation assez importante de son «niveau de service», c'est-à-dire de sa fiabilité et de sa ponctualité. La méthode de recherche s'appuie sur une trentaine d'entretiens semi-directifs réalisés auprès d'acteurs de la ligne (techniciens comme décideurs), et d'un corpus de documents de planification. L'article introduit en premier lieu le cadre empirique et théorique. Il montre dans une deuxième partie comment SCNF Réseau, engagé dans un cadre institutionnel très contraint, construit le terme de régénération pour individualiser ce domaine d'activité du champ de la maintenance ferroviaire. Enfin, dans une troisième partie, il montre que la régénération apporte de nouvelles fragilités et qu'elle peine à répondre à des enjeux socio-territoriaux plus larges.
    The article analyzes the notion of infrastructure catch-up from a cross between the empirical observation of a railway program and the study of the theoretical field of maintenance & repair studies. It questions the notion of “regeneration”, a specific term used by the French rail infrastructure manager SNCF Réseau in the case of Île-de-France. The objective of this research is to show that the use of the word regeneration encompasses, beyond the technical update, a promise of reorganization of the critical interfaces between infrastructures, territories, and governance, but that this perspective more than technique is struggling to set up. The case study corresponds to the RER C, a long suburban train line subject to pronounced aging of its materials and equipment and to a fairly significant degradation of its “level of service”, i.e. its reliability and punctuality. The research method is based on around thirty semi-directive interviews carried out with line actors (technicians as well as decision-makers), and a corpus of planning documents. The article first introduces the empirical and theoretical framework. It shows in a second part how SCNF Réseau, involved in a very constrained institutional framework, constructs the term regeneration to individualize this area of activity from the field of railway maintenance. Finally, in a third part, it shows that regeneration brings new fragilities and that it struggles to respond to broader socio-territorial issues.
  • Comment faire compter le patrimoine infrastructurel ? - Jacques Rapoport, Roman Solé-Pomies, Daniel Florentin, Jérôme Denis p. 107-113 accès libre
  • La gratuité des transports. Une idée payante ?, Observatoire des villes du transport gratuit, Vanessa Delevoye, Sophie Hasiak, Maxime Huré, Claire-Marine Javary, Arnaud Passalacqua, Philippe Poinsot et Julie Vaslin, Lormont, Le Bord de l'eau, « Documents », 2022, 127 p. - Gaëtan Mangin p. 114-116 accès libre
  • Vers une vie sans voiture ; Habitudes en mouvement, Alexandre Rigal, Métis Presses, 2020, 176 p. - Pierre Zembri p. 117-118 accès libre
  • Quo vadis rider. La lotta umana e sindacale dei ciclofattorini, Maria Matilde Bidetti, Carlo De Marchis Gómez et Sergio Vacirca (dir.), Rome, Futura, 2022, 233 p. - Denis Bocquet p. 119-120 accès libre