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Revue Métropoles Mir@bel
Numéro no 34, 2024
Texte intégral en ligne Accessible sur l'internet
  • Varia

    • Violence et précarisation du logement populaire à Medellín, l'accumulation prédatrice comme matrice de la production urbaine - Keisha Corantin accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Au Nord comme au Sud, les politiques de rénovation et d'intégration urbaine témoignent de la marchandisation croissante des territoires populaires. La littérature scientifique insiste sur les processus de gentrification et de déplacements de population associés à ces dynamiques, et interroge alors la production violente de l'espace urbain essentiellement à travers l'action de l'Etat et des promoteurs privés. Eclairant une zone d'ombre de cette discussion, cet article propose d'étudier les formes de violence et de mise en marché opérant dans les circuits informels de la production urbaine et portées par d'autres acteurs, à travers une figure émergente des marchés fonciers et immobiliers en Amérique latine : les groupes armés illégaux. À l'aune de la capture récente du marché foncier informel par les organisations criminelles de Medellín, l'article analyse la manière dont les droits fonciers sont distribués, légitimés, ou contestés à l'échelle locale. Nous soutenons que le contrôle des groupes armés se traduit par la mise en œuvre violente d'une prédation foncière qui redéfinit les formes de valorisation foncière, d'accès à la terre, et d'habiter dans les quartiers populaires, faisant de l'accumulation prédatrice une matrice de la production urbaine.
      In both North and South, urban renewal and integration policies testify to the growing commodification of popular territories. The scientific literature emphasizes the processes of gentrification and population displacement associated with these dynamics, and questions the violent production of urban space primarily through the actions of the state and private developers. Shedding light on a blind spot in this discussion, this article proposes to study the forms of violence and commodification operating in the informal circuits of urban production and carried out by other actors, by studying an emerging figure in urban production in Latin America: illegal armed groups. In light of the recent capture of the informal land market by criminal organizations in Medellín, the article analyzes how land rights are distributed, legitimized or contested at the local level. We argue that the control of armed groups translates into the violent implementation of land predation that redefines forms of land valorization, access to land, and dwelling in popular neighborhoods, thus establishing predatory accumulation as the matrix of urban production.
    • Violence and precarization of popular housing in Medellín, predatory accumulation as the matrix of urban production - Keisha Corantin accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Au Nord comme au Sud, les politiques de rénovation et d'intégration urbaine témoignent de la marchandisation croissante des territoires populaires. La littérature scientifique insiste sur les processus de gentrification et de déplacements de population associés à ces dynamiques, et interroge alors la production violente de l'espace urbain essentiellement à travers l'action de l'État et des promoteurs privés. Éclairant une zone d'ombre de cette discussion, cet article propose d'étudier les formes de violence et de mise en marché opérant dans les circuits informels de la production urbaine et portées par d'autres acteurs, à travers une figure émergente des marchés fonciers et immobiliers en Amérique latine : les groupes armés illégaux. À l'aune de la capture récente du marché foncier informel par les organisations criminelles de Medellín, l'article analyse la manière dont les droits fonciers sont distribués, légitimés, ou contestés à l'échelle locale. Nous soutenons que le contrôle des groupes armés se traduit par la mise en œuvre violente d'une prédation foncière qui redéfinit les formes de valorisation foncière, d'accès à la terre, et d'habiter dans les quartiers populaires, faisant de l'accumulation prédatrice une matrice de la production urbaine.
      In both North and South, urban renewal and integration policies testify to the growing commodification of popular territories. The scientific literature emphasizes the processes of gentrification and population displacement associated with these dynamics, and questions the violent production of urban space primarily through the actions of the state and private developers. Shedding light on a blind spot in this discussion, this article proposes to study the forms of violence and commodification operating in the informal circuits of urban production and carried out by other actors, by studying an emerging figure in urban production in Latin America: illegal armed groups. In light of the recent capture of the informal land market by criminal organizations in Medellín, the article analyzes how land rights are distributed, legitimized or contested at the local level. We argue that the control of armed groups translates into the violent implementation of land predation that redefines forms of land valorization, access to land, and dwelling in popular neighborhoods, thus establishing predatory accumulation as the matrix of urban production.
    • D'un engagement à l'échelle communale à un militantisme intercommunal : la professionnalisation d'une association de défense de l'environnement - Elodie Dupuit accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      L'émergence de l'intercommunalité comme nouvel espace de mobilisation pour les associations locales périurbaines et les effets de ce changement d'échelle sur le fonctionnement des associations, en particulier sur leur professionnalisation, demeurent des sujets peu étudiés. Cet article s'appuie sur une enquête qualitative menée au sein d'une association de défense de l'environnement, située dans le quadrant sud-est du périurbain lyonnais, et qui se mobilise, entre autres, pour le développement du vélo comme moyen de transport quotidien. Dans le périurbain, l'intercommunalité se constitue comme une nouvelle échelle de dialogue et d'action pour les associations locales, à laquelle s'ajoute un ancrage communal, qui reste déterminant dans les actions de l'association. Ce passage à l'échelle intercommunale permet l'embauche de salariés par l'association et entraîne une demande de montée en compétences de l'association.
      The emergence of inter-communal institutions as a mobilisation platform for the local peri-urban organisations, together with the effects of the intercommunal re-scaling on the organisations, in particular their professionalisation, remain subjects to be explored. This paper presents the findings of field research within an environmental organisation in peri-urban Lyon, France. This organisation aims to develop cycling as a viable daily transport alternative. In peri-urban areas, inter-communal institutions become a new scale of dialogue and action for local organisations. Nevertheless, communal anchoring still plays an important role in the organisation's actions. This inter-communal re-scaling allows the organisation to hire employees and leads to a demand for skills in the organisation.
    • « La plaine est morte et la ville la mange » : l'urbanisation planétaire vue de l'arrière-pays rural de Rabat-Salé-Témara (Maroc) - Maryame Amarouche, Max Rousseau, Kawtar Salik accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Au Maroc, pays profondément touché par la métropolisation, les zones agricoles situées à la périphérie des grandes villes subissent de rapides transformations économiques, sociales et paysagères. Ces changements sont particulièrement critiques pour le pays où l'agriculture et, plus généralement, la « ruralité » gardent une importance vitale. Au croisement du rural et de l'urbain, les périphéries sont prises entre une approche néolibérale, qui au nom de l'accumulation renforce l'assèchement des campagnes et l'étalement urbain, et une approche autoritaire, qui vise à préserver l'ordre social et politique impliquant de garder un œil sur la communauté rurale qui a traditionnellement soutenu le régime. Pour explorer cette contradiction, nous nous intéressons à la conurbation de Rabat-Salé-Témara. La première partie s'intéresse aux rapports de force entre les principaux acteurs de l'aménagement du territoire, afin d'analyser les contradictions affectant la fabrique des espaces périphériques. La deuxième partie expose les conséquences de ces rapports de force à travers les modèles de la ville nouvelle (Tamesna) et du grand projet (Bouregreg). La dernière partie analyse les enjeux de la reconfiguration des politiques étatiques face aux mutations produites par l'extension urbaine, en enquêtant dans deux communes rurales de deuxième couronne : Shoul et Sidi-Yahya-des-Zaërs (ZYS).
      In Morocco, a country deeply affected by metropolisation, agricultural areas located on the outskirts of large cities are undergoing rapid economic, social and landscape transformations. These changes are particularly critical for a country where agriculture and, more generally, “rurality” remain of vital importance. At the intersection of the rural and the urban, the peripheries are caught between a neoliberal approach, which in the name of accumulation reinforces the draining of the countryside and urban sprawl, and an authoritarian approach aimed at preserving the social and political order, which involves keeping an eye on the rural community that has traditionally supported the regime. To explore these contradictions, we focus on the Rabat-Salé-Témara conurbation. The first part focuses on the power relations between the main spatial planning actors, in order to analyse the contradictions affecting the construction of peripheral spaces. The second part exposes the consequences of these power relations through the models of the new city (Tamesna) and the large-scale projects (Bouregreg). The last part analyses the challenges of the reconfiguration of state policies in the face of the mutations produced by urban expansion, by investigating two rural communes in the second-ring suburbs: Shoul and Sidi-Yahya-des-Zaërs (ZYS).
    • L'embourgeoisement, moteur du changement social en banlieue populaire au tournant du XXIe siècle - Pauline Clech accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Depuis la désindustrialisation, la question du changement social en banlieue populaire alimente une abondante littérature sociologique. À la suite des recherches françaises récentes étudiant la dimension spatiale des rapports sociaux, cet article propose une clarification conceptuelle des catégories sociologiques pour analyser le changement social « par le haut » en banlieue populaire. À partir d'une analyse statistique et cartographique du changement social affectant l'espace de la première couronne parisienne au début du XXIe siècle, cet article invite à sortir du binarisme pour analyser les transformations sociales en cours, ainsi qu'à distinguer les processus de gentrification (mineur) et d'embourgeoisement (majeur). Ce faisant, l'article montre l'utilité d'articuler les théories du changement socio-spatial, des classes sociales et de la mobilité sociale, en combinant l'échelle métropolitaine, locale et individuelle. À une analyse classique de la morphologie sociale localisée, il articule celle des stratégies d'accumulation pour stabiliser la position de classe.
      Since deindustrialisation, the question of social change in working-class suburbs has been the subject of a wealth of sociological literature. Following recent French research dealing with the spatial dimension of inequalities, this article proposes a conceptual clarification of the sociological categories used to analyse upward social change in working-class suburbs. Based on a statistical and cartographic analysis of the social change affecting the inner suburbs of Paris at the start of the 21st century, this article invites us to move away from binarism when analysing the social transformations underway, and to distinguish between the processes of gentrification (minor) and embourgeoisement (major). In so doing, the article shows the usefulness of linking the theories of socio-spatial change, social classes and social mobility, by combining the metropolitan, local and individual scales. A classical analysis of localised social morphology is combined with an analysis of accumulation strategies to stabilise class position.
    • Le rendement à tout prix. Produire et gérer le coliving bruxellois en contexte de financiarisation - Charlotte Casier accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      L'article examine comment la financiarisation croissante du marché du logement se matérialise dans les modes de production et de gestion des biens au service d'un rendement élevé et rapide. Mobilisant des méthodes essentiellement qualitatives, il prend comme cas d'étude le coliving bruxellois, niche immobilière qui consiste en la location par des sociétés privées, au sein d'un même bâtiment, de chambres meublées accompagnées d'espaces communs et de services à une clientèle de jeunes expatrié·es. En documentant les stratégies mobilisées à Bruxelles par ces entreprises, la contribution met notamment en lumière les modalités de la financiarisation d'une proportion restreinte mais croissante de l'activité immobilière résidentielle, qui se traduisent par une occupation dense de l'espace, un raccourcissement des délais de production et une réduction du travail de gestion. Elle montre également comment les acteurs de l'immobilier adaptent leurs produits aux contraintes du territoire local pour en tirer profit.
      The article examines how the increasing financialisation of the housing market is materialised in modes of production and management of real estate geared towards high and quick yields. Using mainly qualitative methods, it takes as a case study the Brussels coliving sector - a real estate niche in which private companies rent out furnished rooms in the same building, along with common areas and services, to a clientele of young expatriates. By documenting the strategies of these management companies in Brussels, the paper sheds light on the modalities of the financialisation of a small but growing proportion of the residential real estate sector. This is manifested in the densification of space, the shortening of production times and the reduction of management work. The article also shows how real estate industry adapts its products to the constraints of the local territory in order to take advantage of them.
    • Cohabiter dans une copropriété issue de la vente HLM. Diversification des statuts d'occupation, mixité sociale et rapports de voisinage - Sylvie Fol, Pauline Gali, Matthieu Gimat, Marie Mondain, Hortense Soichet accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Un des objectifs de la vente de logements sociaux est de créer de la mixité sociale à l'échelle des immeubles que les organismes HLM vendent à la découpe à des particuliers. Une fois mis en vente, ces immeubles abritent en effet des ménages restés locataires sociaux et des ménages accédants à la propriété, voire des locataires privés, dont le statut social est fréquemment divers. À partir d'une enquête par entretiens réalisée dans trois immeubles franciliens mis en vente à des dates différentes, nous étudions les rapports de voisinage qui découlent de la vente HLM. Nous proposons pour ce faire une typologie des occupants de ces résidences, croisant leurs trajectoires et leurs projets résidentiels, puis nous nous intéressons à la façon dont s'organisent leurs relations de voisinage et la vie collective au sein de l'immeuble. Nous montrons que les statuts d'occupation semblent moins déterminants dans l'organisation des relations de voisinage des résidences enquêtées que dans d'autres immeubles. Le dispositif de vente HLM contribue en effet à limiter la constitution de groupes sociaux autour de ces statuts, qui ne correspondent que partiellement aux positions sociales des ménages ou à leur ancienneté d'emménagement. L'accroissement, au fil du temps passé depuis la mise en vente, de la proportion des propriétaires et locataires privés contribue néanmoins à rendre temporaire la mixité sociale et semble susceptible de marginaliser les ménages restés locataires HLM.
      In France, social housing sales to households aim to, among other objectives, increase social mix in existing multi-story buildings. Once social housing organisations start selling dwellings in such buildings, occupancy statuses diversify: while some households choose to stay social renters, others become property owners and either keep on living in their home or decide to put it on the private renting market. To better understand neighbourly relations in buildings currently being sold by social housing organisations, we conducted interviews with occupants of three buildings located in the greater Paris region. We establish a typology of residents, taking into account their residential trajectories and projects, before we focus on their relationships with neighbours and the collective life inside each building. We demonstrate that occupancy statuses seem to be less determinant in shaping the neighborhood relations of the surveyed residences compared to other buildings. The social housing sales program indeed limits the formation of social groups around these statuses, which only partially correspond to the households' social positions or length of residence. However, the increase over time in the proportion of homeowners and private tenants since the sales began contributes to making social diversity temporary and appears to marginalize households that remain social housing tenants.
  • Débats, engagements, critiques

    • Les coopératives de logements en Uruguay : habitat social et production sociale de l'habiter - Américo Mariani, Marcelo Pérez Sánchez accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Cet article se penche sur l'expérience de logement coopératif uruguayen, en articulant le cadre d'une pensée matérialiste de l'habiter avec une critique du mode de production capitaliste. Il interroge cette forme de production sociale de l'habitat à la fois comme politique publique, comme mouvement de transformation sociale et comme procès de subjectivation individuelle. Après avoir présenté succinctement le modèle et précisé la réalité actuelle des coopératives, l'article aborde la question du changement social. Il interroge, à travers un entretien avec M. Pérez Sánchez, les questions de fonctionnement et de vie collective, les limites du modèle et pose la question des possibilités ouvertes par celui-ci en termes de centralité populaire.
      This article focuses on the experience of cooperative housing in Uruguay, linking a materialist approach to housing with a critique of the capitalist mode of production. It examines this form of social production of housing as a public policy, as a movement for social transformation and as a process of individual subjectivation. After briefly presenting the model and outlining the current reality of cooperatives, the article turns to the question of social change. In an interview with Mr Pérez Sánchez, it examines the issues of operation and community life, and the limits of the model, and raises the question of the possibilities it opens up in terms of popular centrality.
    • « Fini de jouer ». Entretien sur la sécurité dans les cercles anti-Jeux olympiques et paralympiques Paris 2024 - Myrtille Picaud, Matthieu Adam accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Organisés tous les quatre ans, les Jeux olympiques et paralympiques (JOP) transforment les villes où ils ont lieu et font évoluer les législations des pays qui les accueillent. Les JOP 2024, qui se déroulent à Paris à l'été 2024 ne font pas exception. Leurs effets sont multiples sur les plans économiques, politiques, sociaux et environnementaux. Parce que ces effets peuvent être analysés comme inégalitaires et autoritaires, les JOP sont la cible de critiques et de contestations. Dans cet entretien avec des membres de quatre collectifs mobilisés, à Marseille et à Saint-Denis, contre les JOP de Paris 2024, nous revenons sur la contestation des politiques de sécurité qui les accompagnent, qu'il s'agisse de vidéosurveillance, de contrôle policier ou de militarisation de l'espace. Nous discutons d'abord des formes — collecte d'informations, formation de collectifs, actions — que prend la contestation d'un évènement le plus souvent présenté comme populaire et rassembleur. Nous échangeons ensuite sur la construction des discours critiques des JOP, en France et ailleurs, et plus spécifiquement sur les enjeux de sécurité qui y sont liés. Nous concluons enfin sur l'écho qu'ont rencontré les militant.es, à la fois auprès de la population et des relais médiatiques.
      Every four years, the Olympic and Paralympic Games transform the cities in which they take place. They also drive legislative change in the countries that host them. The Paris 2024 Games are no exception. Their effects are manifold: economic, political, social and environmental. These effects are analysed by some as inegalitarian and authoritarian, and so the Olympic and Paralympic Games are contested and criticised. In this interview, we delve into the contestation of the Olympic security policies, whether it be CCTV, police control or the militarisation of space, with members of four activist groups that are mobilised against the Paris 2024 Games, in Marseille and Saint-Denis. We first discuss what forms protest takes – the gathering of information, the creation of groups, actions – when it targets an event generally presented as being popular and enabling collective unification. We then discuss how critical discourses about the Games, in France and elsewhere, are developed, and more specifically how security issues are involved in this. Finally, we conclude by looking at the reception of the activists' mobilisation, both among the general public and in the media.
  • Symposium autour de Loïc Wacquant, Bourdieu in the City: Challenging Urban Theory