Contenu du sommaire : Material Constraints
Revue | ABE Journal : European architecture beyond Europe |
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Numéro | no 23, 2024 |
Titre du numéro | Material Constraints |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
- Editorial - Tania Sengupta, Johan Lagae, Sarah Melsens, Ricardo Costa Agarez
Dossier: Material Constraints
- Swimming in an ocean of materials - Monika Motylińska, Robby Fivez, María Ignacia Jeldes Olivares, Paul Sprute
- Becoming Concrete: Materiality and Water Infrastructure in Colonial South Asia - Gauri Bharat, Bhavya Jain Depuis le milieu du XIXe siècle en Asie du Sud, les ingénieurs coloniaux ont expérimenté l'utilisation du béton pour des projets de construction, dans un contexte de production de nouvelles infrastructures accompagnant les débuts de l'industrie moderne de la construction. Dans cet article, on étudie plus particulièrement les infrastructures hydrauliques en béton en tenant compte des défis posés par l'introduction de toute structure dans l'eau. Par exemple, les piliers placés au milieu de courts d'eau à fort débit peuvent en modifier le tracé et le courant, avec des répercussions sur la structure immergée elle-même. Pour faire face à ces incertitudes, la technique du béton a énormément varié, contrairement à la pratique relativement standardisée d'aujourd'hui. À travers une analyse granulométrique de projets d'infrastructure tels que des brise-lames et des fondations de ponts, de la fin du XIXe au début du XXe siècle, on analyse les expérimentations locales en matière de construction en béton avec des contraintes et dans des contextes matériels, hydrologiques, topographiques et de main d'œuvre inconnus au préalable sur chaque site. On montre que les caractéristiques fondamentales de la technique du béton, des processus chimiques aux processus de construction et au comportement structurel, sont elles-mêmes apparues comme des contraintes, et que les constructeurs ont eu recours à des stratégies et des mises en œuvre différentes selon les circonstances. Du fait de ces improvisations constantes il est compliqué de retracer l'histoire des transferts de technologies entre l'Occident et ses colonies. En conclusion, la traduction des propriétés physiques du béton dans ces projets de construction en Asie du Sud, ne pouvaient être qu'improvisée, diversifiée et localisée.Since the mid-19th century, engineers in colonial South Asia experimented with concrete in building and infrastructural projects as the production of new infrastructures was leading to the genesis of the modern construction industry. In this paper, we analyse the use of concrete in water infrastructures amidst challenges posed by introducing any structure in and under water. For example, piers on the beds of fast flowing rivers altered the behaviour of both the water flow and water beds, which in turn affected the structure itself. In dealing with these uncertainties, the use of concrete vastly varied, unlike the relatively standardized practice today. Through a granular analysis of the construction of infrastructural projects like breakwaters and bridge foundations, from the late 19th to the turn of the 20th century, we analyse how concrete was locally improvized within the constraints of unfamiliar material, hydrological, topographical, and labour contexts in each site. We argue that the basic attributes of concrete technology, from chemical processes to construction processes and structural behaviour, themselves emerged as constraints and the builders resorted to alternative strategies and courses of action in each circumstance. The constant improvisations complicate the narrative of colonial technological circulation between the colonies and the West. We conclude that the material particularities of concrete made its translation across South Asian building projects improvisational, diverse, and localized.
- Accelerating Development: Taylor Woodrow and Arcon's Prefabricated Steel Structures in Decolonizing West Africa - Ewan Harrison, Rixt Woudstra, Iain Jackson Cet article traite du système Arcon, un ensemble de structures métalliques préfabriquées modulables utilisées pour la construction d'usines et d'entrepôts, qui a accompagné le développement industriel du Ghana, du Nigeria et de la Sierra Leone dans les années 1950 et 1960. Créé à l'origine pour les logements d'urgence en Grande-Bretagne pendant la Seconde Guerre mondiale, le système Arcon a été commercialisé avec succès dans les colonies d'Afrique de l'Ouest dans l'immédiate après-guerre, sous l'impulsion de son distributeur : l'entreprise britannique Taylor Woodrow. Ces hangars en acier, recouverts de plaques d'amiante ou de matériaux locaux, sans caractéristique de conception particulière, ont fourni des structures très adaptées à l'exploitation des ressources en contexte colonial. Le système Arcon permettait de concilier deux types de contraintes : temporelles, du fait des Indépendances imminentes ; et matérielles, liées à la construction de bâtiments dans la région, et à la main d'œuvre nécessaire ; c'est selon nous la clé de son succès. Le cas du système Arcon montre que des projets de développement mis en place en prévision de la décolonisation se sont non seulement avérés rentables pour des entrepreneurs britanniques comme Taylor Woodrow, mais aussi que les pratiques commerciales et les flux de matériaux qui ont façonné l'environnement bâti pendant la colonisation ont persisté durant la période postcoloniale qui a immédiatement suivi.This article examines the Arcon system, a flexible prefabricated steel structure used for the construction of factories and warehouses that accompanied industrial development in Ghana, Nigeria, and Sierra Leone during 1950s and 1960s. While initially created for emergency housing in Britain during World War II, the Arcon system was successfully marketed across the West African colonies in the immediate post-war period, largely through the backing of a British-owned contracting firm, Taylor Woodrow. Although not distinctive designs, these steel sheds, clad with asbestos sheets or local materials, were highly efficient structures that supported and enabled a system of colonial resource extraction. The Arcon system, we argue, was successful because it mediated between two sets of constraints: the temporalities created by the impending timetable of independence, and the material constraints on the production of architecture in the region, including the labor required. Through this examination of the Arcon system, we show that the developmental projects instituted as a prelude to decolonization proved profitable for British contractors like Taylor Woodrow, but also that business practices and material flows shaping the built environment under colonialism persisted into the immediate post-colonial period.
- Unsettled Modernization: Soviet Historiography on the Mongolian Ger, 1935-1980 - Ksenia Litvinenko La période socialiste a donné lieu à une rencontre inédite entre modernisme et construction vernaculaire, dans un contexte de sédentarisation des pasteurs nomades, de collectivisation, et d'urbanisation de la République populaire de Mongolie, avec l'aide de l'Union soviétique et du COMECON. Cet article analyse l'évolution de l'historiographie soviétique relativement au ger mongol : une habitation portable construite par soi-même à partir d'une structure en bois et enveloppée de feutre ou d'autres matériaux pour l'isolation. En reconstituant les hiérarchies de connaissances et les différentes approches proposées par les architectes, les universitaires et les fonctionnaires mongols et soviétiques entre 1935 et 1980, on met en lumière le rôle joué par cette historiographie au sein de l'idéologie plus large de « modernisation de l'État socialiste ». On montre en particulier l'instrumentalisation du ger comme canon du Réalisme socialiste « national » mongol après la destruction des monastères bouddhistes, et son utilisation comme variable d'ajustement, entre promesses de progrès, retards dans la fourniture de logements, et contraintes matérielles dans le développement des coopératives d'élevage de l'État. L'article décrit comment le ger réifié est mis au service de la mobilisation ethno-nationaliste visant à faire converger les conceptions soviétiques et mongoles des futures mobilités urbaines, via le trope de "l'héritage nomade partagé".In the state socialist period, a unique relationship unfolded between modernism and vernacular construction, particularly in the context of the Soviet- and COMECON-aided collectivisation of mobile pastoralism and urbanisation in the Mongolian People's Republic. This paper examines the transformation of Soviet historiography on the Mongolian ger—a portable self-made dwelling assembled from a wooden frame and wrapped in felt or other materials for insulation. Reconstructing the knowledge hierarchies and changing framings of ger offered by Mongolian and Soviet architects, scholars and government officials between 1935 and 1980, the article highlights the role this historiography played in the broader ideology of state socialist modernisation. Particularly, the paper demonstrates how histories of ger allowed the construction of Mongolian “national” socialist realist canon after the destruction of Buddhist monasteries and how it balanced promises of progress with housing provision delays and material constraints in the development of state-sponsored herding collectives. Finally, the paper retraces the reification of ger for ethnonationalist mobilisation aimed to align future visions of Soviet and Mongolian mobile urbanisms via the trope of “shared nomadic heritage”.
- Projected traditions? Tracing an East German-Cuban Collaboration in Loam and Soil Cement Construction in Havana-Cocosolo - Juliane Richter, Alfonso Alfonso González Cet article retrace l'histoire de la construction de la "Maison expérimentale de Cocosolo" à La Havane, une entreprise collaborative impliquant des participants est-allemands et cubains. Ce projet singulier a été conçu en 1989-90, alors que disparaissait la RDA, pour servir de prototype à une "technologie d'auto-construction" avec des matériaux locaux. Une étape cruciale fut la recherche du matériau de construction le plus approprié, ayant abouti au choix du loam (un mélange d'argile, de boue, de sable et d'agrégats comme le gravier, qui ne nécessite pas de liant) et du sol-ciment (un mélange de terre locale et de ciment, le ciment faisant office de liant). Plusieurs obstacles ayant empêché l'achèvement du projet à la date prévue, il a été terminé après le départ du groupe est-allemand de Weimar, dans le cadre d'un programme d'auto-construction local spécifique à Cuba. L'histoire du projet Cocosolo est tissée d'expérimentations, d'adaptations et de conséquences inattendues. On y retrouve notamment le discours socialiste sur la pénurie de matériaux —et le manque réel de matériaux de construction dans le contexte cubain. Dans cet article, basé sur des recherches en archives à Cuba et en Allemagne ainsi que sur des études de sites, on décrypte les attentes des partenaires allemands expérimentant le loam à l'étranger, ainsi que celles de leurs homologues cubains, avec un focus sur les utilisations locales de la technique du sol-ciment. Enfin, pour mieux comprendre comment la tradition de la construction en terre s'est imposée à Cuba, on analyse le choc produit entre ces différentes attentes sur le chantier de construction.This article unveils the history of constructing the "Cocosolo Experimental House" in Havana, a collaborative endeavor involving East German and Cuban participants. This singular project was designed around 1989-90, in parallel with the end of the GDR, to serve as a prototype for “self-construction technology” making use of local soil. A crucial step in the development process of this project was the search for the most suitable construction material, ultimately leading to a choice between loam (a mixture of clay, silt, sand, and aggregates such as gravel, which does not require an additional binder) and soil cement (a mixture of local soil and cement, while cement works as binder). Although several obstacles prevented the project from being completed as planned, it was finished after the East German group from Weimar left within the framework of Cuba's specific local self-construction system. The history of the Cocosolo project unfolds as a tapestry of experimentation, adaptation, and unintended consequences. It addresses both the socialist discourse regarding material scarcity—and the actual lack of construction materials in the Cuban context. In our article, based on archival research in Cuba and Germany as well as site surveys, we unpack the expectations of the German partners experimenting with loam abroad, as well as those of the Cuban actors, focusing on the local uses of soil cement technology. Finally, to nuance the understanding of how a Cuban loam-building tradition was imposed, we analyze the clash of expectations at the construction site.
- ¿Tradiciones proyectadas? Rastreando una colaboración entre Alemania Oriental y Cuba en la construcción con barro y cemento en La Habana-Cocosolo - Juliane Richter, Alfonso Alfonso González
- “Addiction to cement.” Narratives and Strategies for Tackling the Lack of Cement in Sub-Saharan Africa (1920s-1980s) - Monika Motylińska, Robby Fivez Cet article s'appuie sur de précédentes recherches sur les cimenteries en tant que méta-infrastructures pour interroger les contraintes matérielles liées à la production de ciment en Afrique sub-saharienne au cours d'un long vingtième siècle. Le manque de ciment, réel ou perçu, dans différents contextes locaux et temporalités, à la fois dans les périodes coloniale et postcoloniale, sert de fil conducteur. On se concentre sur trois moments et trois contextes régionaux différents, pour examiner et questionner le thème récurrent d'une demande sans cesse croissante en liant pour le béton et en matériaux pour produire des blocs de ciment. Les exemples étudiés sont tous liés à l'utilisation d'équipements et de procédés de conception allemande par des acteurs mondiaux tels que G. Polysius ou Philipp Holzmann AG ; ce qui permet de dépasser les circulations impériales habituelles entre anciennes colonies dépendantes de la métropole. On considère les contextes tant capitalistes que socialistes afin de comprendre comment la dépendance au ciment est apparue, pour devenir une « addiction » généralisée.In this paper, we build upon our previous investigations on cement plants as meta-infrastructure to inquire about material constraints related to cement production in Sub-Saharan Africa across the long twentieth century. To this avail, we follow the common thread of the—actual or perceived—lack of cement in different local contexts and temporalities, in both the colonial and postcolonial periods. By focusing on three different moments in time and three different regional contexts, we scrutinize and question the recurring theme of the constantly rising demand for the binder of concrete and the material used to produce cement blocks. All the examples we discuss are connected by the use of German machinery and design by global players such as G. Polysius or Philipp Holzmann AG. This enables us to move beyond the usual imperial trajectories of dependency between the (former) colony and the metropole. We consider both capitalist and socialist-leaning settings in order to understand how the dependency on cement came about and became a widespread “addiction.”
Documents/Sources
Dissertation abstracts
Reviews
- Imperial malaise - Will Davis
- Michael Falser (ed.), Picturesque Modernities: Architectural Studies in Global Regionalism (1890-1950) - Ricardo Costa Agarez