Contenu du sommaire : Un monde végane
Revue | Etudes rurales |
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Numéro | no 210, 2022/2 |
Titre du numéro | Un monde végane |
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- Un monde végane : pour quoi et pour qui ? - Jocelyne Porcher p. 8-17
- Les origines axiologiques du véganisme contemporain - Marianne Celka p. 18-35 Le propos de ce texte concerne les origines axiales (entendons les lignes directrices) et axiologiques (relatives aux valeurs) du véganisme. Nous souhaitons ici éclairer les grandes structures idéelles du véganisme, c'est-à-dire les axes argumentatifs autour desquels se déploient les valeurs depuis les origines du mouvement mais aussi montrer comment elles subsistent dans ses manifestations contemporaines. Les logiques discursives mobilisées à travers une succession de textes théologiques, philosophiques, hygiénistes et politiques, avant même que le néologisme n'apparaisse, traduisent les principaux motifs qui soutiennent et organisent encore le mouvement. Les repérer permet de comprendre en partie la complexité du discours végane et la manière dont il acquiert aujourd'hui une force de conviction remarquable.This article considers the axial (understood as guidelines) and axiological (referring to values) origins of veganism. We aim to highlight veganism's conceptual structures, the argumentative axes around which values have emerged since the beginning of the movement, as well as showing how they subsist, in explicit or residual ways, in their contemporary manifestations. The discursive reasoning employed across a succession of theological, philosophical, hygienic, and political texts, even before the neologism appeared, translate the main motives that still underpin and organise the movement. Identifying these motives allows us to partially understand the complexity of vegan discourse and how it has acquired a remarkable persuasiveness today.
- Engager son corps pour les animaux : Plaisir et santé dans l'exercice d'un régime végane - Sébastien Mouret p. 36-57 À partir d'une enquête en France et en Écosse, l'article met en lumière la manière dont les véganes engagent leur corps pour les animaux dans leur quotidien alimentaire. Devenir végane n'est pas un allant de soi, mais implique un travail de soi prenant comme objet ses plaisirs et sa santé. L'alimentation est un art de se gouverner par lequel les véganes incarnent un dégoût moral pour les nourritures animales et cultivent un goût pour les nourritures végétales par des techniques de soi. Par ailleurs, ce travail moral n'est pas sans conséquences négatives sur la socialité et la santé des véganes. Le relâchement et le renoncement sont des pratiques de préservation de soi, qui participent d'une re-composition identitaire.Based on a survey carried out in France and Scotland, this article sheds light on how vegans make a commitment regarding their daily eating habits in the interests of animals. Becoming a vegan is not a matter of course but involves a process of personal development that addresses life's pleasures and one's health. Eating is a form of self-control: vegans embody a moral disgust for animal products and cultivate a taste for plant-based foods through technologies of the self. This moral labour may have negative consequences for a vegan's sociality and health. Letting go and giving up are practices of self-preservation that contribute to reshaping one's identity.
- Les régimes végétaliens en question : Apports et risques de ces modes alimentaires - Jean-Michel Lecerf p. 58-79 L'alimentation végétalienne est un mode alimentaire qui exclut tous les produits d'origine animale. Il a quelques atouts sur le plan nutritionnel avec des apports accrus en potassium, magnésium, vitamines C, B9 et E, fibres, caroténoïdes et polyphénols, en raison d'un apport plus élevé en produits végétaux ; mais il induit un risque de déficit en vitamine D, en acides gras oméga 3 à longue chaine, en calcium, fer, zinc, iode, et un risque majeur de carence en vitamine B12. Sur le plan de la santé, il réduit le risque cardiométabolique mais augmente fortement le risque d'ostéoporose et de fractures. Il peut induire des troubles neuropsychiques et hématologiques sévères liés à la carence en vitamine B12. Il doit être déconseillé chez les femmes enceintes et allaitantes, les nourrissons, les adolescents et les personnes âgées.A vegan diet is a dietary pattern that excludes all animal products. From a nutritional perspective, an increased consumption of plant-based foods has some advantages including a higher intake of potassium, magnesium, vitamins C, B9 and E, fibres, carotenoids, and polyphenols. However, it is also associated with a major risk of vitamin B12 deficiency, in addition to deficiencies of vitamin D, long-chain omega-3 fatty acids, calcium, iron, zinc, and iodin. In terms of health, a vegan diet decreases the cardiometabolic risk but greatly increases the risk of osteoporosis and fractures. A vitamin B12 deficiency can also lead to severe neurological, psychological, and haematological disorders. Pregnant and breastfeeding people, infants, adolescents, and elderly adults therefore should be advised against adopting vegan diets.
- Gary Francione et les animaux de compagnie : Dynamique d'une aporie - Jocelyne Porcher p. 80-97 L'article vise à éclairer les contradictions de la théorie abolitionniste et végane du juriste américain, Gary Francione, notamment connu pour la radicalité de ses positions morales. Pourtant, l'injonction « go vegan » (sois végane) qu'il propose à nos contemporains, à partir de son propre exemple, comporte bien des failles. Le véganisme, en effet, est supposé concerner l'ensemble de la vie quotidienne. Il s'agit de ne pas contribuer – dans la mesure du possible – à « l'exploitation » des animaux. L'article part d'une contradiction aussi flagrante que répandue à cet objectif, celle de la relation aux animaux de compagnie. Le « go vegan » est rendu compatible avec la compagnie des chiens ou des chats à l'appui d'arguments qui font l'impasse sur la question du travail et donc du sens de nos liens aux animaux.This article aims to shed light on the contradictions within the abolitionist veganism of American law professor Gary Francione who is known for his radical moral positions. His demand that we should all follow his example and go vegan has many flaws. Veganism is supposed to address all aspects of daily life. Wherever possible, vegans should not contribute to the “exploitation” of animals. This article focuses on a clear and widespread contradiction within this aim: our relationship to pets. Veganism is made compatible with keeping dogs or cats based on arguments that overlook the question of work and therefore the nature of our relationship to animals.
Varia
- Enquête sur une disparition : Le selvatico, les sangliers, les chasseurs et leurs femmes (Toscane) - Andrea Zuppi p. 98-115 Comme dans d'autres régions d'Europe occidentale, les chasseurs du village de M., en Toscane (Italie) ont longtemps pensé que certains animaux étaient porteurs d'une substance appelée selvatico (littéralement « sauvage »), qui rendait leur viande immangeable. Pourtant, ils remettent en cause son existence et pensent qu'il n'existe plus. Cet article entend expliquer les raisons de sa disparition. En effet, le selvatico n'est pas seulement une substance : il est un réseau reliant les hommes, les femmes, les sangliers et l'espace. Les profonds changements sociaux et écologiques survenus en Toscane au long du xxe siècle pourraient bien avoir modifié les rapports à la nature, aux sangliers et à la chasse, entraînant ainsi la disparition du selvatico.As in other parts of Western Europe, hunters in the village of M. in Tuscany (Italy) have long thought that certain animals carried a substance called selvatico (literally "wild"), which made their meat inedible. Nowadays however, they question its existence and believe that it no longer exists. This article aims to explain the reasons for its disappearance. Indeed, the selvatico is not only a substance: it is a network linking men, women, wild boars and space. The profound social and ecological changes that occurred in Tuscany during the 20th century modified the relationship with nature, wild boar and hunting, leading to the disappearance of selvatico.
- Devenir Henri Lefebvre : Enjeux d'une reconnaissance scientifique en sociologie rurale (années 1940-1950) - Dylan Simon p. 116-140 À partir d'archives jusque-là inexploitées, le présent article montre comment la carrière scientifique d'Henri Lefebvre (1901-1991) s'est construite dans les années 1940 et 1950 ; comment précisément le sociologue a tenté d'acquérir une compétence et une autorité en sociologie rurale. L'auteur discute les positions théoriques de Lefebvre et analyse sa trajectoire savante. Il examine autant les processus de légitimation – participation au Centre d'études sociologiques, investissement en sociologie rurale, soutenance de thèses de doctorat ès lettres – que les difficultés rencontrées pour obtenir cette reconnaissance.Drawing on hitherto unexplored archives, this article shows how Henri Lefebvre (1901-1991) built his academic career in the 1940s and 1950s. In particular, it traces how the sociologist tried to develop his expertise and gain authority in rural sociology. By discussing Lefebvre's theoretical positions and analysing his academic trajectory, it examines both processes of legitimisation – joining the Centre d'études sociologiques, dedicating his research to rural sociology, defending his doctoral thesis – and the difficulties the sociologist encountered to gain recognition.
- Enquête sur une disparition : Le selvatico, les sangliers, les chasseurs et leurs femmes (Toscane) - Andrea Zuppi p. 98-115
Comptes rendus
- Philippe Artières, Le peuple du Larzac. Une histoire de crânes, sorcières, croisés, paysans, prisonniers, soldats, ouvrières, militants, touristes et brebis… - Mahaut Cazals p. 142-144
- Pierre Deffontaines, L'homme et sa maison - Marie-Claude Maurel p. 145-146
- Dominique Ganibenc, Vin et architecture dans l'ancien Languedoc-Roussillon. Des châteaux aux coopératives : l'épopée du monde vitivinicole depuis les années 1860. T. 1 : De la genèse aux maîtres d'œuvre. T. 2 : Typologie, architecture, patrimoine et œnotourisme - Jacques Lauze p. 147-149
- Christophe Granger, Laurent Le Gall et Sébastien Vignon (dir.), Voter au village, les formes locales de la vie politique, XXe-XXIe siècles - Ivan Chupin p. 150-153
- Margot Lyautey, Léna Humbert et Christophe Bonneuil (dir.), Histoire des modernisations agricoles au XXe siècle - Niccolò Mignemi p. 153-157
- Jean-Pierre Olivier de Sardan, La revanche des contextes. Des mésaventures de l'ingénierie sociale, en Afrique et au-delà - Volker Stamm p. 157-160
- Adam M. Romero, Economic poisoning. Industrial waste and the Chemicalization of American agriculture - Laurent Herment p. 160-163